Aller au contenu

Discours prononcé aux funérailles de M. Monnier, le 10 mai 1864

La bibliothèque libre.

DISCOURS
PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES DE M. MONNIER
LE 10 MAI 1864


Par M. LACROIX




Messieurs,

Je viens à mon tour[1], au nom de l’Académie de Stanislas, payer à la mémoire du confrère à qui nous venons de rendre les derniers devoirs, le tribut de regrets et d’hommages qui lui sont dus à tant de titres.

Connu déjà par plusieurs publications scientifiques et par les diverses aptitudes d’un esprit actif et cultivé, c’est en 1830 que M. Monnier a vu s’ouvrir pour lui les rangs de l’Académie, à laquelle il apportait le concours de ses connaissances en agronomie, en histoire naturelle et en numismatique. Il ne m’appartient pas de parler de la variété et de l’importance de ces travaux comme agronome, non plus que des services éminents qu’il a rendus à l’agriculture dont le progrès était l’objet constant de ses soins et de sa sollicitude. On vient de le faire avec une autorité et une compétence qui me manquent toutes deux également. Mais je dois signaler les travaux qu’il a insérés dans le Recueil de nos Mémoires, œuvres utiles et solides comme tout ce qu’il a fait, et qui seront toujours consultées avec fruit. Ainsi en 1830 il nous avait donné son travail sur la construction géologique des environs de Nancy ; et, il y a trois ans à peine il nous lisait son intéressant mémoire sur les monnaies des ducs bénéficiaires de Lorraine. Nul autre que lui ne pouvait entreprendre et exécuter un travail de ce genre, car lui seul en avait recueilli les éléments, si rares et si dispersés, dans cette belle collection de monnaies Lorraines que depuis longtemps les connaisseurs ont déclaré être la plus riche et la plus complète de toutes celles qui ont pu être formées jusqu’ici.

Ce fut comme son testament académique. Peu de temps après, M. Monnier, soit fatigue de l’âge, soit qu’il éprouvât déjà les premières atteintes du mal qui devait l’emporter, sentant que l’éloignement de sa résidence lui rendait difficile et pénible une assistance régulière à nos séances, nous manifesta le désir de se retirer et nous offrit sa démission. Il nous en coûtait trop de nous séparer d’un confrère qui avait su se concilier l’estime et l’affection de tous. Le titre de membre honoraire lui fut conféré à l’unanimité et nous espérions ainsi le compter encore longtemps comme l’un des nôtres. Vaine espérance ! Celui qui sait le nombre de nos jours en avait décidé autrement, et maintenant M. Monnier n’est plus. Il n’est plus parmi nous, et à sa place je vois un vide immense non-seulement dans nos rangs, mais dans tous les souvenirs, dans tous les cœurs. Ici je ne puis être qu’un écho bien affaibli du bruit de douleur que j’entends se faire autour de moi. Personnellement mes relations avec M. Monnier ont dû se renfermer dans le cercle circonscrit des rapports de bonne et courtoise confraternité académique. Sans doute, il me restera toujours le souvenir du sentiment d’attrait sympathique que m’inspirait ce visage ouvert où se peignaient la droiture et la bonté, et cette voix douce et calme qui en était comme l’harmonieuse expression. Mais pour savoir et pour redire convenablement qu’elle était la loyauté du caractère, la générosité du cœur, l’étendue de bienfaisance et de dévouement chez notre regretté confrère, il faudrait compter parmi ses compatriotes, ses contemporains et ses amis. Ne pouvant m’adresser à vous à aucun de ces titres, je me garderai bien de rien ajouter aux paroles si pénétrées et émues que vous venez d’entendre tout à l’heure. Toutefois, Messieurs, appelé à joindre ma voix à ce concert de regrets et de douleurs unanimes, je m’assure que vous avez reconnu qu’elle n’était pas en désaccord avec vos sentiments et que c’est du fond du cœur, que je suis venu ici, au nom de l’Académie de Stanislas, adresser à l’excellent confrère que nous venons de perdre les derniers adieux.

  1. Un premier discours avait été prononcé par M. de Scitivaux de Greische, vice-président de la Société Centrale d’Agriculture.