Dictionnaire universel de Furetière/2e éd., 1701/Tome 1/001-010

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Furetière, 1701
Tome 1, pages 001 à 010

pages 011 à 020


DICTIONNAIRE

UNIVERSEL.

Contenant généralement tous les

MOTS FRANÇOIS

tant vieux que modernes, & les

Termes des

SCIENCES ET DES ARTS.

A.


A. Premiere lettre de l’Alphabet François, & de toutes les autres Langues. Elle tient le même rang dans toutes les langues connües, excepté la langue Ethyopique. Dans les langues orientales elle n’est point une voyelle. C’est une consonne muette. Chez les Occidentaux cette lettre prend son nom de l’expression du son qu’elle qu’elle forme en la prononçant. Chez les Grecs on la nomme Alpha ; chez les Hebreux Aleph ; chez les Arabes Aliph ; & chez les Indiens Alephu. C’est la plus ouverte de toutes les voyelles; la plus sìmple , & la plus facile à prononcer. C’est aussi le premier son articulé que la Nature pousse ; le premier cri & le begayement des enfans. Il se prononce quelquefois long, & quelquefois bref. Il y a des règles pour cela ; mais sans s’embarrasser de ces regles, on jugera qu’il est long, quand il sera marqué d’un circonflexe, & bref quand il n’aura pas cet accent ; car ceux qui écrivent exactement, ne manquent jamais d’observer cette différence.

Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numérale qui signifioit 500, comme on voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens rapportez par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est :

Possidet A numéros quingentos ordine recto.

Quand on mettoit un titre ou une ligne droite au dessus de l'A , il signifioit cinq mille. Les Romains l'appelloient lettre salutaire, parcequ’on s’en servoit pour déclarer l’accusé innocent. A vouloit dire absolvo, je l’absous.

Cette lettre a diverses significations. Cependant il en faut éviter la rencontre trop fréquente dans une meme période. Quelquefois cette répétition rend le discours rude & moins agréable.

C’est quelquefois un substantif masculin. Cet A est mal formé. On dit par une façon de parler proverbiale, Il n’a pas fait une panse d’a, pour dire, il n’a rien fait du tout. On dit aussi dans la conversation familière, Il ne sçait ni A ni B, pour exprimer un ignorant.

Ci-dessous gît Mr. l'Abbé,
Qui ne sçavoit ni A ni B. Men.

C’est aussi la troisieme personne du verbe auxiliaire avoir. Il


a fait de l’éclat mal à-propos. L’imagination du Poëte n'a pu vous peindre si belle que vous êtes. Vos. La vérité qui a des bornes, a dit pour vous tout ce que le mensonge qui n’en connoît point, a inventé pour les autres. Oe. M. Dans cette signification l’on n’y met point d’accent ; ni quand il est precedé de la particule y ; car alors il a la force du verbe substantif être. Il y a un Dieu. Par tout ailleurs on le marque d’un accent grave.

Cette lettre exprime presque tous les mouvemens de l’ame ; & pour rendre i’expression plus forte, on y ajoute une h devant ou après, comme dans l’admiration : Ha le beau tableau ! Dans la joye : Ha quel plaisir ! Dans l’indignation : Ha le scélérat ! Dans la douleur : Ha la tête ! Quand on se sent affoiblir : Ha je me meurs ! Dans la contestation : Ah ! Monsieur, pour ce vers je vous demande grâce. Bos. Dans l'étonnement : Ah perfide !

A est souvent un article pour décliner les noms propres seulement, & pour en marquer le datif. Ce livre est à Pierre ; cet éventail est à Agnès. Quand il sert à décliner des noms ordinaires qui commencent par une consonne, on dit au pour les masculins, à la pour les féminins : Au soleil, à la lune. Mais s’ils commencent par des voyelles, on dit à l' par contraction, de quelque genre que soient ces noms : A l’époux, à l’épouse ; au lieu de à le époux, à la épouse, parce que la langue Françoise ne peut souffrir cette rencontre de voyelles. Pour les datifs pluriels, on dit aux en tout genre, par quelque lettre que les noms commencent. Aux époux, Aux Césars.

A sert à marquer 1. la situation : A droit, à gauche : être bien à cheval. 2. La posture & le geste : A genoux, À bras ouverts. j. La distance : A vingt lieuës de là. 4. La qualité : De l’or à tant de carats. 5. Le prix : A dix écus. 6 . La quantité : L’eau est à la hauteur d’une toise. 7. La manière : Il est habillé à l’Espagnole. Il faut dire à coups de trait, à coups de canon : & non pas à coups de traits , & à coups de canons. Men. 8. La fin : Les fraudes à bonne intention ne manquent point d’approbateurs parmi les dévots, Port-R.

A signifie successivement : Pas à pas. Il se sent mourir peu à peu. Il signifie avec : Je l’abandonne à regret. Les douleurs à grand bruit sont d’ordinaire suspectes affectation. M. Sc. Ce poste a été emporté à la pointe de l’épée. Peindre à l’huile.

A est plus élégant que par dans certaines phrases. Il ne faut point se laisser prendre a l’apparence, ni à l’éclat trompeur des grandeurs humaines. Fl. Ne vous laissez pas conduire à vos passions. A signifie, selon : A mon avis, ce que vous pretendez.

A, cette lettre s’employe aussi fort souvent pour marquer ce que l’on possède. C’est un homme à carrosse, à équipage.

A se met quelquefois absolument devant l’infinitif de quelques verbes, sans être précédé d’aucun nom qui soit ou exprimé, ou sous-entendu, & alors il se peut résoudre par le gerondif. A voir ses airs dédaigneux ; A tout prendre l’assemblage de ses traits, qui sont beaux en détail, ne fait point une belle personne. Font. C’est comme si l’on disoit, en prenant tous ses traits ensemble. Passer tranquillement la nuit à bien dormir, & le jour à rien faire. Boi. Il y a aussi des occasions où il se peut resoudre par quand, ou lorsque. A ne prevoir rien on est surpris, & à prévoir trop on est misérable. S. Evr. A raconter ses maux souvent on les soulage. Corn. Il se met aussi devant l’infinitif de quelques verbes sans être precedé d’aucun nom exprimé ; il y est seulement sous-entendu : & en ce cas il se peut résoudre par le terme de quoi. Donnez-moi à manger. Servez-nous à dîner. A se met encore devant l’infinitif au lieu de pour. Je suis homme à ne contraindre personne. Mol. Il est d’humeur à se moquer de tout. A bien prendre la chose. A ne point mentir. Il a aussi la même signification de pour devant quelques substantifs, comme, Prendre Dieu à temoin, Prendre quelqu’un à partie.

A se met encore devant l’Infinitif des Verbes, avec un nom substantif, & signifie quelquefois ce que l’on doit observer. C’est une chose à taire : & quelquefois il désigne à quoi une chose est propre, ou à quoi elle est destinée : Bois à brûler : Cela est bon à manger.

A est quelquefois préposition, mais rarement. Il est à la ville, aux champs. Cela est à la mode.

On dit aller à Rome, quand on fait le voyage de Rome. Mais quand on est à Rome, il faut dire aller dans Rome. Les Ambassadeurs vont dans Rome avec un grand équipage. Bou. Quand il s’agit d’une simple demeure ou fixe, ou passagere, on dit à Paris : mais s’il s’agit d’autre chose, il vaut mieux dire dans Paris. Il s’est fait un meurtre dans Londres. On dit, Aller à la Chine, aller au Japon, au Peloponnese, au Perou, au Bresil, au Mexique, à la Caroline, & ainsi de la plûpart des contrées de l’Amerique, contre la regle commune, qui veut qu’aux verbes de mouvement on mette en devant les noms de Province, ou de Royaume, qui sont le terme de mouvement, & à devant les noms de villes ou de petit lieu. Bou.

A est le plus souvent adverbe, non seulement de tems & de lieu, comme, il vint à une heure imprévuë ; Aborder à terre ; mais encore il se joint à presque toutes les phrases adverbiales. Malheur à nous si nous consacrons ces victimes purifiées à la hâte, & sur le point de recevoir le coup mortel. Fl. Etre à couvert, Vivre à discrétion, &c. Car si on y prend garde de près, la plûpart des exemples qu’on donne de son usage pour marquer la préposition, se réduisent à l’article du datif.

A est souvent une particule indéclinable, qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminue, ou change leur signification. Quand elle s’y joint, quelques Ecrivains redoublent la consonne ; comme Addonner, Affaire, Attrouper : d’autres retranchent cette seconde consonne comme étant inutile & superfluë.

Il seroit difficile de determiner tous les differens usages de la préposition ou de la particule à. On les remarquera


dans la suite : il s’en présentera des exemples presqu’à toutes les pages.

A A A Les Chymistes se servent de ce signe pour signifier, Amalgamer, Amalgamation, & Amalgame. Voy. Amalgamer.

ABA.

ABACO, subst. masc. Abacus. Ce mot se trouve dans Rouillard pour signifier l’Arithmetique. Les Italiens disent aussi abaco pour exprimer la même chose. C’étoit une petite table polie, sur laquelle les Anciens traçoient des figures, ou des nombres. Elle servoit à apprendre les principes de l’Arithmetique. Ils l’appelloient Table de Pythagore.

ABADA, s. m. Animal farouche du païs de Benguela, dans la basse Ethiopie. Il ressemble à un cheval par la tête & par le crin. Il est un peu moins grand. Sa queuë est pareille à celle d’un bœuf, excepté qu’elle est moins longue. Ses pieds sont fendus comme ceux du cerf, & plus gros. Il a deux cornes, l’une sur le front, & l’autre sur la nuque. Les Negres tuent ces animaux à coups de fleche, pour en prendre la corne, dont ils font un remede.

ABADIR. Terme de Mythologie. C’est le nom d’une pierre que Saturne devora. Car soit parce que son frere Titanus ne lui avoit cedé l’empire du monde, qu’à condition qu’il n’éleveroit point d’enfant mâle ; soit parce que les destinées portoient qu’il seroit un jour détrôné par un de ses enfans, il les faisoit tous périr. Enfin Cybele, ou Ops sa femme le trompa, & lui fit avaler cette pierre au lieu de l’enfant dont elle étoit accouchée. Priscien rapporte que c’étoit aussi le nom d’un Dieu.

ABAJOUR, s. m. Terme d’Architecture, Espece de fenêtre en forme de grand soupirail, dont l’embrasement de l’appui est en talus, pour recevoir le jour d’en haut. Il sert à éclairer les offices & les étages souterrains. Les Marchands ont d’ordinaire un abajour dans leurs magasins ; la lumiere sombre qui entre par là efface moins le lustre de leurs étoffes. On appelle aussi abajour la fermeture en glacis d’un vitrail d’Église ou de dôme, qui se fait pour en raccorder ou reünir la decoration interieure & exterieure.

ABAISSE, s. m. terme de Pâtissier. C’est la pâte qui fait le dessous d’une piece de pâtisserie.

ABAISSEMENT. s. m. Diminution, retranchement de hauteur. L’abaissement de ce mur, qui ôtoit la vûe à cette maison, l’a bien égayée.

Abaissement, se dit figurément en choses morales, pour signifier humiliation, diminution de credit & de grandeur. L’abaissement devant Dieu est le plus necessaire des devoirs Chrétiens. Cette pieuse Princesse travailloit à humilier sa grandeur par des abaissemens volontaires. Fl. On approuve tout ce que disent les Grands par un abaissement interieur de l’esprit, qui plie sous le faix de leur grandeur. Port-R. Le mariage des cadets apporte d’ordinaire de l’abaissement dans les grandes Maisons. P. de Cl.. Les ambitieux veulent exciter des mouvemens de terreur, de respect & d’abaissement sous leur grandeur. Log. L’abaissement de courage est mal-seant à un Philosophe. On s’en sert quelquefois pour exprimer une : diminution ou de merite, ou de reputation. Il dechiroit la reputation de ces grands hommes, comme si leur abaissement contribuoit à sa gloire. Abl. Il signifie aussi un etat d’avilissement, & de misere. Jesus -Christ a paru sur la terre dans un profond abaissement. Ce triste abaissement convient à ma fortune. Rac. Les loix ont voulu que les enfans naturels, qui ont été jettez dans le monde clandestinement, vivent dans la honte, & dans l’abaissement.

ABAISSER. verb. actif. Faire descendre en bas. ou diminuer de la hauteur. Abaisser les voiles, Abaisser les fumées du vin. Abaisser ce mur. Abaisser ce luth d’un ton, d’un demi-ton. Abaisser la voix. Selon Nicod. ce mot vient du Grec basis, comme qui diroit , mettre la base.

Abaisser, veut dire quelquefois s’affaisser. La terre s’est abaissée : ou decroître, la riviere s’abaisse ; le vent s’est abaissé.

Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du blé ; c’est-à-dire, qu’il est diminué. Ce mot en ce sens n’est pas du bel usage ; il faut dire rabaisser. Voyez Rabaisser.

On s’en sert figurément dans le même sens. L’envie abaisse par ses discours les vertus qu’elle ne peut imiter. On. M. Abaisser la Majesté du Prince. L’usage, comme la fortune, chacun dans leur jurisdiction, éleve ou abaisse qui bon lui semble. Vau. Les grands noms abaissent, au lieu d’élever, ceux qui ne savent pas les soutenir. Roch.

Abaisser, signifie aussi en morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un, le mortifier. Les Romains se vantoient d’abaisser les superbes, & de pardonner aux humbles. On. M. Abaisser l’orgueil de Carthage. Vau. Il faut abaisser les esprits hautains. On. M. La crainte trouble & abaisse l’esprit. Mle. Sc. c’est-à-dire, qu’elle le relâche & l’avilit.

En termes de fauconnerie on dit, Abaisser l’oiseau, lors qu’ayant trop d’embonpoint, on lui ôte quelque chose de son pât ordinaire, pour le mettre en état de bien voler.

Abaisser, en termes de Jardinage, signifie Couper une branche près du tronc.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors s’Humilier, se soumettre, se ravaler. Il faut s' abaisser devant la Majesté divine. S' abaisser à des choses indignes. S’abaisser jusqu’aux plus lâches complaisances. L’humilité n’est souvent qu’un artifice de l’orgueil, qui ne s’abaisse que pour s’élever. Roch. On le dit encore par respect d’une personne éminente en dignité, lorsqu’elle semble rabatre de sa grandeur, en descendant jusqu’à des personnes fort inferieures. Le Prince s’est abaissé jusqu’à moi, en prenant soin de ma fortune. P. de Cl. Il signifie aussi la complaisance, ou l’adresse par laquelle on se conforme, & on se proportionne à la comprehension foible & bornée de ceux à qui on parle. Un Predicateur habile sçait s’abaisser à la portée de ses auditeurs. C’est quelquefois un artifice de l’orgueil de s’abaisser avec excès, pour s’attirer des loüanges. Mle. Sc. Pline dit en parlant de la bonté de Trajan, qu’il se familiarisoit avec ceux qui l’approchoient : Celui qui tient la première place n’a qu’une voie pour s’élever, c’est de s’abaisser lui-même ; parce que les Grands n’ont rien moins à craindre que de se ravaler en s’abaissant de la sorte. Bou.

Abaissé, ée, participe passif. & adjectif.

Abaissé, en termes de Blason, se dit du vol des aigles, & du vol en general des oiseaux, dont la représentation ordinaire est d’être ouvert & étendu, en sorte que le bout de leurs ailes tende vers les angles ou le chef de l’Ecu. Mais lors que ce bout est en bas, & vers la pointe de l’Ecu, ou que les ailes sont pliées, on l’appelle Vol abaissé.

On dit aussi, un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l’Ecu, ou au dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi qu’une pièce est abaissée, lors qu’elle est au-dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs


Armoiries, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

ABAISSEUR. adj. m. est un épithète que les Medecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas.

ABALOURDIR. Vieux mot, & hors d’usage, qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide. Il se trouve dans plusieurs Coutumes.

ABANDON, s. m. Mépris, délaissement de quelque chose. Il n’est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliere, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quite :

Dans un tel abandon leur sombre inquietude.
Ne voit d’autre recours que le métier de Prude.

Il n’est supportable en ce sens qu’en termes de pratique. Le debiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses creanciers. Abandonnement vaut mieux.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnegation ou renoncement de soi-même Fen.

Abandon, se dit d’ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. On a degarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier : mais il n’est pas assez noble pour le style élevé. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re de relictâ ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, & la laisser à quiconque voudra s’en emparer.

Abandon, signifie aussi, Debauche, licence qu’on se donne de tout faire. Cet homme a vécu toute sa vie dans un abandon à toutes sortes de vices.

ABANDONNEMENT, s. m. Délaissement, cession de biens, de terres, &c. L’heritier beneficiaire est déchargé envers les créanciers par l’abandonnement des biens de la succession. G. G. Il signifie encore l’état d’une personne dont le monde s’éloigne. Dans la désertion, & l’abandonnement general de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux reflexions de la solitude. Of. M.

Il signifie, Débauche, prostitution, quand il est mis sans regime. Le pecheur est dans un grand abandonnement, lors qu’il ne sent plus de remords.

ABANDONNER, verb. act. Laisser à l’abandon. Dieu n’abandonne jamais les siens au besoin. On a abandonne cette ville au pillage. Il a abandonne le soin de son honneur. Dans les plaisirs on abandonne son cœur & son esprit, on se decouvre tout entier. P. de Cl. c’est-à-dire, qu’on s’y montre avec moins de precaution, & c’est là qu’on connoît les mœurs & les inclinations des gens. Le merite ne sert de rien quand il est abandonne de la fortune. B. Rab.

Il signifie encore livrer en proye. La ville fut abandonnée à la fureur du soldat. Elle n’ose abandonner son cœur à l’amour. Mle. Scu. On l’employe pour exprimer un homme qui est entraîné par ses passions, qui en est devenu l’esclave, qui s’y prostituë absolument. À la honte de nôtre raison & de nos reflexions, nous abandonnons nôtre cœur à la seduction du monde. Le P. Gail. Alors on l’employe plus souvent avec le pronom personnel. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptez, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu’elle rencontre. S. Ev. Il s’abandonna à la tristesse & à son desespoir. Il s’est abandonné à la colere & à ses desirs. On dit aussi s’abandonner à la fortune, pour dire se confier à la fortune, & attendre tout du hasard & du bonheur. S’abandonner à la joye, c’est-à-dire en goûter tout le contentement, & en ressentir tous les plaisirs. S’abandonner à l’oisiveté, c’est-à-dire jouïr d’un repos calme & tranquille, loin de l’embarras des affaires. Il faut s’abandonner à son feu, & ne rien refuser de ce que l’imagination presente. Bou. Il se trouvoit malheureux d’être abandonné à lui-même, & ses propres pensées, sans avoir quelqu’un qui pût le plaindre, & lui donner de la force. P. de Cl. Il est plus seur de s’arrêter à l’autorité de l’Eglise, que de s’abandonner aux foibles efforts de nôtre miserable raison. Nic.

Abandonner au bras seculier, c’est Renvoyer un Ecclesiastique devant des Juges laïques pour donner une sentence de condamnation à peine afflictive sur un cas privilegié.

On le dt aussi de l’Inquisition. Lors qu’elle a prononcé sur le crime d’heresie, elle livre les coupables au bras séculier ; parce que l’Eglise n’ayant point la puissance temporelle pour infliger la peine de mort, elle implore le secours du juge temporel, qui ne manque point d’executer les arrêts du S. Office. C’est ce qu’on appelle abandonner au bras seculier.

Abandonner, signifie encore, Quitter, jetter là. Il abandonna ses armes.

Abandonner, signifie encore, Quitter un lieu, en sortir. Il a abandonné le païs. On lui fit abandonner la ville.

Abandonner, signifie encore, Laisser, donner. Dans une traduction en prose où l’on abandonne tous les termes de la langue au Traducteur, il demeure souvent au dessous de l'original. S. Ev. Je vous abandonne cette affaire, je vous en laisse le maître. Je vous abandonne à vous-même, & à vôtre propre conduite.

Abandonner, signifie encore, Exposer, commettre à. Abandonner quelqu’un à la haine publique. S’abandonner au danger de perdre la vie pour la Religion.

Abandonner, signifie aussi simplement, Quiter, laisser, renoncer à quelque profession, ou à quelque personne. Abandonner une entreprise. Son crédit & sa réputation l'ont abandonné. Les plus sages ne sont pas toujours maîtres d’eux-mêmes, & il y a des momens où leur discrétion les abandonne ; c’est-à-dire qu’elle les quitte, en sorte qu’ils se laissent aller à l'impatience de parler. Ce Marchand a abandonné le commerce. Ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre dans la retraite. Les personnes vaines abandonnent aux ames communes le mérite d’une vie suivie & commune. LA Br.

Mainte veuve souvent fait la dechevelée,
Que n’abandonne pas le soin du demeurant. LA Fon.

On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner l’oiseau, pour dire, le mettre libre en campagne, ou le congedier tout-à-fait, & s'en defaire entierement.

On dit proverbialement, N’abandonnez pas les étriez ; pour dire, servez-vous bien des avantages que vous avez, ne les quitez point.

Abandonné, ée. part. pass. & adj. Biens abandonnez. L’amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. M. Esp. Il faut que vous soyiez les plus abandonnez calomniateurs qui furent jamais. Pasc. En ce sens il signifie des gens déterminez, & qui ne gardent aucunes mesures pour noircir la réputation d’autrui.

On dit absolument au substantif, C’est un abandonné, pour dire, un homme perdu & débauché, qui ne donne point d’espérance de conversion. On dit aussi une abandonnée, pour dire une fille prostituée. Je ne veux point brûler pour une abandonnée. Mol.

On dit aussi, Abandonné des Médecins, pour dire, que la guérison de quelcun est désespérée. Un homme aban-


donné, signifie un homme sans appui & sans secours, Abandonne à son sens réprouvé. C’est une expression de l'Ecriture, pour designer un homme qu’on laisse à ses égaremens, & à la perversité de son cœur. On ne doit pas attendre des lumières bien pures de ceux que Dieu a abandonnez aux ténèbres inséparables des grands crimes. Nic. On dit aussi, qu’une cause est abandonnée, pour dire, qu'elle est déplorable & insoutenable.

ABAQUE. s. m. Terme d’Architecture. C’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Il est quarré au Toscan, au Dorique, & à l’Ionique antique ; et échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Il sert comme de couvercle à la corbeille ou au panier de fleurs qu’elle represente. On l’appelle autrement taillure, & il s’en met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec abax, qui signifie buffet, credence, ou table.

ABASSI ou ABASSIS. C’est une monnoye qui a cours en Perse & en Orient, qui vaut environ dix huit sous six deniers.

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s.m. Signifie entre les Marchands de bois, la peine & les frais pour abatre les bois qui sont sur pied. C’est à l'acheteur à payer l'abatage.

ABATANT, s. m. Terme de Marchand de drap. Espèce de dessus de table qu’on élevé au fond d’une boutique, & à chaque bout des magasins, & qui s'eleve ou s’abat, selon le jour que l'on veut donner au lieu où l'on vend la marchandise.

ABATARDIR, v. act. Rendre sauvage, corrompre, gâter, altérer la nature de quelque chose, la faire decheoir de son premier état. La misère & l'esclavage ont abâtardi le courage des Grecs. La trop grande avidité des richesses a abâtardi les mœurs.

Il ne se dit guere qu’avec le pronom personnel, & signifie Dégénérer, s’avilir, se corrompre. Toutes les bonnes choses s’abâtardissent avec le temps. Les plantes d’Orient qu’on apporte en Europe s’abatardissent, & perdent beaucoup de leur bonté. Cette Maison s’est abâtardie dans l'oisiveté, elle ne produit plus de grands hommes. La vertu Romaine s’abâtardit si fort, qu’elle ne pût résister à la force des Barbares.

Abatardi, ie. part. pass. & adj.

ABASTARDISSEMENT. s. m. Diminution de valeur, de merite, de bonnes qualitez. Les delices d’un païs causent l’abastardissement du courage des peuples. Ils sont tombez dans un honteux abâtardissement. Nic.

ABATE’E, en termes de Marine, se dit du mouvement d’un vaisseau en pane, qui arrive de lui-même jusqu’à un certain point, après quoi il revient au vent.

ABATEIS. Vieux mot qui signifioit autrefois Forest. Il est hors d’usage.

ABATEMENT. s. m. Foiblesse, manque de forces. Ce malade est dans un grand abatement, les forces luy manquent.

Abatement se dit figurément en Morale. Cet homme est dans un grand abatement d’esprit depuis le renversement de sa fortune.

ABATEUR. s. m. Qui abat, qui fait choir. Cet homme est un grand abateur de bois, ou de quilles : ce qui se dit proverbialement au figuré de celuy qui vante ses prouesses, ou qui se glorifie de faire beaucoup de choses au dessus de ses forces.

ABATIS, s. m. Démolition, renversement, ruine. Il y a eu un grand abatis de maisons par le tremblement de terre. Il y a plusieurs abatis de pierre dans cette carrière. Les Carriers appellent ainsi la pierre qu’ils ont détachée, soit celle qui est bonne pour bâtir

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