Discussion Auteur:Claude Vignon
Éditions en ligne[modifier]
- Salon de 1850-51, Garnier frères (Paris)-1851 Gallica
- Salon de 1852 Internet Archive
- Un naufrage parisien, Michel Lévy frères (Paris)-1869 Gallica Internet Archive
- Victoire Normand. [Le Mis de Crémant.], E. Dentu (Paris)-1862 Gallica
- Jeanne de Mauguet, Michel Lévy frères (Paris)-1861 Gallica ; Leipzig : A. Durr 1861 Internet Archive
- Élisabeth Verdier, Michel Lévy frères (Paris)-1875 Gallica
- Château-Gaillard, Michel Lévy frères (Paris)-1874 Gallica
- drame de province. La Statue d'Apollon -J. Hetzel (Paris)-1863 Gallica
- Fragments sur les campagnes d'Italie et de Hongrie Internet Archive
- Exposition universelle de 1855 beaux-arts Internet Archive
À écrit dans :[modifier]
- La Voix des Femmes "Vignon signed her contributions to La Voix des Femmes as ‘Marie-Noémi’" [1]
- Mme Constant, sous le pseudonyme de Claude Vignon, dans le Moniteur du soir , 22 décembre, 31; 5, 12, 19, 26 janvier; 2, 9, 16, 23 février; 2, 9, 16, 23, 29, 38 mars. [2]
sur l’autrice[modifier]
La Gazette des femmes 25 mars 1882 [3][modifier]
La Gazette des femmes : revue du progrès des femmes dans les beaux-arts et la littérature, l’enseignement et la charité, la musique et le théâtre
25 mars 1882
MADAME ROUVIER
C’était sous l’Empire. La ville de Paris cédait à des artistes des morceaux de la terre d’Auteuil, moyennant l’engagement de leur part de collaborer à la décoration d’édifices publics. Il n’y avait pas contrat de vente, mais simple échange de gracieusetés.
On vit alors s’élever près des fortifications une villa confortable, ornée principalement à l’intérieur d’une cheminée copiée sur la plus belle du château de Blois, et, plus tard, embellie par des fresques, que Puvis de Chavannes n’avait pas dédaigné de peindre.
— Votre architecte a du goût, dit un passant à un maçon.
— L’architecte, c’est le propriétaire ; et le propriétaire, c’est une femme.
— Ah ! Et peut-on savoir quelle est cette femme ?
— Mme Claude Vignon.
À un bal officiel donné par la République dans les salons du Ministère de l’instruction publique, on vit une jolie blonde, aux grands yeux spirituels et curieux, aux épaules correctes, petits pieds, petites mains, faire une entrée marquante ; se distinguant des autres femmes par une coiffure plutôt originale qu’excentrique : un serpent en joaillerie, lançant des reflets d’émeraude, s’enroulait autour du chignon et formait comme le turban d’un prêtre de Brahma.
Le ministre se précipitait à sa rencontre.
— Quelle est donc cette femme ?
— C’est Claude Vignon.
À la Chambre :
— Quelle est donc cette femme qui prend des notes dans la tribune des journalistes ?
— C’est le correspondant de l’Indépendance belge, Claude Vignon.
À la place Saint-Michel :
— Il est bien fouillé ce bas-relief de la fontaine ; ces enfants qui jouent ont de la souplesse, du mouvement.
— Sculpture d’une femme.
— Ah ! Et de quelle femme ?
— De Claude Vignon.
— C’est vigourèusement écrit, d’une allure libre, et agrémenté de tirades neuves, ces romans de Château-Gaillard, et de Révoltée.
— On dit qu’ils sont d’une femme ; rappelez-moi donc son nom.
— Claude Vignon.
À Auteuil, rue de la Tour, deux heures du matin ; une fenêtre est encore éclairée :
— Qui peut donc veiller à cette heure avancée ?
— Une femme. La même que vous avez vue ce matin déjeuner si prestement, expédier les affaires de son home et se rendre si vivement à la Chambre.
— Claude Vignon ?
— Justement.
Oui, Mme Claude Vignon est tout cela : romancière, architecte, journaliste, statuaire et critique d’art.
Beaucoup de ceux qui sont admis aux mercredis et aux dimanches de cette femme supérieure ne possèdent pas sa biographie tout au long. On ne connaît guère que la maîtresse de la maison, et son salon, plus éclectique que politique, où chacun peut se faire écouter, sans distinction de paroisse, pourvu qu’il ait de l’esprit et de l’humour.
On sait vaguement que Claude Vignon écrit et sculpte ; mais on ne sait pas ce qu’ont produit cette plume et ce ciseau.
Nous allons essayer de compléter les renseignements de chacun en fixant les grandes lignes de cette personnalité féminine. Chacun, s’il le veut, peindra ensuite sur notre esquisse à son gré, suivant son opinion.
La femme d’abord.
Noémie Cadiot est née à Paris, le…
Taire l’âge d’une femme, c’est la vieillir.
Donc, au risque de déplaire aux coiffeurs galants, nous dirons que Claude Vignon naquit en l’année de l’arrestation de la duchesse de Berry.
À quinze ans, Mlle Cadiot épousait un ancien liturgiste pratiquant, M. Constant, chargé d’un nombre… d’années bien supérieur à celui de sa femme. C’était un érudit, bizarre peut-être, qui a laissé plusieurs ouvrages de haute science, de magie, signés Eliphas Levi.
Une erreur dans la forme de l’acte de mariage permit à Mme Constant d’annuler judiciairement cette première liaison. Sa liberté recouvrée, elle en profita pour donner un plein essor à ses goûts artistiques et littéraires ; elle travailla beaucoup, produisit avec verve, fut très encouragée, très entourée ; bref, elle fit du pseudonyme de Claude Vignon un nom répandu et sympathique, que sa persévérance tient encore très haut à l’heure actuelle.
En 1875, elle s’unissait à M. Rouvier, député de Marseille, fort épris de cette femme journaliste, qu’il rencontrait journellement dans les couloirs du palais de Versailles, semant ses réparties spirituelles dans les galeries du palais ; lesquelles n’en avaient guère répercuté de semblables depuis le passage des grandes figures du règne de Louis XIV.
Claude Vignon journaliste.
Elle collabore, nous l’avons dit, à l’Indépendance belge, en qualité de correspondant attitré. Elle a ôté rédactrice au Moniteur universel, au Temps, au Correspondant, au Bien Public, au Télégraphe, etc. ; journaux qui, pour la plupart, ont eu la primeur de ses romans.
Claude Vignon critique d’art.
Elle aime la couleur, la grâce et l’originalité ; goûts qu’elle a témoignés dans ses comptes rendus des Salons de 1850, 1851, 1852 et 1853, et de l’Exposition universelle de 1855, imprimés à part et publiés par Garnier et Dentu.
Sa compétence en sculpture lui a fait dire sur cet art de très justes choses.
Claude Vignon statuaire.
C’est une élève de Pradier, très patronnée plus tard par le comte de Nieuwerkerke.
Outre son œuvre de la fontaine Saint-Michel, rappelée plus haut, on lui doit les Amours qui décorent le square Montholon, quatre statues placées dans l’église de Saint-Denis du Saint-Sacrement, divers bustes de personnages officiels : M. de Tillancourt, M. Thiers, etc.
Mme Thiers, qui devait être bon juge, a déclaré ce dernier buste le plus ressemblant, le plus vrai. Il est à Marseille.
Par une fatalité regrettable, les principaux travaux de Claude Vignon, pour la plupart commandés par l’État, ont été détruits par les incendies de 1871. Ainsi, elle avait à l’Hôtel de ville les statues du roi et de la reine des Belges ; à la bibliothèque du Louvre, des bustes de savants dont les noms nous échappent ; et aux Tuileries, dans l’escalier de l’impératrice, un bas-relief dont il a été fait grand éloge.
En compensation, le conseil municipal lui a confié, dit-on, la création de deux grandes statues destinées à l’embellissement extérieur du futur Hôtel de ville.
Claude Vignon romancière.
On pense bien que nous n’allons pas faire ici une étude littéraire sur les livres de Mme Rouvier. Nous n’en avons ni le temps, ni l’occasion, ni la place.
Quelques pages de ses romans méritent l’honneur d’être rapprochées favorablement des meilleures pages laissées par George Sand. On y rencontre la même profondeur dans l’observation, le même esprit incisif dans le portrait, une clarté égale dans l’analyse des sentiments.
Nous ne voulons que donner ici la liste complète des ouvrages qui composent son bagage littéraire, déjà fort respectable, comme on va le voir :
Récits de la vie réelle, 1861.
Mœurs de province, 1861.
Victoire Normand, 1862.
Les Complices, 1863.
Un Drame en province, 1865.
Un Naufrage parisien, 1869.
Château-Gaillard, 1874.
Elizabeth Verdier, 1875.
Les Drames ignorés, 1876.
Révoltée, 1878.
Une femme romanesque, 1881.
(Ouvrages édités par la maison Michel Lévy.)
Voilà, certes, un bilan qui justifie la bonne place occupée par Claude Vignon à la Société des gens de lettres.
Notre notice s’arrêtera ici.
Il nous avait plu de dresser, sans commentaires, le relevé des travaux de l’une de nos plus remarquables contemporaines. La besogne faite, nous nous sommes donné le plaisir de la publier.
On voit par là ce que peut produire et récolter de succès une femme d’élite lorsqu’elle est encouragée d’abord, et ensuite lorsqu’elle s’impose un labeur quotidien de près de quatorze heures.
Biographie dans le XIXe siècle 7 sept 1872 [4][modifier]
On annonce le mariage de Mme Claude Vignon avec M. Rouvier, député des Bouches-du-Rhône.
Quoique deux journaux sérieux donnent cette nouvelle, nous la publions sous toute réserve.
Nous croyions, en effet, que Mme Claude Vignon, de son vrai nom Noémi Constant, n’était pas encore veuve.
C’est Mme Claude Vignon qui a innové dans le Moniteur universel, sous une signature d’emprunt et sous le titre le Corps législatif vu des tribunes, ce genre d’articles humoristiques sur les séances législatives, qui eurent un tel succès que la plupart des journaux de Paris l’imitèrent aussitôt.
L’on vit naître alors les Coulisses de la Chambre, Autour de la Chambre, les Couloirs de la Chambre, etc., etc., etc.
Les comptes-rendus du Moniteur étaient très-mordants et faits avec infiniment d’esprit ; plus d’un député s’en émut, et avec d’autant plus de raison que les journaux de leur département les reproduisaient.
Le Moniteur a eu la mauvaise idée de renoncer à Mme Claude Vignon, qui n’a pas été en peine de sa collaboration. L’Indépendance belge et d’autres journaux l’ont accaparée, et c’est pour cela qu’on voyait tous les jours dans une loge de l’Assemblée Mme Claude Vignon, son chapeau surmonté d’une plume jaune, qui suivait avec assiduité les séances.
Un certain nombre de députée lui envoyaient des notes et elle perdit beaucoup à la maladie de M. de Tillancourt, qui lui fournissait des mots charmants.
Mme Claude Vignon a écrit plusieurs romans. Et avant de se vouer aux lettres et à la politique, elle faisait de la sculpture. C’était une des bonnes élèves de Pradier.
Si, comme nous le pensons, la nouvelle donnée par nos confrères est fausse, nous ne le regretterons pas beaucoup, car elle nous aura procuré l’occasion d’écrire la courte biographie d’une des femmes spirituelles qui ont joué un certain rôle à notre époque.
Sur la sculptrice[modifier]
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k590063c/f2.item par Timothée Trimm
Le Monde illustré. 21 avril 1888[modifier]
Madame Claude Vignon.
Claude Vignon (Mme Maurice Rouvier), sculpteur, romancier et publiciste, est née à Paris en 1833. « À l’âge où la plupart des jeunes filles ont avec leur miroir leurs plus chers entretiens, dit un de ses biographes, elle maniait déjà la plume et l’ébauchoir. » Elle débuta par des anlces de critique sur le Salon dans le Moniteur du Soir, en 1851. Élève de Pradier, elle menait de front des travaux littéraires et artistisques. Elle exposait au Salon de 1852 une statue de Bacchus enfant (musée de Caen). Vers la même époque, elle collaborait à la Revue progressive. En 1855, elle exposait un groupe en marbre de deux enfants inspiré par la Pannychis d’André Chenier. Acquis plus tard par la Ville de Paris, ce groupe et deux autres, la Rose et les Cerises, sont actuellement placés au square Montholon.
L’année suivante, elle publiait chez Amyot un volume de contes fantastiques intitulé Minuit, Peu après, elle contribuait à la décoration du nouveau Louvre, où l’on voit d’elle : 1° deux groupes d’enfants en prière (couronnement de la façade du vieux Louvre) ; 2° dix bas-reliefs, pierre et stuc, placés dans l’escalier de la Bibliothèque du Louvre. Ces bas-reliefs, qui représentent les Génies des Sciences et des Arts, ont été légèrement atteints par l’incendie du 24 mai 1871. Un buste en marbre de Motteley, trois dessus de porte bas-reliefs et un bas-relief placé dans l’escalier des appartements privés des Tuileries, ont été détruits dans le même incendie.
Les bustes en marbre du Roi et de la Reine des Belges, placés dans la galerie des Souverains, à l’Hôtel de Ville, ont également été détruits par l’incendie de ce monument.
Le bas-relief central de la fontaine Saint-Michel est de Mme Claude Vignon. Elle a décoré la façade de l’église Saint-Denis-du-Saint-Sacrement de quatre figures : la Force, la Justice, la Prudence et la Tempérance.
La galerie du Palais de l’Institut renferme un buste en marbre de Canova par Claude Vignon et c’est au ciseau du même artiste qu’est dû le buste en marbre de La Fontaine, fort remarqué à l’Exposition de 1874 et destiné à la maison natale du poète, à Château-Thierry.
Mme Claude Vignon est le seul statuaire de son sexe dont une œuvre ait été admise dans le choix des sculptures françaises exposées dans le jardin central de l’Exposition universelle de 1867. Sa statue en marbre, représentant la Nymphe Daphné, est aujourd’hui au musée de Marseille.
Depuis 1867, Claude Vignon a successivement donné un grand nombre de bustes, parmi lesquels ceux de Thiers, de M. Jules Grévy, de Jules Favre et de son mari, M. Maurice Rouvier. Enfin elle avait envoyé à l’Exposition de 1878 son Pécheur à l’épervier, marbre qui nous paraît être son œuvre capitale. Le Pécheur est depuis quelques années au musée du Luxembourg.
Mme Claude Vignon a plus écrit qu’elle n’a sculpté. Nous l’avons vue débutant au Moniteur du Soir. Quelques années après, nous la retrouvons au Temps, où elle est chargée de la critique littéraire. En même temps, elle donne des romans, des critiques, des nouvelles au Correspondant, à la Revue française, puis, dans les dernières années de l’Empire, des lettres parlementaires au Moniteur universel signées H. Horel, et des correspondances politiques à l’Independance belge. Dans ce dernier journal, elle fit quotidiennement la correspondance parlementaire depuis le 8 février 1871, à Bordeaux, jusqu’en 1881.
Les romans de Claude Vignon resteront certainement plus longtemps que ses critiques ou ses lettres politiques. Elle a publié chez Hetzel les Récits de la vie réelle, volume de nouvelles, Jeanne de Mauguet, les Complices ; puis chez Calmann Lévy, Château Gaillard, les Drames ignorés, volume de nouvelles ; Elisabeth Verdier, Une Femme romanesque, le Mariage d’un sous-préfet, un Naufrage parisien, Une Parisienne, Révoltée ! Une Étrangère ; chez Monnier, une plaquette illustrée : Vingt jours en Espagne. Ces romans avaient tous été publiés dans divers journaux de Paris, parmi lesquels le Figaro, le Temps, la République française.
On le voit, peu de femmes se sont créé dans les arts et dans la littérature une place aussi importante que Mme Claude Vignon. Il nous appartenait de rendre hommage à la mémoire de l’habile sculpteur et du spirituel écrivain en publiant son portrait.
Dictionnaire des pseudonymes (Nouv. éd. entièrement refondue et augm.) par Georges d'Heylli[modifier]
[5] Vignon (Claude). Auteur de quelques remarquables romans ; sculpteur de talent, journaliste, etc., née Cadiot (Noémi) en 1832. Elève de Pradier, elle épousa en 1848 l'abbé défroqué Alphonse-Louis Constant, le trop fameux auteur de la Bible de l'humanité, et qui, sous le nom d'Éliphas Lévy, est devenu magicien et a même publié sur sa doctrine et sur ses idées un Rituel qui est assez connu. Ce premier mariage de Claude Vignon ne fut pas heureux, et les deux époux furent séparés judiciairement quelques années plus tard. L'abbé Constant ne mourut qu'en 1875. Sa veuve épousa alors le député Maurice Rouvier, qui, depuis, a été ministre. Mme Rouvier a encore publié dans divers journaux, sous le nom de H. Morel, des correspondances sur les séances de l'Assemblée nationale de Versailles de 1871 à 1876. — Un décret, en date du 26 août 1866, avait autorisé Mme Constant à porter légalement le pseudonyme de Claude Vignon sous lequel elle est littérairement connue.
Dans le Voleur[modifier]
CLAUDE VIGNON
Nous découpons la curieuse notice suivante, dans un ouvrage humoristique qui vient de paraître à la librairie Ollendorf, sous ce titre : les Mémoires d’aujourd’hui[1]. L’auteur, M. Robert de Bonnières, a pris acte de la curiosité moderne pour inaugurer un genre de voyage intime à travers Paris, où le récit familier fait surgir à chaque page des silhouettes connues, finement esquissées, entremêlées de saillies imprévues et d’échappées sur l’histoire parisienne anecdotique.
L’article qu’on va lire fut écrit au moment de l’intronisation du « grand ministère, » où M. Rouvier, devenu l’époux de Claude Vignon, venait de prendre possession du portefeuille du commerce.
Elle a eu d’étranges destinées la belle Noémie Cadiot, qui sculpta et écrivit, sous le pseudonyme de Claude Vignon, qui épousa l’abbé Constant en 1848, et, en 1875, épousa M. Rouvier, ministre du commerce et des colonies.
Nous n’avons pas ici affaire à une femme ordinaire. Elle fut, avec Guillaume, Simart et Lequesne, élève de Pradier. Elle pétrit, de ses fines mains, les Amours qui décorent le square Montholon, les Saints du porche de l’église Saint-Denis du Saint-Sacrement, Bacchus et M. Thiers.
Dans sa jolie tête blonde de femme-écrivain, elle a façonné des personnages de romans, qu’elle a habillés de réel et d’idéal avec une adresse de style et une curiosité de femme que beaucoup de nos confrères n’ont qu’à envier.
Mais où est le temps où Pradier montrait avec orgueil cette belle jeune femme ? Où est le temps où M. de Nieuwerkerke favorisait l’artiste de son élégante amitié ? Où est le temps où Romieu. le plus impérialiste des impérialistes, le plus fumiste et le plus distingué des préfets et des vaudevillistes, lui faisait faire son buste, exposé avec tapage au Salon de 1853. Mais où est tout ce qui se passe ?
Je voudrais (comme elle a dit elle-même d’une de ses héroïnes de roman). Je voudrais vous la montrer – sans trop l’embellir de la poésie de nos souvenirs, mais aussi sans trop la marquer des blessures douloureuses de la réalité.
Il y a dix ans, elle avait quelques cheveux blancs, maintenant elle a des cheveux blonds, comme autrefois.
Comme les traits ont été fins et jolis et que la joue a été ronde et pure, elle a encore, vue de loin, dans une tribune de la Chambre, un air d’apparition qui a son charme. Grasse et défaite comme peut être une blonde, on dirait une statue de cire un peu fondue et déviée de sa beauté première.
Vous l’avez tous vue depuis dix ans, à la Chambre et au Sénat, prenant des notes pour la correspondance quotidienne, qu’elle envoyait à l’Indépendance belge, douce, active, envahissante, avec des regards investigateurs. Car elle est curieuse et ne voit entrer ni sortir personne sans demander : « Qui est-ce ? ». Elle avait dressé à la Chambre tout un troupeau de garçons chargés de lui apporter des renseignements de toutes sortes sur les personnages officiels ; adorée de la valetaille parlementaire, qu’elle payait grassement. Elle se ruinait en fiacres, courant à droite, à gauche, questionnant et secouant députés et sénateurs.
À Versailles, dans la galerie des Tombeaux, comme depuis dans les couloirs du Sénat, elle avait de longs entretiens avec M. Tolain. — M. Tolain, en veston gris à trois boutons, restait des heures en admiration devant elle, confrère à double titre : admirant en elle le sculpteur comme ancien ouvrier ciseleur, et l’écrivain comme correspondant d’une feuille radicale de Lyon.
C’est dans les couloirs des assemblées et dans les allées et venues de Versailles à Paris, que M. Rouvier apprit à juger de son intelligence et de sa politesse. Car elle fut la plus intelligente et la plus polie, sinon la plus ordonnée et la plus raisonnable des femmes.
Sa vie fut gâtée dès l’origine par un mariage bizarre, qui fut rompu judiciairement vers le commencement de l’Empire. Une autre femme n’aurait pas eu assez d’imagination et de courage aventureux pour épouser l’ex-abbé Constant, plus connu sous le nom d’Éliphas Lévi, magicien professeur de Haute Science.
Oh ! l’étrange homme que c’était ! Laid, petit, le masque doux, vulgaire et plat, une barbe mal faite, et se promenant en robe de chambre de magicien, le long du boulevard Montparnasse pendant tout le règne de Louis-Philippe. Fils d’ouvrier pauvre, élevé à Saint-Nicolas, puis à Saint-Sulpice, faisant le catéchisme aux jeunes filles et devenant amoureux d’une petite Adèle, le « cœur palpitant au tendre nom de Marie, » débile, rêveur, maladif, « chien de cour » à Juilly, se plaignant tour à tour de la « roideur » de M. Affre, de la « bénignité douteuse » de M. Dupanloup, allant méditer à Solesmes, où il lut Spiridion de Mme Sand et les prédictions de « l’admirable » Mme Guyon, publiant la Bible de la liberté, grâce à l’amitié d’Alphonse Esquiros, chassé, errant sans argent, sans linge, sans habit, lié avec un comédien ambulant, vivant avec des étudiants et des grisettes qui lui revenaient des bals masqués « ivres, pâles, échevelés, malades, ensanglantés » – et au milieu de tout cela, gardant quelque temps encore sa soutane, faute d’autre vêtement.
Il allait ainsi tourmenté du besoin « d’aimer immensément, » aimant Dieu, l’humanité et les femmes et composant de petits livres de pornographie mystique introuvables aujourd’hui, publiés à la librairie phalanstérienne, l’Assomption de la femme, les Filles d’Hérodiade ou Paris dansant, etc.
Puis, on le voit s’adonner à l’étude de la magie avec méthode et conviction, et publier successivement, chez Germer Baillière, Dogme et rituel de haute magie, la Science des esprits, l’Histoire de la magie, la Clef des grands mystères, livres qui furent accueillis avec une vive curiosité sous l’Empire, et que je conseille aux lettrés de lire avec soin. Il exposait ses théories avec une science apparente et un effort de synthèse très puissante, employant pour cela des ruses de théologien, de grandes qualités d’historien et beaucoup de mots hébreux et entraînant toute cette magie dans un beau courant de style, ample et large.
Je n’ose le dire tout haut, mais ce style m’a parfois rappelé la belle ampleur du style de M. Renan ; il semble, dès l’origine, qu’ils aient bu aux mêmes sources. Ce fou était loin d’être un sot et manqua d’être un grand homme.
Et Claude Vignon fut initiée à la magie !
Elle connut le triangle des pantacles, la conjuration des quatre, le pentagramme flamboyant, le médium et le médiateur, le septénaire des talismans, le cérémonial des initiés, la triple chaîne, le grand œuvre, les envoûtements, l’écriture des étoilés, le magistère du soleil, la clef universelle du tarot, l’équilibre magique, l’épée flamboyante, Elagabale, la médecine universelle et la table d’émeraude. Elle sut que la pierre philophale était carrée en tous sens, comme la Jérusalem de saint Jean. Elle sut faire aussi la différence du magicien « à qui le diable se donne et du sorcier qui se donne au diable, etc. » La malheureuse tombait entre les bras de cet homme nerveux, sensuel, imaginatif et absorbant qui, pendant son mariage, se prenait d’un amour excessif et attendri pour toutes les vierges folles, et poussait vers elles ses élans d’éloquence malsaine.
— Je n’ai jamais vu, s’écrie-t-il dans un de ses soliloques enflammés, le soir errer ces pauvres oiseaux de nuit aux ailes froissées sans me ressouvenir de l’Épouse du Cantique qui se lève la nuit et court, folle d’amour, à la recherche de son époux.
Voilà l’époux inquiétant, le fou voluptueux, le bohème magistral, le cauchemar vivant auquel elle fut liée pendant quelques années.
Il y a quatre ans, au bal que donnait le ministre de l’instruction publique, Claude Vignon apparut décolletée et ayant dans ses cheveux un serpent d’orfèvrerie vert bronze qui prenait toute sa tête, et dont les anneaux chatoyaient aux feux des lustres. On fit cercle autour d’elle, on s’écarta comme si chacun eût été pris d’une mystérieuse épouvante — et je ne pus m’empêcher de songer à celle qui fut la femme d’Eliphas Lévi, le magicien !
Un pareil contact est capable de modifier le meilleur esprit. Pourtant, l’art, la poésie, la magie et la littérature ne furent point si dangereuses à Claude Vignon qu’elles ne le furent à l’ex-abbé. Sa cervelle ne s’y détraqua pas. Elle laissa la partie folle et ambitieuse des théories générales et particulières, et elle en conserva comme une poussée généreuse vers les idées élevées et vagues qu’elle a ensuite réglées avec bon sens et talent en ses œuvres multiples.
Ce maniaque savant et bon écrivain lui avait communiqué quelques-unes de ses qualités. Elle était sortie de ses mains moins banale que ne le sont généralement les femmes artistes et amoureuses. Avec un sens pratique qui ne lui fait pas défaut, elle sut d’une certaine façon réduire à une plus juste mesure ce qu’il pouvait y avoir de bon dans les mouvements de l’âme et les connaissances de l’esprit de cet homme extravagant et mal-propre. Elle comprit certainement mieux que lui les choses de la vie et eut d’autres amis qui la ramenèrent à des conceptions plus normales, plus simples, plus faciles et plus agréables. Ses romans, Naufrage parisien, Château-Gaillard, Elisabeth Verdier, Récits de la vie réelle, Révoltée, sont bien écrits et nous montrent sans cesse la femme qu’elle est et qu’elle voudrait être.
Elle a une nature. Elle a même une esthétique. Elle « aime, dit-elle, à mélanger dans la vie réelle ce qui est noble et ce qui est beau, c’est-à-dire ce qui est vrai. » M. Victor Cousin, vraiment, n’est pas plus raisonnable. Elle réalisa son esthétique selon ses forces, c’est-à-dire avec la faiblesse attrayante et le gracieux abandon d’une femme peu commune.
Ce fut une artiste qui eut tous les défauts et toutes les qualités de l’artiste et qui fut belle en plus, aimable et bonne. On a sur elle des sévérités outrées depuis quelques jours. Les règles ne sont pas les mêmes pour toutes. Paris n’est pas un couvent, ni la République un salon si collet monté.
Je crois bien que Claude Vignon s’est elle-même jugée ainsi et assez sévèrement.
— Ne la jugez pas ! Vous ne pourriez l’absoudre sans faiblesse ni la condamner sans rigueur. C’est une femme fille du siècle, et rien de plus.
Ceci est d’une femme discrète, indulgente aux autres et à elle-même.
M. Rouvier, qui ne vint que tard à Paris, a eu beaucoup à apprendre d’une femme lettrée, raffinée, avertie des choses et distinguée de mille façons.
Vous l’avez vu, le nouveau ministre, grand, triste, voûté, un air de fumeur d’opium, la barbe épaisse, les cheveux négligés, un cercle bleuâtre sous les yeux, les mains dans les poches, avec sa grande redingote brun foncé, marchant mal et ayant apporté ses nonchalances d’homme du Midi, toujours à l’aise où il se trouve. C’est un homme qui travaille et passe pour très intelligent. Je suis loin de lui contester la compétence qu’il s’est faite en matière de finance et de négoce. Il a été longtemps, à Marseille, avocat et employé d’une maison de commerce grecque où l’on n’eut qu’à se louer de ses soins. Claude Vignon ne l’a pas certes instruit en ces matières, mais elle l’a formé et dégrossi, elle lui a révélé des élégances qu’il ne soupçonnait pas, elle lui a donné autant qu’elle a pu de cette politesse d’esprit et de corps qui lui manquait auparavant. Elle lui a fait entrevoir mille choses qu’il ne voyait pas. Elle l’a orné et l’a pour ainsi dire sculpté à sa fantaisie. Elle a fait de lui un homme supportable à Paris, et très suffisant pour emplir le nouveau salon du ministère du commerce.
M. Adam avait grand tort de parler de « l’innocent Rouvier, » et de son mariage avec Claude Vignon, et M. Gambetta a manqué de tact en disant du nouveau ministre :
« - Je le prends comme célibataire. »
Il était mieux dans le mouvement, quand il disait :
« - Le temps des bégueuleries est passé. »
Le fait est que les femmes douteuses de nos ministres mal mariés sont bien venues vraiment à faire les renchéries comme elles font.
je passe ; le sujet serait trop délicat. — Mais ce sont les femmes de la République gouvernementale qui perdront la République.
dans le figaro[modifier]
[7] LA VIE PARISIENNE
CLAUDE VIGNON
11 avril 1888.
La mort de Mme Maurice Rouvier, plus connue sous le pseudonyme artistique et littéraire de Claude Vignon, évoque une des plus curieuses figures de ce siècle fantaisiste, celle de l’abbé Constant, son premier mari.
Doué d’une vive intelligence, d’une mémoire rare et de l’instinct du merveilleux, l’abbé Constant abandonna bientôt l’Église dont les dogmes étaient insuffisants à satisfaire son insatiable soif de l’inconnu ; et, vers 1848, il devint, avec Pyat, Leroux, Thoré, Sobrier, Esquiros, Blanqui, Lagrange et Barbès, un des apôtres de cette religion bizarre, VEvadisme, dont le sieur Gannau, dit le Mapah, était le Pro- phète.
C’est au cours de cet apostolat qu’il s’éprit d’une passion violente pour une exquise Parisienne de seize ans, Mlle Noémie Cadiot, fille d’un ancien journaliste de la Restauration, et qu’il en fit sa femme, au mépris des voeux prononcés sur les autels. Ce fut, au dire des intimes, une étonnante union, où l’amour tenait lieu de tout et où le matériel de la communauté, comme dans le ménage de Jobin et Nanette, était réduit au strict nécessaire : deux couverts, deux couteaux, un verre et une assiette qu’on retournait sens dessus dessous pour le dessert. Cette idylle bohémienne se dénoua devant les tribunaux qui prononcèrent la nullité du mariage, comme ayant été contracté par un prêtre.
Constant, alors, se lança dans l’étude des hautes sciences et devint Eliphas Levi ; tandis que sa femme, s’armant de l’ébauchoir et chaussant le bas bleu, devenait Claude Vignon.
En remontant à l’origine des religions, l’esprit chercheur d’Eliphas fut conduit à la magie, dont il faisait profession de pénétrer et de dévoiler les mystères. Et comme en toute chose il ne faut pas oublier le positif, il se prit à chercher la pierre philosophale avec quelques disciples, parmi lesquels Desbarolles, qui le payaient vingt-cinq francs la leçon.
- Vous voyez, disait-il en montrant l’argent desdits disciples, vous voyez bien que je trouve de l’or !
Un jour, un prêtre vint le trouver et lui demanda de le mettre en rapport avec le diable, qu’il avait vainement évoqué. Eliphas Levi refusa de se prêter à ce qu’il considérait comme un sacrilège. Et l’inconnu sortit, en disant d’une voix vibrante et avec un geste solennel :
- Avant peu, vous entendrez parler de moi !
À quelques jours de là, Mgr Sibour fut assassiné. Le portrait de l’assassin fut exposé dans toutes les vitrines, Et l’abbé Constant reconnut en lui son visiteur.
C’était Verger, dont le crime avait été résolu… à la suite d’une conjuration cabalistique !
L’abbé Constant mourut en 1875, après avoir abjuré ses erreurs, et muni des secours de la religion. On retrouve jusque dans son amende honorable cette originalité qui fut la marque de sa vie :
« Plein de respect et enfant soumis de l’Église catholique, écrivait-il au lit de mort, si elle déclarait que je suis borgne, je lui demanderais de quel oeil, afin de le fermer à jamais et de ne plus regarder et voir que de l’autre. »
Il y avait trois ans que Claude Vignon était devenue Mme Maurice Rouvier.
Elle s’était consolée jusque-là, dans le commerce des lettres et des arts, des déceptions de son premier mariage. Elle avait pris un bon rang parmi les sculpteurs contemporains ; on lui doit toute une série de jolis bustes, entre autres ceux de MM. Goupy, Lefuel, Lefebvre-Duruflé, Montferrier, de Tillancourt, Thiers, etc., et des statues d’une agréable facture, l’Enfance de Bâcchus, le Pécheur à l’épervier et le Petit Danseur aux castagnettes. Son oeuvre, comme écrivain, n’est ni moins féconde ni moins distinguée : outre quatre volumes de Salons, elle a publié de nombreux romans, Jeanne de Mariguet, Récits de la vie réelle, les Complices, un Drame en province, un. Naufrage parisien, Château-Gaillard, Elisabeth Verdier, Révoltée ! etc., d’un tour très moderne, d’une observation très aiguisée, et d’un style à la fois élégant et ferme. Qu’elle maniât l’ébauchoir ou la plume, c’était quelqu’un.
Pendant toute la durée de l’Empire, rien ne faisait pressentir que Claude Vignon deviendrait une femme politique. Elle était alors très bien en cour, avait, s’il m’en souvient bien, son atelier au Louvre, et ne dédaignait pas ces encouragements officiels déguisés sous le nom de commandes, -- témoin les groupes d’enfants qui décorent le square Montholon, le bas-relief central de la Fontaine Saint-Michel, les quatre figures du porche de l’église Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, etc., etc.
Après la guerre, Claude Vignon, peut-être sous l’influence conjugale, se jeta dans la mêlée des partis, et fut chargée de la correspondance parlementaire à l’Indépendance belge. On la voyait tous les jours, avant la séance, s’installer dans un coin de la salle des Pas-Perdus, où les députés de l’extrême gauche venaient galamment vider entre ses belles mains leur sac aux nouvelles, qu’elle expédiait ensuite au journal de M. Berardi.
Or, l’esprit de ses correspondances se ressentait naturellement du milieu qui l’inspirait, et il n’en était guère où ne fût vertement houspillée la majorité conservatrice. Un beau jour, ladite majorité se rebiffa ; elle saisit la questure d’une plainte en règle ; et Claude Vignon fut priée poliment d’évacuer la salle des Pas-Perdus. En vain essaya-t-elle de rééditer l’apostrophe de Mirabeau, les huissiers l’expulsèrent sans recourir à la force des baïonnettes…
- Je proteste, s’écria-t-elle en se retirant, contre cette inqualifiable violence, et je vais de ce pas me plaindre à mon ami Jules Simon ! Par lui, j’aurai ma revanche !
Elle ne l’eut que plus tard, cette revanche, le jour où M. Maurice Rouvier parvint au pouvoir. Ce fut le couronnement de ses ambitions secrètes. Mais elle n’en put savourer, les douceurs ; car elle était déjà minée par le mal qui vient de l’emporter à Nice.
À nous qui faisons bon marché de la politique, Claude Vignon laissera le souvenir d’une femme aimable, d’un artiste de talent et d’un écrivain distingué.
C’est quelque chose.
Parisis.
Le livre : revue mensuelle (1888)[modifier]
Mme Maurice Rouvier est morte dans sa villa de Saint-Jean, à Nice, après une assez longue maladie.
Noémie Cadiot, née vers 1832 d'un père qui avait appartenu à la presse sous la Restauration, avait été mariée en premières noces avec M. Constant (Eliphas Lévi), dont elle fut séparée judiciairement quelques années après. Veuve de son premier mari, elle épousa en 1875 M. Maurice Rouvier, député des Bouches-du- Rhône.
Élève de Pradier, elle a figuré aux Salons annuels sous le nom de Noémi Constant, puis sous le pseudonyme de Claude Vignon, dont elle signait également ses reproductions (sic) littéraires.
Parmi celles-ci, nous citerons quatre volumes de comptes rendus du Salon (1851-1855) ; puis des romans : Jeanne de Mauguet, moeurs de province (1861, in-18) ; Récits de la vie réelle (1861, in-18); Victoire Normand (1862, in-18); les Complices (1863, in-18) ; Un drame en province (1863, in-18) ; Un naufrage parisien (1869, in-18) ; Château-Gaillard (1874, in-18) ; Élisabeth Verdier (1875, in-18); les Drames ignorés (1876, in-18) ; Révoltée (1879), etc.
On attribue à Mme Claude Vignon des comptes rendus quotidiens des séances du Corps législatif (1868- 1870), signés H. Morel dans le Moniteur, et une correspondance également quotidienne adressée à l’Indépendance belge sur les séances de l’Assemblée nationale à Versailles.
L'Univers illustré : journal hebdomadaire, 28 avril 1888 [9][modifier]
MADAME ROUVIER
Le 6 avril dernier, une des femmes les plus distinguées de la société parisienne, par l'esprit et par le talent, Mme Rouvier, a succombé, vers quatre heures, à sa villa de Saint-Jean, au cap Ferret, à la maladie qui, depuis plusieurs mois, ne laissait plus d'espoir aux siens.
Mme Rouvier, plus connue sous le pseudonyme littéraire et artistique de Claude Vignon, était née Noémie Cadiot ; elle avait été élevée dans le commerce des arts et des lettres par son père, qui avait appartenu à la presse sous la Restauration, et elle avait épousé l'ex-abbé Constant (Éliphas-Lévi), dont elle se sépara judiciairement, et qui mourut en 1875.
Élève du sculpteur Pradier, Mme Claude Vignon a produit un certain nombre d'oeuvres très remarquées, parmi lesquelles les groupes d'enfants qui se trouvent au square Montholon, un Pêcheur au musée du Luxembourg, le bas-relief central de la fontaine Saint-Michel, et plusieurs bustes d'hommes politiques : MM. Thiers, LefebvVe-Duruflé, Maurice Rouvier, le baron Haussmann, etc.; elle a orné de bas-reliefs originaux son hôtel de la rue de la Pompe, à Passy, où se sont rencontrées maintes fois quantités de notabilités politiques, littéraires et artistiques.
Mme Rouvier n'était pas moins appréciée dans les lettres ; elle a longtemps envoyé des correspondances parisiennes à l’Indépendance belge, et publié le compte rendu des séances du Corps législatif, notamment sous le nom de H. Morel, vers la fin de l'empire, dans le Moniteur universel.
Parmi ses romans, nous citerons : Jeanne de Mauguet, Victoire Normand, Château-Gaillard, Élisabeth Verdier, Femme romanesque, Révoltée et Une Parisienne, qui restera comme une de ses oeuvres les plus achevées.
C'est à Paris qu'ont eu lieu les obsèques de Mme Rouvier. Le cortège est parti du domicile mortuaire, sis 152, rue de la Tour, à Passy, au milieu d'un grand concours d'amis politiques et personnels.
M. Rouvier, ancien président du Conseil, conduisait le deuil, assisté de son beau-fils, M. Louis Vignon.
Dans le cortège, on remarquait les anciens collègues de M. Rouvier au cabinet qu'il présidait : MM. Flourens, le général Ferron, de Hérédia, Barbe, un grand nombre de sénateurs et de députés, notamment MM. Humbert, vice-président du Sénat ; Cazot, Challemel-Lacour, amiral Peyron, Teisserenc de Bort, A. Cochery, sénateur, et MM. Develle, vice-président de la Chambre ; Félix Faure, Burdeau, Ribot, Camescasse, Granet, Baïhaut, Gomot, Noël Parfait, Yves Guyot, Jullien, Emmanuel Arène, Récipon, Milliard, appartenant à toutes les nuances de la gauche.
Le président de la République s'était fait représenter par M. le colonel Lichtenstein, remplaçant le secrétaire général de la présidence, et par M. Arrivière, chef de son secrétariat.
M. Charles Floquet, président du Conseil, ministre de l'intérieur, s'était fait représenter par M. Pascal, son secrétaire particulier. Toutes les ambassades ou missions diplomatiques étaient représentées.
La plupart des directeurs généraux des ministères des finances, du commerce, des affaires étrangères, etc., étaient présents, ainsi qu'un nombre considérable de représentants de la presse, du monde des arts et des lettres, qui avaient tenu à venir donner un témoignage de sympathie à l'ancien président du Conseil.
Un service religieux a été célébré à l'église Saint-Honoré d'Eylau, puis le cortège s'est rendu au cimetière du Père-Lachaise, où a eu lieu l'inhumation.
Critiques de ses ouvrages (à reporter selon disponibilité dans les pages de discussion)[modifier]
- sur un naufrage [10] par Thomas Grimm
- critique de récits de la vie réelle https://books.google.fr/books?id=0Hop1oFnIr8C&dq=%22Lucrezia%22%20vignon&pg=PA76#v=onepage&q&f=false
- critique des drames ignorés [11]
- critique d’une femme romanesque [12]
- 1er janvier 1863 Revue française [13]
Un certain nombre de nouvelles signées du nom de Claude Vignon, qui paraît être un pseudonyme, révèlent un conteur élégant, gracieux, constamment honnête, exact dans l’observation des mœurs, assez habile à manier les passions et à en tirer des effets dramatiques. Tout un recueil compact, intitulé : Récits de la vie réelle, avait déjà justifié cette appréciation. Les neuf histoires qui le composent sont présentées avec intérêt : la réalité ne s’y étale pas dans la trivialité systématique ; elle consiste dans la vérité des peintures de la vie prise sous tous ses aspects. La sous-maîtresse Anna Bontemps, l’inventeur Adrien Malaret, nous présentent des caractères et des situations bien étudiées, tandis que Lucrezia, Une revanche au lansquenet, etc., sont des récits plus brillants de coloris et de passion. Alors même que les aventures deviennent plus romanesques, le sentiment de la réalité n’en persiste pas moins dans le style et caractérise la manière essentielle de l’auteur. La même plume vient de nous donner deux autres nouvelles, dont la plus longue donne au volume son titre ; Victoire Normand. On retrouve ici les mêmes qualités parmi lesquelles l’honnêteté et la grâce dominent. Victoire Normand est une pauvre maîtresse de poste d’un village de la Creuse. Pieuse, courageuse, résignée, dévouée à la vieille mère dont elle est le soutien, elle rencontre chez une châtelaine du voisinage, qui l’a prise en affection, un jeune notaire, d’une nature froide, mais douce, qu’elle se laisse aller à aimer. Malgré les obstacles qui naissent de son humble position et de la jalousie de quelques personnes plus haut placées, elle inspire un tendre sentiment au jeune homme, et le bonheur couronne en elle l’union d’une beauté étrange et d’une exquise vertu.
Le Marquis de Crémant, qui complète le volume, est dans le même ton de sentiment et de style, avec un dénoûment moins riant. Un vieux garçon noble et riche, qui a refusé de se marier, parce qu’il ne rencontrait pas son idéal, est devenu amoureux de la pauvre fille d’un instituteur de campagne. Il n’ose mêler ce sang vulgaire à celui de ses aïeux ; à la fin la passion l’emporte, mais quand il revient pour épouser la jeune plébéienne, elle est mariée, et le marquis meurt de désespoir.
Les amis du réalisme seront désappointés s’ils ne cherchent que des nouveautés dans le nouveau volume que le chef de l’école, M. Champfleury, intitulé : le Violon de faïence. C’est, comme l’indique la suite du titre, un recueil de nouvelles…… ……
Il vient de paraître, dans la collection Hetzel de Jeanne de Mauguet, un roman de Claude Vignon, connu chez les sculpteurs sous le nom de Noëmi Constant. Après Minuit, dont nous avons publié un des meilleurs contes, après les émouvants Récits de la vie réelle, dont nous avons extrait la Surface d'un drame, Jeanne de Mauguet, arrive comme un tableau de la vie de province, de la vie de campagne même. C'est un bon livre au point de vue moral, et il y a un intérêt puissant à suivre les luttes de la passion et du devoir au sein de la famille.
Nous reviendrons sur Jeanne de Mauguet.
- ↑ Un vol. in-12, prix : 3 fr. 50 : par la poste, 4 francs. Le Voleur fait expédier contre envoi des fonds.