Discussion:Encyclopédie des gens du monde

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ARISTOTE philosophe grec,[modifier]

l’un des hommes qui ont le plus honoré l’esprit humain et qui ont eu le plus d’influence sur ses destinées, naquit à Stagire, aujourd’hui Stavro, colonie de Chalcis, située sur la côte du golfe du Strymon, en Thrace, la première année de la 99e olympiade, 384 ans avant J.-C. Son père, Nicomachus, de la famille des Asclépiades, était médecin et ami d’Amyntas II, roi de Macédoine, père de Philippe. Sa mère se nommait Phaestis. Il perdit ses parens fort jeune encore, et il est douteux, par conséquent, que Nicomachus ait pu lui-même, quelque habile qu’on le représente, diriger les premiers pas de son fils dans cette carrière de la science, où il devait tant s’illustrer. Tout au moins Aristote en puisa-t-il le goût dans ses exemples de famille, comme il trouva dans le riche héritage de son père les moyens de s’y livrer avec une entière indépendance. Confié aux soins d’un certain Proxenos, d’Atarne, en Mysie, et de son épouse, après la mort des siens, c’est à eux qu’il dut en grande partie le bienfait de l’éducation, et il leur en prouva sa reconnaissance, dans la suite, en adoptant à son tour leur fils Nicanor et en le traitant comme son propre fils. Si l’on en croit des récits plus que suspects de l’antiquité, il aurait, dans les égaremens d’une jeunesse orageuse, dissipé son patrimoine, et se serait vu réduit, pour vivre à Athènes, à vendre des remèdes. Le fond de ces récits, dégagés des interprétations malignes des ennemis d’Aristole ou des méprises d’un temps postérieur, porte à penser que le fils de Nicomachus exerça d’abord la profession de son père, ou que du moins il se livra dé très bonne heure aux études physiques et chimiques vers lesquelles son esprit observateur devait naturellement incliner, et qui d’ailleurs, à cette époque, faisaient partie intégrante de la philosophie. Du reste, il ne parait pas qu’Aristote ait jamais cessé de jouir d’une grande aisance.

Il n’avait pas encore dix-huit ans lorsqu’il vint à Athènes, poussé sans doute par la passion du savoir, qui là seulement pouvait trouver pleine satisfaction ; peut-être aussi par le désir d’entendre Platon, alors au plus haut point de sa renommée. Platon surtout après son retour de ses deux derniers voyages en Sicile, n’eut pas de peine à distinguer, dans la foule de ses disciples, ce puissant et vaste génie, dont la portée spéculative et la rigueur critique, jointes aux recherches les plus laborieuses sur tous les objets de la connaissance humaine, aux études les plus patientes de tous les travaux des philosophes antérieurs, lui révêlèrent bientôt le seul rival qu’il eût à craindre. Aussi, frappé de ses éminentes qualités, le surnomma-t-il d’abord l’ame de son école, tandis que cette demeure où le jeune Aristote commençait à former la bibliothèque la plus considérable qu’un particulier eût encore possédée, lui apparaissait comme le sanctuaire même de la science. Mais il était inévitable que deux esprits de cet ordre, deux esprits si différens et faits pour régner l’un et l’autre dans le domaine de la pensée, en vinssent tôt ou tard à une collision. Platon, d’ailleurs, vieillissait au sein de sa gloire ; et il ne pouvait voir sans peine un de ses plus jéunes disciples se placer avec toute l’énergie d’une raison indépendante, avec tout l’avenir d’un talent supérieur, dans un point de vue philosophique complètement opposé au sien. Il s’opéra donc entre eux un refroidissement qui aurait fini si l’on en croit les compilateurs d’anecdotes, par dégénérer en une véritable inimitié. Cependant, quand l’on considère avec quel respect et quels égards pleins de délicatesse Aristote parle de Platon dans ses écrits, lors même qu’il est obligé de le réfuter, l’on ne saurait admettre aisément le reproche d’ingratitude adressé au premier, ni ces hostilités mutuelles que les disciples, sans doute auront cru autoriser en les faisant remonter jusqu’à leurs maitres. « Entre deux amis, dit Aristote, abordant la réfutation de la fameuse théorie des idées, c’est un devoir de préférer la vérité *. » C’est là le langage d’un philosophe et non celui d’un ennemi. Il ne parait pas, au reste, que pendant son premier séjour à Athènes, qui dura 20 ans et se termina peu après la mort de Platon, arrivée en 348, Aristote ait élevé école contre école, du moins en philosophie.

Un fait singulier, mais qui est attesté par des témoignages trop imposans et en trop grand nombre pour qu’on puisse le révoquer en doute, c’est qu’à cette même époque, et non pas plus tard, le futur chef du Lycée ouvrit une école d’éloquence en opposition avec celle d’Isocrate. « Il est honteux de se taire quand Isocrate parle, » s’écriait-il en appliquant à l’illustre rhéteur un vers d’Euripide. En effet, un esprit aussi sévère que le sien devait voir avec quelque indignation la vogue d’un maitre qui non-seulement avait séparé l’éloquence de la dialectique, mais qui trop souvent réduisait la première à une vaine élégance de mots. Pour lui, renonçant momentanément à ses études favorites, il répandit un jour tout nouveau, dit Cicéron sur la théorie de l’éloquence, et rétablit l’union des connaissances positives avec les exercices oratoires. Aristote avait dès lors, selon toute apparence, composé plusieurs ouvrages, en partie au moins sur la rhétorique, sans parler d’un traité des Proverbes que lui reprochait Céphisodore, disciple d’Isocrate, dans les quatre livres qu’il écrivit contre lui pour la défense de son maitre.

Speusippe ayant été désigné par Platon, au lit de mort, pour lui succéder à la tète de l’Académie, et les Athéniens ayant, vers le même temps, déclaré la guerre à Philippe, Aristote, qui n’avait pas cessé d’avoir des relations avec la Macédoine, qui même s’était déjà employé infructueusement auprès du roi pour les intérêts de la Grèce et d’Athènes, se détermina, par l’un ou l’autre de ces motifs, et plus probablement par le second, à quitter cette ville. Il se retira avec Xénocrate auprès d’Hermias, leur ami commun, esclave et eunuque bithynien, qui, après avoir suivi à Athènes les leçons de Platon et d’Aristote, avait succédé à son maitre Eubulus dans la petite souveraineté d’Atarne et d’Assos, sur la côte de Mysie. Mais, trois ans à peine écoulés, Hermias, victime de sa confiance, tomba dans un piège que lui tendit Mentor, frère de Memnon de Rhodes, général des troupes grecques à la solde du roi de Perse. Livré par ce traitre au cruel Ochus, il périt misérablement. Aristote immortalisa la mémoire de son ami dans un hymne à la Vertu, qui est pour nous un curieux monument de son talent poétique, et qui fait concevoir une assez haute idée de l’homme dont lès qualités morales purent lui inspirer d’aussi nobles vers. Il voulut, en outre, ériger à Delphes, en l’honneur d’Hermias, une statue, avec une inscription qui rappelait la trahison sacrilége de ses meurtriers. Il fit plus il épousa Pythias, sa sœur et sa fille adoptive, qu’il avait sauvée de leurs mains ; et, comme elle était digne de son frère, il lui consacra, soit pendant sa vie, soit après sa mort, un culte d’amour et de regrets, qui donna lieu de la part de ses ennemis, à des interprétations non moins absurdes que sa liaison avec Hermias.

Forcé de se dérober par la fuite à la tyrannie des Perses devenus maîtres d’Atarne, Aristote trouva un asile à Mytilène. On ne sait s’il y résidait encore, ou si plutôt il n’avait pas revu Athènes lorsque Philippe l’appela à sa cour, en 343 pour lui confier l’éducation d’Alexandre, son fils, âgé de treize ans. Depuis long-temps le roi de Macédoine connaissait le philosophe de Stagire, et il avait pu apprécier, par ses rapports avec lui, cette supériorité de mérite qui le rendait capable de former son fils dans l’art de bien faire et de bien dire à la fois. Il faudrait même croire que Philippe avait eu de très bonne heure ses vues sur Aristote à cet égard, si l’on admettait l’authenticité de la fameuse lettre qu’il lui écrivit, dit-on, peu après la naissance d’Alexandre. Son attente ne fut pas trompée. Aristote s’emparant, avec l’ascendant qui lui était propre, de l’ame ardente du jeune prince, dont l’éducation avait été jusque là si mal dirigée, y développa les germes de ces hautes qualités qui firent de son élève le premier héros du monde ancien, comme il en fut lui-même peut-être le plus grand esprit. La rencontre de ces deux hommes, appelés à la domination universelle, l’un par la pensée, l’autre par les armes, tous deux au profit de la civilisation, est un événement aussi merveilleux que fécond dans l’histoire de l’humanité. Nul doute qu’Alexandre n’ait été redevable, en partie du moins, aux leçons d’Aristote, non-seulement des habitudes fortes et des lumières supérieures, des nobles passions et des sentimens généreux, mais encore des conceptions vastes et hardies qui jetèrent sur son caractère et sur ses actions tant d’éclat, qui donnèrent à ses plans tant de grandeur, à ses conquêtes un but politique si élevé. Il faut convenir aussi que jamais disciple ne mérita mieux d’avoir un tel maitre. Cette éducation qui renfermait l’avenir du monde, fut l’ouvrage de cinq ou six années. Aristote profita de l’influence qu’elle lui valut auprès de Philippe pour obtenir que Stagire, sa ville natale, détruite par ce prince, fût rebâtie et ses habitans rétablis dans leurs foyers. Il y fit même construire, dans le lieu appelé Miéza, un gymnase qu’il décora du nom de Nymphoeum, et où il établit sa résidence avec son royal élève. Lorsque celui-ci l’eut quitté pour apprendre le métier des armes, sous les auspices de son père, le philosophe y resta quelque temps encore avec un certain nombre d’adeptes qu’il avait donnés pour compagnons d’étude à Alexandre, tels que Callisthène, son parent, et Théophraste son disciple chéri.


Philippe ayant été assassiné, Alexandre monta sur le trône, en 336, tout préoccupé de ses grands desseins, et il est probable qu’une de ses premières pensées fut d’appeler près de lui son maître pour lequel il avait un respect vraiment filial. Mais l’année suivante, quand le futur conquérant de l’Asie eut fait les préparatifs de son expédition, Aristote, dont la santé, à ce qu’il paraît, commençait à s’altérer, qui d’ailleurs avait aussi sa mission à remplir, et ne pouvait la remplir qu’à Athènes, revint dans cette ville, en laissant Callisthène auprès d’Alexandre. Xénocrate avait, depuis quatre ans, succédé à Speusippe, dans la direction de l’Académie. Aristote qui, à cette époque, n’était pas loin de sa cinquantième année, ouvrit à son tour une école dans le lycée gymnase ainsi nommé d’un temple voisin d’Apollon lycéen. Là, il entreprit de développer le système de philosophie le plus vaste et le plus méthodique qu’eût encore vu la Grèce, en se promenant sous des allées d’arbres avec les nombreux disciples qui se pressèrent bientôt autour de lui, d’où leur vint le nom de péripatéticiens. (Voy. PÉRIPATÉTISME pour l’exposition du système d’Aristote et l’histoire de son école.) Deux fois par jour avaient lieu ses leçons ou ses promenades, comme il les appelait. Le matin, il expliquait à des auditeurs de son choix, à ses disciples proprement dits, les principes mêmes de la science, leur dévoilait les mystères de la nature et les lois de l’esprit humain le soir, au contraire, il entretenait tous ceux qui voulaient l’entendre sur les connaissances pratiques qui formaient les applications de sa philosophie, sur la politique, l’art de raisonner et celui de bien dire. Cet enseignement, dont la forme devait être plus libre et plus populaire, il le nommait public on exotérique, c’est-à-dire extérieur ; l’autre, nécessairement plus systématique et plus sévère s’appelait acroamatique ou ésotérique, c’est-à-dire intérieur. Il est assez probable, comme on le pense généralement, que, dans ces cours privés en quelque sorte, Aristote le premier introduisit l’usage des leçons ex-professo, substituées à la méthode interrogative et dialectique des sophistes et des socratiques. Du reste, il ne faudrait pas s’imaginer qu’il enseignât comme un professeur en chaire, encore moins qu’il lût ou dictât des cahiers, quoique la distinction établie entre ses cours et ses disciples ait passé dans ses livres, et que, de ceux-ci, les acroatiques ou acroamatiques, écrits en formules fussent intelligibles aux seuls initiés.

Mais les travaux d’Aristote, pendant les treize années de son second séjour à Athènes, furent loin de se borner à l’enseignement de la philosophie et des sciences, même telles qu’il les avait faites. Il en profita pour mettre la dernière main à ceux de ses ouvrages qu’il avait ébauchés en Macédoine, et il entreprit ces immenses recherches sur l’histoire de la nature et sur les institutions des peuples qui ne lui étaient guère possibles avant cette époque. Le concours actif et éclairé d’Alexandre et des philosophes de sa suite, ses prodigieuses libéralités envers son ancien maître, et les ressources que ce dernier y trouva, soit pour former des collections, soit pour se procurer sur les lieux des informations de toute sorte, peuvent seuls rendre compte de la multitude des descriptions et des observations si fidèles et si exactes, de la variété infinie des faits consignés, d’une part, dans ses livres d’histoire naturelle, d’autre part, dans ses ouvrages sur la politique et les gouvernemens. On eût dit, à voir comme parle Pline des mesures prises par Alexandre dans l’intérêt des travaux d’Aristote, que le conquérant subjuguait le monde uniquement pour le soumettre aux expériences et aux méditations du savant. Celui-ci reçut de son élève, devenu maître de l’Asie la somme de 800 talens (plus de trois millions de notre monnaie), destinée au même but. Mais ce qui étonne le plus c’est le parti que sut tirer Aristote, en si peu d’années, des innombrables matériaux rassemblés de toute part autour de lui. Quelques secours qu’aient pu lui prêter des disciples tels que Théophraste, il faut que ce grand homme ait été doué d’une activité d’esprit et d’une puissance de travail extraordinaires.

C’est ici au reste, l’époque de la plus haute vigueur de son génie, et celle où la fortune, prête à le trahir, l’avait élevé au comble de la gloire et de l’influencé. Ami du vainqueur de l’Orient, qui s’honorait de son amitié plus qu’il ne croyait l’honorer de ses bienfaits, il servait, en quelque sorte, de médiateur entre lui et les Grecs. Une telle position avait fait taire l’envie même à Athènes, et le bonheur domestique venait ajouter ses charmes à toutes les douceurs de l’ambition satisfaite. Aristote avait perdu en Macédoine son épouse Pythias ; mais elle lui avait laissé une fille du même nom, qu’il élevait dans la pensée de l’unir à son fils adoptif Nicanor. Il avait eu de plus, d’une certaine Herpyllis de Stagire, esclave de sa femme, qui était devenue sa concubine après la mort de celle-ci, un fils appelé Nicomachus. Tout lui eût succédé jusqu’à la fin de ses jours, sans le changement qui s’opéra dans les dispositions d’Alexandre à son égard, quand le héros philosophe, amant de la science et des vertus grecques, eut fait place, par degrés, au monarque asiatique, ivre de puissance et de voluptés. La franchise téméraire de Callisthène le parent et le protégé d’Aristote, et le traitement barbare dont elle fut suivie, achevèrent de rompre la bonne harmonie entre l’élève et le maître. On cite une lettre menaçante, écrite par Alexandre à Antipater, au sujet de la conspiration où Callisthène fut impliqué, lettre dans laquelle Aristote était clairement désigné comme le fauteur des ennemis du roi. Il était naturel que, de son côté, Aristote vit, avec une profonde douleur, son ouvrage détruit par les séductions de la fortune et les corruptions de la flatterie ; qu’il apprit avec indignation les cruautés exercées jusque sur l’un des siens par Alexandre livré à l’emportement de ses passions ; mais vouloir que, dès ce moment, Alexandre ait nourri contre son ancien maître de sinistres projets, vouloir que celui-ci les ait prévenus ou du moins ait cherché à les prévenir en s’associant à un complot contre les jours de son élève, c’est méconnaître à la fois le caractère de l’un et de l’autre, c’est souiller gratuitement deux grandes renommées. Il n’est nullement certain qu’Alexandre soit mort par le poison (voy. l’art. ALEXANDRE) ; mais quand cela serait, le rôle que l’on attribue à Aristote dans cette trame est une fable ridicule qu’il faut renvoyer, malgré l’autorité de Pline, aux légendes de la magie. Rien ne prouve, d’ailleurs, que dans les six années qui s’écoulèrent entre la mort de Callisthène et celle d’Alexandre, le refroidissement réciproque du maitre et de l’élève ait été en croissant et qu’il ait dégénéré en une rupture ouverte, en une inimitié déclarée. La tranquillité dont Aristote ne cessa pas de jouir à Athènes, tant que vécut Alexandre, et les persécutions auxquelles il se vit en butte dès que la fin de ce héros fut connue, démontrent que les Athéniens ne s’y trompaient pas, et qu’Aristote, loin d’être pour la Grèce un libérateur, était toujours à leurs yeux le favori du Macédonien.

En effet, les ennemis du philosophe, les envieux que lui avaient attirés en grand nombre et sa haute fortune et la supériorité de son génie, long-temps réduits à l’impuissance par la peur, ne tardèrent pas à profiter des circonstances pour donner carrière à leur haine contre lui. De toutes les armes, choisissant la plus dangereuse à Athènes, ils réchauffèrent cette vieille inculpation d’impiété déjà funeste à plus d’un sage. L’hiérophante Eurymédon poussa un citoyen considéré, nommé Démophile à se porter l’accusateur d’Aristote, parce que, disait-on, il avait osé décerner les honneurs divins à Hermias, son ami et à sa femme Pythias. Sans doute aussi que certaines opinions professées dans ses livres ou dans ses cours, concernant les dogmes et les pratiques de la religion positive, donnaient à l’accusation un plus sérieux prétexte. Quoi qu’il en soit, Aristote, peu jaloux de renouveler dans sa personne l’exemple de Socrate, et voulant (ce sont ses expressions) épargner aux Athéniens un second attentat contre la philosophie, prit le parti de se réfugier à Chalcis, en Eubée sous l’abri de l’influence macédonienne qui y dominait. Ses disciples l’y suivirent et il y continua ses leçons mais ce ne fut pas pour longtemps. Atteint d’une maladie chronique de l’estomac, épuisé d’ailleurs par ses immenses travaux, il termina sa carrière à l’âge de 62 ans, l’année qui suivit celle de la mort d’Alexandre, et où Démosthène, précisément au même âge, finissait ses jours par le poison (322 avant J.-C). L’on n’a pas manqué de prétendre qu’Aristote s’était vu réduit à une semblable extrémité pour échapper aux conséquences de l’accusation portée contre lui à Athènes, et c’est là encore la moins absurde des versions fabuleuses qui avaient cours dans l’antiquité sur son genre de mort ; mais, dit un ancien, si quelque chose étonne, c’est que ce grand homme, avec la délicatesse de sa complexion et les fréquentes altérations de sa santé, ait pu, grace à la force supérieure de son ame, parvenir à l’âge qu’il atteignit.

Diogène Laërce nous a conservé le testament d’Aristote, ou plutôt un extrait de cette pièce, dont rien ne porte à suspecter l’authenticité. Les dispositions qu’elle renferme font le plus grand honneur au caractère moral du philosophe, pour tout ce qui concerne ses relations privées. On y voit qu’il possédait à un haut degré les vertus domestiques, et qu’il savait mettre en pratique les maximes déposées dans ses livres sur la bienfaisance, l’amitié, la reconnaissance, la piété filiale et fraternelle. A d’autres égards, on ne l’a point jugé aussi favorablement ; mais il faut se défier, ici surtout, des exagérations et même des calomnies de ses adversaires, philosophes et autres. Rendons grace à l’ambition à l’amour de la gloire qu’on lui reproche, et que ses principes n’excluaient point, puisque cette passion n’eut pour but, chez lui, que les paisibles conquêtes de l’esprit, et qu’il sut la tourner chez le conquérant du monde, son élève au grand profit de la civilisation. S’il rechercha et obtint la faveur des puissans, ce fut encore dans l’intérêt de la science et jamais, que nous sachions, il ne se montra vil flatteur. Sans doute, il ne brûla point de cet ardent amour de la liberté qui embrasait l’ame d’un Démosthène ; le patriotisine républicain lui fut étranger ; il n’eut point, en un mot, les vertus publiques de son temps mais c’est qu’il ne voulut ni ne put être un personnage politique, dans les circonstances où il se trouva, et avec cette. soif de savoir qui, dès ses jeunes années, absorba son activité tout entière. D’ailleurs, comme Platon, son maitre, et comme beaucoup d’hommes éminens de cette époque, il était profondément dégoûté de la démocratie ; le spectacle de ses tristes effets lui faisait embrasser avec espoir les nouvelles destinées promises à la Grèce par le génie de Philippe et d’Alexandre. Pour tout dire, le trait le plus saillant du caractère d’Aristote parait avoir été « une modération poussée à l’excès » (dit un de ses biographes anciens), et, par cela même, exclusive du dévouement comme de l’enthousiasme. Sa seule passion véritable fut pour la science, et sa gloire immortelle est de lui avoir tout sacrifié. Il sentit que sa mission était, selon la belle expression du chancelier Bacon, de fonder dans l’ordre intellectuel une sorte de monarchie universelle comparable à celle que projetait dans l’ordre politique son illustre disciple.

Aristote fut plus heureux qu’Alexandre : il lui fut donné d’accomplir son oeuvre et de l’accomplir d’une manière durable. Doué d’une immense activité d’esprit, d’une sagacité pénétrante, d’un génie à la fois et au plus haut degré observateur et organisateur, non-seulement il s’appropria toutes les connaissances positives ou autres du siècle le plus éclairé qu’eût encore vu le monde, il les vérifia et les épura par sa critique ; mais il en étendit la limite dans toutes les directions et la transporta dans des régions jusque-là inconnues. Il fit plus : les connaissances dont il avait tant agrandi l’horizon, tant multiplié les trésors, il les soumit à sa puissante analyse, les ramena à des principes généraux, et les classa en un système encyclopédique dont Platon, sans doute, avait posé les bases dans ses admirables théories, mais qu’Aristote seul pouvait exécuter avec une étendue et une rigueur vraiment scientifiques. On conçoit que, dans la conscience qu’il avait des services rendus à la philosophie par ses travaux unis à ceux de son maitre, il s’imaginât la voir bientôt atteindre au terme de sa perfection. Il venait cependant de lui ouvrir une nouvelle et vaste carrière en cherchant à la fonder exclusivement sur l’expérience, et en rapportant à son domaine, avec les sciences du raisonnement, tous les faits observables dans l’ordre de la nature et dans celui de la société. Ce qui distingue éminemment l’esprit d’Aristote c’est cette tendance empirique et rationnelle à la fois, ce besoin du positif, du réel et en même temps de l’universel, qui le signalent, dans l’histoire des lettres grecques, comme le créateur de l’ère de science succédant à l’ère de poésie. Mais ne lui demandez pas l’idéal qui donne tant de profondeur et de charme au génie de Platon ni cette puissance d’imagination qui jette tant d’éclat sur ses ouvrages. Le temps de ces grandes qualités est passé ; d’autres qualités non moins grandes peut-être, quoique moins brillantes, en ont pris la place. La multiplicité des observations, l’exactitude des résultats, la sévérité du raisonnement, l’enchaînement logique des formules, un style dépouillé de toute parure et d’une concision presque mathématique, tels sont les caractères qui dominent dans les écrits d’Aristote comme dans sa manière de philosopher. Ici encore c’est le metrioz andreiz uperbolhn (l’homme qui a poussé la mesure à l’excès).

Il ne faudrait pas croire pourtant que tous les ouvrages d’Aristote fussent écrits avec cette sécheresse, ce dédain des graces du langage, cette négligence et ce décousu de la forme qui nous frappent souvent dans ceux que nous avons encore. Il en avait composé beaucoup d’autres que nous n’avons plus, et dans lesquels Cicéron trouvait, unies au mérite de la précision, une abondance et une douceur de style qu’il appelle merveilleuses. C’étaient là, sans aucun doute, les livres exotériques ou publics, destinés à l’usage commun de tous les lecteurs, d’après une distinction analogue à celle que nous avons déjà reconnue dans l’école d’Aristote. Parmi ces livres, il y avait des dialogues dont il nous reste quelques rares fragmens : leur but manifeste était de populariser les résultats pratiques de la doctrine. Les livres ésotériques, au contraire, réservés aux adeptes, renfermaient la doctrine elle-même, dans ses principes et dans ses développemens fondamentaux. A voir la forme de ces ouvrages, auxquels appartiennent, selon toute probabilité, la plupart de ceux qui nous sont parvenus sous le nom du philosophe, on ne peut s’empêcher de penser qu’ils étaient faits pour servir de texte à ses leçons où ils devaient trouver des éclaircissemens nécessaires. C’est ce que confirme pleinement la réponse d’Aristote à une lettre dans laquelle Alexandre lui reprochait d’avoir publié ses livres acroatiques, destinés originairement à rester entre lui et ses disciples. « Sache, lui répondit son maître, que cette publication n’en est pas une ; car ils ne sont intelligibles qu’à ceux qui nous ont entendus. »

Suivant une anecdote célèbre, rapportée par Strabon et Plutarque, les ouvrages (exotériques) d’Aristote, après sa mort et après celle de Théophraste, son successeur, seraient devenus l’héritage de Nélée de Scepsis, qui les retint lorsqu’il vendit la bibliothèque d’Aristote à Ptolémée Philadelphe, pour enrichir celle d’Alexandrie. Tombés ensuite aux mains d’héritiers ignorans et cupides, qui voulurent les dérober à l’avidité littéraire, mais peu généreuse, des rois de Pergame, ils restèrent enfouis sous terre pendant plus d’un siècle et y souffrirent beaucoup. Ils revirent enfin la lumière pour être vendus à un riche amateur de livres et de philosophie, Apellicon de Téos. Celui-ci, les ayant portés à Athènes, les fit copier et restituer du mieux qu’il put. A la prise de cette ville, 86 ans avant notre ère, la bibliothèque d’Apellicon devint la proie de Sylla, fut transportée à Rome, et avec elle y arrivèrent les livres d’Aristote. Le grammairien Tyrannion, affranchi de Muréna, en obtint communication, et fit mieux encore en les communiquant à son tour au péripatéticien Andronicus de Rhodes, qui les corrigea, les ordonna, et contribua principalement à les répandre. Il s’agit évidemment dans ce récit, qu’on en admette ou non l’authenticité, d’un exemplaire particulier, nullement d’un exemplaire unique des œuvres d’Aristote ; d’autres copies existaient dans l’antiquité, sinon de l’ensemble des livres, au moins des principaux, et ces copies procédaient certainement d’Aristote lui-même et de ses disciples. Ces livres, dont les Romains commencèrent à faire une grande estime, mais qui devaient jouer au moyen-âge et dans les temps modernes un rôle bien plus considérable que dans les temps anciens, sont venus jusqu’à nous à travers une succession non interrompue de commentateurs, depuis Andronicus de Rhodes. Quelques-uns ne sont ni authentiques ni de première rédaction ; d’autres nous sont parvenus dans plusieurs rédactions différentes, ou dans de simples extraits d’autres enfin semblent n’être que des recueils, faits après coup, d’ouvrages originairement distincts sur les mêmes sujets, ou des compilations de matériaux non encore élaborés. L’embarras qui nait de l’inexactitude ou de la confusion des titres est une nouvelle cause de difficultés. Quoi qu’il en soit, et bien qu’il reste beaucoup à faire pour la critique des écrits d’Aristote, on y reconnaît un enchaînement systématique, une sorte de relation intérieure et nécessaire, appuyée par les fréquentes citations dans lesquelles l’auteur se réfère d’un livre à l’autre, d’où ressort l’authenticité de la plupart d’entre eux. C’est en même temps le moyen d’y rétablir cette ordonnance si étrangement troublée par les copistes et les éditeurs, qui, dans le rapport plus ou moins exact des parties, nous révèle la conception du tout, et l’organise en quelque sorte sur le plan de la pensée encyclopédique d’Aristote.

Les ouvrages qui nous restent de ce grand homme ou qui portent son nom peuvent se diviser en plusieurs classes, selon la nature et l’affinité de leurs objets. A la tète se placent les ouvrages de logique, compris sous le titre commun d’Organum, et qui sont au nombre de six. Toutes les formes et tous les procédés de la pensée, tous les artifices du raisonnement y sont exposés. Viennent ensuite les huit livres de la Physique ou de la science de la nature ; à ce grand ouvrage se rattachent intimement un certain nombre d’autres moins considérables, entre lesquels se distinguent le traité du Ciel, celui des Météores, celui du Monde, qui n’est point d’Aristote, celui de l’Ame. Les ouvrages d’histoire naturelle doivent prendre place côté des précédens, et avant tout les dix livres de l’Histoire des animaux, chef-d’oeuvre d’observation et de méthode, où Aristote se montre comme le vrai créateur de la science, et où il prépare, en quelque sorte, les voies à l’anatomie comparée. Le traité des Plantes, que nous avons en deux livres, est apocryphe, aussi bien que celui des Récits merveilleux, compilation probable et assez curieuse des écrits d’Aristote et de ceux de plusieurs autres auteurs. Une autre compilation beaucoup plus importante et plus considérable est le recueil en trente-huit sections, intitulé Problèmes, renfermant une foule de questions diverses, la plupart de physique, qu’Aristote semble s’être posées à lui-même pour en chercher à loisir la solution. On peut y rapporter les Questions de mécanique auxquelles se lie, par l’analogie des sujets, le petit traité mathématique des lignes insécables. Un des plus grands ouvrages d’Aristote, et un des plus énigmatiques sous tous les points de vue, est celui qui a donné son nom à la Métaphysique, mais qui lui-même paraît avoir reçu ce nom, fortuitement, de la place arbitraire que lui avaient assignée les grammairiens à la suite des oeuvres de physique. Les quatorze livres qui le composent semblent autant de traités originairement détachés, puis réunis par la communauté apparente ou réelle de leur objet, sans égard aux disparates. Ces livres, dont quelques-uns sont justement suspects, forment une classe à part et se rapportent tous plus ou moins à ce qu’Aristote appelle la Philosophie première, comprenant l’ontologie et la théologie naturelle. Telle est la partie des écrits d’Aristote qui se rapporte à la philosophie spéculative, dans les vastes limites qu’il lui avait tracées, et qui embrassent, on le voit, indépendamment de la logique, la physique prise dans le sens de philosophie naturelle, la cosmologie, la psychologie, les sciences physiques, naturelles et mathématiques, telles qu’elles existaient alors, enfin la métaphysique. L’autre moitié roule sur les différentes parties de la philosophie pratique, c’est-à-dire sur les sciences morales et politiques, en y rattachant l’esthétique et jusqu’à un certain point l’histoire. Ce sont d’abord, et à la fois, trois traités sur la morale les Éthiques à Nicomachus, en dix livres, l’un des plus étendus et le plus beau peutêtre des ouvrages qui nous restent d’Aristote, au moins sous le rapport de la forme ; les grandes Éthiques, dont les deux livres assez courts contrastent singulièrement avec ce titre ; les Éthiques à Eudémus, en sept livres ; les deux derniers traités semblent, à bien des égards, n’être que des esquisses ou des rédactions incomplètes du premier. Après les Morales viennent les Politiques, dont nous avons huit livres, théorie complète du droit public de l’antiquité, fondée sur l’étude approfondie des constitutions de 158 états différens qu’Aristote avait décrites dans le recueil intitulé Gouvernemens ; cet ouvrage est malheureusement perdu ainsi qu’un traité analogue des Lois ou institutions des peuples. Les Économiques ou traité de l’administration publique et privée venaient naturellement après le traité de la politique ; mais les deux livres que nous possédons sous ce titre ne sont point d’Aristote, au moins le premier, qui paraît ne nous être parvenu que dans un extrait fait par Théophraste. Enfin la Rhétorique ou l’art de l’éloquence, et la Poétique ou la théorie de la poésie, toutes deux dans un rapport intime avec les ouvrages qui précèdent, avec la logique et la psychologie comme avec la politique et la morale, ferment ce cercle immense d’écrits, entre lesquels trouveraient place beaucoup d’autres encore que nous n’avons plus. La Rhétorique, qui nous reste en trois livres, est seule authentique, et le troisième livre surtout passe pour un chefd’oeuvre l’autre ouvrage sur le même sujet, intitulé Rhétorique à Alexandre, est vraisemblablement d’Anaximène de Lampsaque, l’un des compagnons de ce héros. Quant à la Poétique, telle que nous l’avons, on ne peut la regarder que comme une ébauche ou un fragment, peut-être aussi comme un extrait incomplet d’un ouvrage plus considérable d’Aristote. Nous savons que le critique philosophe avait laissé en outre deux traités historiques, l’un sur la philosophie, l’autre sur les poètes.

Nous terminerons cet article en faisant connaitre sur quelques éditions des œuvres d’Aristote et les travaux les plus modernes qui ont eu pour objet sa vie et ses ouvrages. La première édition complète, ou à peu près, déjà fort rare au temps d’Érasme, est celle d’Alde, à laquelle sont joints les livres de Théophraste, Venise, 1495-1498, 5 vol. in-fol. Elle fut reproduite, dans une récension nouvelle, en 6 vol. in-8°, 1551. Sylburge donna à Francfort (1584-1587, 11 vol. en 5 tom. in-4°) l’édition la meilleure et la plus complète parmi les anciennes elle est toute grecque comme les précédentes. L’édition grecque-latine d’Isaac Casaubon, Lyon, 1596, 2 vol. in-fol., quoique plusieurs fois réimprimée, n’est pas digne de la réputation de son auteur. La dernière de ces réimpressions et des éditions anciennes est celle de Guill. Du Val avec quelques augmentations, publiée trois ou quatre fois à Paris, en 1619, 1629, 1639, et sous un nouveau titre, 1654, 2 et 4 vol. in-fol. Une nouvelle édition plutôt qu’une récension nouvelle accompagnée d’introductions précieuses de traductions latines refaites, et disposée dans un meilleur ordre que les anciennes, a été commencée, par les soins de J. Théoph. Buhle, à Deux-Ponts, en 1791 et s’est arrêtée avec le tom. Ve, in-8°,’à Strasbourg, en l’an VIII de la république. Ces 5 vol. ne comprennent que l’Organum, la Rhétorique et la Poétique. Il était réservé à M. Imin. Bekker d’instituer, d’après un nombre considérable de manuscrits et avec le talent philologique qu’on lui connaît, une critique si nécessaire du texte d’Aristote, pour la belle édition publiée sous les auspices de l’académie de Berlin, dans cette ville, 1831 et suiv., 2 vol. de texte, et la traduction latine corrigée, 1 vol. in-.4°, qui doivent être accompagnés d’un IVe vol. renfermant un choix des commentaires grecs sur Aristote, par Brandis. Quant aux éditions spéciales des différens ouvrages, dont quelques-unes sont d’un grand mérite, il serait long de les indiquer ici aussi bien que les traductions. Nous nous contenterons de mentionner l’Histoire des animaux, par Schneider, Leipz., 1811,4 vol. in-4°, traduite en français par Camus, 1 783, 2 vol. in-4° ; le livre de Mirabilibus, par Beckmann, Goett. 1786, in-4° ; la Métaphysique, par Brandis, tom. 1er, in-8°, Berlin, 1823 ; la Politique par Schneider, Coray et Goettling la Morale à Nicomaque, par Zell et le même Coray ; les traductions françaises de ces derniers ouvrages, par Thurot ; la Rhétorique éditée par Gaisford 2 vol. in-8 ?, Oxford, 1820, et traduite en français par Gros et Minoïde Mynas ; la Poétique, par Tyrwhitt, Hermann et Graefenhahn. M. Ch. Fréd. Neumann a donné, en 1827, à Heidelberg et à Spire, un recueil précieux, in-8°, des fragmens qui nous restent du grand ouvrage sur les gouvernemens. Sur la vie et les oeuvres d’Aristote, les travaux les plus récens, après ceux de Buhle à la tête de son édition et dans la grande Encyclopédie allem. de Ersch et Gruber, sont Aristotelia, par Ad. Stahr, en allem., 2 vol. in-8°, Halle, 1830, 1832 ; Brandis et Kopp, dans le Rheinisches Museum, tom. I, 1827, p. 236 sqq. tom. III, 1829, p. 93 sqq. On peut consulter encore Titze, de Aristotel. oper. serie et distinctione, Lips., 1826 ; Jourdain, Recherches critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote et sur les commentaires grecs ou arabes, etc., Paris, 1819, in-8°.

G-N-T.

SPENER (PHILIPPE-JACQUES)[modifier]

Le fondateur du piétisme (voy.) en Allemagne, naquit à Ribeauvillé (Haut-Rhin), le 28 janv. 1635. Après avoir terminé ses études théologiques à Strasbourg, il fit des voyages, fut autorisé à ouvrir des cours publics, et reçut, en 1664, le bonnet de docteur. En 1666, il fut appelé à Francfort-sur-le-Main en qualité de senior ou doyen du clergé luthérien de cette ville. Plus tard (1684), il échangea ce séjour contre celui de Dresde, où il fut nommé premier prédicateur de la cour ; enfin, en 1691, il se fixa à Berlin, où il remplit les fonctions de préposé ecclésiastique, inspecteur et assesseur consistorial. Spener mourut dans cette ville en 1705.

Dès l'ansée 1670, Spener avait organisé chez lui des conférences (collegia pietatis) qui furent très suivies, et où se traitaient des questions religieuses. Plusieurs théologiens orthodoxes ayant blâmé ces réunions privées, Spener les transféra plus tard dans l'église. Il continua ces pieux exercices à Dresde, où il encourut la disgrâce de l'électeur, à cause des accusations qui s'élevèrent contre lui de la part de l'université de Leipzig et d'autres côtés. Spener, quoique profondément pieux, était trop homme d'esprit et trop éclairé pour déclarer une guerre aveugle à la philosophie ; il n'était pas non plus étranger au monde et à ses habitudes; mais ses efforts furent méconnus et calomniés par des hommes qui ne le comprenaient pas, et souvent dénaturés par ses partisans, qui le comprenaient mal : chez ceux-ci, malgré lui, la dévotion dégénéra en vaines pratiques. Cependant on ne peut nier que Spener n'ait beaucoup contribué à ranimer en Allemagne le zèle religieux et la vie chrétienne. Il marqua profondément, et eut une école nombreuse. Ses écrits sont : De la nécessité et de la possibilité d’un christianisme actif, Francf.-sur-Mein, 1637, in-4° ; Devoirs évangéliques de l’homme, recueil de sermons, 1688 ; Dogmatique évangélique, 1688 , in-4° ; Pia desideria, 1675-78, in-12 ; Theologische Bedenken, c'est-à-dire Considérations ou Scrupules théologiques, 4 part., Halle, 1700-9, in-4° ; Dernières considérations théologiques, publ. par C.-G. de Canstein, 8 part. , Halle, 1711, in-4° ; quelques brochures publ. par Steinmetz sous le titre de Consilia theologica, 3 part., Halle , 1709, in-4°. - Deutchmann, dans une espèce d’acte d'accusation, s'est efforcé de trouver dans les ouvrages de Spencer 264 contradictions avec la Bible et les Livres symboliques. On peut consulter sur ce théologien : W. Holsbsch, Spener et son époque, 2 part., Berlin, 1828 ; Vie de Spener, par Canstein, publ. par J. Lange, 1740 ; Biographie de Spener, par Soabedissen, dans les Communications de Boettiger et de Rochlitz.

Editions et sources[modifier]

Encyclopédie des gens du monde, répertoire universel des sciences, des lettres et des arts : avec des notices sur les principales familles historiques et sur les personnages célèbres, morts et vivans, par une société de savans, de littérateurs et d'artistes, français et étrangers, Paris : Treuttel et Würtz, 1833-1844, 22 vol. ; in-8, Sous la direction d'Artaud de Montor d'après le Catalogue de British Museum, Alexis-François Artaud de Montor, (1772-1849), Directeur de publication (fiche BnF).

Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 1.1 A-AL [1] - [2]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 1.2 ALE-ANQ [3]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 2.1 ANQ-ASS [4] - [5]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 2.2 ASS-BAO [6]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 3.1 BAP-BER [7] - [8] - [9]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 3.2 BER-BOU [10]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 4.1 BOUG-BYZ[11] - [12]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 4.2 C-CAR [13]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 5.1 CAR-CHA [14] - [15]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 5.2 CHA-CHR [16]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 6.1 CHR-COM [17] - [18]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 6.2 COM-COR [19]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 7.1 COR-CZE [20] - [21]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 7.2 D-DEP [22]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 8.1 DEP-DOM [23]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 8.2 DOM-DYT [24]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 9.1 EAQ-EMA [25] - [26]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 9.2 EMA-ESD [27]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 10.1 ESN-EZZ [28] - [29]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 10.2 F-FIE [30]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 11.1 FIE-FOX [31] - [32]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 11.2 FOX-FUX [33]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 12.1 G-GER [34] - [35]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 12.2 GER-GRA [36]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 13.1 GRA-HAL [37] - [38]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 13.2 HAL-HES [39]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 14.1 HES-HYS [40]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 14.2 I-INSU [41]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 15.1 INS-JEU [42] - [43]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 15.2 JEU-KYS [44]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 16.1 L-LEO [45] - [46]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 16.2 LEO-LOU [47]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 17.1 LOU-MAR [48] - [49]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 17.2 MAR-MOL [50]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 18.1 MOL-NAU [51] - [52]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 18.2 NAU-ORL [53]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 19.1 ORM-PER [54] - [55]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 19.2 PER-POL [56]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 20.1 POL-REF [57] - [58]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 20.2 REF-SAL [59]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 21.1 SAL-SOM [60] - [61] - [62]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 21.2 SOM-TEU [63]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 22.1 TEX-UZE [64] - [65]
Encyclopédie des gens du monde (1833-1844) Tome 22.2 VAC-ZYM [66]
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