Discussion Auteur:Marcelle Adam

Le contenu de la page n’est pas pris en charge dans d’autres langues.
La bibliothèque libre.

Article :

  • dans le supplément littéraire du figaro du :
    • 28/12/1907 : Victor Hugo et Auguste Rodin [1]
    • 13/11/1909 : Joseph Chinard [2]
    • 7/11/1907 : La vie de paris: une grande dame blanchisseuse [3]
    • 16/1/1909 : Féminisme

Féminisme

M. Edmond Perrier, l’éminent savant, directeur du Muséum, consacre à la femme un important ouvrage. Il s’y déclare l’admirateur fervent des filles d’Eve, et c’est pourquoi il proclame leur inaptitude absolue à exercer les métiers masculins qui sont, à notre époque, l’objet de leur ambition. Sa démonstration est toute scientifique. C’est ce qui en fait la force et l’originalité.

Oui, dit-il aux téméraires guerrières de l’armée féministe, il vous faut renoncer à gravir les sommets ardus où l’homme lutte pour la vie, parce qu’il suffit de connaître votre physiologie pour savoir que vous vous romprez le cou à de telles tentatives. Vous ne serez jamais, madame, un ingénieur de génie, ni un chimiste distingué, ni un docteur remarquable. Vos découvertes dans la science ne feront point de vous une bienfaitrice de l’humanité. Vous n’égalerez pas Berthelot, ni Pasteur. Quant à la politique, elle va assez mal pour que vous n’ajoutiez pas au désordre. Étudiez l’anatomie de votre cerveau. Votre crâne est plus petit que celui de l’homme ; il est moins haut, mais il est davantage allongé. Sa voûte est plus aplatie, plus large les bosses frontales en sont moins saillantes, le front est plus brusquement raccordé à la voûte cranienne, la région occipitale est moins développée. Il ne s’ensuit nullement, madame, que votre intelligence soit inférieure à celle de l’homme. Elle est différente, voilà tout. « Mais cette différence suffit à établir que les rôles des deux sexes, dans les travaux de l’esprit, ne sont pas, pour le moment du moins, interchangeables. »

Et M. Edmond Perrier déclare que la place de la femme, créée par la nature pour être épouse et mère, est au foyer, près de son mari et de ses enfants :

« Si les femmes appréciaient leur privilège incontestable, si elles s’enorgueillissaient de la maternité, qui est leur rôle essentiel, elles puiseraient dans cet orgueil les plus puissants motifs pour ne pas envier le rôle de l’homme, plus passager, plus égoïste et par cela même infiniment moins noble. »

M. Edmond Perrier démontre combien la femme s’étiole dans les dures besognes qui sont aujourd’hui son lot: « Le travail continu est contraire à sa physiologie. C’est le contraire de ce que le progrès scientifique commande. Aux yeux de la science qui ne peut se placer qu’au point de vue de la multiplication des êtres, le progrès ne consiste pas à favoriser l’indépendance, c’est-à-dire l’éloignement progressif de deux sexes qui ne sont que les deux moitiés d’une même unité, qui ne peuvent se passer l’un de l’autre qu’au détriment de leur race. Il consiste au contraire à leur apprendre la solidarité. »

Quoi M. Edmond Perrier prétend illégitimes les prétentions de nos suffragettes ! Elles devraient, selon lui, renoncer aux luttes glorieuses pour la bonne cause la leur, Il leur faudrait se contenter d’être mères et éducatrices. Elles ne rendraient à la patrie d’autres services que de lui donner des enfants et de former le cœur et le cerveau de ces enfants d’après le plus noble idéal. Pauvres suffragettes ! Pauvres féministes ! Écoutez parler l’audacieux savant :

« Il reste de tout ceci qu’il existe bien réellement avec une physiologie féminine, une psychologie féminine profondément enracinée depuis qu’il existe une psychologie, qu’aucun effort ne pourrait détruire, à laquelle obéissent celles-là mêmes qui protestent contre elles et qui, si elles s’en dégageaient, demeureraient, dans l’état actuel du monde, de douloureuses exceptions. Une femme pour qui la maternité ne serait pas une joie, une mère qui, dans un état normal de santé, ne considérerait pas comme un devoir sacré, l’allaitement, serait tout à fait en dehors de ces lois naturelles auxquelles nul n’a le droit de désobéir sans tomber sous le coup des inexorables sanctions que la nature réserve à ceux qui n’observant pas ses prescriptions.

» La psychologie, en quelque sorte physiologique du sexe féminin, est faite d’un ensemble d’idées nécessaires que rien ne peut effacer parce qu’elles sont issues de deux fonctions essentielles : la transmission de la vie, liée elle-même, dans sa forme, au mode de nutrition de l’individu et la protection d’une progéniture débile dont la mère assure les premiers pas dans la vie. C’est autour de cette psychologie fondamentale, constituant un pivot fixe, inébranlable, que se construit et qu’évolue la psychologie de la femme. Cette psychologie, ainsi enchaînée à la nature des choses ne saurait être identique à celle de l’homme qui tourne autour d’un autre pivot.

« Laquelle de ces deux psychologies est supérieure à l’autre ? La question n’est pas à poser. Elles sont différentes.

Ainsi, M. Edmond Perrier proteste contre l’antagonisme actuel de l’homme et de la femme dans la lutte pour la vie. Ces deux rivaux sont faits pour être alliés. À chacun sa tâche. Lui doit travailler pour faire vivre sa famille. Elle, remplir son rôle de tendresse et de dévouement près de l’époux et des enfants.

Donc, ce vers quoi l’effort de tous doit tendre, c’est à combattre l’égoïsme de l’homme qui, dans notre société actuelle, renonce trop aisément aux lourdes charges du mariage. L’hymen lui fait peur. Il y a trop de femmes seules. De cet état de choses est né le féminisme.

Les théories de M. Edmond Perrier ont suscité de grandes polémiques. Il ne craignit pas, voici quelques mois, d’exposer dans un journal la donnée de son ouvrage. Il reçut alors beaucoup d’injures et beaucoup d’éloges. Les injures émanaient de féministes intransigeantes. Celles-là, j’en suis sûre, n’ont pas compris le savant. Nulle d’entre elles ne peut nier la beauté du rôle féministe tel qu’il le conçoit. N’admire-t-il pas chez la femme des facultés morales qui sont à elle seule dévolues ? Ne vénère-t-il pas en elle le symbole même de la charité « En soignant les orphelins, les malades, les blessés, elle ne fait qu’élargir son rôle dans la famille. » Et il dépeint ainsi l’institutrice « Une mère bienfaisante dont la famille se multiplie et se renouvelle sans cesse. »

D’illustres personnages ont applaudi aux idées de M. Edmond Perrier. M. Saint-Saëns s’élève contre « le maculinisme » qui veut être du féminisme. M. Jean Lahor, le docteur Cazalis disent des choses analogues. Enfin, Mme Juliette Adam écrivit cette belle lettre :

« Mon cher ami,

» Ma formule depuis plus d’un demi-siècle est celle-ci la femme n’est pas l’égale de l’homme; elle est équivalente et complémentaire. Une société ne peut vivre qu’avec la compréhension de la personne sociale, composée de l’homme et de la femme, etc. »

N’est-ce point ce qu’expliquait Auguste Comte quand il parlait de l’unité sociale ?

Marcelle Adam.