Dictionnaire wallon-français (Pirsoul, 1e éd.)/Maïe

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Dictionnaire wallon-français (dialecte namurois)
(2p. 16-19).
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Maïe, n. f., endroit du cuir, maille, son plus beau côté ; awoè bèle maïe avoir belle apparence, être bien ; one laide maïe, apparence peu rassurante, n’être pas bien portant.

Maïe, n. f., bille, très petite boule ronde, de diverses grosseurs, avec laquelle les enfants jouent. Djouwer aus maïes, jouer aux billes. Ce jeu parait remonter à une assez haute antiquité. L’historien Suétone raconte qu’Auguste, empereur romain, faisait venir de jeunes garçons esclaves avec lesquels il jouait aux noix, de la même manière qu’on joue aux billes aujourd’hui.

Plus tard, on se servit de petits cailloux ronds ramassés dans le sable, et enfin les billes remplacèrent les cailloux. Les meilleures billes sont fabriquées en Hollande : on les confectionne en brisant des fragments de pierre, de marbre ou d’albâtre, au moyen d’un moulin de fer. Elles s’y arrondissent et sont projetées à travers des trous de diamètres différents. Les cargaisons de ces billes, en sortant de Hollande, remontent les bords du Rhin, et de là se répandent dans toute l’Europe. Celles-là se nomment plus souvent ma. On en fabrique aussi en verre de différentes couleurs et d’autres de qualité inférieure, en argile.

Voici les différentes façons de djouwer aus maïes :

Au rond. On trace par terre un cercle. Sur la circonférence de ce cercle, chaque joueur place un certain nombre convenu de billes ; on marque à quelque distance un point de départ, d’où l’on pike les billes qui se trouvent dans la bague. Piker signifie caler, frapper de bloc, ou au vol, une bille. Une des conditions, souvent imposées, au jeu nommé le cercle, est de ne point faire rouler sa bille.

Toute bille que le joueur en calant fait sortir du cercle, lui appartient, et il acquiert le droit de tirer de nouveau, du lieu où il se trouve, après le premier coup, jusqu’à ce qu’il ait mis toutes les billes dehors ou qu’il ait manqué.

Plus les joueurs sont habiles, plus le diamètre du cercle doit être grand.

Si la bille d’un joueur reste dans le cercle, faute de force ou par l’effet d’un choc, le joueur dépose une bille dans le rond, reprepd son ma et le place à une petite distance du cercle. Il est hors de jeu lorsque sa bille est atteinte par un joueur, ce qui s’appelle croker ou pèter.

A l’ fosse. Un petit trou est creusé sur le terrain, en tournant quelques fois sur le talon (plus les joueurs sont habiles, plus le trou doit être petit). A quelques pas du trou, on place un but. Là se met un des joueurs, qui dirige sa bille vers le trou en la faisant rouler ; l’autre joueur place le doigt majeur de la main gauche, à la longueur d’une asplagne, empan, ou d’un , un pied, et appuyant sur ce doigt sa main droite, il pike la bille de son adversaire, pour l’ètchessî ou tchessî si elle est restée à distance du trou. Si, au contraire, la bille adverse a pu entrer dans la fosse, elle a gagné la partie. Cette lutte entre la bille qui veut s’emparer du trou et la bille qui en défend l’entrée, dure jusqu’à ce qu’il y ait victoire ; alors le vainqueur prend la fosse, et le vaincu essaie à son tour de conquérir la place qu’il a perdue.

A l’ maïe aus potès. Il s’agit d’introduire successivement une bille dans trois pots ou trous, placés en ligne droite à une distance d’un mètre l’un de l’autre. Un but est tracé à deux mètres du premier trou. Si le premier joueur bouche, avec sa bille, un des ttous, il a le droit de la diriger vers le second ; s’il parvient à y faire arriver sa bille, il la lance dans le troisième, et s’il y réussit, il a gagné la partie. Si le premier joueur n’a pas pu entrer dans le premier trou, le joueur n° 2 essaie à son tour ; s’il manque, le n° 1 continue.

Chaque joueur a le droit de piker ou ètchessî caler la bille de son adversaire s’il la rencontre sur son passage, et il l’éloigne ainsi du trou où il cherche à entrer. Le joueur qui a conquis un ou deux trous peut se placer dans un de ces trous, à son choix, et tirer de là sur la bille de son adversaire, qu’il écarte le plus possible. Une punition, que les écoliers ont l’habitude d’infliger au perdant, est celle-ci : le perdant, un genou en terre, place sa main fermée à une distance réglée d’avance ; il tourne les dognons à l’extérieur et le vainqueur tire cinq fois sa bille sur le but, c’est-à-dire sur le poing du patient.

Au djeù d’ maïes. Après avoir marqué un but, on trace, à la distance de deux ou trois mètres, une ligne droite, c’est l’entrée du jeu. Chaque joueur met une bille comme enjeu, en ayant soin qu’il y ait à peu près une ou deux ascauchies, enjambées, entre chacune. On tire au sort à qui jouera le premier. Celui qui a la priorité se place au but, lance son ma, en visant les billes placées en une même direction. S’il en touche une, elle lui appartient et les autres joueurs se placent à la 1re ligne pour lancer leur bille. Quand le premier joueur a fini ses coups, s’il n’a pas tout gagné, le second joueur vise et tâche de frapper une des billes restantes. Chaque joueur tâche toujours de croker ou {{lang|wa|pèter l’ ma de ses adversaires. Si à la fin de la partie les joueurs ne restent que deux, celui qui se trouve le plus près de la bille qui reste à toucher, dit à l’autre : à t’î r’passé dins tot l’ djeù avou ou sins tirée, c’est-à-dire lancer sa bille dans tout le jeu (tirée, c’est une distance donnée par le 1er joueur) ; il recommande aussi de ne pas tirer ou bourer do pougne, jeter le poing en avant quand on lance la bille. Si le 1er joueur n’a pas été atteint, pas plus que la dernière bille, il croke celle-ci en èbalant et en disant ti t’î Iairais ; son ma vient près de celui du 2e joueur, il lance sa bille pour le toucher et lui faire ritchîr les maïes qu’il a gagnées, mais auparavant il a dit bon stok ou mwai stok ki m’arête, c’est-à-diro je me garantis contre ce qui m’arrêtera en chemin. Ces règles servent aussi pour le jeu de la Cense plantée (voy. cense). Avant d’inviter le 2° joueur à lancer sa bille à travers le jeu, à s’î r’passer, le 1er joueur a soin de se mettre à tchesse, c’est-à-dire près de la bille restante, et placé dans la même direction où celle du second sera lancée.

Pour jouer aux billes, on tient cette petite boule, entre l’extrémité de l’index et celle de la première phalange du pouce, l’extrémité de ce dernier étant maintenue par le médium. Le pouce forçant la résistance que lui oppose ce médium, lance, en se détendant, la bille avec une vitesse réglée par le joueur ; certains joueurs ne peuvent lancer la bille qu’en djouwant à pôce di tchitche, c’est-à-dire tenir sa gobille entre l’ongle du pouce et la seconde phalange de l’index (voy. Brâner, èbaler, griper, piker, pitchî, skètchî).