Discussion:Marca
Ajouter un sujet- Il manque la première page du chapitre 13.
Éditions
[modifier]- 1882 : A mere Caprice [1] décalage dans le chapitrage.
Critiques
[modifier]Le Livre : revue mensuelle
[modifier]Deux intéressants caractères de femme, fouillés d'un regard pénétrant et développés avec ampleur, animent et passionnent l'étude magistrale de Jeanne Mairet ; de plus, tous les détails y sont traités avec un soin consciencieux, chaque page remplie d'observations justes, presque toujours présentées sous une forme spirituelle. À tous les points de vue, l'œuvre est remarquable.
La première de ces femmes, celle qui domine et dirige le drame, la baronne Véra, ayant eu pour mère une comtesse russe problématique, a si bien joué son rôle d'ingénue auprès d'un vieux roué, le gros banquier Schneefeld, qu'elle s'est fait épouser. Mais la fortune, loin de suffire à son bonheur, la laisse agitée, inquiète, avide, elle ne sait de quoi. Trop habile et trop fière pour tromper son mari, tant qu'il est de ce monde, elle voudrait bien pour tant sentir un peu de chaleur au cœur, éprouver quelques-unes des sensations décrites dans les livres qu'elle a lus. Faute d'amant, elle se donnera, au moins d'une façon factice, les joies de la maternité que lui a refusées la nature. En un jour de bienfaisance capricieuse, elle recueille une enfant trouvée et la fait élever généreusement. Quand la mort du financier l'a rendue maîtresse de nombreux millions et de sa liberté, elle oublie un peu la fillette dont les petits succès avaient d'abord flatté son amour-propre. Une affection plus vive l'a prise au cœur, une de ces passions orageuses, sans frein, sans but, qui enivrent la vie avant de la dévorer : elle a pour amant le peintre Ivan Nariskine, qu'elle n'ose pourtant pas afficher en public. Pendant ce temps Marca, sa fille adoptive, a grandi, et la baronne, après l'avoir retirée de pension et imposée à la famille, parle de la marier au neveu de son défunt mari. En attendant, elle la pare de toilettes, luxueuses, de diamants et de perles, n'exigeant d'elle en retour que de répandre la joie et lui disant « Ton rôle est d'être jeune et gaie, de rire, de mettre de l'entrain dans ma maison. C'est pour cela que tu y es. Tâche de remplir ce rôle un peu mieux que tu ne l'as fait depuis longtemps. » Eh ! Marca ne demande qu'à obéir.
Créature à part, franche, toute vraie, elle se sent bien un peu dépaysée au milieu de ce monde interlope mais elle se laisse aller au bonheur de vivre, oubliant parfois qu'elle ne possède rien, pas même son nom, qu'elle est la Cendrillon dont une fée a changé lès haillons en soie et en dentelles, et qui pourrait bien, au coup de minuit, se retrouver pauvre et honteuse.
Un caprice l'a recueillie dans un palais enchanté, un caprice peut la rejeter dehors seule et nue. Au fond, la générosité de Véra n'était qu'indifférence pour autrui, sa bonté que mépris. On le vit bien le jour où sa beauté entendit battre au loin l'heure de la retraite, où un fil blanc apparut dans sa magnifique chevelure, où la fatigue se mit à plisser par moments les coins de la bouche et des yeux. Avertie en outre, par les doléances d'Ivan qui, après l'avoir vue probablement à l'une de ces heures de lassitude où disparaissait l'éclat de son visage, allait jusqu'à rougir de leurs rendez-vous clandestins, de l'indifférence jouée en présence des autres et se plaignait qu'elle ne fût pas sa femme, pour la montrer avec joie et avoir des enfants d'elle. Véra conçut pour la jeunesse de Marca une irritation sourde et son éloignement pour elle se changea peu à peu en antipathie. Elle se mit à la surveiller.
De son côté, la fillette qui n'avait jusque-là demandé à la vie que de l'amuser, se changeait tout doucement en femme aimante, capable de sacrifices, et qui cherchait à inspirer les sentiments profonds et vrais qu'elle éprouvait elle-même. Son charme et sa grâce lui attiraient si bien les cœurs autour d'elle que la franche nature d'Ivan n'y put rester insensible. Il se laissa surprendre aux genoux de la belle enfant par sa vieille maîtresse. On devine la fureur de celle-ci. Marca, chassée impitoyablement et tombée dans la misère, car l'éducation ne lui a pas appris à gagner son pain, échappe au déshonneur par le suicide, tandis que sa fausse mère va cacher au fond de la Russie et ses rides et ses nouvelles amours, dénouement cruel et triste, mais logique, étant donnés les caractères des deux femmes, tels que l'auteur les avait tracés d'abord.