Discussion:Le Mariage de l’adolescent
Ajouter un sujetÉditions
[modifier]- 1920 : Bernard Grasset [1]
Statistique
[modifier]- 29 436 mots environ (soit moins de 2 heures de lecture).
Vocabulaire - orthographe
[modifier]- éperdûment
- vieillard mal récrépi
- s’entr’ouvrent, grand’chose, grand’maman
- ployante
- cette sensation d’oppressement
- nihit
- Aurea mediocritas !
- Tryphè pour Arêtu
Critiques
[modifier]- 01/1921 : Études / publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus [2]
Jeanne Marais. Le Mariage de l'Adolescent. Paris, Bernard Grasset, 1920. In-16.
« La prime à la naissance ne peut être qu'une prime d'amour et c'est la jeunesse qui souscrira. » Telle est la thèse que développe Jeanne Marais dans son livre posthume le Mariage de l'Adolescent. Les objections classiques contre les mariages des jeunes gens de dix-huit et dix-neuf ans sont discutées tantôt avec le père du jeune-homme, tantôt avec Mme Renaud, la mère de Geneviève. Douée d'une psychologie pénétrante, d'une imagination vive et d'une frémissante sensibilité, l'auteur pouvait traiter ce sujet, si grave à l'heure actuelle, où « il faut autant de naissances qu'il y a de croix dans les cimetières ». Mais, malheureusement, Mlle Jeanne Marais, plongée dans le pessimisme le plus noir, ignore tout de la religion qui, cependant, peut, seule, résoudre le problème en conciliant le devoir moral avec les exigences sociales. François-Xavier Datin.
- 01/1920 : La Brise : littérature, art, histoire [3]
Mlle Jeanne Marais a disparu en pleine jeunesse, dans l'éclat de sa beauté et la maturité de son talent. En trois ans, avant guerre, elle avait publié quatre volumes. Ce sont, dit M. Adolphe Brisson, dans la préface de son dernier ouvrage, Le Mariage de l'Adolescent (Bernard Grasset, édit., 5 fr. 75), « de jolis livres élégants et fringants, quelque peu cyniques ». Avec Amitié allemande, « un roman de haute allure », heureusement elle se ressaisit, puis connaît le grand succès avec la Nièce de l'Oncle Sam, que donnent les Annales. Comment n'accueillerait-on pas avec émotion sa dernière œuvre, ce mariage de l'adolescent, où sa raison, son bon sens, sa sensibilité si saisie et si fine font un parfait mélange. « C'est en cent pages, nous dit M. Brisson — et nous pouvons, n'est-ce pas, nous en rapporter à un tel jugement ? — un chef-d'œuvre de vérité psychologique, de sagesse, de compréhension émue des temps nouveaux, de sympathie humaine, de large et généreuse philosophie. L'âme et le cœur de J. Marais y palpitent : âme très fière, cœur brûlant, inassouvi et irrésigné ».
- 01/01/1921 : L'Afrique du Nord illustrée : journal hebdomadaire d'actualités nord-africaines [4]
La vie littéraire
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Le Mariage de l'adolescent, roman par Jeanne Marias, Bernard Grasset, éditeur.
Jeunes gens, mariez-vous, mariez-vous très jeunes sans crainte ! Plus que jamais, aujourd'hui, il faut que l'amour reste le grand maître. C'est le conseil que vous donne Jeanne Marais dans cette exquise et claire histoire d'amour qu'est Le Mariage de l'Adolescent, beau et bon livre en même temps. La foi naïve et les fiertés intransigeantes d'une âme tendre de jeune homme y triomphent de l'expérience paternelle et de la méchanceté des êtres.
Ce livre, le dernier qu'ait écrit Jeanne Marais, est précédé d'une longue préface (coupée de fragments de lettres) où Adolphe Brisson retrace la vie de la jeune romancière, qui après avoir donné une dizaine de romans spirituels et charmants, et vu s'affirmer sa notoriété, s'est donné brusquement la mort. P. B.
- Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche - 29/08/1920 [5]
Sous ce titre, vient de paraître un roman posthume de Jeanne Marais, la simple et touchante histoire de deux enfants qui s’aiment et que sépare le préjugé de parents trop circonspects. Dans la préface, M. Adolphe Brisson trace un portrait ému et vivant de notre regrettée collaboratrice, rappelle la tendresse passionnée qu’elle eut pour sa mère, dont la mort la laissa inconsolable et brisée. Il cite des lettres inédites où ces sentiments s’expriment avec une douloureuse sincérité :
LE DÉSASTRE redouté approche… Jeanne Marais sait que sa mère est condamnée. Elle dit sa douleur dans une lettre poignante qui n’est qu’un cri d’angoisse :
Vous m’aimez bien, André, ainsi que vous aimez aussi maman. Moi qui ne pleure jamais, je ne peux pas retenir mes larmes en pensant à ce que vous éprouverez en revoyant maman ; c’est un tout petit enfant : le mien. Je la lève, je la fais manger, je la veille la nuit.
On va vous envoyer un livre. Quelle décision ! Après trois ans d’attente où des bouquins de moi qui devaient paraître attendent encore pour diverses causes de force majeure, ce petit roman, dont maman se réjouissait, me serre le cœur, publié à un tel moment ! Chaque page me rappelle un souvenir commun du travail exécuté par moi sous ses yeux… Ma pauvre petite mère ! M…, à qui j’ai téléphoné mon malheur, a eu la bonté d’envoyer un employé et une voiture de livres chez moi pour le service de presse. Et cette pauvre chérie, qui ne peut plus parler, tend ses mains vers le livre qu’elle attendait avec fièvre. Il était annoncé pour le 8 août. Mon malheur m’a empêchée de m’en occuper à cette date. Eh bien ! dans son lit depuis ce jour-là, tout le temps, elle faisait signe à Mathilde, à moi, à Kiki, nous ne comprenions pas. Le docteur a fini par saisir : c’était le livre qu’elle réclamait dont elle voulait des nouvelles. Alors, voyez-vous, pour moi, c’est atroce.
Ma vie va être, maintenant, une longue souffrance. Tout ce que je souhaite, c’est de garder assez de forces pour la soigner, car je suis un peu faible et je ne veux pas qu’une main étrangère la touche.
Mme Marfaing succomba le 13 octobre… Ainsi qu’il arrive au lendemain de ces tragiques secousses, les nerfs crispés se détendent, l’énergie s’écroule. C’est la dépression qui suit le sursaut de volonté.
J’entre dans la phase redoutée où, perdant le souvenir des heures affreuses de sa maladie, je n’ai plus que l’étonnement douloureux de ne plus l’avoir auprès de moi et j’en souffre terriblement, surtout à l’approche de la nuit.
Un aveu vous dépeindra mon état : je ne peux plus travailler; comme avant, et je me fiche de mon travail à un point qui m’inquiète. Tout cela me devient très indifférent depuis qu’elle n’y est plus associée, et, s’il n’y avait pas la question d’argent qui m’oblige à me procurer l’indispensable par ma plume, je n’aurais même pas le courage d’écrire une ligne. À présent, je travaille avec un dégoût et une lenteur extrêmes, et je pousse un soupir de soulagement quand c’est fini. Vous me dites gentiment que vous seriez content de voir un conte de moi dans Le Journal ; je sais que Lajarrige en a fait mettre un sur le marbre : paraîtra-t-il. Si vous saviez ce que cela me laisse froide ! Je me demande comment j’ai pu me passionner à ces choses : c’est que ma passion était partagée. Je n’ai pas eu le courage de mettre les pieds au journal.
Je reste dans mon lit et je me suggestionne jusqu’à ce que je me la figure, comme avant. Mais quelle nuit, une fois endormie ! Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous écrire ces choses ; mais vous êtes le seul — pour bien des motifs — a qui je puisse les confier ; et ça me soulage.
(3 janvier 1918.)
Jeanne Marais ne se remit pas de ce bouleversement… On la crut, elle se crut guérie… Mais la blessure n’était pas cicatrisée et, au moindre choc, elle saignait. Toute contrariété, toute déception (et ces accidents abondent dans la vie littéraire), désespéraient la jeune artiste… Pourtant, elle eut encore des joies… La publication, par Les Annales, de La Nièce de l’Oncle Sam, le succès de cette œuvre charmante, lui rendirent le courage. C’est à cette occasion que je la connus. Ce roman m’avait plu, à première lecture. Je demandai à l’auteur si elle consentait à modifier certains passages. Elle accepta mes avis avec une bonne grâce et opéra ces modifications avec un empressement qui me touchèrent. Je fus frappé de ce qu’il y avait en elle d’un peu fébrile, de tourmenté et de passionné. Elle ne s’attachait pas, ne se dévouait pas à demi. Bien qu’elle ne dût aucune gratitude à ce journal qui, en accueillant son joli livre, ne s’était préoccupé que de plaire à ses lecteurs, elle se montrait envers lui reconnaissante. Elle se prit à aimer la maison et, bientôt, y fut indispensable. Elle accepta de se charger de l’examen des manuscrits. À cette ingrate besogne, elle apporta un zèle, une patience, une bienveillance, qui lui valurent notre admiration et la confiance de ses innombrables correspondants, tous devenus des amis. Elle continuait, néanmoins, de composer des volumes. Elle en avait plusieurs sur le chantier, entre autres Le Trio d’Amour, qui ne devait paraître qu’après, sa mort. Elle se plaignait de la répugnance qu’elle éprouvait à écrire, D’intermittentes lassitudes accablaient l’intrépide travailleuse. Elle doutait de son talent, alors qu’elle bouillonnait de projets et d’idées. Nous nous élevions contre cet absurde pessimisme. Nous réussissions momentanément à la convaincre. Elle sortait, vaillante et forte, de ces excès d’abattement, puis y retombait. Il semblait qu’un mal intérieur ; la minât, empoisonnât par avance le bonheur que les dieux s’apprêtaient à lui donner. Comment imaginer que cet état maladif pût s’allier à tant de raison, de bon sens, à une sensibilité si saine, à un équilibre mental si parfait !…
Toutes ces qualités, nous les retrouvons à un degré éminent dans Le Mariage de l’Adolescent… C’est, en cent pages, un chef-d’œuvre de vérité psychologique, de sagesse, de compréhension émue des temps modernes, de sympathie humaine, de large et généreuse philosophie… L’âme et le cœur de Jeanne Marais y palpitent, âme très fière, cœur brûlant, inassouvi et irrésigné…
- 21 nov. 1920 : Le Rappel : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7552754k/f2.item