Discussion:Les Demi-Sexes
Ajouter un sujet
Critiques, résumés…
[modifier]- La Presse 18 juillet 1897 [1]
OPINIONS
UN LIVRE
Après, les Sataniques, ces effroyables récits où à l’imitation d’Hoffmann et d’Edgar Poë, l’invraisemblable a plus de puissance que le réel, où d’étranges preneuses d’hommes aux mortelles langueurs, marquent, d’un signe fatal ceux qui se livrent à leurs caresses, Jane de la Vaudère nous donne un roman des plus osés : Les Demi-Sexes. Ce titre est l’étiquette collée sur le flacon où se figent les poisons violents du vice, du meurtre et de la folie. L’auteur a tracé en gros caractères, comme un chimiste prudent qui tient à rester en paix avec sa conscience, le mot « dangereux » au frontispice de son œuvre.
Ce livre a été écrit pour celles qui ont éprouvé toutes les désillusions du cœur, de l’àme et des sens, pour ceux qui ont recherché toutes les sensations brutales de la vie, toutes les ivresses féroces, toutes les jouissances farouches, toutes les sensations corrosives, avec les raffinements et les avidités d’êtres qui veulent connaître, voir et sentir.
Jane de la Vaudère, avec un rare talent, a su dépeindre, d’une plume subtile, les aberrations morbides et criminelles qu’un récent procès vient de remettre en lumière. Peut-être y a-t-il danger à divulguer ces hontes ?… Non, car le mal tend à s’accroitre les mœurs du monde oisif et jouisseur sont considérées avec trop d’indulgence et il est temps d’indiquer le péril. En racontant les erreurs d’un milieu gangrené, Jane de la Vaudère a su garder le charme de l’écrivain et la dignité de la femme. Elle a exposé avec un art consommé ce cas singulier de l’éternel antagonisme des sexes ; elle l’a fait avec une impartialité habile qui permet la discussion. Sans doute, quelques esthètes chagrins désireraient-ils la séparation complète, comme dans cette étude d’ironie charmante parue récemment dans une revue « Les homoncules d’hier et d’après-demain, essai sur la création de l’homme en dehors de la femme ? » En attendant que s’accomplisse l’irrémédiable divorce, on se suicide encore par amour, et c’est une consolation pour les poètes Poète, Jane de la Vaudère l’est dans les moindres détails, et c’est avec un charme mélancolique qu’elle nous expose, dans ce délicieux sonnet qui sert de préface aux Demi-Sexes, l’inutilité, chez la femme, de tout ce qui n’est pas volupté charnelle et provocation au désir :
VÉNUS DE SYRACUSE
Dans la mignonne ville, au sommet des flots
Que trois bras d’onde. amère étreignent avec grâce,
Elle dort, tout debout, forte, impudique, grasse,
Et le rêve fait chair en son corps est éclos.
Sous le marbre laiteux, le sang, en larges flots,
Va courir pour créer une virile race
On croit voir les baisers laisser leur chaude trace
Sur les seins soulevés par d’éperdus sanglots.
Belle, elle fait à tous son amoureuse offrande…
Elle n’a point de tête et n’en est que plus grande !
Elle ne souffre pas de sa divinité.
Et les femmes, toujours ardentes et charnelles.
Ne devraient posséder qu’un coprs décapité
Avec des flancs puissants et de blanches mamelles.
Tout le roman est curieux, passionné, terrible, comme la vie elle-même. Les caractères, en leur outrance, sont dessinés avec une netteté qui impressionnera le lecteur et fera réfléchir le moraliste et le médecin.
Julien CHÉROY.
- Le Pays : journal des volontés de la France 8 juillet 1897 [2]
On sait tous les désordres physiques et moraux engendrés par certaines opérations chirurgicales, sur lesquelles un procès retentissant a récemment attiré l'attention.
Dans un roman hardi, Les Demi-Sexes, une femme, Jane de la Vaudère, mettant au service d'une bonne cause son remarquable talent d'écrivain et de moraliste, vient de stigmatiser ces infâmes pratiques trop répandues et qui appellent la répression.
- La Nouvelle Revue - juillet 1897 [3]
Les Demi-Sexes, par Jane de la VAUDÈRE. i vol. P. Ollendorff, éditeur, Paris.
Penser analyser ce livre, qui mériterait de porter en épigraphe, le Lassata viris necdum satiata[1]de Juvénal, en le considérant comme un ouvrage isolé, serait une grosse erreur.
Sa hardiesse est telle, sa virulence est si grande, les réflexions qu’il inspire sont si effrayantes, que l’impression produite par sa lecture serait absolument imméritée.
N’envisageant que le volume en lui-même, on en méconnaîtrait les origines et la portée. On ne comprendrait pas comment l’auteur a pu arriver à dépeindre des caractères aussi pervertis, à nous montrer des tableaux d’une dépravation aussi raffinée et criminelle, alors qu’en réalité, il n’est qu’un cri de révolte contre l’immunité qui abrite le chancre rongeur qu’il met à nu.
La série en effet, dont il paraît devoir être le dernier volume, constitue pour l’écrivain moraliste une étude très consciencieuse, très fouillée de la situation faite à la femme dans notre société moderne et des souffrances, des aspirations, des revendications qu’elle engendre.
Elle commence en 1891, par Mortelle étreinte, se poursuit en 94 avec Rien qu’amante, en 1895, par le Droit d’aimer, Ambitieuse, en 1896, et se termine par les Demi-Sexes aujourd’hui.
Au début Jane de la Vaudère présente la femme comme une absolue victime. Sans défense, ni contre elle-même, ni contre la société, soit que la fatalité la poursuive, soit qu’elle cède à un entrainement cérébral ou sensuel inconscient, irréfléchi, elle supporte toutes les conséquences, toutes les charges, on peut dire tous les châtiments d’une situation qu’elle n’a pas été seule à créer, alors que son séducteur ou son complice reste indemne.
Dans le Droit d’aimer et Ambitieuse, ces deux titres le font pressentir, il y a dans le premier un commencement d’insurrection, et dans le second un but arrêté, poursuivi, réalisé. La femme exploite à son tour, dans son intérêt, les sentiments qu’elle a su faire naître, encourager, exalter, quitte à être la première victime de ses calculs, le jour où chez elle, le cœur reprend ses droits.
C’est en suivant cette gradation, que les demi-sexes nous amènent en présence de cerveaux féminins déséquilibrés, rêvant, par esprit d’indépendance rappelant le « Ni Dieu, ni maître », la création d’une vie anormale et factice qui les place au-dessus de toutes les obligations, divines, sociales et humaines.
C’est la révolte poussée à son extrême limite.
C’est du nihilisme, de la rage, du transport au cerveau, de la folie avec toutes ses conséquences, conduisant au crime avec un cynisme que rien n’excuse.
Le banquet mensuel de celles qui s’intitulent « les affranchies » est des plus typiques. La dégradation de ces infirmes ne connaissant aucune contrainte est savamment présentée pour montrer à quel point la roche Tarpéienne est près du Capitole, puisqu'en voulant secouer tous les jougs, les pauvres névrosées n’ont fait que changer d’esclavage et devenir les premières victimes de leur ambition insensée.
- Leurs vices sont leurs pires tyrans.
Elles traînent leur déshonneur et leur crime comme un forçat son boulet, misérables dupes de certains dangereux morticoles (comme les a si bien baptisé Léon Daudet), qui pour emplir leur escarcelle ont recours à tous les racolages, dussent-ils les amener sur le banc d’infamie.
Oser pour une femme dévoiler ces turpitudes, et les stigmatiser comme elles le méritent, c’est faire preuve d’un courage auquel il faut rendre justice. Aborder la tâche était téméraire, la mener à bien, fort difficile ; Jane de la Vaudère cependant y a réussi.
Le seul reproche qu’elle mérite, c’est à plusieurs reprises d’avoir laissé entendre que Paris est le repaire des passions perverses, des hantises morbides et criminelles. Rien n’est plus faux. Paris ni la France ne jouissent nullement de ce monopole peu enviable et il suffit de franchir n’importe laquelle de nos frontières pour reconnaître que quelqu’affichés qu’ils soient, quelle que soit la réputation qu’on leur fasse, nos vices ne sont que péchés véniels à côté de ceux de nos voisins.
GEORGES SÉNÉCHAL.
- Proximités avec le texte de Guy de Maupassant [4] Notre cœur (juin 1890)
- Le Bulletin de la presse française et étrangère [5]
… encore un titre plagié. J'ignore totalement l'auteur et j’espère pour lui qu'il ne s'est pas dépeint dans les divers personnages de son livre où le vice s'étale dans toutes ses hideurs.
- Le Figaro du [6] 21 Juillet 1897
Chez Ollendorff : Les Demi-Sexes, le nouveau roman de Jane de La Vaudère. Il fallait le rare talent d'écrivain et de moraliste de l'auteur de tant de livres à succès pour aborder cette puissante étude de passions dont tout le monde parle.
- Le Figaro du 29 juin 1897
La chirurgie ne progresse pas en vain. Nous lui avons dû, au lendemain du procès Boisleux-La Jarrigue, deux romans : Châtrée, d'un anonyme, et les Mères stériles, de M. Henri de Fleurigny. Et voici que s'en annonce un troisième : les Demi-Sexes. Auteur, Mme Jane de La Vaudère. Le titre est bon.
Travaux de recherches
[modifier]- Analysé dans "Produire une identité. Le personnage homosexuel dans le roman français de la seconde moitié du XIXe siècle (1859-1899)" (ISBN 9782343041124)
- "Husbands, Wives and Doctors: Marriage and Medicine in Rachilde, Jane de La Vaudère and Camille Pert" (doi:10.1179/147873108790872648)
- "The Feminine Copy: Travel and Textual Reproduction in Jane de la Vaudère's Les Demi-sexes" (doi:10.1353/wfs.2018.0011)
- "Mutating Bodies: Reproductive Surgeries and Popular Fiction in Nineteenth-Century France" (doi:10.1080/17409292.2018.1582169)
Résumé
[modifier]Personnages
[modifier]- Camille, 18 ans, petite fille de Mme de Luzac,
- Miss Ketty, domestique ?
- Dr Richard
- baronne de Luzac, grand-mère de Camille, valétudinaire.
- Mme Nina Saurel - a eu de nombreux amants, est opérée.
- Julien Rival jeune homme, nouvellement entré dans le monde
- Maurice Chazel
- Duclerc
- Le gros Perdonnet, un jeune philosophe, homme du monde fort à la mode
- le comte de Naussion, célèbre par ses paradoxes, son érudition compliquée et ses mises excentriques
- Paul Tissier, un savant destiné à mettre de l’azote dans la conversation
- Michel Gréville, un homme politique, récemment tombé de la tribune sans se faire aucun mal
- Philippe de Talberg, un autrichien assez énigmatique trentenaire probablement viveur
Première partie
[modifier]- Chapitre I Camille rencontre Miss Ketty en allant chez le Dr Richard qui semble avoir mauvaise réputation. Camille ne semble pas à l'aise, mais demande au Dr de l'opérer, opération ayant à voir avec la maternité et qui ne semble pas légale. Le médecin la juge pour ce souhait accepte après de nombreuses question et un examen rapide. « Et il lui semblait que cet homme qu’elle n’estimait guère avait, cependant, le droit de l’estimer moins encore. »
- II Camille gère avec succès la fortune et la maison de sa grand-mère, petit hotel particulier qu'elle décore avec gout. Elle verse le thé pour les amies de sa grand-mère et gère son entourage et ses diners intime. Mme Saurel arrive pour le diner et s'informe de la visite chez le médecin qu'elle a conseillé à Camille. Opération qu'elle même a faite à l'instigation d'un amant pour éviter les maternités. « Est-ce que la femme, alors, n’est pas l’égale de l’homme qui ne se prive jamais ?… Du moment que l’on supprime les conséquences, la vertu féminine n’a plus de raison d’être. Les deux sexes se valent. »
L'amour lesbien est évoqué et décrit comme pis-allé de l'amour hétérosexuel.
- III
Au dîner elle se laisse dévorer des yeux par Lucien, dîner ennuyeux jusqu'à ce que l'on parle avec gourmandise d'un adultère récemment révélé. On apprend que Camille n'envisage pas le mariage ni l'amour passion. Elle rejete l'offre de mariage détournée de Philippe, qu'elle soupçonne d'être intéressé par sa dot.
- IV Camille dévoile ses pensées : « Elle se disait qu’elle serait l’égale de l’homme par la pensée et par l’action et que les misères de la femme ne l’atteindraient plus. » … « Je désire me venger de la société qui nous condamne, nous autres femmes, parce que nous sommes faibles ; je désire posséder l’âme des hommes en soumettant les intelligences et en méprisant les mépris. »
- V : Camille retourne chez le Dr Richard avec Nina et se déclare décidée à l'opération. Les deux amies combine la convalescence chez Nina ainsi que le paiement des émoluments du docteur sur la fortune de la jeune fille. Le soir à la partie de whist habituelle, Camille regrette les attentions de Philippe.
- VI
Camille et Nina se sont rencontrées dans le monde et se sont plu très vite. Dans les promenades en calèche, les deux femmes se sont embrassées. Nina a montré sa garçonière à Camille. Elles se sont déguisées pour sortir dans les endroits louches de Paris où s'amuse le peuple (sic) « Vois-tu, les vieilles femmes n’ont plus qu’à mourir, car l’homme ne leur a pas fait de place dans l’existence ! »
- VII
La nuit précédent l'opération est difficile pour Camille qui questionne l'acte et le risque de mourir.
- VIII
Chez Mme Saurel, la chambre est prête pour l'opération, Camille a peur. Le médecin la chloroforme et à son réveil, des complications surviennent. Camille fait des cauchemards et des remords. Nina envisage les complications d'une mort chez elle.
Partie 2
[modifier]- I Camille veut Julien pour amant. Philippe se met dans leur chemin et Nina se méfie des jolis jeunes gens trop amoureux pour une indispensable discrétion.
- II Dans le salon de sa grand-mère, les soirées ne sont plus aussi guindées.
« Parmi ces hommes cinq étaient arrivés, une dizaine devaient obtenir quelque gloire viagère, et les autres, ceux qui étalaient le plus glorieusement leur superbe, étaient destinés à disparaître, après quelques coups de grosse caisse, dans la foule des médiocrités. » Les amours homosexuels sont évoquées, ainsi que la drogue (morphine).
- III
Julien est un homme très sensible que son amour engourdi. Un soir Camille le rejoint dans sa chambre, ils sont amants et Camille refuse une fois de plus de devenir sa femme. Mais Camille considère qu'elle a chuté et les remords recommencent.
- IV
La grand-mère se sent mal, les convives partent sauf Philippe. Il dit à Camille qu'il a fait surveiller ses faits et gestes et qu'il peut la perdre dans l'opinion. Il la viole et lui dit qu'il veut tous les jours la voir.
- V
Camille raconte tout à Nina, le viol, le dégout pour l'avenir. Nina veut la consoler par leurs plaisirs habituels mais Camille ne veut pas. Camille se repose chez elle mais doit se rendre chez Philippe qui la menace.
- VI
Julien s'étonne l'absence de Julien et miss Ketty vient lui dire qu'elle ne viendra plus. Julien souffre.
- VII
Camille revient voir Julien. Il veut toujours l'épouser et s'étonne qu'elle n'ai pas peur d'être enceinte. Ces moments ensemble sont doux.
- VIII
Au diner des demi-sexes, Camille raconte que Philippe veut l'empêcher de venir ou être invité. Les femmes refusent et commence leur soirée d'orgie amoureuse.
- IX
Philippe a forcé la porte de la fête. Il menace les dames du scandale notamment par la présence de mineures et s'en va avec Camille.
- X
Dans la voiture Camille repousse ses caresses mais il l'oblige à venir chez lui malgré la fatigue et le dégout. Dégout dont il se réjouit.
- XI
La grand-mère va mieux mais Camille tombe malade et ne peux se débarrasser d'une toux persistante. Julien se confie à Philippe de son amour.
- XII
- ↑ traduction wikisource : Fatiguée des hommes et pas encore satisfaite