Discussion:Âme blanche
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[modifier]- Paris-soir [1] 12 fev 1930
QUELQUES LIVRES
AME BLANCHE,
par Marguerite Van de Wiele
(La Renaissance du Livre, édit.)
L’histoire d’une petite fille doublement orpheline qui grandit au milieu de sa famille paternelle. Une famille assez singulière d’ailleurs, qui la traite un peu en étrangère sinon en ennemie. L’auteur a fait du docteur Weydt, grand-père de la petite Lina, et de Josine, la tante vieillie, austère, dont la froide énergie force malgré tout l’admiration, des types inoubliables. Il faudrait citer aussi la servante, la couturière, d’autres encore, personnages secondaires qui évoluent autour de la petite fille à l’âme blanche mais parfois bien lourde, touchante héroïne d’un drame familial où sa tendresse a le dernier mot. Un livre vivant et vrai. Un bon livre. — Z.
- Mercure de France, 1 décembre 1908 [2]
Âme blanche, histoire d’une petite fille, par Mlle Marguerite Van de Wiele, abonde en jolies notations sur le décor et les mœurs du vieux Bruxelles, en détails évoqués à travers la mélancolie et la poésie du souvenir. Comme Alphonse Daudet notre authoresse rappelle souvent Dickens. Tel patriarche décoratif et égoïste s’apparente à des personnages rencontrés dans Bleak House ou Little Dorrit. Mais malgré quelque prolixité cette histoire se lit avec plaisir. Presque à chaque page on rencontre une comparaison ingénieuse, une image trouvée. Ainsi, pour compléter la physionomie inhospitalière quoique respectable de la maison du docteur Veydt, Mlle Van de Wiele dira : « Tous les décrottoirs ont l’air de lames d’acier tranchantes mises de distance en distance, à seule fin d’amputer dextrement les pieds boueux assez téméraires pour oser s’y frotter. »
- L’Ère nouvelle, 20 juillet 1935 [3]
Ceux qui n’ont point perdu le souvenir du roman qu’il y a 25 ans Mme Marguerite Van de Wiele publiait sous le titre d’ « Âme Blanche » ne manquerait pas de ratifier l’attribution à Mme Jeanne Mayeur du prix fondé récemment par la doyenne de nos lettres. Nous n’entendons pas dire que les procédés de narration et d’expression soient identiques ou même voisins. La commune mesure il la faut chercher plutôt dans la constante présence des vérités que n’altèrent pas les jeux d’une imagination exclusivement cantonnée dans le domaine de l’émotion. Lorsque Mme Jeanne Mayeur songe à la douceur de sa jeunesse dans le cercle étroit d’un bourg qu’elle appelle « Sirieux » et qui doit se trouver quelque part dans le Hainaut, elle croit avoir, dans une vie antérieure, joui de son charme agreste. Elle s’est sentie façonnée par ce coin de terroir et ne doute pas que maintenant elle soit faite pour lui. Le caprice de « Sirieux » répond aux courbes de son esprit et très exactement aussi à celui de sa sœur. Lee deux enfants Jeanne et Nelly — Jeanelly — s’étonnent qu’un lieu aussi aimable existe réellement dans le monde, qu’on puisse le situer sur la carte au milieu des lignes noires et bleues qui divisent l’espace… Une telle exposition annonce le ton de l’autobiographie où les inventions sont, en fonction d’un rêve qui transpose tout uniment la réalité dans le merveilleux sans jamais en compromettre les assises. C’est bien cette poésie qui donnait à « Ame Blanche » toute sa valeur, encore que le tragique chez Mme Van de Wiele fut plus accusé et plus soutenu. Il est vrai que l’œuvre de Mme Mayeur n’est pas un roman. Par ses alternatives de joies et de peines qui jalonnent quelques années d’existences d’ailleurs sous éclat, « Sirieux » appartient au récit. La mort du père qui le termine n’en est pas le point culminant. C’est dans les images de chaque page que réside l’émotion, dans celles, plus spécialement, qui sont comme les détours d’une saine sensibilité apte à vibrer à tous les moments d’une évocation fervente : « Chère maison… chaque jour, nous nous y éveillons dans l’allégresse, prêtes pour des actions d’éclat et de nobles aventures… La vie a refusé tout cet héroïsme, mais avec l’humble destin qu’elle nous a donné, elle a mis en nous pour l’éclairer, le goût des choses quotidiennes, et elle nous a aidées à découvrir la douce poésie du réel. Quand nous nous éveillons le matin, nous respirons déjà l’odeur du bois qui brûle en crépitant, la même odeur que celle qui suit les bûcherons dans leurs coupes, à travers la forêt. L’eau nous vient de la source. Elle entre chez nous toute clapotante dans de grands seaux ; elle n’a pas perdu son azur, ni le mouvement qui l’animait dans sa course mystérieuse et bondissante… »
Par la fraîcheur d’une tendresse toute en demi-teintes, par le souci de nous confier ses émois sans ostentation, Mme Jeanne Mayeur a su donner à son œuvre, essentiellement wallonne, plus d’intérêt que si elle avait accepté d’y nouer les fils d’une intrigue compliquée. Tout ce qui fait le charme de l’âme féminine est enclos en ce poème.
- Le Siècle, 25 octobre 1908 [4]
BIBLIOGRAPHIE —o— Âme Blanche, histoire d’une petite fille, Marguerite Van de Wiele. — Éditions de la Belgique artistique et littéraire, 26, rue des Minimes, Bruxelles.
Âme Blanche, par Mlle Marguerite Van de Wiele s’intitule histoire d’une petite fille. C’est en réalité l’histoire d’une jeune fille dont l’âme garde sa blancheur, une innocence immaculée à travers les cahots de son existence mélancolique d’orpheline pauvre. Ce livre est tout fait de délicatesses, de sensations concentrées, comme en ont les enfants repliés sur eux-mêmes, car la petite Line grandit sans expansion et sans caresses, dans un milieu austère, sous la protection d’un grand père solennellement hypocrite et d’une tante d’une vertu toute stoïque. Elle est enfin dédommagée de ces longues années d’isolement et de mélancolie par la chaude et fidèle affection d’un ami d’enfance et par le retour à la raison de sa mère, douce aliénée que sa famille avait internée dans une maison de santé. Avec ces deux êtres elle reconstitue un foyer où la petite âme blanche pourra enfin épandre tous les trésors d’affection de son cœur. Tel est le sujet de cette œuvre remarquable et d’une absolue honnêteté. Étude autant que roman. Mlle Marguerite Van de Wiele y a tracé, en des phrases sobres et limpides, la vie simple d’un être simple. Et Âme Blanche nous a fait penser à l’observation si profondément vraie de Maupassant : « La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit. »