Discussion:Madame sous-chef
Ajouter un sujetÉditions[modifier]
- L’Ouest-Éclair, 16 mars 1941, feuilleton
- Le Grand écho du Nord de la France, 14 novembre 1943, feuilleton [1]
Critiques, résumés…[modifier]
- Le Journal, 10 février 1944 [2] Les lettres et les arts
LA LITTÉRATURE ET LA FEMME CHEZ ELLE
Une lectrice me demande quelle est « ma position » vis-à-vis du travail au dehors pour les femmes, et ce que je pense, à ce sujet, du nouveau roman de Colette Yver, « Madame Sous-Chef ».
La question est complexe et peut difficilement être tranchée d'un seul coup, bien des cas étant des « cas d'espèce » qui demandent chacun un examen particulier et une discussion motivée.
Quant aux cas proposés par Mme Colette Yver, on sait d'avance quelle est sa position et que les aventures de ses personnages seront forcément combinées pour donner tort à la femme « moderne » et la ramener, par le bout de l'oreille, dans les chemins battus de la tradition.
Le défaut de la cuirasse, dans ce qu'on appelle le roman à thèse, c'est que les cartes sont toujours truquées par le romancier afin de lui donner raison d'avance, de sorte qu'en le lisant, et tout en rendant justice (comme c'est le cas pour Mme Yver, et spécialement dans cet alerte dernier récit) à son art de la narration, à ]a finesse de ses développements psychologiques, à l'adresse avec laquelle il sait nous intéresser aux faits et gestes de ses personnages (et même quand nous souscrivons intérieurement au bien-fondé de sa thèse) nous ne pouvons nous empêcher de discuter point par point sur les incidents qui semblent lui donner raison, en nous disant : « Oui, mais si… mais si… Et encore mais si…
Car enfin, dans le cas de l'héroïne de « Madame Sous.Chef », il aurait suffi que la mère de son mari, veuve qui n'a rien à faire de toute la journée, vînt habiter près du jeune ménage (au besoin dans un des appartements à bon marché de la maison) pour que s'atténuât ce grand inconvénient des enfants laissés sans surveillance il la bonne.
Et ces enfants auraient pu être des bébés gentils et affectueux, mais d'un type courant, au lieu d'être doués de la sensibilité anormale qu'on nous dépeint ici. Et ce mari, au lieu d'être un homme du Midi, pour qui le rôle de l'épouse doit être strictement confiné dans le ménage, à la cuisine, à la nursery aurait pu être un homme du Nord, dont la sensibilité, elle aussi, aurait été moins pointilleuse, plus patiente et plus compréhensive.
Enfin, l'excellente domestique du jeune ménage aurait pu ne pas se marier, et la jeune dame aurait pu se contenter, au lieu d'une nurse dure et autoritaire, de l'affectueuse femme du peuple non stylée mais si dévouée, qu'elle renvoie sottement.
Dans ce cas, tous les troubles qui obligent peu à peu la merveilleuse Gèneviève « sous-chef à 28 ans dans un ministère ! » à renoncer à ce travail où elle excellait, afin de n'être plus qu'une bonne à tout faire chez elle (le traitement de son mari étant loin d'égaler ce qu'elle touchait) tous ces troubles et ces difficultés disparaissaient ou s'aplanissaient.
Ceci dit, je crois avec Mme Yver que l'idéal, pour une femme mariée (pour une jeune fille qui n'est pas sûre de rencontrer un mari, ce sera bien différent) c'est de rester il la maison, à « sa » maison; et, si elle est obligée d'apporter sa participation au budget, de s'adonner à un travail qui puisse être exercé chez elle, avec une certaine latitude quant aux heures de labeur.
Une vraie femme aimera toujours mieux son intérieur qu'un bureau; elle seule (et mieux qu'une grand'mère, une tante, ou une bonne dévouée) saura bien s'y prendre pour la santé et l'âme de ses enfants : il lui serait difficile de mener de front un travail au dehors et de nombreuses maternités; enfin, il est certain qu'une maîtresse de maison adroite et économe rattrapera en grande partie, elle présente, par le « manque à dépenser » et par tout ce qu'elle fera elle-même chez elle, l'argent qu'elle aurait pu gagner dans un bureau, par un emploi moyen.
Il y a cependant des cas ou le salaire, le traitement de l'époux est si insuffisant que l'épouse est « obligée » de prendre un travail au dehors ; généralement elle se tue de labeur chez elle en rentrant; elle ne peut s'occuper des enfants corps et âmes, santé et éducation, comme il le faudrait, et ces foyers d'employés sont généralement peu peuplés, ce qui, socialement, amène évidemment condamnation sur ce mode de vie.
Notons, cependant, que ces courageuses travailleuses pourraient répondre qu'elles connaissent beaucoup de ménages bourgeois, où la femme, non occupée au dehors, et servie chez elle, n'a donne à la France qu'une ou deux maternités. Un excès de plaisirs fait souvent autant de tort au foyer que les emplois dans les bureaux.
Henriette CHARASSON.
- L’Ouest-Éclair, 16 mars 1941 [3]
Avec Madame Colette YVER
auteur de notre prochain feuilleton
Madame Sous-Chef
DES cheveux blancs d’aïeule, des yeux de vingt ans, une expression sereine et rayonnante de douceur et de bonté, une lèvre fine où fleurit le plus gracieux et bienveillant sourire : telle apparait Mme Colette Yver. Telle je la vis au matin de ce six mars, où, par une charmante coïncidence, le calendrier place la fête de sainte Colette.
Colette, c’est le prénom de baptême de sa vie littéraire. Mais ce n’est pas trahir de secret que de révéler son autre nom, le vrai très respecté en Bretagne, Antoinette de Bergevin.
Car elle appartient bien à l’Ouest. Les hasards de la vie de fonctionnaire de son père, alors receveur de l’Enregistrement, la firent naitre à Segré, dans le Maine-et-Loire. Mais elle est de vieille et authentique souche finistérienne : son arrière-grand-père, procureur du Roi, fut une des premières victimes de la Révolution à Brest. Enfin, c’est à Rouen que se déroula sa jeunesse, et qu’elle fut élevée.
L’Anjou, la Bretagne, la Normandie : trois provinces de notre Ouest qui se donnèrent ainsi joyeusement la main à l’aurore de sa vie.
Elle leur demeura toujours très attachée. Elle ne manque pas d’y séjourner régulièrement dans les logis que lui ouvrent ses amitiés et ses parentés.
C’est à Rouen qu’elle se trouvait même lors des douloureuses journées de juin dernier. chez une sœur qui habite au flanc d’un des verdoyants coteaux dominant la ville. Elle y assista aux tristes spectacles du bombardement et de l’exode. Mais ni sa sœur, ni elle même ne se joignirent au mouvant cortège. Elles voulurent demeurer là, sous le voile de la Croix-Rouge, soignant les blessés, secourant les misères de toutes sortes.
Car, à côte de son travail d’écrivain, la charité tient une grande place dans sa vie. Comme j’y fais allusion, Mme Colette Yver avoue avec modestie :
-— Oui, je m’occupe de pas mal de gens…
Madame Sous-Chef est le premier roman écrit par Mme Colette Yver depuis les événements qui ont secoué notre pays.
Elle y a repris une idée qui lui est chère, qu’elle a défendue dejà bien avant que les bouleversements sociaux l’aient imposé à l’attention générale, celle de la femme au foyer. Qu’on se souvienne plutôt de Princesse de science, des Dames du Palais, des Sables mouvants, romans qui inaugurèrent sa carrière il y a trente ans.
Cette fois, elle à choisi un milieu plus modeste, pour que les conclusions s’en trouvent fortifiées et d’une portée plus générale.
Mais je ne raconterai pas, bien qu’elle me l’ait confié, le sujet de Madame Saus-Chef. Je me contenterai de révéler que c’est un roman, un très beau, très pathétique roman, d’une vie intense, d’une observation psychologique pénétrante, d’une connaissance profonde des choses du cœur.
Puisque L’Ouest-Eclair a le privilège de publier l’inédit de cette œuvre d’une qualité rare, et qu’il l’offre en feuilleton à ses lecteurs et à ses lectrices, je dtrai seulement :
Lisez Madame Sous-Chef. C’est un roman de Colette Yver.
A.-V. DE WALLE.
- La Dépêche du Berry, 1er août 1943 [4]
MADAME SOUS-CHEF
par Colette Yver
Si l’on désire une étiquette, c’est un roman à thèse, mais pas du tout du genre ennuyeux. Au ministère, la rédactrice Geneviève Braspartz, robuste et lucide Bretonne, possède une personnalité. Elle le sait. Elle veut maintenir sa réputation et assurer sa carrière, être sous-chef de bureau. Aussi, quand son sympathique collègue, le Provençal Denis Rousselière parle de mariage, Geneviève précise-t-elle qu’il ne devra pas lui demander de sacrifier sa situation : elle entend mener de front, dans une plus large aisance, sa tache de fonctionnaire et ses devoirs d’épouse et de mère. Devenue Mme Rousselière, une première maternité et l’approche d’une seconde ne l’empêchent pas de conquérir l’avancement ambitionné. Mais le triomphe de « Madame Sous-Chef » sera de courte durée devant les incompatibilités maintenant évidentes. Comment hésiterait-elle à démissionner, puisque le bonheur de son mari et de ses enfants l’exige ? Mme Colette Yver a mis dans cette histoire une psychologie émouvante et vraie. —- -— (Éditions Plon).
- L’Appel, 22 juillet 1943 [5] LES IDÉES ET LES LIVRES
Une femme, en ae mariant, droit-elle renoncer à toute carrière devant l’écarter de son foyer et des ses enfants ? Tel est le problème qu’aborde dans ce roman Mme Colette Yver, qui dès ses premiers ouvrages, s’est penchée sur la condition de la femme qui travaille.
Issue d’une robuste famille bretonne, une jeune fille ambitieuse convoite l’emploi de sous-chef de bureau, rarement donné à une femme. Elle a fait, au ministère, la connaissance d’un jeune collègue, Denis Rousselière, un Provencal, un fantaisiste moins attaché qu’elle aux joies de l’avancement. L’amour est né entre eux. Rousselière, en lui demandant sa main, qu’elle lui accorde avec joie la supplie de renoncer à sa carrière administrative. Elle refuse fermement. Rousselière l’aime trop pour consentir à la perdre. Il cède. Ils vivent un an de parfait bonheur. Après la паissance d’un petit garçon, Denis commence à sa faiblesse. Geneviève, malgré son intelligence, son sens de l’organisation, est incapable de donner à l’enfant la tendresse qu’il exige. L’orgueilleuse Geneviève souffre. Elle a confié ses enfants à ce qu’on appelle une « nurse », une fille sèche dont la pédagogie systématique ne peut remplacer l’affection d’une mère. Entre les deux époux, des scènes pénibles éclatent. Geneviève sent qu’elle va perdre son mari. Lui préférera-t-elle, préférera-t-elle à ses enfants les succès d’orgueil que lui donnent les réussites de sa carrière ? Tel est le drame imaginé par Mme Colette Yver. Drame actuel et humain, quelle a traité avec beaucoup de sensibilité.
- L’Atelier, 21 août 1943 [https : //www.retronews.fr/journal/l-atelier-1940-1944/21-aout-1943/3312/5018760/7]
Madame Sous-Chef, par Colette Yver (Librairie Plon, 27 francs).
Colette Yver nous conte cette fois une histoire banale de la vie quotidienne. Denis Rousselière, rédacteur dans un ministère, épouse Geneviève Braspartz, rédactrice au même ministère. Geneviève, douée de qualité administratives exceptionnelles, tient à garder sa personnalité, sa situation, les possibilités d’une belle carrière. Elle deviendra sous-chef de bureau à 30 ans, alors qu’elle sera déjà mère de deux enfants. Mais leur bonheur et leur amour sons gâtéss, menacés par cette situation. Et Geneviève finit par démissionner de son poste pour se consacrer tout entière à son mari et à ses enfants. Ainsi la femme renonce elle-même aux satisfaction d’orgueil, à la réussite de sa vie personnelle pour assurer le bonheur des siens. Un drame humain n’a rien d’original mais il est traité avec simplicité et avec une vérité psychologique assez sympathique. —— (M. B.)
- L'Écho des étudiants : organe de solidarité et d'intérêts professionnels indépendant, 7 aout 1943 [6]
MADAME SOUS-CHEF
par Colette Yver (Plon, éditeur) Un roman à thèse — hélas ! — dont en quelques mots voici l’histoire :
En quelques mots, voici l’histoire :
Un rédactrice d’un quelconque Ministère épouse un de ses collègues. Elle est bretonne et autoritaire, tandis qu’il est provençal rêveur et, pire que tout cela : fils de félibre !
Une fois mariée, la Bretonne refuse d’abandonner son Ministère, (car il faut vous dire qu’elle est ambitieuse)… malgré les objurgations de son mari et malgré la naissance de deux enfants. Résultat : le ménage part à la godille ; Monsieur trahit — à peine, car Colette Yver écrit pour les Jeunes filles et les bonnes de curé.
Un beau jour, dans un grand mouvement de vertu, Madame plaque son bureau de sous-chef pour ne plus se consacrer qu’à sans foyer. Ils furent heureux, etc. C.Q.F.D.
Loin de nous la pensée de critiquer la thèse de Mme Colette Yver ! Nous regrettons seulement qu’il lui ait fallu 250 pages pour en arriver là, quand une vingtaine auraient suffi. Nous aurions peut-être eu une nouvelle paasable, au lien d’un mauvais roman.
Et puis, Mme Colette Yver devrait faire un peu attention à ce qu’elle écrit ; elle éviterait des phrases telles que celles-ci :
« Denis, qui était un grand chrétien, offrit l’eau bénite à Geneviève ». Quelle rare vertu, n’est-ce pas ?… et quelques pages plus loin : « Se penchant bien tendrement, elle lui mit un sceau sur les lèvres ». D’après le contexte, Je crois bien qu’il s’agit d’un baiser.
R. MURATET.
L’Information universitaire : journal hebdomadaire, 11 septembre 1943 [7]
-♦— Madame Sous-Chef, par Colette Yver. — Roman Conflit entre les devoirs d’une femme fonctionnaire vis-à-vis de sa carrière et vis-à-vis de son foyer et de ses enfants. — 1 vol. 12x19, 250 p., br. (Plon).