Discussion:Les Malheurs d’un amant heureux (Gay - 1873)
Citations[modifier]
- chapitre XXIV
« — Car il serait par trop désagréable, ajouta-t-il, d’avoir à supporter l’humeur jalouse d’un mari dont on n’aime pas la femme.
Le raisonnement était sans réplique ; et je tombai d’accord que, pour souffrir patiemment les soupçons d’un jaloux, il fallait les mériter. »
- Son goût pour les jolies femmes le mettait dans la nécessité d’en prendre une sans fortune : il la choisit dans ce troupeau charmant que la pauvreté honnête livre à la vieillesse opulente
Critiques[modifier]
- de stendhal? [1] [2] new monthly avril 1825 ?
- https://archive.org/details/lajoiefaitpeu00gira/page/10/mode/1up?q=amant
- https://archive.org/details/bub_gb_kEWK5tPdNhUC/page/n61/mode/2up?q=amant
- 1823 : Tablettes universelles, 18 octobre 1823 [3]
Les Malheurs d’un amant heureux, ou Mémoires d’un jeune aide-de-camp de Napoléon-Bonaparte, écrits par son valet-de- chambre[1].
J’avais quelque défiance d’un pareil titre, car on sait ce qu’est un amant heureux dans les romans, et comme on y prodigue aux caprices et aux succès de la fatuité le nom de bonheur et d’amour. Je m’attendais à rencontrer un de ces héros de boudoir, fatigués de leurs triomphes et importunés de leur gloire, et je n’espérais pas mieux qu’une imitation adoucie des aventures de Faublas. La lecture du roman me réservait une heureuse surprise. L’auteur a soutenu, aussi mal qu’il l’espérait sans doute, la fiction qui attribue à un valet-de-chambre la rédaction de ces mémoires ; et les indiscrétions d’un talent fin et gracieux trahissent, dès les premières pages, l’incognito de son sexe, et presque le secret de son nom.
Trois femmes occupent tour-à-tour le cœur de Gustave de Revanne. Lydie de Civray, sa cousine, mariée sans amour et séparée de son mari par l’émigration, a été accueillie par Mad. de Revanne. Le long silence de M. de Civray semble annoncer sa mort, et Lydie a besoin de le croire ; car elle aime Gustave, et partagée entre un devoir incertain et une affection puissante, elle ne peut ni s’excuser ni se vaincre. Il y a un charme inexprimable dans ce caractère : Une jeune femme, dont un froid hyménée n’a pas terni l’innocence, et qui porte dans une première passion la virginité de l’âme et les surprises de l’amour, luttant avec courage et cependant vaincue, mais pure encore après sa défaite, et même, quand elle n’est plus chaste, conservant toujours la pudeur. L’arrivée de M. de Civray sépare les deux amans. Ses malheurs et son offense le rendent plus respectable à Lydie. Elle se résigne à d’humilians aveux ; elle se dévoue au sort d’un proscrit, dont la bouche mourante pardonne à cette longue expiation de honte et de larmes.
Cependant M. de Revanne trouve de faciles consolations. Une danseuse de l’Opéra fait échouer sa constance. Dans un roman de Voltaire, la vertu du héros, qui suit sa maîtresse à la trace, se sauve de tous les écueils, et va faire naufrage dans les bras d’une fille d’affaire. Cette moquerie de l’amour et de la fidélité a pu trouver place dans des contes satyriques, consacrés à déjouer toutes les passions et toutes les vertus. Mais une femme devait-elle l’imiter ? cette épigramme vulgaire ne blesse-t-elle pas le goût comme la nature ! L’infidélité coûte plus d’efforts, elle n’est ni si prompte, ni si facile, et cet oubli de Gustave, qui succombe sans résistance et sans remords, est sans vraisemblance, comme il serait sans excuse.
Les attraits de Mad. de Verseuil colorent du prétexte de la séduction une nouvelle inconstance de l’amant heureux. C’est le caractère le plus fortement tracé du roman. Froidement corrompue, l’amour est pour elle un succès plus encore qu’un plaisir ; elle cède sans entraînement, elle s’égare sans ivresse ; et sa vanité, imitant tous les mouvemens des passions, représente sans effort, dans la joie du triomphe et dans l’emportement du dépit, le bonheur et le désespoir de l’amour. Une Italienne, la belle Stephania, arrache un moment Gustave à l’empire de Mad. de Verseuil. Son amour est sans artifice, mais aussi sans pudeur. Elle n’a ni coquetterie, ni vertu. Sa passion est sa destinée et presque son devoir, et la naïveté lui tient lieu d’innocence ; mais aussi ce cœur, qui n’a pas connu de frein dans ses faiblesses, n’en a pas davantage dans ses fureurs. La vengeance la domine comme l’amour ; et lorsqu’elle se voit trahie, elle ne se sauve d’un crime que par le désespoir, elle n’échappe à l’assassinat que par le suicide.
Nous mènageons aux lecteurs la surprise du récit spirituel où ces personnages sont mis en scène. Les événemens de la politique contemporaine y ont aussi leur place ; mais nous ne pourrions louer toujours les emprunts faits par le roman à l’histoire. Nous aimons mieux les caractères que les portraits. Lorsque l’auteur nous représente un général fameux toujours occupé à passer des revues ou à distribuer des drapeaux, il nous semblait voir un héros de Franconi, caracolant dans le Cirque-Olympique.
- 1828 : Le Courrier des tribunaux : journal de jurisprudence, 24 octobre 1828 [4]
LES MALHEURS D’UN AMANT HEUREUX, OU MÉMOIRES D’UN JEUNE AIDE-DE-CAMP DE NAPOLÉON, Écrits par son valet de chambre, avec cette épigraphe :
Voilà un titre qui n’a pas le sens commun. C’est l’auteur même qui le dit, et c’est la première phrase de son ouvrage. Je suis trop poli pour avoir débuté par un pareil reproche, en rendant compte de son livre. Mais ce reproche même, dans les termes les plus mesurés, n’eût eu pour objet que sa singularité : en se nommant, l’auteur s’assurait une chance de succès, et son nom a disparu. C’est porter un peu haut la modestie de l’anonyme après le succès mérité d’une première édition. Au surplus, son amour-propre n’y aura rien perdu. On y retrouve le cachet d’un talent justement estimé. Si le titre semble appartenir à l’école de Marivaux, de Dorat qu’on ne lit plus, l’ouvrage, par la variété, l’importance des événemens politiques auxquels il se rattache, a tout le charme d’un roman et souvent l’intérêt de l’histoire. C’est la double condition imposée par le goût et le retour de notre époque ; et l’auteur l’a heureusement remplie. Mme S… G…, que je n’indiquerai que par ses initiales pour ne point trahir l’incognito, dont elle paraît si jalouse, a voulu peindre les mœurs de la France sous la Convention et le régime directorial ; elle s’arrête au gouvernement consulaire dont elle n’offre, dans sa dernière partie, qu’une esquisse rapide, mais encore brillante d’intérêt et de vérité.
On ne détruit pas en quelques années, des préjugés quelqu’absurdes, quelqu’injustes qu’ils puissent être, quand ils ont pris racines dans les mœurs par des traditions séculaires. L’émigration, sans le fol espoir d’un prompt retour et d’une prompte vengeance, eût été moins active et moins nombreuse ; et la monarchie constitutionnelle de 1791, réclamée et consentie par l’immense majorité des Français aurait assuré pour jamais le bonheur de la nation et du prince, si une minorité plus passionnée qu’habile n’eût, par une résolution au moins intempestive, accru les dangers du trône au moment même qu’elle le laissait sans défense. Je n’ai point à examiner les causes ni les effets politiques de cette grande crise ; mais seulement son influence sur les mœurs privées.
Je me bornerai à signaler une errreur échappée à l’auteur. Il n’est pas vrai que l’état de domesticité ait cessé d’être une exclusion au droit de citoyen. Le mot seul était changé, et la nouvelle dénomination, la plus généralement suivie n’était pas celle d’officieux mais de salarié.
Victor, simple expéditionnaire dans les bureaux du ministère des finances, avait perdu la jouissance des droits politiques, en se faisant valet de chambre du fils de madame de Revanne. Fils d’un maître de pension, que des revers imprévus et non mérités ont ruiné sans retour, il a reçu une éducation soignée ; il s’est fait valet par système, et non par nécessité. Bien accueilli dans la famille de Revanne, il eût pu s’affranchir des serviles devoirs de la domesticité. Il se les impose sans regret et les exerce sans bassesse. Il obtient par son dévouement et son active fidelité, la confiance de ses maîtres ; singulier valet de chambre, il a toutes les qualités que l’on a le droit d’exiger d’un gouverneur, sans en avoir la morgue et l’hypocrite complaisance. Heureux dans son obscurité, il peut se livrer tout à son aise à son goût pour l’observation des mœurs de la haute société.
Mme de Revanne et son fils, dont l’avenir occupe toutes ses pensées, sont venus se fixer à Paris. Amie de Mme de Beauharnais, sa société devient la sienne. Nous la suivrons dans les salons du directoire et des ministres dont les Aspasies du jour, MMmes Talien et Récamier font les honneurs. On lisait encore sur la porte des bureaux : Ici on s’honore du titre de citoyen. Ce n’était plus qu’un avis de simple convenance ; l’égalité consacrée par les institutions n’était plus dans les moeurs. La société présentait les plus étonnans contrastes ; la richesse allait devenir l’élément et le signe distinctif des supériorités sociales. L’aristocratie des comptoirs succédait à celle des parchemins. Cette révolution morale devait amener nécessairement une révolution politique, mais sans déchirement, sans convulsion. Alors parut l’homme qui exploita au profit d’une ambition sans bornes cette tendance des esprits. L’armée était toute républicaine, et c’est au nom de la liberté, de la république, qu’il étouffa l’une et asservit l’autre. Cette brillante campagne d’Italie occupe un grand espace dans l’ouvrage de Mme S… G… Les aventures de son héros seraient à peine aperçues dans ce magnifique tableau, si l’auteur n’eût appellé l’attention la plus attachante, le plus vif intérêt sur les trois femmes qui ont eu une si grande influence sur la destinée du brave et amoureux Gustave. Toutes trois étaient mariées. La première qui reçut ses hommages est sa cousine, Mme de Civray, que l’émigration avait, presque aussitôt après son hymen, séparée de son époux. Gustave fut heureux, et bientôt infidèle, il ne put échapper aux séductions de Mme de Verseuil, épouse d’un vieux gentilhomme, officier de l’ancien régime, devenu général républicain, dont Gustave venait d’être nommé aide-de-camp.
Mme de Verseuil formait un contraste frappant avec la naïve et sensible Mme de Civray. Elle aimait à se voir environnée d’adorateurs ; incapable d’un véritable attachement, elle savait tromper avec un égal succès son époux et son amant. Avide de plaisirs et d’éclat, fatiguée de l’obsession d’un époux ombrageux, elle appelait de tous ses vœux la dissolution d’un hymen qui lui devenait insupportable, et l’instant où elle pourrait en former un nouveau avec le jeune Gustave, qui attendait une grande illustration militaire et une immense fortune. Une rivale redoutable allait rompre tous ses projets.
Le hazard a donné pour hôte, au général de Gustave et à ses officiers, le banquier Ragutri, l’un des citoyens les plus distingués de Milan. Ce banquier, déjà sur le retour, est l’époux de Stéphania, la plus belle des Milanaises. Gustave est ébloui : tout entier à sa nouvelle passion que Stéphania partage, il se trahit lui-même. Mme de Verseuil le ramène à ses pieds ; elle triomphe. Stéphania n’a pu résister au malheur qui l’accable ; elle n’a pu survivre à sa honte, un poison rapide a terminé ses jours. Cette catastrophe imprévue occupe toute la ville et l’armée. Personne n’ignore la véritable cause de la mort de Stéphania. Le général Verseuil a fait partir pour la France sa coupable épouse, et ne voit plus dans Gustave qu’un infâme séducteur. Gustave respectera la vie de celui qu’il a outragé, il se présentera désarmé au combat qui lui est offert. Le duel n’a point lieu ; des ordres qu’il est impossible d’enfreindre en arrêtent l’exécution.
Gustave devient aide-de-camp de Napoléon. Cependant il a pu croire son honneur intéressé à réparer un grand scandale. Devenue libre par le divorce, Mme de Verseuil recevra sa main. Il a tout sacrifié à une femme qu’il n’aime plus depuis qu’il a cessé de l’estimer. Il va consommer ce douleureux et inconcevable sacrifice, quand il apprend que Mme de Civray, devenue veuve, l’a rendu père ; elle a caché dans la solitude sa honte et sa faiblesse. Gustave va subir le dernier coup de l’adversité, mais sa mère et un ami ont tout changé, et, au moment où Gustave va donner sa main à l’indigne femme qui a surpris ses sermens, un billet de cette femme moins tendre qu’intéressée lui a rendu sa parole et sa liberté, et le plus froid, le plus laconique des congés lui permet de disposer de son cœur et de sa main. Mais pourquoi payer cet impertinent congé de quatre lignes, d’une indemnité de quatre cent mille francs ? c’est encore une folie, mais ce sera la dernière.
Des caractères bien dessinés, des tableaux toujours variés et toujours intéressans, un style élégant ou correct, une peinture fidèle des mœurs de l’Espagne ; l’amour, la gloire et l’ambition, toutes les grandes passions qui décident des destinées des familles et des empires mises en action, dans un cadre historique auquel se rattachent tant de souvenirs, ont justifié le succès de cette nouvelle production de Mme S… G..
Les romans occupent une place immense dans notre histoire littéraire, et une très petite dans nos bibliothèques. Ceux qui faisaient les délices de nos mères, n’existent plus que dans les souvenirs et les regrets des héritiers d’anciens fonds de librairie. Mme de Genlis se parodiant elle-même, a fait de la satyre de ses premiers ouvrages le sujet de ses dernières productions ; le public qui, l’aime mieux coupable que repentante, l’a absout sur parole, et la laisse en paix exhaler sa colère contre l’injustice et l’indifférence de deux générations. Il n’y a plus de succès durables que pour les ouvrages qui se recommandent par cette pureté de goût, cette vérité de couleur et des principes, et cette peinture animée et fidèle des mœurs de notre époque et des passions de tous les âges. Mme S… G… n’a de commun avec Mme de Silery Genlis que les initiales de son nom. D.
- 1818 : La Minerve française, février [5] à corriger dans wikisource
Les malheurs d’un Amant heureux, ouvrage traduit de l’anglais, par M.**, auteur de plusieurs ouvrages connus. In-8°., tome premier. Delaunay, au Palais-Royal.
Il y a plus de trois mille ans que les malheurs d’un amant heureux ont été décrits, vraisemblablement pour la première fois. Homère nous montre chez Calypso son Ulysse passant les jours à pleurer le bonheur trop persévérant de ses nuits ; et, lorsque Mercure vient, de la part de Jupiter, annoncer à la nymphe qu’il est temps que cela finisse, car Mercure et Minerve agissent de concert dans ce poëme charmant, il faut voir par quels artifices de coquette la fille d’Atlas démontre cette vérité, qu’en fait d’îles, si sauvages soient-elles, possédées par une honnête déesse, l’abord est souvent moins difficile que la retraite.
Je présume que la suite promise du nouvel ouvrage, en justifiera le titre par quelques tribulations de cette nature ; car le sujet n’est pas même effleuré dans le premier volume de ce roman (si c’est un roman), traduit de l’anglais (s’il existe en anglais) par monsieur deux étoiles (si monsieur deux étoiles est un homme).
Comme jusqu’à présent je ne puis y voir, et je ne m’en fâche pas du tout, qu’un cadre d’anecdotes piquantes, spirituellement racontées, je saute à pieds joints sur tout le premier livre, consacré au siége, fort court, de la vertu de madame de Civray, et je me hâte d’arriver à Paris avec le héros, le jeune et brillant Gustave de Révanne, introduit dans la société du directeur B***** et de madame T*****, au moment où se préparait l’immortelle expédition d’Italie. Je ne le suivrai point dans un bal de victimes. Choisissons des souvenirs plus agréables. Un soupé chez l’aimable épicurien M. Leblanc (que je suppose ainsi nommé par antiphrase), rassemble un certain nombre de convives, tous aussi connus que l’Amphitryon, tous dessinés dans l’ouvrage avec autant de justesse que d’esprit, tous enfin ou désignés sans cérémonie par les noms qu’ils ont reçus de leurs pères, ou couverts de ce léger voile qu’un foible effort peut soulever. Je ne m’amuserai point à décrire la scène de mystification qui fit les plaisirs du soupé. Ce genre faux, caractéristique d’une époque où la rupture des chaînons de la société, la confusion des personnes favorisait les méprises, venait d’être mis à la mode par M. Musson, que je sais bon gré à l’auteur d’avoir peint sous ses véritables traits, en le séparant des bouffons de profession. « Indépendant par état, observateur par goût, malin par caractère, on s’apercevait sans peine, à la vérité de ses plaisanteries, qu’il travaillait pour son plaisir. Son talent tenait plutôt de la comédie que de la farce, et la manière dont il l’employait quelquefois à venger le mystifié de l’Amphitryon lui-même, en était une preuve évidente. » Rien de plus ressemblant que ce portrait ; mais ce n’est encore qu’un profil ; pour présenter de face le bon vieux père Musson, il faut l’avoir vu comme moi dans son intérieur, avec sa femme, si parfaitement assortie à son humeur, à ses talens et à ses goûts, tous deux d’une gaieté, d’une amitié sans nuages, servis depuis trente ans par une chambrière, leur filleule, qui, à sa tendresse pour eux et à leur affection pour elle, a plutôt l’air d’être leur enfant ; il faut l’avoir mené, comme nous l’avons fait un jour, à trente lieues de Paris, dans ses vignes sans façon, depuis l’époque au moins où est entrée chez lui sa filleule, et dans sa maison de campagne de ses pères, que nous lui avons appris être sa maison ; à quoi il nous a répondu, comme La Fontaine, de son fils : « J’en suis bien aise. » Certes, il n’y a que le plus grand fonds de bonté et d’honnêteté possible qui n’ait pas pu se perdre pendant cinquante ans au moins passés à dîner et à souper en ville tous les jours ; aussi j’espère qu’on me pardonnera ce détail en faveur de la singularité du caractère, et par le désir que j’ai d’ajouter aux matériaux de la chronique d’alors.
Je reviens à l’amant heureux. Sa tournée dans les salons, à l’athénée, au concert Feydeau, reproduit, avec un naturel parfait, une foule de personnages que nous croyons voir et entendre encore. À l’institut, les noms de Ginguené, de Daunou, d’Andrieux, de Lacepède, de Colin d’Harleville, de Fontanes, viennent éveiller en nous des sentimens divers. C’était la première séance publique de ce corps illustre. Le directoire exécutif, accompagné de tous les ministres, s’y était rendu en grand costume et avec une escorte nombreuse.
Au conseil des cinq cents, dans une séance qu’agitait la discussion des troubles du midi, quelques orateurs impétueux étouffent la voix d’un député patriote ; le tumulte était au comble ; bientôt le calme est ramené par la sagesse du président de l’assemblée, de M. de Pontécoulant, qu’entouraient de respect et de confiance plusieurs honorables souvenirs, et en qui les enfans des anciens condamnés chérissent, j’aime à le croire, un de leurs plus courageux défenseurs. On voit de quel intérêt sont pour nous de tels tableaux habilement tracés.
Peut-être ce livre aura-t-il plus de lecteurs à Paris que dans les provinces, et à la Cbaussée-d’Antin qu’au Marais, où il ne sera guère compris, ou même qu’au faubourg Saint-Germain, qui n’y trouvera pas le mot pour rire ; mais nous laissons le jeune Gustave partant pour l’armée d’Italie ; là va s’agrandir son horizon. Nous le suivrons avec intérêt dans cette belle et grande carrière.
- 1823 : Le Miroir des spectacles, des lettres, des mœurs et des arts [6]
LES MALHEURS D’UN AMANT HEUREUX,
Ou Mémoires d’un jeune aide-de-camp de Napoléon Bonaparte, écrits par son valet de chambre. Chez Boulau et Tardieu, libraire, rue du Battoir, n°. 12.
Le charlatanisme des libraires est incroyable. MM. Boulau et Tardieu se sont évidemment moqué de nous. Pensent-ils nous en imposer grace au titre de leur ouvrage, et nous persuader que des mémoires écrits avec autant d'esprit et de charme que ceux qu'ils nous annoncent sous le titre des Malheurs d'un amant heureux, sont sortis d'une plume accoutumée à écrire des mémoires de blanchisseuses, ou à grossir des mémoires de marchand, en un mot de la plume d'un valet de chambre. Au reste si le fait est vrai, quoique peu vraisemblable, et que le valet de chambre qui a tracé ceux-ci veuille changer de condition, il n'y a pas d'hommes de lettres qui ne le prenne volontiers à son service, et qui ne lui confie les fonctions de secrétaire.
M. Victor a classé avec beaucoup d'art et de méthode les aventures qu'il raconte. Il a esquissé ses caractères d'une main habile et exercée ; il peint le monde en observateur rempli de sagacité. Sa narration est vive, animée, piquante et spirituelle ; il décrit aussi bien un assaut qu'une fête, et n'est pas plus embarrassé pour expliquer les combinaisons d'un grand général que les artifices d'une adroite coquette. On dirait qu'il a étudié Xénophon quand il parle de combats, et Richardson quand il parle d'amour ; il excelle dans la peinture des passions héroiques et des passions tendres ; on le suit avec un égal intérêt sur le champ de bataille où gronde le canon, et dans le bosquet où chante le rossignol.
Il serait difflcile de donner en quelques lignes l'analyse des événemens qui remplissent un ouvrage où chaque page offre quelque chose de remarquable. Ce serait d'ailleurs nuire au plaisir qu'aura le lecteur à en suivre les développemens. Il suffira de donner une idée de l'intrigue principale. Le titre indique assez qu'il s'agit ici de peindre les malheurs dans lesquels un homme à bonnes fortunes se trouve entraîné par ses succès même, et sous ce point de vue, l'ouvrage qui renferme d'ailleurs d'excellens précepte , a son côté utile et moral ; il démontre que les fruits du plaisir sont quelquefois amers, que la douce voix des syrènes est souvent trompeuse, et que les aventures qui se présentent de la manière la plus séduisante, n'ont pas toujours un dénouement agréable. Il n'y aura pourtant pas là de quoi en dégoûter. Dès que le flambeau de l'amour s'allume, il éblouit et cache le précipice vers lequel il nous conduit. Nous nous croyons toujours à l'abri de ce qui est arrivé à d'autres, et nous nous flattons, quand nous avons éprouvé quelque malheur, que nous serons plus heureux une autre fois. Aussi l'expérience des autres et la nôtre même est-elle peu-près perdue, et quand nous aurons vu Gustave de Révanne victime des artifices d'une femme peu estimable, nous n'irons pas moins tomber aux genoux d'une coquette, avec la persuasion qu'elle nous aime de la meilleure foi du monde.
Trois femmes, sans compter les soubrettes, figurent dans les malheurs de l'amant heureux. Leurs caractères sont différens, l'une est tendre est sensible, l'autre artificieuse et coquette, la troisième violente et passionnée ; ces trois caractères sont tracés avec des nuances vives et délicates, et placés dans des situations ingénieusement préparées pour les faire valoir et ressortir. Quant à la marche de l'intrigue, elle est telle qu'elle devait être ; la femme sensible est abandonnée pour la coquette ; la coquette pour la passionnée ; le héros du roman revient de la femme passionnée, quand elle est morte, à la coquette qu'il a trahie, et de la coquette, qui le trompe, à la femme sensible qu'il avait oubliée, et qui l'aimait toujours. Toutes ces transitions sont faites habilement ; Gustave se trouve entraîné si naturellemcnt par les événemens qui amènent ses changemens d'amour, que son inconstance parait tonjours excusable, et qu'on ne l'en aime pas moins, ce qui n'est pas une preuve médiocre du talent de l'auteur. Le second volume surtout de cet ouvrage est rempli de charme et d'intérêt, de scènes variées et dramatiques, de tableaux brillans et gracieux, de traits fins et spirituels. Le style a beaucoup d'analogie avec celui d’Anatole et de Léonie de Mombreuse, romans charmans de Mme S. G. L'auteur ne pouvait choisir, de plus agréables modèles, il les a imités, surpassés peut-être, et quand on a fini le livre qu'on ne peut quitter, on est forcé de convenir que M. le valet de chambre écrit de main de maître.
- Sainte Beuve
Mariée à un agent de change, M. Liottier, elle débuta dans le monde sous le Directoire ; elle a rendu à ravir l’impression de cette époque première dans plusieurs de ses romans, mais nulle part plus naturellement que dans les Malheurs d’un Amant heureux. Ce fut un moment de grande confusion et de désordre, mais aussi de sociabilité ; la joie d’être ensemble, le bonheur de se retrouver et de se prodiguer les uns aux autres, dominait tout. Un dîner chez madame Tallien, une soirée chez madame de Beauharnais, les Concerts-Feydeau, ces réunions d’alors avec leur mouvement et leur tourbillon, avec le masque et la physionomie des principaux personnages, revivaient jusqu’à la fin sous la plume et dans les récits de madame Gay.
Statistiques[modifier]
- 122 670 mots environ soit environ 8 heures de lecture à 250 mots/mn.
Éditions[modifier]
Titre et éditions | ||||
---|---|---|---|---|
1818 : | Les Malheurs d’un amant heureux, traduit de l’anglais, par M.*** | Roman | Delaunay | |
1823 : | Les Malheurs d’un amant heureux, ou mémoires d’un jeune aide-de-camp de Napoléon Bonaparte écrits par son valet de chambre | Google, tome 2, tome3 / Gallica | chez Bouilland et Tardieu, libraires, en 6 livres et 3 tomes. | |
1873 : | Les Malheurs d’un amant heureux | Internet Archive ou Internet Archive ou Google | Michel Lévy frères, éditeurs |
Comparaison entre éditions[modifier]
- D’abord il l’entendit ouvrir plusieurs portes qu’elle ne referma point ; ensuite il la vit un flambeau à la main éclairer successivement toutes les fenêtres d’un long corridor, avant de parvenir à l’extrémité d’un pavillon où la lumière disparut. C’était dans ce pavillon que logeait Athénaïs. C’était là que Gustave devait être reçu, c’était là qu’on décidait peut-être de son sort !
- La phrase soulignée n'est plus dans l'édition Lévy frères de 1873 alors qu’elle est dans celle de chez Boulland et Tardieu, libraires de 1823.
Adaptation[modifier]
- au théâtre par Eugène Scribe, Les Malheurs d’un amant heureux [7]
- au théâtre par Delphine Gay
Orthographe[modifier]
- siége, collége, piége, complétement, succéde…
- au delà , là bas
- refléchissant,
- demander lui même son congé, avant la fin du mois.
- repliqua-t-elle, => répliqua-t-elle
- Danemarck
- ôtages
- asyle
- grand’mère
- hémorrhagie
- pupître, grace
- deux orthographes
- succéde/succéde ; grace ; Athénais/Athénaïs ; ame / âme