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Discours sur l'anatomie du cerveau

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DISCOVRS
DE
MONSIEVR STENON,
SVR
L’ANATOMIE
DV CERVEAV.
A
MESSIEURS DE
l’Aſſemblée, qui ſe fait chez
Monſieur Theunot.
A PARIS,
Chez ROBERT DE NINVILLE, au bout du Pont S. Michel, au coin de la ruë de la Huchette,
à l’Eſcu de France & de Nauarre.
M DC. LXIX.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
A MONSIEVR
MONSIEVR
DE LA CHAMBRE,
CONSEILLER ET MEDECIN
du Roy, ordinaire de Monſeigneur
le Chancelier.



MONSIEVR,

J’avoüe que les Ouurages de Monſieur Stenon, dont ie vous préſente une des plus belles parties, ſont aſſez recommendables d’eux-meſmes, pour paſſer hautement dans le monde, ſans autre protection, que celle du celebre nom de l’Autheur, d’où ils viennent. On ſçait que le public luy a fait la juſtice, de recevoir tout ce qu’il a deſia mis au iour, avec un applaudiſſement general ; & qu’il n’eſt rien ſorti juſques icy de ſes mains, qui ne luy aye acquis de la gloire parmy les ſçavans. Mais comme l’eſtime publique eſt une mer dangereuſe, où l’on eſt toujours en peril, quoyque l’on l’aye eſchappé mille fois, & où ſouvent la tempeſte de l’envie enveloppe indifferemment tous ceux qui ſe trouvent expoſez à ſes coups ; i’ay creu que ie ne derogerois en rien au merite de Monſieur Stenon, ſi ie ſongeois à luy procurer quelque illuſtre Azyle, & qu’au contraire il m’auroit de l’obligation, de mettre au frontiſpice de ſon Livre, un Nom auſſi eſclattant que le voſtre. Ie marche en cela ſur ſes pas ; il chercha le meſme ſecours aupres des incomparables perſonnes, à qui il dédia ſes obſervations ; lors qu’il les mit ſous la preſſe en Hollande ; & ie ne doute pas qu’il n’en euſt fait autant, s’il euſt eſté icy, lors que les choſes, qui eſtoyent neceſſaires à cette édition, ſe ſont trouvées preſtes. Comme i’ay l’honneur de le bien cognoiſtre que ie ſçay la haute veneration qu’il a pour les doctes du dernier ordre comme vous, Monſieur, i’oſe vous aſſeurer, qu’il ſe tiendra bien heureux de paſſer dans le monde ſous voſtre aveu & d’eſtre appuyé dans les avances nouvelles qu’il fait, d’un Nom, dont le ſiecle a receu avec admiration, ce qu’il y a de plus poli, & de plus profondement ſçavant, dans les Sciences les plus nobles, & les plus eſteuées. Agrees, s’il vous plaiſt Monſieur, la liberté que ie prens, d’en parler devant vous, ie fais violence à voſtre modeſtie, il eſt vray, mais quand ie me tairois, toute la France ne laiſſeroit pas de le publier comme elle le fait, & ce qui eſt plus encore que le ſuffrage de tout le Royaume, le choix du Glorieux Monarque à qui vous eſtes, l’affection du Grand Miniſtre, auprès duquel vous viuez depuis ſi long temps, & le rang que vous avez dans l’Aſſemblée la plus illuſtre qui ſoit en Europe, le diroyent aſſez, pour le faire croire à toute la terre. Au reſte, il m’eſt bien doux Monſieur, de trouver quelque avantage pour moy, à faire celuy de l’Autheur, & de ſatiſfaire heureuſement en cette occaſion & à ſes intereſts, & à mon inclination tout enſemble. D’un coſté ie luy procure l’appuy, de la perſonne qui a accouſtumé de donner à ſon gré, où la vie, ou la mort, à toutes les choſes, qui dans la Medecine, ſont preſtes de paroiſtre au iour. De l’autre, ie rencontre le moyen de vous teſmoigner le profond reſpect, que i’ay eu de tout temps pour vous, & de vous proteſter, que i’ay une tres-ardente paſſion d’eſtre toute ma vie,

MONSIEVR,

Voſtre tres-humble & treſobeiſſant ſerviteur Robert de Ninville.
LOVIS, par la grace de Dieu, Roy de France & de Nauarre, A nos Amez & feaux Conſeillers les Gens tenans nos Cours de Parlemens, Maiſtres des Requeſtes ordinaires de noſtre Hoſtel, Baillifs, Seneſchaux, Preuoſts, leurs Lieutenans, & à tous nos autres luſticiers, & Officiers qu’il appartiendra ; Salut : Noſtre bien amé ROBERT DE NINVILLE, Marchand Libraire de noſtre bonne Ville de Paris, nous a fait repreſenter qu’il auoit recouuert, le Diſcours ſur l’Anatomie du cerveau, compoſé par Monſieur Stenon, lequel il deſireroit faire imprimer ; mais il craint qu’apres en auoir fait la deſpenſe, d’autres entreprennent de le contre-faire, s’il n’a ſur ce nos Lettres neceſſaires. A CES CAVSES, Nous luy auons permis & permettons par ces preſentes de faire imprimer ledit Livre en vn ou pluſieurs Volumes, le vendre & debiter en tous les lieux de noſtre obeiſſance ; & ce en telles marges & caracteres que bon luy ſemblera, pendant l’eſpace de cinq années à compter du iour qu’il ſera imprimé pour la premiere fois : faiſant tres expreſſes deffenſes à toutes perſonnes de quelque qualité qu’elles ſoient, d’en rien imprimer, vendre, ny debiter en aucun lieu de noſtre obeiſſance, ſous pretexte d’augmentation, changement de tiltre, fauſſes marques ou autrement, en quelque maniere que ce ſoit, ſans le conſentement dudit de Ninuille, ou de ceux qui auront droit de luy, à peine de confiſcation des Exemplaires contre-faits, & des caracteres, preſſes & inſtruments qui auront ſeruy anſdites impreſſions contre-faites, de tous deſpens, dommages & intereſts, & de trois mille liures d’amande, applicable vn tiers à Nous, vn tiers à l’Hoſpital General, & l’autre tiers audit de Ninuille, à condition qu’il ſera mis deux exemplaires dudit Livre en noſtre Bibliotheque publique, vn autre en noſtre Cabinet du Louure & vn autre en celle de noſtre tres-cher & feal le Comte de Gien Chancellier de France le Sieur Seguier, & de mettre és mains de noſtre amé & feal Conſeiller & Grand Audiancier de France en quartier, les Recepiſſez de nos Bibliothecaires & du Sieur Cramoiſy commis par noſtre tres-cher Chancellier à la déliurance actuelle deſdits Exemplaires, avant que de l’expoſer en vente. Enjoignons au Syndic des Libraires de ſaiſir ceux qui pourroient auoir eſté faits, faute d’auoir ſatisfait aux clauſes portées par ces preſentes à peine de nullité, du contenu deſquelles nous voulons & vous mandons que vous faſſiez iouir pleinement & paiſiblement ledit de Ninuille & ceux qui auront droit de luy ſans ſouffrir qu’il leur ſoit donné aucun empeſchement. Voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin dudit Livre vn Extrait des preſentes elles ſoient tenues pour deuement ſignifiées, & que foy y ſoit adjouſtée & aux copies d’icelles, collationnées par vn de nos amez & feaux Conſeillers ou Secretaires, comme à l’Original. Mandons au premier noſtre Huiſſier ou Sergent ſur ce requis, faire pour l’execution des preſentes tous exploits neceſſaires, ſans demander autre permiſſion : CAR TEL EST NOSTRE FLAISIR, nonobſtant oppoſitions ou appellations quelconques, & ſans prejudice d’icelles, Clameur de Haro, Chartre Normande, priſe à partie, ou Lettres à ce contraires. Donné à Paris le dixneufuieſme iour du mois de Decembre, l’An de Grace mil ſix cens ſoixante ſept ; Et de noſtre Regne le vingt-quatrieſme.

Par le Roy en ſon Conſeil,

MASCLARY.

Regiſtré ſur le Livre de la Communaute des Marchands Libraires, ſuivant l’Arreſt du Parlement, en datte du huictieſme Auril 1653. Fait à Paris, ce, 9. Januier 1669.

Signé, A. SOVBRON, Sindic.

Acheué d’imprimer pour la premiere fois le ſixieſme Fevrier 1669.
DISCOVRS
SVR L’ANATOMIE
DV CERVEAV.
A MESSIEVRS DE
L’Aſſemblée de chez Monſieur
Theuenot.



MESSIEVRS,

Au lieu de vous promettre de contenter voſtre curioſité, touchant l’Anatomie du Cerveau ; ie vous fais icy une confeſſion ſincere & publique, que ie n’y connois rien. Ie ſouhaiterois de tout mon cœur, d’eſtre le ſeul qui fuſt obligé à parler de la ſorte ; car ie pourrois profiter avec le temps de la connoiſſance des autres, & ce ſeroit un grand bon-heur pour le genre humain, ſi cette partie, qui eſt, la plus delicate de toutes, & qui eſt ſujette à des maladies tres-frequentes, & tres-dangereuſes, eſtoit auſſi bien connuë, que beaucoup de Philoſophes & d’Anatomiſtes ſe l’imaginent. Il y en a peu qui imitent l’ingenuité de Monſieur Sylvius, qui n’en parle qu’en doutant, quoy qu’il y ait travaillé plus que perſonne que ie connoiſſe. Le nombre de ceux à qui rien ne donne de la peine, eſt infailliblement le plus grand. Ces gens qui ont l’affirmatiue ſi prompte, vous donneront l’hiſtoire du cerveau, & la diſpoſition de ſes parties, avec la meſme aſſeurance, que s’ils avoient eſté preſents à la compoſition de cette merveilleuſe machine, & que s’ils avoient penetré dans tous les deſſeins de ſon grand Architecte. Quoy que le nombre de ces affirmateurs ſoit grand, & que ie ne doive pas répondre du ſentiment des autres, ie ne laiſſe pas d’eſtre tres perſuadé que ceux qui cherchent une ſcience ſolide, ne trouveront rien qui les puiſſe ſatiſfaire, dans tout ce que l’on a écrit du cerveau. Il eſt tres-certain que c’eſt le principal organe de noſtre ame, & l’inſtrument avec lequel elle execute des choſes admirables : elle croit avoir tellement penetré tout ce qui eſt hors d’elle, qu’il n’y à rien au monde qui puiſſe borner ſa connoiſſance : cependant, quand elle eſt rentrée dans ſa propre maſſe, elle ne la ſcauroit décrire, & ne s’y connoiſt plus elle-meſme. Il ne faut que voir diſſequer la grande maſſe de matiere, qui compoſe le cerveau, pour avoir ſujet de ſe plaindre de cette ignorance. Vous voyez ſur la ſurface, des diverſitez qui meritent de l’admiration ; mais quand vous venez à penetrer juſques au dedans, vous n’y voyez goutte. Tout ce que vous en pouvez dire, c’eſt qu’il y a deux ſubſtances differentes, l’une griſatre & l’autre blanche ; que la blanche eſt continüe aux nerfs qui ſe diſtribuent par tout le corps ; que la griſâtre ſert en quelques endroits, comme d’écorce pour la ſubſtance blanche, & qu’en d’autres, elle ſépare les filamens blancs les uns des autres.

Si on nous demande, Meſſieurs ce que c’eſt que ces ſubſtances, de quelle maniere les nerfs ſe joignent dans la ſubſtance blanche, juſques où les extremitez des nerfs y avancent c’eſt là où l’on doit avouër ſon ignorance, ſi l’on ne veut augmenter le nombre de ceux, qui préferent l’admiration du public, à la bonne foy. Car de dire que la ſubſtance blanche n’eſt qu’un corps uniforme, comme ſeroit de la cire, où il n’y a point d’artifice caché, ce ſeroit avoir un ſentiment trop bas, du plus beau chef-d’œuvre de la nature. Nous ſommes aſſurez, que par tout où il y a des fibres dans le corps, par tout elles obſervent une certaine conduite entr’elles, plus ou moins compoſée, ſelon les operations auſquelles elles ſont deſtinées. Si la ſubſtance eſt par tout fibreuſe, comme en effet elle le paroiſt en pluſieurs endroits, il faut que vous m’avouiez que la diſpoſition de ces fibres, doit eſtre rangee avec un grand art, puiſque toute la diverſité de nos ſentimens, & de nos mouvemens en dépend. Nous admirons l’artifice des fibres dans chaque muſcle ; combien les devons nous admirer davantage dans le cerveau, où ces fibres renfermées dans un ſi petit eſpace, font chacune leur operation, ſans confuſion, & ſans deſordre.

Les ventricules, ou les cavitez du cerveau, ne ſont pas moins inconnuës, que ſa ſubſtance. Ceux qui y logent les eſprits, croient avoir autant de raiſon que ceux qui les deſtinent pour recevoir les excrements : mais les uns & les autres ſe trouvent aſſez empeſchez, quand il faut déterminer la ſource de ces excrements, ou de ces eſprits. Ils peuvent venir auſſi-toſt des vaiſſeaux que l’on voit dans ces cavitez, que de la ſubſtance meſme du cerveau, & il n’eſt pas plus aiſé de marquer quelle eſt leur ſortie.

Entre ceux qui mettent les eſprits, dans les cavitez des ventricules du cerveau, les uns les font paſſer des ventricules anterieurs, vers les poſterieurs, pour y trouver les entrées des nerfs ; les autres croyent que les extremitez des nerfs ſe trouvent dans les cavitez anterieures. Il y en a qui tiennent que les excrements du cerveau ſont dans ces ventricules, parce qu’ils y voyent quelque choſe de ſemblable ; ceux-là meſmes trouvent qu’il y a autant de pente dans le cerveau pour les faire deſcendre dans la moelle, qu’il y en a pour les conduire dans l’entonnoir dit infundibulum. Mais poſons que tout aille dans l’entonnoir, vous les en pouvez faire ſortir dans les ſinuoſitez de la dure-mere, & il y a quelque raiſon, de croire qu’ils trouvent des paſſages qui les conduiſent immediatement dans les yeux, dans les narines, & dans la bouche.

On voit encore moins de certitude, ſur le ſujet des eſprits animaux. Eſt-ce le ſang ? ſeroit-ce une ſubſtance particuliere ſeparee du chyle dans les glandes du meſentere ? les ſeroſitez n’en ſeroient-elles point les ſources ? Il y en à qui les comparent à l’eſprit de vin, & l’on peut douter ſi ce ne ſeroit point la matiere meſme de la lumiere ? Enfin, les diſſections dont nous nous ſervons d’ordinaire, ne nous peuvent éclaircir l’eſprit, ſur aucun de ces doutes.

Si la ſubſtance du cerveau nous eſt peu connue, comme ie viens de dire, la vraye maniere de le diſſequer, ne l’eſt pas davantage. Ie ne parle pas de celle qui nous coupe le cerveau en lamelles ; il y a déja long temps qu’on a reconnu, qu’elle ne donne pas grand éclairciſſement à l’Anatomie. L’autre diſſection qui ſe fait en developpant les replis, eſt un peu plus Artiſte ; mais elle ne nous montre que le dehors, de ce que nous voulons ſçavoir, & cela encore fort imparfaitement.

La troiſieme, qui ajoûte au developpement des replis, une ſeparation du corps gris, d’avec la ſubſtance blanche, paſſe un peu plus outre ; elle ne penetre point toutefois plus-avant, que juſqu’a la ſurface de la moelle.

On fait divers mélanges de ces trois manières de diſſections, & l’on pourroit meſme ajoûter diverſes manieres de profils de long, & de travers.

Pour moy, ie tiens que la vraye diſſection ſeroit, de continuer les filets des nerfs au travers de la ſubſtance du cerveau, pour voir par où ils paſſent, & où ils aboutiſſent. Il eſt vray que cette maniere eſt pleine de tant de difficultez, que ie ne ſçay, ſi on oſeroit jamais eſperer d’en venir à bout, ſans des preparations bien particulieres. La ſubſtance en eſt ſi molle, & les fibres ſi delicates, qu’on ne les ſçauroit à peine toucher, ſans les rompre. Ainſi, puiſque l’Anatomie n’eſt pas encore parvenue à ce degré de perfection, de pouvoir faire la vraye diſſection du cerveau, ne nous flattons pas davantage ; avouons plutoſt ſincerement noſtre ignorance, afin de ne nous pas tromper les premiers, & les autres enſuite, en leur promettant de leur en montrer la vraye conformation.

Ce ſeroit un entretien trop ennuyeux, que de ſpecifier icy, toutes les opinions & toutes les diſputes, que l’on fait ſur le ſujet du cerveau ; les liures n’en ſont que trop remplis ; ie rapporteray ſeulement les principales erreurs, qui ſubſiſtent encore dans l’eſprit de pluſieurs Anatomiſtes, & qui toutefois peuvent eſtre convaincuës de fauſſeté, par l’Anatomie. Elles ſe reduiſent à ces chefs. Entre ceux qui font profeſſion de la bien ſçavoir, les uns vous font paroiſtre des parties ſeparées dans le cerveau, qui ne ſont qu’une meſme ſubſtance continuée ; les autres nous veulent perſuader par l’adminiſtration Anatomique, que les parties ſe touchent ſans aucun attachement, quoy qu’elles ſoient viſiblement jointes enſemble par des filets, ou par des vaiſſeaux. Il y en a qui donnent aux parties la ſituation, qu’ils croient neceſſaire au ſyſteme qu’ils ſe ſont imaginez, & cela, ſans conſiderer que la nature les a ſituées d’une maniere tout à-fait contraire. Vous en trouverez qui vous démontreront la pie-mere, où elle ne ſe trouve pas ; & qui ne connoiſſent point la dure-mere, dans quelques endroits où elle ſe voit tres-évidemment.

Ils vous feront meſme paſſer en un beſoin, la ſubſtance du cerveau pour une membrane. I’ay trop bonne opinion des hommes de lettres en general, pour croire qu’ils le faſſent avec deſſein de tromper les autres ; les principes qu’ils ſe ſont eſtablis, & la maniere de diſſection à laquelle ils s’aſſuiettiſſent, ne leur permettent pas de faire autrement. Tous les Anatomiſtes les demonſtreroient de la meſme façon, s’ils ſe ſervoient tous de la meſme methode. Il ne faut donc pas s’etonner ſi leurs ſyſtemes ſe ſouſtiennent ſi mal.

Les anciens ont eſté tellement preoccupez ſur le ſujet des ventricules, qu’ils ont pris les ventricules anterieurs, pour le ſiege du ſens-commun, & deſtiné les poſterieurs à la memoire, afin que le jugement, à ce qu’ils diſent, eſtant logé dans celuy du milieu, puſt faire plus aiſement ſes reflexions, ſur les idées qui luy viennent de l’un & de l’autre des ventricules. Il n’y a autre choſe à faire, qu’à prier icy ceux qui ſouſtiennent avec les Anciens, cette opinion, de nous donner des raiſons, qui nous obligent à les croire ; car ie vous aſſure, que de tout ce qui a eſté allegué juſques à cette heure, pour établir cette opinion, il n’y a rien de convaincant ; & cette belle cavité voutée du troiſiéme ventricule, où ils avoient poſé le ſiege du jugement, & dreſſé le thrône de l’ame, ne s’y trouvant meſme pas, vous voyez bien ce qu’il faut juger, du reſte de leur ſyſtéme.

Monſieur Vvillis nous donne un ſyſteme tout à fait particulier. Il loge le ſens commun dans le corpus ſtriatum, ou corps rayé ; l’imagination, dans le corpus calloſum, & la memoire dans l’écorce, ou dans la ſubſtance griſâtre, qui enuelope la blanche ; mais il y auroit beaucoup de choſes à dire, s’il falloit examiner en détail, toutes ſes hypotheſes. Il nous décrit le corps rayé, comme s’il y avoit deux ſortes de rayes, dont les unes montent, & les autres deſcendent ; & neantmoins, ſi vous faites une ſeparation du corps gris, d’avec la ſubſtance blanche, vous verrez que ces rayes, ne ſont toutes que d’une meſme nature ; c’eſt à dire qu’elles font partie de la ſubſtance blanche du corps calleux, qui va vers la moelle du dos, ſeparée en diverſes lamelles, par l’entremiſe de la ſubſtance griſâtre.

Quelle aſſeurance peut il donc avoir, pour nous faire croire, que ces trois operations, ſe font dans les trois corps qu’il leur deſtine ? Qui eſt-ce qui nous peut dire ſi les fibres nerveuſes commencent dans le corps rayé, ou ſi elles paſſent pluſtoſt par le corps calleux, juſques à l’écorce ou à la ſubſtance griſâtre ? Certes, le corps calleux nous eſt ſi inconnu, que pour peu qu’on ayt d’eſprit, on en peut dire tout ce qu’on veut.

Pour ce qui eſt de Monſieur des Cartes, il connoiſſoit trop bien les defauts de l’hiſtoire que nous avons de l’homme, pour entreprendre d’en expliquer la veritable compoſition. Auſſi n’entreprend il pas de le faire dans ſon traité de l’homme, mais de nous expliquer une machine, qui faſſe toutes les actions, dont les hommes ſont capables. Quelques-uns de ſes amis s’expliquent icy un peu autrement que luy ; on voit pourtant au commencement de ſon ouvrage, qu’il l’entendoit de la ſorte ; & dans ce ſens, on peut dire avec raiſon, que Monſieur des Cartes a ſurpaſſé les autres Philoſophes dans ce Traitté dont ie viens de parler. Perſonne que luy n’a expliqué méchaniquement toutes les actions de l’homme, & principalement celles du cerveau ; les autres nous décrivent l’homme meſme ; Monſieur des Cartes ne nous parle que d’une machine, qui pourtant nous fait voir l’inſuffiſance de ce que les autres nous enſeignent, & nous apprend une methode de chercher les uſages des autres parties du corps humain, avec la meſme evidence, qu’il nous démontre les parties de la machine de ſon homme, ce que perſonne n’a fait avant luy.

Il ne faut donc pas condamner Monſieur Des Cartes, ſi ſon ſyſteme du cerveau ne ſe trouve pas entierement conforme à l’expérience ; l’excellence de ſon eſprit qui paroiſt principalement dans ſon Traitté de l’Homme, couvre les erreurs de ſes hypotheſes. Nous voyons que des Anatomiſtes tres-habiles, comme Veſale, & d’autres, n’en ont pu éviter de pareilles.

Si on les a pardonnées à ces grands hommes, qui ont paſſé la meilleure partie de leur vie dans les diſſections, pourquoi voudriez-vous eſtre moins indulgents à l’égard de Monſieur des Cartes, qui a employé fort heureuſement ſon temps à d’autres ſpéculations ? Le reſpect que ie crois devoir, avec tout le monde, aux eſprits de cet ordre, m’auroit empeſché de parler des defauts de ce Traitté, ie me ſerois contenté de l’admirer avec quelques uns, comme le deſcripton d’une belle machine, & toute de ſon invention ; ſi ie n’avois rencontré beaucoup de gens qui le prennent tout autrement, & qui le veulent faire paſſer pour une relation fidele, de ce qu’il y a de plus caché dans les reſſorts du corps humain. Puiſque ces gens là ne ſe rendent pas aux démonſtrations tres évidentes de Monſieur Silvius, qui a fait voir ſouvent que la deſcription de Monſieur des Cartes, ne s’accorde pas avec la diſſection des corps qu’elle décrit, il faut que ſans rapporter icy tout ſon ſyſteme, ie leur en marque quelques endroits, où ie ſuis aſſuré qu’il ne tiendra qu’à eux de voir clair, & de reconnoiſtre une grande difference entre la machine que Monſieur des Cartes s’eſt imaginée, & celle que nous voyons, lors que nous faiſons l’Anatomie des corps humains. La glande pinéale a eſté dans ces derniers temps, le ſujet des plus grandes queſtions ſur l’Anatomie du cerveau ; mais avant que d’entrer dans le fait, & que de reſoudre la queſtion du lieu où elle ſe trouve, il faut que ie faſſe voir premierement l’opinion de Monſieur des Cartes ſur ce ſujet, & cela par ſes propres paroles. Voicy divers paſſages où il en parle, & qui ſont confirmés par d’autres endroits de ſon Traitté, que l’on peut voir à la fin de ce diſcours.

La ſuperficie de la glande a un rapport à la ſuperficie interieure du cerveau. Q

Dans les concavitez du cerveau, les pores ſont oppoſez, directement à la ſurface de la petite glande. F

Les eſprits coulent de tous les coſtez de la glande dans les concavitez du cerveau. D

La glande peut ſervir aux actions nonobſtant qu’elle penche tantoſt d’un coſté & tantoſt de l’autre. L.

Les petits tuyaux de la ſuperficie des concavitez regardent toujours vers la glande, & ſe peuvent facilement tourner vers les divers points de cette glande. E.

Ainſi, on ne peut douter qu’il n’ait creû que la glande pinéale ne fuſt entierement dans les concavitez du cerveau.

Il ne faut point s’arreſter ſur ce que Monſieur des Cartes dit en quelques endroits, qu’elle eſt ſituée à l’entrée des concavitez. Car cela n’eſt point contraire à ce qu’il dit ailleurs, puiſque de la grandeur qu’elle eſt, elle peut, ſelon ſon opinion, occuper la place qui eſt vers l’entrée des concavitez, ou quelque autre endroit des concavitez, & eſtre toûjours dedans, comme il le dit dans tous les autres paſſages.

Voyons maintenant ſi cette opinion ſe trouve conforme à l’expérience.

Il eſt vray que la baſe de la glande touche immediatement au paſſage du troiſiéme ventricule au quatriéme, comme vous le voyez remarqué dans la figure. Mais la partie poſterieure de la glande, c’eſt à dire ſa moitié, eſt tellement hors des concavitez, qu’il eſt tres aiſé de ſatiſfaire les ſpectateurs ſur ce poinct. Et pour cela, il n’y a autre choſe à faire, qu’à oſter le cerebellum, ou le petit cerveau, & une des éminences d’un des tubercules du troiſiéme pair, ou toutes les deux ſi vous voulez, ſans toucher aux ventricules ; car la choſe avant eſté faite adroitement, vous verrez la partie poſterieure de la glande toute découverte, ſans qu’il y paroiſſe aucun paſſage, par où l’air ou quelque liqueur puiſſe entrer dans les ventricules.

Maintenant, pour s’éclaircir de la ſituation de ſa partie interieure, & pour faire voir qu’elle n’eſt pas dans les concavitez laterales, on n’a qu’à les conſiderer aprés les avoir ouvertes, ſoit qu’en les ouvrant on ſe ſoit ſervy de la methode de Monſieur Silvius, ou de celle des Anciens ; car on verra toûjours l’épaiſſeur de la ſubſtance du cerveau entre la glande & les concavitez laterales. On peut encore démontrer cette verité ſans couper la ſubſtance du cerveau, en ſeparant de ſa baſe la partie, qui contient les concavitez dont il eſt queſtion, car en ce faiſant, vous trouverez la glande tellement hors de ces concavitez, que meſme elle ne les peut regarder en façon du monde, en eſtant empeſché par les attaches qui tiennent cette partie du cerveau jointe à ſa baſe. Les Anciens ont connu que la partie du cerveau appelée communement la voûte ou le fornix, n’eſt pas continuée avec la baſe du cerveau ; mais qu’elle en ſoûtient la ſubſtance repliée, & qu’ainſi elle forme au deſſous une troiſiéme cavité. Il eſt vray qu’en pouſſant de l’air avec force dans l’entrée de la fente des tubercules du deuxiéme pair, l’air élevant la voûte, rompt les filets qui la joignent à la baſe, & fait paroître une cavite fort grande. De là vient, qu’on s’eſt imaginé que quand les eſprits entrent les concavitez, la voûte s’éleve, & que la ſurface de la glande regarde de tous coſtez la ſurface des concavitez.

Ie dis qu’on ſe l’eſt imaginé, parce qu’encore que la voûte s’éleve de la façon que ie viens de dire, il n’y a que la ſurface anterieure de la glande qui puiſſe regarder les concavitez laterales ; pour le reſte qu’on faſſe telle preparation qu’on voudra, on ne fera jamais en ſorte que la partie poſterieure de la glande regarde les ventricules poſterieurs. Mais ſi vous ne forcez pas le cerveau en rompant le crane, ou en faiſant entrer de l’air avec force entre ſes parties, ou en uſant de quelque autre violence ; vous ne trouverez aucune choſe dans ce troiſiéme ventricule, dont le milieu eſt fort eſtroit ; & qui eſt ſeulement remply par la grande veine qui fait le quatriéme ſinus, & par les corps glanduleux, qui accompagnent cette grande veine.

I’avouë qu’il ſe trouve derriere cette fente & juſtement au deſſous de ſon trou poſterieur, une cavité qui eſt comme tapiſſée devant, & à coſté, par la partie du plexus choroides, qui monte vers le quatriéme ſinus ; & par derriere, elle eſt fermée par la glande pineale, dont la partie anterieure eſt entierement continuée, & quand on a oſté le fornix ; ou la voûte, cette cavité demeure entiere ſous la premiere, & repreſente en quelque ſorte un cornet renverſé.

Quant à ce que dit Monſieur des Cartes que la glande peut ſervir aux actions, quoy qu’elle penche tantoſt d’un coſté, & tantoſt de l’autre, l’expérience nous aſſure qu’elle en eſt tout à fait incapable ; car elle nous fait voir qu’elle eſt tellement engagée entre toutes les parties du cerveau, & tellement attachée de tous coſtez avec ces meſmes parties, que vous ne luy ſcauriez donner le moindre mouvement ſans la forcer, & ſans rompre les liens qui la tiennent attachée. Pour ce qui eſt de ſa ſituation, il eſt aiſé de montrer le contraire de ce que Monſieur des Cartes nous en dit ; car elle n’eſt pas à plomb ſur le cerveau ; elle n’eſt pas tournée vers le devant, comme pluſieurs des plus habiles le croyent ; mais ſa pointe regarde toûjours le cerebellum ; ou le petit cerveau, & fait avec la baſe un angle approchant du demy-droit.

La connexion de la glande avec le cerveau, par le moyen des arteres, n’eſt pas plus veritable ; car le tour de la baſe de la glande tient à la ſubſtance du cerveau, ou, pour mieux dire, la ſubſtance de la glande, eſt continuée avec le cerveau, ce qui eſt directement contraire, à ce qu’il dit en l’article. H.

L’hypotheſe des artères aſſemblées à l’entour de la glande, & qui montent vers le grand Euripe, n’eſt pas de peu de conſequence pour le ſyſteme de Monſieur des Cartes, puiſque la ſeparation des eſprits, & leur mouvement en dépend ; cependant, ſi vous en croyez vos yeux, vous trouverez que ce n’eſt qu’un aſſemblage de veines, qui viennent du corps calleux, de la ſubſtance interieure du cerveau, du plexus choroides, de divers endroits de la baſe du cerveau, & de la glande meſme ; que ce ſont des veines, & non pas des arteres, & qu’elles rapportent le ſang vers le cœur, au lieu que les arteres le portent du cœur vers le cerveau. Quelques-uns ont creu que Monſieur des Cartes, vouloit continuer les nerfs juſqu’à la glande ; mais ce n’a point eſté ſon opinion.

Les amis de Monſieur des Cartes qui prennent ſon Homme pour une machine, auront ſans doute, pour moy la bonté de croire, que ie ne parle point icy contre ſa machine, dont j’admire l’artifice ; mais pour ceux qui entreprennent de demontrer que l’homme de Monſieur des Cartes eſt fait comme les autres hommes : l’expérience de l’Anatomie leur fera voir que cette entrepriſe ne leur ſçauroit reüſſir.

On me dira, qu’ils ſe croyent auſſi fondez ſur l’expérience, & ſur l’Anatomie. Ie réponds à cela, qu’il n’y a rien de plus ordinaire que de faire des fautes, ſans s’en apercevoir en diſſequant le cerveau ; ce que l’on verra clairement dans la ſuite de ce diſcours. I’avois eu la penſée de rapporter les autres ſyſtémes du cerveau, par leſquels on a voulu expliquer les actions animales, la ſource, & les parties des ſeroſités du cerveau : mais i’ay conſideré depuis, que c’eſtoit une entrepriſe qui demandoit plus d’application & plus de loiſir, que le deſſein de mon voyage ne m’en laiſſe.

Les diſſections, ou les preparations, eſtant ſujettes à tant d’erreurs, & les Anatomiſtes ayant eſté juſqu’à cette heure faciles à ſe ſuivre des ſyſtémes, & à y accommoder la molleſſe de ces parties, il ne faut pas s’étonner ſi les figures qu’on fait d’aprés, ne ſont pas exactes. Mais les fautes de la diſſection ne ſont pas la ſeule cauſe de ce qui manque à leur exactitude, le Deſſinateur y meſle quelquefois l’ignorance de ſon Art, la difficulté qu’il y a de donner, dans le deſſein, le relief & l’enfoncement à ces parties, & celle de luy faire bien entendre ce qu’il y a à obſerver le plus ſoigneuſement, luy ſervent toujours d’excuſe. Les meilleures figures du cerveau que nous ayons eues juſqu’à préſent, ſont celles que Monſieur Willis nous a données : il s’y eſt pourtant gliſſé deçà & delà des fautes, qu’il importe de remarquer, & il y auroit bien des choſes à ajouter, pour les rendre parfaites. Dans la troiſiéme figure, il repreſente la glande ſuperieure, autrement la glande pineale, comme une boule ronde ; ſi elle eſtoit ſans pointe, comme ſa figure la repreſente, on ne pourroit dire que ſa pointe regarde plutoſt le devant que le derriere. Vous n’y voyez rien auſſi de la ſubſtance du cerveau, qui eſt devant la baſe de la glande, & qui paſſe outre d’un coſté du Cerveau à l’autre, & ſelon la figure, vous jugeriez qu’il n’y avoit rien au devant. Derriere la glande il paroiſt un eſpace, entre les corps du troiſiéme pair des tubercules, qui ſe rencontre dans la baſe du cerveau, lequel eſpace paroiſt tout autrement, quand on le void dans le naturel. L’expanſion mince de la ſubſtance blanche du cerveau, qui ſe va continuer avec le milieu du petit cerveau, & qui en cet endroit eſt fort épaiſſe, ne s’y trouve pas, ny la vraye origine des nerfs pathetiques, qui ſortent de cette meſme expanſion. Il fait auſſi paroître ſéparés les corps du deuxiéme pair des tubercules, encore qu’ils tiennent d’ordinaire enſemble. Le deſſous de la voûte y paroiſt toute d’une meſme ſubſtance ; cependant, on y trouve des inégalités, & une ſtructure très élégante. Le corps ſtriatum, ou rayé, fait, à la verité, paroiſtre des rayons, quand on le coupe en travers ; mais ils ſont fort differents de ce que la 8. des Figures de Monſieur Willis nous repreſente. Vous vous imagineriez à la voir, que ces rayons blancs ſe continuent avec la partie anterieure du meſme corps ſtriatum ou rayé ; au lieu que la partie anterieure de ce corps eſt d’une ſubſtance griſâtre, laquelle paſſant entre les rayons blancs, fait que dans cette maniere de diſſection, elle ne paroiſt ny tenir, ny eſtre jointe à aucun autre corps.

Dans la troiſiéme figure, l’infundibulum, ou l’entonnoir, n’a rien d’approchant du naturel : les nerfs qui font remuër les yeux ont une ſituation droite, au lieu qu’ils devroient eſtre tournez ; vous n’y voyez pas la vraye origine des filets qui ſortent de la baſe du cerveau, pour compoſer ces meſmes nerfs. Le pont de Varolius pouvoit eſtre mieux exprimé, & plus diſtinctement ; auſſi les racines anterieures de la voûte que vous voyez dans la ſeptiéme & huitiéme figure, ne ſont pas ſeparées comme ces figures les font paroître, mais elles ſe touchent en haut, où elles font un angle aigu.

La ligne marquée G. G. G. dans la ſeptiéme figure, paroît une ligne continuée, encore que ce qui eſt repreſenté entre des racines de la voûte, n’ait point de connexion avec les extremitez.

Dans la meſme figure, la glande pineale tient à la ſubſtance du cerveau par deux funicules. Ie ne parleray point des figures de Veſalius, Caſſerius, &c. car puiſque les dernieres & les plus exactes ſont ſi éloignées de la perfection qu’elles pouvoient avoir, on s’imaginera bien, quel eſtat on doit faire des autres.

Ie n’ay veu que trois figures de Varolius, leſquelles expriment très-mal, les plus belles remarques, que jamais perſonne nous ait données du cerveau. Ie ne ſçay pas ſi les figures de la premiere edition, qui eſt celle de Padoue de l’année 1573, ſont meilleures que celles que i’ay veuës, qui ſont de Francfort 1591, & qui ſe trouvent auſſi dans l’Anatomie de Bauhin. Entre celles de Monſieur Bartholin, il y en a trois, qui repreſentent des diſſections, faites ſelon la maniere de diſſequer le cerveau, que Monſieur Sylvius nous a donnée, où l’Autheur meſme avertit le Lecteur de quelques fautes. Mais ſans m’arreſter à diverſes autres, qui ſe trouvent dans ces figures en general ; je diray ſeulement, qu’il n’y a guère de figures, où l’on trouve la vraye ſituation de la glande, ny le vray conduit du troiſiéme ventricule. Nous n’en avons point non plus, qui nous exprime bien le plexus, ou le lacis choroïde ; ny qui nous y repreſente la ramification des veines contenues dans les concavitez laterales, la diſtribution des arteres, le concours de pluſieurs veines qui compoſent le quatriéme ſinus, ny les corps glanduleux qui s’y trouvent en aſſez grande quantité.

Vous venez de voir, Meſſieurs, de quelle maniere s’eſt faite juſqu’à maintenant, la diſſection du cerveau, le peu de lumiere que l’on en a tiré, & comment les figures expriment peu fidelement les parties, qu’elles devroient repreſenter. Jugez par-là, quelle foy l’on doit ajoûter aux explications faites ſur de ſi mauvais fondemens. Il eſt encore arrivé, que ceux qui ont entrepris de faire ces explications, par ie ne ſçay quel eſprit, qui s’eſt rencontré en la plus-part de ceux qui ont écrit des arts, ont employé des termes fort obſcurs, des metaphores, & des comparaiſons ſi peu propres, qu’elles embaraſſent preſque également, l’eſprit de ceux qui entendent la matiere, & de ceux qui s’en veulent inſtruire. D’ailleurs, la pluſpart de ces termes ſont ſi bas, & ſi indignes de la partie materielle de l’homme la plus noble, que ie ſuis auſſi eſtonné du dereglement de l’eſprit de celuy, qui les a employez le premier, que de la patience de tous les autres, qui depuis ſi long temps, s’en ſont toûjours ſeruis. Quelle neceſſité y avoit-il, d’employer les mots de nates, de teſtes d’anus, de vulve, de penis, puis qu’ils ont ſi peu de raport aux parties, qu’ils ſignifient dans l’Anatomie du cerveau : en effet, ils leur reſſemblent ſi peu, que ce que l’un appelle nates, l’autre l’appelle teſtes, &c.

Le troiſiéme ventricule eſt un terme fort équivoque : les Anciens ont appellé ainſi, une cavité ſous la fornis, ou la voûte, laquelle voûte ils croyoient ſeparée de la baſe du cerveau, & ils l’ont repreſentée, comme poſée ſur trois pieds, pour ſouſtenir le corps du cerveau, qui repoſe deſſus. Monſieur Sylvius prend pour le troiſiéme ventricule, un Canal qui ſe trouve dans la ſubſtance de la baſe du cerveau, entre l’entonnoir, & le paſſage qui va ſous les deux pairs poſterieurs des tubercules du cerveau, vers le quatriéme ventricule. Il y en a qui en diſſequant, ſeparent les corps du deuxiéme pair des tubercules, & prennent pour le troiſiéme ventricule, l’eſpace entier qui ſe trouve entre ces deux corps, ce qu’ils ont fait en les ſeparant ; de ſorte que le troiſiéme ventricule, eſt tantoſt la fente qui eſt au deſſus, & tantoſt le Canal de deſſous ; & les autres veulent que ce ſoit l’eſpace d’entre le Canal & la fente, fait par la rupture des corps que ie viens de décrire. Voila donc de trois ſortes de troiſiéme ventricule tres-differentes, deſquelles il n’y a que la ſeconde, qui ſoit vraye dans le naturel. Car la premiere & la troiſiéme, dépendent entiérement de la preparation.

On pouvoit ajoûter une quatriéme ſignification, ſi on vouloit prendre la petite fente qui eſt ſous la voûte, pour un paſſage des deux ventricules anterieurs, dans le quatriéme ventricule. Mais elle eſt fort petite, & tellement remplie par les vaiſſeaux & les corps glanduleux du lacis choroïde, que ie doute fort qu’il y ait par là quelque communication, entre les ventricules anterieurs, & les poſterieurs ; puiſque le troiſiéme ventricule, ſelon l’appellation de Monſieur Sylvius, eſt aſſez grand pour cela. Auſſi la ſituation de ce Canal de Monſieur Sylvius, eſt tellement propre à cet uſage, que ſi vous voulez que quelque choſe aille des ventricules lateraux au quatriéme ventricule, rien n’y peut aller devant que l’entonnoir, & ce Canal en ſoient premierement remplis.

Nous contons deux glandes dans le cerveau, encore que nous ne ſçachions pas, ſi l’une ou l’autre a quelque autre choſe de commun avec les glandes, que la ſeule figure, laquelle encore, eſtant bien examinée, ne ſe trouvera pas tout à fait conforme à celle des glandes.

La glande ſuperieure, ou pineale, ne reſſemble pas à la pomme de pin, dans tous les animaux, ny dans l’homme meſme.

On appelle la glande inferieure, pituitaire, encore qu’on n’ait pas la moindre aſſurance que ſon action ſoit ſur la pituite.

Le Plexus Choroïde repreſente un Lacis de vaiſſeaux ; cependant, vous y voyez aiſément les veines diſtinctes des arteres, & vous pouvez avec la meſme facilité, conduire la diſtribution des unes & des autres ſeparément. Le nom de voûte vous fait concevoir une cavité voutée, laquelle pourtant ne s’y trouve en façon quelconque quand vous la cherchez comme il faut. Le Corps calleux, ſelon l’uſage commun, ſignifie la ſubſtance blanche du Cerveau, qu’on void quand on en ſépare les deux parties latérales ; mais il eſt vray que cette partie eſt entierement ſemblable au reſte de la ſubſtance blanche du Cerveau ; & ainſi l’on ne void point de raiſon, de donner un nom particulier, à une partie de cette ſubſtance.

Il n’y a que deux voyes, pour parvenir à la connoiſſance d’une machine ; l’une, que le maiſtre qui l’a compoſée nous en découvre l’artifice ; l’autre de démonter juſqu’aux moindres reſſorts, & les examiner tous ſéparément, & enſemble.

Ce ſont-là les vrays moyens de connoiſtre l’artifice d’une machine ; & neantmoins la pluſpart ont crû, qu’ils l’avoient mieux deviné, qu’il n’eſtoit aiſé de le voir en l’examinant de prés par les ſens. Ils ſe ſont contentez d’obſerver ſes mouvemens, & ſur ces ſeules obſervations, ont bâti des ſyſtémes, qu’ils ont donnez pour des veritez ; quand ils ont crû qu’ils pouvoient expliquer par là, tous les effets qui eſtoient venus à leur connoiſſance. Ils n’ont pas conſideré, qu’une meſme choſe peut eſtre expliquée de differente maniere, & qu’il n’y a que les ſens qui nous puiſſent aſſurer, que l’idée que nous nous en ſommes formée, eſt conforme à la nature. Or le cerveau eſtant une machine, il ne faut pas que nous eſperions d’en trouver l’artifice, par d’autres voyes, que par celles dont on ſe ſert, pour trouver l’artifice des autres machines. Il ne reſte donc qu’à faire ce qu’on feroit en toute autre machine, c’eſt de démonter piece à piece tous ſes reſſorts, & conſiderer ce qu’ils peuvent faire ſeparement, & enſemble. C’eſt en cette recherche qu’on peut dire avec raiſon, que le nombre eſt bien petit de ceux, qui y ont fait paroiſtre l’ardeur d’une vraye curioſité. La Chymie a eu dans tous les ſiecles, des particuliers & des princes ; qui luy ont fait conſtruire des laboratoires ; mais peu de gens ſe ſont appliquez avec une pareille ardeur à l’Anatomie. Ce n’eſt pas qu’il ait tenu aux Princes ; il s’en eſt trouvé pluſieurs qui ont eu de la curioſité pour une connoiſſance ſi importante, & qui ont fait dreſſer de magnifiques theatres, deſtinez aux diſſections ; qu’ils ont meſme quelquefois honorez de leur preſence. Mais ceux qui font les diſſections, ont touiours voulu paroiſtre conſommez en cette ſcience ; pas un d’eux n’a voulu confeſſer combien il reſtoit de choſes à y apprendre, & pour cacher leur ignorance, ils ſe ſont contentez de faire les demonſtrations, de ce que les Anciens ont écrit.

Les Anatomiſtes auroient ſujet de ſe plaindre de moy, ſi ie ne m’expliquois icy davantage, pour faire voir qu’ils n’ont pas tout le tort, dont il ſemble que ie les accuſe, lors que ie dis qu’ils ne s’appliquent pas aſſez aux recherches Anatomiques.

Ceux qui s’y adonnent, ſont d’ordinaire Medecins, ou Chirurgiens ; ils ſont obligez les uns & les autres à voir leurs malades, & dés qu’ils ont acquis quelque connoiſſance, & quelque reputation, ils ne peuvent plus donner le temps neceſſaire aux recherches. Mais ils ne deuroient pas entreprendre de guerir un corps, dont ils ne connoiſſent pas la ſtructure, c’eſt à dire, qu’ils ne deuroient pas ſe hazarder à remonter une machine, dont ils ne connoiſtroient pas les reſſorts.

Les autres qui ne voyent point de malades, & qui n’ont point d’autre employ, que la profeſſion de l’Anatomie dans les Ecoles, ne ſe croyent pas plus obligez à faire des recherches, que les Medecins, & les Chirurgiens. Car le but de leur profeſſion eſt d’enſeigner à ceux qui veulent pratiquer la Medecine, ou la Chirurgie, la deſcription que les Anciens nous ont laiſſée du corps humain. & quand on a demontré clairement ce qui eſt dans leurs écrits, & que les autres l’ont diſtinctement compris, les uns & les autres penſent avoir ſatisfait à leur devoir. On a ſi mal marqué les bornes de ces deux profeſſions, que la connoiſſance veritable de la machine du corps humain, qui eſtoit le plus neceſſaire, eſt negligée, comme n’eſtant pas du departement de l’Anatomiſte, du Medecin, ny du Chirurgien. Le ſoin de faire des recherches qui nous apprennent la verité, veut un homme tout entier, qui n’ait que cela à faire. Celuy meſme qui fait profeſſion d’Anatomie, n’y eſt pas propre, il eſt obligé à des demonſtrations publiques, qui l’empeſchent de s’engager à cette application, par des raiſons que i’ay deja dites, & par d’autres que ie m’en vais encore vous repreſenter.

1. Chaque partie, pour eſtre bien examinée, demande tant de temps, & une telle application d’eſprit, qu’il faut qu’on quitte tout autre ouvrage, & toute autre penſée, pour vaquer à celle-là ; ce que la pratique ne permet pas aux Medecins ny aux Chirurgiens, non plus que les demonſtrations Anatomiques, à ceux qui en font profeſſion. Il faut quelquefois des années entieres, pour découvrir ce qui peut enſuite eſtre demontré aux autres, dans l’eſpace d’une heure. Ie ne doute pas que Monſieur Pecquet, n’ait employé bien du temps, avant qu’il ait conduit le Chyle du Meſentere, juſques dans la ſouſclaviere ; & ie ne ſerois peut-eſtre pas creu, ſi ie diſois la peine que i’ay euë avant que de pouvoir montrer la vraye inſertion de ce meſme conduit de Monſieur Pecquet, dont Bils nous avoit donné la figure ; au lieu qu’il ne faut maintenant que demie-heure, ou une heure, pour preparer, & pour demonſtrer l’un & l’autre enſemble.

2. Encore que les Anatomiſtes, ouurent mille corps dans les Ecoles, c’eſt un pur hazard, s’ils y découvrent quelque choſe ; ils ſont obligez de demontrer les parties ſelon les Anciens, & il faut meſme, pour cela, qu’ils ſuivent une certaine methode. Les recherches, au contraire, n’admettent aucune methode ; mais elles veulent eſtre eſſayées par toutes les manieres poſſibles. Il faut couper toutes les autres choſes, pour demontrer celle qu’on leur demande ; au contraire, les recherches demandent qu’on ne coupe pas la moindre partie, ſans l’avoir examinée auparauant. Si on ſuivoit cette maniere dans les Ecoles, les Spectateurs prendroient celuy qui diſſeque, pour un ignorant. Ils auroient raiſon de ſe plaindre du temps qu’il leur auroit fait perdre ; parce que ſouvent, apres avoir long-temps cherché, il ne trouveroit pas ce qu’il avoit entrepris de leur montrer. Vous voyez bien par là, que ceux qui ont profeſſé l’Anatomie juſques à cette heure, n’ont pas eſté obligez aux recherches, & que meſme ils n’y auroient pû reüſſir ; de ſorte que ce n’eſt pas leur faute, que l’Anatomie n’ait pas fait plus de progrez, depuis tant de ſiecles.

Cette ſcience, parlant en general, a donc eſté traitée avec peu de ſuccèz, & les recherches du cerveau, en particulier, ont encore moins reuſſi, n’ayant pas eſté entrepriſes, avec toute la diligence neceſſaire, à cauſe des difficultez attachées, à la diſſection de cette partie ; voyons maintenant en quoy elles conſiſtent, & ſi quelques uns de ceux qui s’y ſont exercez, s’y ſont pris comme la choſe le merite.

Monſieur Bils s’eſt appliqué à l’Anatomie, ſans eſtudier ce qu’en ont écrit les Anciens ; mais ie ne doute point qu’il n’euſt pouſſé plus loin la connoiſſance qu’il en a, ſi apres avoir veu ce que les Anciens avoient fait de bon, il euſt employé ſon temps, & ſon ardeur, à faire de nouvelles recherches. Il faut avouer, que l’on voit de ſi belles experiences, dans les écrits de ceux qui nous ont precedé, que nous aurions couru grand riſque de les ignorer, s’ils ne nous en euſſent avertis. Il s’eſt meſme rencontré quelquefois, qu’ils nous ont dit des veritez, que ceux de noſtre temps n’ont pas reconnuës, faute de les avoir examinées avec aſſez d’application. Il eſt vray, d’ailleurs, que ce que les Anciens & les modernes nous ont enſeigné touchant le cerveau, eſt ſi plein de diſputes, qu’autant qu’il y a de livres d’Anatomie, de cette partie, ce ſont autant d’écueils de diſputes, de doutes, & de controverſes. Mais cela n’empeſche pas, que l’on ne puiſſe beaucoup profiter de leur travail, & meſme tirer de grands avantages de leurs erreurs. Ie parle des Autheurs, qui ont travaillé eux-meſmes. Car pour les autres, qui n’ont travaillé que ſur les travaux d’autruy, on ne les peut lire que par divertiſſement, & il n’eſt pas toûjours inutile de le faire ; mais ils auroient eu bien plus de merite, & leurs eſtudes auroient eſté d’un bien plus grand ſoulagement pour ceux qui travaillent, s’ils euſſent fait un recit exact, de ce que les Anatomiſtes ont écrit du cerveau, ou s’ils euſſent étendu, ſelon les loix de l’Analyſe, toutes les manieres d’expliquer méchaniquement, les actions animales, ou s’ils ſe fuſſent occupez à dreſſer un catalogue bien exact de toutes les propoſitions qu’ils y ont trouvées, entre leſquelles il auroit fallu diſtinguer ſoigneuſement, celles qui ſont fondées ſur le fait & ſur l’experience, d’avec les autres, qui ne ſont que des raiſonnemens ; mais il n’y a eu perſonne, juſqu’à cette heure, qui s’y ſoit pris de la ſorte ; c’eſt pourquoy il ne ſe faut guere arreſter, qu’à ceux qui ont travaillé eux-meſmes.

La premiere choſe qu’on y doit conſiderer, eſt l’hiſtoire des parties, dans laquelle il eſt neceſſaire de determiner, ce qui eſt vray & certain, pour le pouvoir diſtinguer d’avec des propoſitions, qui ſont ou fauſſes, ou incertaines. Ce n’eſt pas meſme aſſez de s’en pouvoir éclaircir ſoy-meſme, il faut que l’évidence de la demonſtration oblige tous les autres à en demeurer d’accord ; autrement le nombre des controverſes augmenteroit, au lieu de diminuër. Chaque Anatomiſte qui s’eſt occupé à diſſequer le cerveau, demontre par experience ce qu’il en dit, la molleſſe de ſa ſubſtance luy eſt tellement obeiſſante, que ſans y ſonger, les mains forment les parties, ſelon que l’eſprit ſe l’eſt imaginé auparavant : & le ſpectateur voyant ſouvent deux experiences contraires, faites ſur une meſme partie, ſe trouve bien empeſché, ne ſçachant laquelle il doit recevoir pour vraye, & il nie, à la fin quelquefois l’une & l’autre, pour ſe tirer de peine. C’eſt pourquoy, pour prevenir cet inconvenient, il eſt abſolument neceſſaire, comme ie l’ay déja dit, de chercher dans les diſſections, une certitude convaincante. I’avouë bien que cela eſt difficile ; mais ie connois auſſi qu’il n’eſt pas tout-à-fait impoſſible. Ne croyez pas, Meſſieurs, ſur ce que ie viens de dire, que ie tienne qu’il n’y a rien d’aſſuré dans l’Anatomie, & que tous ceux qui l’exercent, nous forment impunément les parties à leur plaiſir, ſans qu’on les en puiſſe convaincre. Vous pourrez douter, à la verité, ſi les parties qu’on vous montre ſeparées, n’ont pas eſté jointes auparavant ; mais il ſeroit impoſſible de vous les faire voir jointes les unes aux autres, ſi elles ne l’avoient eſté naturellement. Pour ſortir nettement de ce doute, & pour s’aſſurer ſi les parties qu’on vous montre, n’ont pas eſté jointes enſemble ; il ne faut que les examiner en l’eſtat où elles ſe trouvent naturellement, ſans les forcer en façon du monde ; mais laiſſer faire à ceux que l’on veut convaincre, tout leur poſſible pour les démontrer jointes. On peut parvenir à la meſme certitude dans les autres circonſtances, & particulierement, lors qu’il s’agit de la ſituation des parties, pourveu que l’on ne touche rien, ſans l’avoir examiné auparavant, & meſme qu’à chaque moment, on exprime ce qu’on touche. Pour cet effet, il ne faut pas ſeulement eſtre attentif à la partie à laquelle on eſt occupé ; mais il faut auſſi faire reflexion ſur toutes les operations, que l’on a faites avant que d’y parvenir, leſquelles peuvent avoir fait quelque changement dans cette meſme partie. Car en maniant les parties exterieures, vous changez ſouvent les interieures ſans vous en apercevoir ; & quand vous venez à les découvrir, vous croyez qu’elles ſont telles, qu’elles vous paroiſſent, & vous ne vous ſouvenez pas que vous avez vous-meſme bien changé leur ſituation, & leur attachement, avec les autres parties. Ie vous en rapporteray icy un exemple, dans une queſtion Anatomique, la plus fameuſe de ce ſiecle. Ceux qui nient la continuation de la glande pinéale, avec la ſubſtance du cerveau, & l’attachement de la voûte, avec la baſe du cerveau, ne parleroient pas d’une choſe de fait, avec tant d’aſſeurance, s’ils ne croyoient s’en eſtre éclaircis, par des experiences, faites avec toute l’attention neceſſaire. Il faut que dans leurs experiences, ils n’ayent pas conſideré les changemens qui arriuent, quand on en a oſté le dehors, & qu’en le faiſant, l’on déchire les attaches, qui les attachements, qui joignent le crane à la dure-mere. Et i’ay veu, en levant la partie ſuperieure du crane, que le milieu de la dure-mere y eſtoit encore attachée, lors meſme que ie l’avois aſſez ouverte, pour paſſer trois doigts, entre les parties du crane ſeparées. Comment cette élevation de la dure-mere ſe pourroit-elle faire, ſans que les parties interieures qui y ſont attachées, ſouffriſſent par cette violence ? La glande pinéale tient au quatriéme ſinus, qui eſt attachée au ſinus falcis ; de ſorte que vous ne ſçauriez élever tant ſoit peu la dure-mere en cet endroit-là, ſans forcer la glande pinéale. Le meſme ſinus de la faux, reçoit toutes les veines, qui paſſent entre la voûte & la baſe du cerveau, & tiennent ces deux parties jointes enſemble. Il y a une connexion aſſez ferme, entre la partie ſuperieure du cerveau, & la dure-mere, par le moyen des veines, & quand vous élevez la dure-mere, la ſubſtance ſuperieure du cerveau qui y eſt attachée, obeit en meſme temps, & le quatriéme ſinus, eſtant tiré en haut, fait que la connexion, qui eſt entre la voûte & la baſe, ſe rompt. Ie m’y ſuis trompé bien des fois au commencement, & ie ne pouvois comprendre, pourquoy ces attachemens n’eſtoient pas toûjours ſenſibles. Mais voyant apres, dans les Chevaux, dans les moutons, dans les Chats, où la partie de la dure-mere, qui ſepare le petit cerveau d’avec le grand, eſt endurcie en os, que ie rompois beaucoup de parties interieures, en faiſant l’évulſion de cette partie oſſeuſe, ie commençay à reconnoître la cauſe de cette erreur, & i’ay appris que ce n’eſtoit pas une operation de peu de conſequence, que de bien ſeparer le crane. On fait toûjours une ſection circulaire dans le crane humain, pour en oſter le ſegment ſuperieur ; mais ſi on faiſoit une autre ſection dans ce ſegment, perpendiculaire à la premiere, on l’oſteroit plus aiſement, ſans forcer beaucoup le cerveau. Car il faut avouër, que le ciſeau, la ſcie, & les tenailles, ne ſe laiſſent iamais manier ſans force, & ſans concuſſion, ou ébranlement. On pourroit faire faire une petite ſcie, tout-à-fait circulaire, qui ne cauſeroit pas un grand ébranlement, principalement ſi l’on la faiſoit tourner ſur un axe preparé d’une certaine maniere, & poſé entre deux colonnes pointuës. Cette meſme ſcie pourroit ſervir à executer divers autres deſſeins, que l’on peut avoir dans la ſeparation du crane ; mais ſi on avoit quelque liqueur, qui puſt diſſoudre les os en peu de temps, ou les amolir, on ne pourroit rien ſouhaiter de plus commode, & ce ſeroit la meilleure de toutes les manieres de ſeparer le crane.

Ce n’eſt pas aſſez d’avoir à tout moment une attention exacte, il y faut ajoûter le changement des manieres de diſſequer, qui ſont comme autant de preuves, de la verité de voſtre operation, & qui peuvent également vous contenter vous-meſme, & convaincre les autres.

Cela paroîtra bien étrange, à ceux qui croyent qu’il y a des Loix arreſtées, ſelon leſquelles on doit faire la diſſection de chaque partie ; & qui tiennent, que les adminiſtrations Anatomiques, donnés par les Anciens, doivent eſtre entierement obſervées, ſans qu’il y ait rien à changer, ny à ajoûter. I’avouëray bien, que les Anciens, nous auroient pû donner des regles inviolables de la diſſection de chaque partie, s’ils en avoient eu une connoiſſance parfaite ; mais comme ils y ont eſté auſſi peu éclairez que ceux de noſtre ſiecle, & en diverſes particularitez, encore moins que nous ; ils ont eſté auſſi incapables que nous le ſommes, de preſcrire la vraye maniere de la diſſection, dans laquelle il n’y aura rien de conſtant, ny d’arreſté, juſques à ce que l’on ait fait davantage de découvertes. Il faut pourtant bien, me dira on, ſe ſervir de quelque methode, pour diſſequer les parties, ſelon qu’elles ſont connues juſques à cette heure ; i’en demeureray aiſement d’accord ; il eſt bon de ſe ſervir de la methode des Anciens, faute d’une meilleure mais non pas comme d’une choſe acheuée. La principale cauſe, qui a entretenu beaucoup d’Anatomiſtes dans leurs erreurs, & qui les a empeſchez d’aller plus loin que les Anciens, dans leurs diſſections, a eſté qu’ils ont creu, que tout avoit déja eſté ſi bien remarqué, qu’il ne reſtoit rien davantage à rechercher par les modernes ; & comme ils ont pris les regles anciennes de la diſſection, pour des loix inviolables, ils n’ont fait autre choſe, toute leur vie, que de demontrer les meſmes parties, par une meſme methode ; au lieu que l’Anatomie ne ſe doit aſſuiettir à aucune regle, & changer autant de fois, qu’elle commence de diſſections. D’où elle tire ce profit, que ſi elle ne découvre pas toûjours quelque choſe de nouveau, elle reconnoit, au moins, ſi elle s’eſt trompée dans ce qu’elle a veu auparavant, principalement quand il va quelque diſpute ; car elle doit alors laiſſer aux ſpectateurs, la liberté de preſcrire les loix de la diſſection.

Il eſt vray, que cette maniere de diſſection, n’eſt pas de grande parade, & qu’on ne peut pas faire le ſavant, dans ce temps que l’on avouë ſon ignorance ; pour moy i’ayme mieux avouer la mienne, que de debiter avec authorité des opinions, dont la fauſſeté ſera demonſtrée quelque temps apres par d’autres. Nous avons veu de grands Anatomiſtes, qui ſont tombez dans cet inconvenient, & nous en voyons encore d’autres, qui s’imaginent, que le monde aura plus de ſoy pour leur opiniaſtreté, que pour ſes propres yeux. Ie laiſſe cet amour propre à ceux qui s’en repaiſſent ; ie tâche de ſuivre les loix de la Philoſophie, qui nous enſeignent à chercher la verité en doutant de ſa certitude, & à ne s’en contenter pas, avant qu’on ſe ſoit confirmé par l’évidence de la demonſtration. Ie ne puis vous donner de preuves plus manifeſtes, de la neceſſité du changement des diſſections, que les deux ſuivantes. C’eſt une experience tres-aſſurée, que quand on a ſoufflé dans le commencement de la fente, qui eſt ſous la voûte, on trouve la voûte ſeparée de la baſe, & une cavité aſſez conſiderable entre deux ; de meſme qu’on fait, quand on oſte de force le crane, comme i’ay dit cy-deſſus. Cela eſt tellement manifeſte, que ceux qui travaillent, & ceux qui aſſiſtent à cette operation, croyent qu’il ne ſe peut rien faire de plus certain : ſi l’on commence à en douter, il n’y a point d’autre moyen pour ſe deliurer de ce doute, que de chercher à démontrer cette cavité par d’autres voyes. Car ſi elle y eſt naturellement, vous la trouverez toûjours de meſme, de quelque differente maniere que vous la cherchiez ; mais ſi par quelque autre ſorte de diſſection, vous trouvez qu’elle n’y eſt pas, & que les parties entre leſquelles cette cavité ſe devoit rencontrer, ſont attachées enſemble, ſans eſpace entre-deux ; vous devez déſlors eſtre convaincu de l’erreur de la première demonſtration, & vous verrez clairement, que la force de l’air que l’on avoit ſoufflé dedans, vous avoit cauſé cette apparence.

Si on fait la diſſection du cerveau humain à la maniere de Varolius, & de Willis, apres l’avoir oſté du crane, vous verrez d’ordinaire les corps du deuxiéme pair des tubercules, ſeparez au milieu de la ſubſtance blanche, qui eſt devant la glande, & qui ſera le plus ſouvent rompue.

Quand on fait la meſme diſſection, en laiſſant le cerveau dans le crane, on void l’un & l’autre tout entier, & il eſt aiſé de remarquer alors, en faiſant comparaiſon entre ces deux ſections que la cauſe de la première erreur, a eſté la peſanteur des parties laterales qui rompent celles du milieu.

Apres que l’on auroit fait un plan veritable, & tres-exact, des parties du cerveau ; découvert les erreurs, avec leurs cauſes ; & arreſté la vraye maniere de démontrer ces parties, en uſant de toutes les precautions neceſſaires. Il faudroit encore tâcher d’exprimer ce que l’on auroit connu, par des figures juſtes & fideles ; car il vaudroit mieux nen avoir point, que d’en avoir de fauſſes ou d’imparfaites. On ſe ſert du portrait, quand l’original eſt eſloigné, afin de s’en conſerver ainſi la memoire ; il y en a meſme qui ne voyent jamais ces parties, qu’en peinture ; l’averſion qu’ils ont pour le ſang, les empeſche de contenter leur curioſité par l’inſpection des ſujets & du naturel, tellement que ſi les figures ne ſont pas telles qu’elles doivent eſtre, elles donnent de fauſſes idées à ceux qui s’en ſervent, pour apprendre l’Anatomie, & embarraſſent les autres, qui ne s’en ſervent que pour ayder leur memoire.

C’eſt pourquoy il faut employer tous les moyens poſſibles, pour en avoir d’exactes, à quoy vn bon deſſignateur, eſt auſſi neceſſaire, qu’un bon Anatomiſte. Il faut auſſi une application & une eſtude toute particuliere, pour prendre bien ſes meſures, & voir de quelle manière ſe doit faire la diſſection, & comment il faut ordonner les parties, afin qu’on exprime diſtinctement, tout ce qui eſt à voir dans le cerveau. Où il ſe rencontre une difficulté, qui eſt particuliere à cette partie, lors qu’on en veut faire le deſſein. Car pour les autres parties, il ſuffit de les preparer une fois, pour en achever la figure. Le cerveau, au contraire, eſtant preparé, s’affaiſſe avant que l’on en ait tiré le deſſein ; de ſorte qu’il faut deſſiner d’apres pluſieurs cerveaux, pour achever une ſeule figure, ce qui n’ayant peut-eſtre pas eſté conſideré, pourroit bien eſtre cauſe, qu’il n’y a point de figures dans l’Anatomie plus imparfaites, que celles du cerveau.

Ie n’ay rien dit juſqu’icy de l’uſage des parties, ny des actions qu’on appelle animales, parce qu’il eſt impoſſible d’expliquer les mouvemens qui ſe font par une machine, ſi l’on ne ſcait l’artifice de ſes parties. Les perſonnes raiſonnables doivent trouver ces Anatomiſtes affirmatifs fort plaiſans, lors qu’apres avoir diſcouru ſur l’uſage des parties, dont ils ne connoiſſent pas la ſtructure, ils apportent pour raiſon des uſages qu’ils leur attribuent, que Dieu & la nature ne font rien en vain. Mais ils ſe trompent dans l’application qu’ils font icy, de cette maxime generale, & ce que Dieu, ſelon la temerité de leur jugement, a deſtiné à une fin, ſe trouve par la ſuite, avoir eſté fait pour une autre. Il vaut donc mieux confeſſer encore icy ſon ignorance, eſtre plus retenu à decider, & n’entreprendre pas ſi legerement d’expliquer ſur de ſimples conjectures, une choſe ſi difficile.

Ce que i’ay dit juſqu’à cette heure, n’eſt encore que la moindre partie, de ce que ie crois qu’on doit faire, pour avoir quelque connoiſſance du cerveau ; car il faudroit pour cela diſſequer & examiner autant de teſtes, qu’il y a de differentes eſpeces d’animaux, & de differents eſtats dans chaque eſpece. Dans les Foetus des animaux, on voit comment le cerveau ſe forme, & ce que l’on n’auroit point veu dans le cerveau ſain, & en ſon entier, on le verra dans les cerveaux, qui ont eſté changez par quelque maladie.

Dans les animaux vivans, il y a à conſiderer toutes les choſes qui peuvent cauſer quelque alteration aux actions du cerveau, ſoit qu’elles viennent du dehors, comme les liqueurs, les bleſſures, les medicamens ; ſoit que les cauſes ſoient internes, comme ſont les maladies, dont la medecine compte un grand nombre. Il y a encore cette raiſon de travailler ſur le cerveau des animaux, que nous les traittons comme il nous plaiſt. On y fait le trepan, & toutes les autres operations pour apprendre les manieres de les faire ; pourquoy ne pas faire ces meſmes operations, pour voir ſi le cerveau a quelque mouvement, & ſi en appliquant certaines drogues à la dure-mere, à la ſubſtance du cerveau, ou aux ventricules, on n’en pourroit pas apprendre quelques effets particuliers ?

On pourroit auſſi faire divers eſſais, ſans ouvrir le crane, appliquer deſſus exterieurement de differentes drogues, en meſler d’autres aux alimens, faire des injections dans les vaiſſeaux, & apprendre par là ce qui peut troubler les actions animales, & ce qui eſt plus propre à les remettre, quand elles ſont troublées.

Le cerveau eſt different dans les differentes eſpeces d’animaux, ce qui eſt une nouvelle raiſon de les examiner toutes ; le cerveau des oyſeaux & des poiſſons, eſt fort different de celuy de l’homme ; & dans les animaux qui l’ont le plus approchant du noſtre, ie n’en ay pas veu un ſeul, où ie n’aye trouvé quelque difference fort manifeſte.

Or cette difference quelle qu’elle puiſſe eſtre, donne toûjours quelque lumiere aux recherches, elle nous peut apprendre ce qui eſt abſolument neceſſaire. Il y a des animaux, où les fibres ſe voyent plus aiſement que dans l’homme, les parties qui dans l’homme ſont meſlées & jointes enſemble, ſe trouvent parfois diſtinctes & ſeparées dans d’autres animaux ; dans d’autres encore, on trouve la ſubſtance plus ou moins ſolide, la grandeur inégale, & la ſituation differente.

Ie ne m’eſtendray icy davantage, parce que ie ſuis perſuadé, que tout le monde avouëra ſans difficulté, que nous devons à la diſſection des animaux preſque toutes les nouvelles découvertes de ce ſiecle ; & qu’il y a des parties, qu’on n’auroit jamais reconnues dans le cerveau de l’homme, ſi l’on ne les avoit remarquées dans celuy des animaux.

Ce que nous avons veu juſqu’icy, Meſſieurs, de l’inſuffiſance des ſyſtémes du cerveau, des defauts de la methode que l’on a ſuivie pour le diſſequer, & pour le connoiſtre, de l’infinité des recherches qu’il faudroit faire ſur les hommes, ſur les animaux & cela dans tous les differents eſtats où il les faudroit examiner, le peu de lumiere que nous trouvons dans les écrits de ceux qui nous ont precedez & tous ces égards qu’il faut avoir en travaillant ſur des pieces ſi delicates doit bien detromper ceux qui s’en tiennent à ce qu’ils trouvent dans les livres des anciens. Nous ſerons toûjours dans une miſerable ignorance, ſi nous nous contentons du peu de lumieres qu’ils nous ont laiſſé, & ſi les hommes les plus propres à faire ces recherches, ne joignent leurs travaux, leur induſtrie, & leurs eſtudes, pour parvenir à quelque connoiſſance de la verité, qui doit eſtre le principal but de ceux qui raiſonnent, & qui eſtudient de bonne foy.

FIN.

Paſſages tirez des écrits de Monſieur des Cartes, qui confirment ce qui a eſté allegué en la page & ſuivantes de ce diſcours.

Page 11. Car il faut ſçavoir, que les autres qui les apportent du cœur, apres s’eſtre diviſées en une infinité de petites branches, & avoir compoſé ces petits tiſſus, qui ſont eſtendus comme des tapiſſeries au fond des concavitez du cerveau, ſe raſſemblent autour d’une certaine petite glande, a, ſituée environ le milieu de la ſubſtance de ce cerveau, b, tout-à-l’entrée de ſes concavitez, & ont en cet endroit un grand nombre de petits trous, par où les plus ſubtiles parties du ſang qu’elles contiennent, ſe peuvent écouler dans cette glande ; mais qui ſont ſi étroits, qu’ils ne donnent aucun paſſage aux plus groſſiers. Il faut auſſi ſçavoir, que ces arteres ne s’arreſtent pas là, c, mais que s’y eſtant aſſemblées pluſieurs en une, elles montent tout droit, & ſe vont rendre dans ce grand vaiſſeau, qui eſt comme un Euripe, dont toute la ſuperficie exterieure de ce cerveau, eſt arroſée.

Page 12. La glande doit eſtre imaginée comme une ſource abondante, d’où les parties du ſang les plus petites & les plus agitées, coulent en meſme temps de tous coſtez, dans les concavitez du cerveau.

63. Concevez la ſuperficie qui regarde les concavitez, comme un réſeau, ou un laſſis aſſez eſpais, & repreſſe, dont toutes les mailles ſont autant de petits tuyaux, par où les eſprits animaux peuvent entrer, e, & qui regardant vers la glande d’où ſortent ces eſprits, ſe peuvent facilement tourner çà, & là, vers les divers points de cette glande.

65. Les eſprits ne s’arreſtent non ſeulement en un eſpace, mais à meſure qu’ils entrent dans les concavitez du cerveau par les trous de la petite glande, f, ils tendent d’abord vers ceux des petits tuyaux, qui leur ſont le plus directement oppoſez.

72. En expliquant comment les figures ſe tracent dans les eſprits, ſur la ſuperficie de la glande, g, il détermine aſſez evidemment le rapport, qu’il fait entre la ſuperficie interieure du cerveau, & la ſuperficie de la glande.

77. Conſiderez, outre cela, que la glande eſt compoſée d’une matiere qui eſt molle, h, & qu’elle n’eſt pas toute jointe & unie à la ſubſtance du cerveau, i, mais ſeulement attachée à de petites arteres (dont les peaux ſont aſſez lâches & pliantes) k, & ſouſtenue comme en balance, par la force du ſang, que la chaleur du cœur pouſſe vers elle, l, en ſorte qu’il faut fort peu de choſe, pour la determiner, à s’incliner, ou ſe pancher, plus, ou moins, tantoſt d’un coſté, tantoſt de l’autre, & faire qu’en ſe penchant, elle diſpoſe les eſprits qui ſortent d’elle, à prendre leur cours vers certains endroits du cerveau, pluſtoſt que vers les autres : & un peu apres, ſi les eſprits eſtoient exactement d’égale force, &c. m, ils ſoûtiendroient la glande toute droite & immobile, au centre de la teſte.

77. Les eſprits ſortant ainſi, plus particulierement de quelques endroits de la ſuperficie de cette glande, que des autres, peuvent avoir la force de tourner les petits tuyaux de la ſuperficie interieure du cerveau, dans leſquels ils ſe vont rendre, n, vers les endroits d’où ils ſortent, s’ils ne les y trouvent déja tout tournez.