Discussion:Le Faux Frère
Ajouter un sujetÉditions
[modifier]- [1] la 2e
Titre et éditions | ||||
---|---|---|---|---|
1828 : | Théobald. Épisode de la guerre de Russie | Roman historique | Gallica | en 4 volumes, ré-édité sous le titre Le Faux Frère |
Critiques, réception…
[modifier]- Le Figaro : journal littéraire… 25 FÉVRIER 1828 [2]
THÉOBALD,
ÉPISODE DE LA GUERRE DE RUSSIE ;
Par Mme Sophie Gay, auteur de Léonie, d’Anatole, etc. [1].
Walter Scott a ouvert de nouvelles voies au roman. Il les a parcourues en conquérant, et la plèbe des imitateurs s’y est précipitée après lui ; mais loin, bien loin du maître. Ces larges peintures de l’Écossais, où l’aspect du pays et jusqu’au vêtement des personnages tout prend part à l’action, manquent cependant de cet intérêt intime, de ces émotions secrètes et profondes qui font souvent tout le dramatique de la vie actuelle. Après ces éclatantes représentations de la vie tumultueuse, pittoresque, et pour ainsi dire intérieure d’un peuple étranger, nous sera-t-il donné de goûter avec plaisir le charme d’un récit qui ne dit que les malheurs d’un jeune officier français ?
Dans ce roman de Théobald, ni le bruit des torrens, ni le galop précipité des cavaliers, ni le cri des vautours, ni le retentissement des armes, rien de ces fantastiques effets n’intéresse aux situations ; l’action se passe davantage dans le cœur. Un mot, un regard, une larme trahissent quelquefois seuls de pénibles combats ; mais ce mot, cette larme, ce regard, aussi bien que les vastes combinaisons de l’Écossais, font passer dans l’âme la terreur et la pitié, et la palme est de même conquise. Un esprit fin et supérieur, une âme intelligente et noble se révèlent à chaque page de ce nouveau roman de Mme Sophie Gay. Le sujet, qu’elle dit lui avoir été donné par une cause célèbre plaidée à Aix-la-Chapelle, est neuf et inattendu. Néanmoins, une aventure une fois connue, il est bien rare qu’on en recommence l’émotion, parce qu’ordinairement elle est plus dans les faits que dans l’art de les développer. Le sort du nouveau roman sera tout autre ; il sera relu souvent par les gens qui aiment à apprendre dans le cœur, par ceux que séduit la finesse des observations, ceux qui veulent bien accorder de l’esprit à l’amour et qui n’exaltent pas l’élégance de la passion. Ce n’est pas qu’on n’éprouve, en lisant ce roman, cette ardente curiosité qui précipite le lecteur à la dernière page ; mais on ne veut rien perdre du charme d’un récit spirituel : une page passée vous enlève une piquante observation, un mot heureux, un aperçu neuf ou une réflexion profonde ; et il arrivera sans doute aux nombreux lecteurs qui se le disputeront, de le commencer et de l’achever sans se reposer et sans rien omettre. C’est ce qui nous est advenu, et c’est ce qui nous engage à recommander à nos lecteurs un plaisir que nous avons vivement goûté. Félicitons-les surtout d’avance d’avoir à retrouver, dans ce nouvel ouvrage de Mme Gay, cette élégance pure, cette lucidité rapide cette flexibilité singulière qui font un si beau langage de notre idiôme national, si platement ou si monstrueusement défiguré de nos jours.
- 1828 : Journal des débats politiques et littéraires 5 septembre 1828 [3]
VARIÉTÉS.
Théobald, épisode de la guerre de Russie ; par Mme Sophie Gay. Quatre volumes. Chez Ponthieu, libraire, Palais-Royal.
Voici enfin un roman qui n’est pas un roman historique : Dieu en soit loué ! car autant j’aime les romans de sir Walter Scott, autant je crains ses imitateurs. Il n’est pas de jeune auteur qui ne fasse aujourd’hui son roman historique. C’est comme autrefois la tragédie obligée qui se faisait en rhétorique. Aussi bien, un roman historique n’est guère plus difficile aujourd’hui qu’une tragédie autrefois. Le patron est prêt ; il n’y a plus qu’à tailler. Il y a maintenant pour le roman historique des personnages consacrés, des rôles établis ; il y a enfin une sorte de jurisprudence qui pourrait au besoin se rédiger en articles de code :
Art. 1er. Dans un roman historique, le héros sera nécessairement insignifiant. L’héroïne peut aussi se dispenser d’avoir un caractère.
Art. 2. Vous aurez soin de donner à vos scélérats quelque grande vertu bizarre, ou à vos honnêtes gens quelque ridicule extraordinaire.
Art. 3. Il y aura toujours un personnage trivial ayant un grand caractère.
Art. 4. Vous aurez de nécessité un fou ou une folle qui prononcera çà et là de mystérieuses paroles.
Art. 5. Vous mêlerez sans cesse le comique et le tragique ; et, comme il est souvent difficile d’être comique, voici la recette que vous emploierez une fois pour toutes : Vous donnerez à quelqu’un de vos personnages un mot ou un geste de convention, et vous répéterez à chaque instant ce mot ou ce geste ; car dans le roman historique, la vraie source du comique, c’est la caricature.
Art. 6. Quant à la vérité de mœurs, il vous suffira, pour faire croire que vous peignez les mœurs de tel ou tel vieux siècle, de changer la physionomie des mœurs de votre temps, et de dépayser votre lecteur.
Art. 7. Vous mêlerez dans votre style des locutions empruntées aux vieilles chroniques, des mots de patois avec le langage de votre temps, amalgamant le tout ensemble. Pour cet arrangement, vous pourrez prendre exemple sur certaines représentations du Théâtre-Français, où l’amoureuse et la soubrette sont en costume de 1828, et l’amant et le valet habillés à la mode du 17e siècle. Le frac, l’habit de marquis, les paniers, les robes garnies, les hauts-de-chausses, les pantalons, tout est rassemblé sur la même scène ; C’est cet heureux mélange que doit imiter le style du roman historique.
Telle est la poétique du roman historique. Il n’y a plus qu’à suivre ces règles, et, de cette façon, le roman historique devient, comme la tragédie après Voltaire, une sorte d’oeuvre mécanique.
Mme Gay, il faut l’en remercier, a fait preuve d’indépendance ; elle a pris pour sujet un épisode de la guerre de Russie ; mais elle ne s’est pas dit : Je vais composer un roman historique ; elle n’a point eu ce genre de préoccupation ; elle a écrit librement, tantôt retraçant les mœurs du temps quand l’occasion s’en présente ; tantôt développant des situations ou des caractères, et peignant des passions à mesure qu’elles sont amenées par les événemens. Ce qui charme d’abord à la lecture de ce roman, c’est qu’il est fait avec une grande liberté d’esprit. Il y a beaucoup de finesse d’observation, beaucoup de sagacité ; mais les observations semblent venir d’elles-mêmes ; elles ont de la vérité et du naturel : c’est une qualité rare. Dans les romans de mœurs on voit souvent l’observateur qui braque sa lunette et se met à observer. C’est ôter à la vérité un peu de son mérite que de la chercher avec tant de préméditation.
Les scènes les plus intéressantes du roman de Mme Gay sont, à mon avis, les scènes d’amour entre Théobald et Céline. Mme Gay n’a pas craint de peindre encore cette vieille passion de l’amour. Elle a eu raison. L’amour n’est une vieille passion que dans les mauvais romans. Dans le monde c’est une passion toujours neuve et toujours jeune : il n’y a pas deux hommes qui aient fait ou qui aient senti l’amour de la même manière ; et il y a à ce sujet une infinie diversité de sentimens et d’émotions. Pourquoi donc, dans les romans et au théâtre, la monotonie des amoureux ? Pourquoi les héros de fiction ont-ils tous le même genre de tendresse ? C’est la faute des romanciers vulgaires ; ils ne savent pas observer, ils ne savent pas voir de quel côté la passion d’un homme diffère de celle d’un autre ; ils n’aperçoivent pas les différences. Aussi tous leurs héros sont tendres de la même façon ; mais qu’un romancier ait avec l’expérience du monde le talent et l’habitude de l’observation, aussitôt ses amoureux ont une originalité particulière, et il met dans ses romans la variété qu’il trouve dans le monde.
Analysons en quelques mots le roman de Mme Gay. Théobald et Léon sont unis de la plus vive amitié ; cependant cette noble amitié est née de la haine. Le père de Théobald, pendant nos troubles, a fait condamner le père de Léon, et les deux jeunes gens s’étant retrouvés à Saint-Cyr, se sont battus : Théobald a été grièvement blessé. Ce combat a éteint la haine de Léon, et ils sont devenus amis. Pendant la guerre de Russie, ils combattent à côté l’un de l’autre. « On les aimait en commun, dit Mme Gay, et le pauvre blessé rendu à la vie par leurs soins, lorsqu’il avait remercié l’un se croyait quitte envers l’autre. »
À la retraite, les deux amis sont faits prisonnièrs et conduits en Sibérie. Là, Léon s’échappe, mais Théobald apprend bientôt sa mort, ou, du moins, il est trompé par l’apparence, et il revient dans sa patrie pour annoncer à la mère de Léon la mort de son fils et lui exprimer ses dernières volontés. Il entre au château de Melvas ; une vieille domestique à sa vue croit reconnaître Léon et court l’annoncer à sa mère. Mme de Lormoy, toute malade et toute faible, va à la rencontre de Théobald et s’écrie, ô mon fils ! mon cher fils ! et elle tombe évanouie entre ses bras. Une fièvre se déclare : la moindre révolution, dit le médecin, peut tuer Mme de Lormoy. Que fera Théobald ? dira-t-il qu’il n’est pas Léon, que Léon est mort ? Il est forcé de passer pour le fils de Mme de Lormoy, de vivre avec Céline comme avec une sœur, et de là, entre Céline et lui des scènes pleines de grâce et de délicatesse. Cependant Léon n’était pas mort : il revient, il arrive à Bordeaux : il apprend que quelqu’un vit sous son nom au château de Melvas. Ne soupçonnant pas que ce soit Theobald, il dénonce l’imposteur ; Theobald est arrêté et traduit devant un conseil de guerre. Léon apprend la vérité ; il veut délivrer son ami ; les juges sont inflexibles : c’était en 1815, dans des temps de réaction, et le nom de son père semblait devoir accabler Théobald. Il est sauvé cependant par l’amitié de Léon, et, comme Mme Gay n’a pas encore adopté cette poétique nouvelle, qui veut que le héros, et l’héroïne meurent au moment d’être heureux, Théobald épouse Céline.
Telle est l’analyse incomplète de ce roman qui embrasse les dernières années de l’Empire et les premières de la Restauration. Le héros est heureusement imaginé pour donner une idée de ces deux époques diverses, et ce fils de révolutionnaire est adroitement choisi pour indiquer par les vicissitudes de sa destinée le changement des circonstances. Pendant l’Empire, ce qui frappe au premier coup d’œil, c’est le profond oubli de la révolution encore si récente. Personne n’y semble plus penser. Jacobins, émigrés, tout le monde vit ensemble et comme pêle-mêle. Théobald Eribert combat à la Moscowa près de Léon de Saint-Irène, son ami. L’Empire tombe : aussitôt le souvenir de la révolution se réveille, et avec ce souvenir les haines et les rancunes. La nouvelle destinée de Théobald annonce ce nouvel état de choses. Son innocence a peine à se faire jour devant ses juges, tant ce nom d’Eribert égare les esprits. Voilà les deux époques : laissons l’esprit de parti prétendre que l’une vaut mieux que l’autre. Quant à moi, dût-on m’accuser d’amnistier trop aisément l’histoire, je crois que notre oubli de l’Empire et notre retour de mémoire, en 1814, ont été tous deux de bonnes choses.
Il est bon qu’il y ait eu un empire ; car figurez-vous la restauration en 1796, au sortir des crimes de la révolution, quand le sang des victimes était encore chaud, quand l’indignation était encore récente ; quelle réaction affreuse, irrésistible, inexorable ! Point de pardon à qui n’a point pardonné ! et la révolution qui n’avait jamais eu de pitié, quelle pitié aurait-on eu de ses hommes et de ses institutions ! Grâce à Dieu ! il a été jeté entre la restauration et la révolution quinze années de victoires et de conquêtes, nobles distractions de nos rancunes révolutionnaires. Le Ciel a voulu, pour amortir le choc de 93 et de 1814, que les partis pendant quinze ans se réconciliassent sous la loi du même maître, assis aux mêmes conseils, bivouaquant dans les mêmes camps. En 96, qu’eût-ce été que la révolution aux yeux de la restauration ? Une sanglante émeute, un délire furieux, quelques victoires séditieuses, quelque lois salutaires, peut-être, mais coupables d’avoir eu de pareils législateurs. En 1814, c’était tout autre chose : quinze années de gloire et de domination européenne, des Codes célèbres, un trône majestueux, tout usurpé qu’il était, une dynastie commencée, de grands monumens, toutes choses que la monarchie ne peut s’empêcher d’estimer, même dans ses ennemis. Voilà la révolution telle qu’elle se présentait aux regards en 1814. L’Empire a dérouté les haines à force de glorieuses distractions ; L’Empire a fait tomber l’audace de la réaction devant l’idée de sa puissance. Ça été un mot magique qui a servi de brillant prestige et de salutaire épouvantail ; car qui eut osé maudire tant de gloire ; qui eût osé attaquer l’ombre même d’une si grande force ! Il a fallu nous reconcilier dans l’esclavage avant de nous reconcilier dans la liberté, et l’Empire a bien fait de ne nous lâcher qu’après avoir émoussé et limé nos passions. Il est bon qu’il y ait eu l’Empire.
Il est bon qu’il y ait eu la réaction de 1815 : car, enfin, à vivre comme nous faisions, insoucians du passé et étourdis de notre gloire présente, la révolution allait se perdre dans l’oubli. Jamais rien ne fut si équivoque ni si menteur que l’Empire. À voir les hommes, les charges, les dignités, tout le dehors du gouvernement, c’était la révolution. À voir les lois et le pouvoir, ce n’était plus ni la révolution, ni la liberté : de telle sorte que Bonaparte dupait le présent par son origine, et corrompait l’avenir par son gouvernement. Encore quelque temps, et la révolution allait être comme non avenue, et cela, de la plus misérable manière ; car ce n’eût pas été une défaite, comme si elle avait succombé devant la contre-révolution, c’eût été une espèce de suicide par insouciance, une mort sotte et niaise : elle périssait sans s’en douter. La restauration arriva. Alors tout reprit sa véritable allure : d’un coté, la contre-révolution, de l’autre la révolution ravivée tout à coup par le retour de sa rivale, et entr’elles un débat franc et décidé, avec la royauté pour juge et pour arbitre.
Cà été le grand bienfait de 1814, de nous ramener à 89, et de nous rendre la lutte de l’absolutisme et de la liberté, tout en nous laissant notre expérience de vingt-cinq années d’épreuves. Il était bon que le débat s’établît entre la contre-révolution et la révolution ; c’est-à-dire, entre l’amour de la vieille monarchie et l’amour de la liberté de 89, deux sentimens purs et sincères ; car ce sont eux qui, après s’être combattus, devaient enfin se concilier pour animer notre nouvel ordre social, excluant de leur réconciliation, comme ils l’avaient fait de leur lutte. L’esprit de fausse monarchie et de fausse révolution, c’est-à-dire l’esprit de l’Empire. Grâce à Dieu, le royalisme et la liberté, en France, viennent de source bonne et pure : l’un se rattache à toute notre vieille histoire, et l’autre à 89. Il n’y a rien là de faux, ni d’équivoque ; 1814 et 1815 ont fait un grand bien : ils ont ravivé tout ce qui devait vivre, l’esprit de la contre-révolution et de la révolution ; ils n’ont tué que ce qui devait mourir, l’esprit de l’Empire.
Voici Dieu me pardonne une digression de politique et de philosophie à propos d’un roman ; mais c’est un peu la faute de Theobald. Comme on s’intéresse vivement à ses fortunes diverses sous l’Empire et sous la Restauration, on se laisse entrainer involontairement à réfléchir sur ces deux époques de notre histoire. C’est à ce titre, j’espère que Mme Gay excusera ma philosophie.
Sr. M.
- critique de la critique de Saint-Marc Girardin [4] qui est retranscrite ci-dessus ?
- 1828 : Le Mercure de France au dix-neuvième siècle [5]
THÉOBALD, Épisode de la guerre de Russie, par madame S. Gay. 4 vol. in-12. À Paris, chez Ponthieu, Palais-Royal.
Et à la Librairie de l’Industrie, rue Saint-Marc-Feydeau, n. 10,
Roman d’un vrai mérite, comme on nous en donne trop peu aujourd’hui. Des caractères vrais et très-bien dessinés, des événemens pleins d’intérêt et de vraisemblance, enfin un style élégant et facile, ont déjà fait la fortune de cet ouvrage auprès des gens de goût. Le succès augmentera encore, car l’auteur a placé son drame au milieu de l’histoire contemporaine. Nous retrouvons la révolution et ses fureurs, nos triomphes et nos revers, la réaction et ses vengeances. Ainsi le roman s’agrandit des événemens à travers lesquels il se développe, et l’auteur donne plus qu’il ne promet.
- 1828 : Le Courrier 12 mai 1828 [6]
THÉOBALD, épisode de la guerre de Russie, par Mme S. Gay. Quatre volumes in-12. Chez Ponthieu, libraire au Palais-Royal, et chez P. Dupont, rue du Bouloy, hôtel des Fermes.
La politique et les débats parlementaires laissent difficilement la possibilité de rendre compte des romans nouveaux qui paraissent et souvent disparaissent avant qu’on ait eu le temps d’en parler. Celui que vient de publier Mme Gay n’est pas de ce nombre, il restera pour être placé dans toutes les bibliothèques, à côté de ceux qu’elle a déjà produits et qui sont connus de tout le monde. Nous ne rendrons pas à l’auteur le mauvais service de passer en quelques lignes le tissu de son drame. Tant de gens jugent un livre sur ces calques en raccourci que c’est presque de la malveillance que de dépouiller de leurs couleurs les différens tableaux qui composent un roman, pour n’en donner qu’une esquisse imparfaite. D’ailleurs les observations fines et piquantes, les réflexions ingénieuses et spirituelles qui abondent dans les autres ouvrages de Mme Gay forment encore un des principaux mérites de celui-ci, et c’est ôter au lecteur une partie de son plaisir que de les lui faire connaître d’avance et hors de propos.
1843 : Bulletin de censure [7]
547. LE FAUX FRÈRE, par Mme Sophie Gay, 2 vol. in-8
Ce roman n’a de nouveau que le titre. Il a paru autrefois sous le nom de Théobald, et nous avons nos raisons pour croire qu’au lieu de donner une seconde édition de l’ouvrage, on n’a fait que changer le frontispice de la première. Quoiqu’il en soit, le sujet est emprunté à un procès qui fut plaidé, en 1818, à Aix-la-Chapelle, et qui eut du retentissement. Il s’agit d’un jeune officier qui, revenu en 1816 de la Sibérie, est reçu dans la maison de son compagnon d’armes, se fait passer pour lui et peut à l’aide de cette supercherie, qui d’ailleurs lui a été imposée par des circonstances exceptionnelles, déclarer sa passion à la sœur de son ami. On devine tous les embarras qui doivent naître d’une pareille situation, et le dévouement va être fatal au faux frère quand le véritable, qu’on croyait mort, arrive tout à coup, justifie son camarade et le soustrait à la rigueur des juges. Théobald est mis en liberté, bien plus, on lui accorde la main de la jeune fille, et le roman finirait par un mariage, comme une comédie, si le jeune homme trop pressé, n’avait pris du poison pour échapper à l’infamie qui le menaçait. C’est, comme on le voit, la vieille histoire de Roméo et Juliette.
Personnages, intrigues, passions, peintures, langage, tout est affecté dans ce roman, et l’exagération de certains sentiments peut en rendre la lecture dangereuse.
- 1866 Figaro : journal non politique 19 juillet 1866 [8]
Quand Mme de Girardin fit représenter ’’La joie fait peur’’ -- aux Français -- M. Scribe jeta les hauts cris, prétendant que cette dixième Muse avait copié, -- scène par scène -- un vaudeville de lui intitulé : Théobald -- ou -- la guerre de Russie.
Le lendemain, Mme de Girardin lui envoya sous enveloppe un roman de sa mère, vieux de trente ans, et portant ce titre significatif :
Théobald -- Épisode de la guerre de Russie.
M. Scribe, -- qui accusait Mme de Girardin de lui avoir volé une comédie ne se rappelait plus qu’il avait lui-même pris le sujet de cette comédie dans un livre de Mme Sophie Gay.
- La même anecdote sur le plagia du roman... par Eugène Scribe [9]
- ↑ Quatre volumes in-12. Prix 12 fr. Chez Ponthieu, libraire, au Palais-Royal ; et P. Dupont, libraire, rue du Bouloi, hôtel des Fermes.