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Discussion Livre:Garcin de Tassy - La Langue et la littérature hindoustanies en 1876.djvu

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La Langue et la littérature hindoustanies

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— 16 - pas ainsi, et sans parler de l'anglais, langue du gouvernement, du sanscrit, langue littéraire des Hindous, et du persan, langue littéraire des musulmans, il y a, outre l'hin(loustani, vingt autres idiomes assez cultivés pour mériter le nom de langues. Toutefois, heureusement, l'hindoustani est parlé, et surtout compris un peu partout, mais on s'en sert spécialement (comme je l'ai dit bien des fois) dans le haut lîengale, dans toutes les Provinces nord-ouest et dans le Rajputana, peuplés de cent millions d'âmes (1). » On trouve, dans le 'Rapport pour 1875 de la « Société pour la propagation de l'Évangile dans l'étranger »(2), une carte de l'Inde relative aux langues qui y sont parlées. On y voit que l'hindoustani, soit urdu, soit hindi, occupe les provinces du centre, du nord et du nord-ouest, c'est-à-dire la Irès-grande partie de ce vaste empire ; et, à ce sujet, le Rév. R. Caldwell fait observer (3) que, bien qu'on considère généralement l'urdu comme distinct de l'hindi, il n'est en réalité que l'hindi musulman, c'est-à-dire avec un mélange de beaucoup de mots persans et arabes. Voici maintenant un article sur l'hindoustani, écrit par un ami chaleureux de l'Inde, le faquir Chand, secrétaire de YAnjuman de VArab sarâïie Dehli : « Beaucoup d'Anglais, et même la plupart d'entre eux, dit-il (4), se plaignent de ce que, généralement, les Indiens ne savent pas grammaticalement leur langue ; de plus, que, bien loin d'en apprécier la beauté et la richesse, ils la considèrent comme un composé vulgaire et sans valeur, parce qu'ils ne sont pas capables d'en comprendre la grâce et l'élégance. S'ils veulent s'occuper des langues, ils travaillent à l'arabe et au persan, et (i) On appelle plus spécialement marwârî le dialecte des États rajpoutes. (2)« Society for the propagation of Gospel in foreign parts. » (3)« The languages of India », loc. cit. (4)Panjdbî du 11 mars 1876. — 17 — s'ils ont beaucoup d'application, ils abordent l'anglais. Que l'idée de s'occuper de l'anglais soit bonne ou mauvaise, c'est ce que nous n'examinerons pas ; mais ce que nous pouvons dire, c'est qu'il n'y a pas dans le monde de langue plus riche que la nôtre, que nous n'en faisons pas le cas que nous dei'rions en faire, et que nous en méconnaissons l'importance. Or, il faut s'opposer à cette disposition, car l'homme doit, avant tout, s'occuper de sa langue; c'est pourquoi je voudrais que, dans VAnjuman de YAràb sarai, nous laissions toute autre chose pour nous lhrrer à la science du langage, et il serait à désirer que les publications de la Société n'eussent que cela pour objet. Il faut donc, tandis que les Sociétés littéraires s'occupent d'autres matières, que la nôtre porte son attention spéciale sur cet article et y appelle celle de tout le monde, afin que ceux qui penseront comme nous nous adressent ce qu'ils écriront à ce sujet... « Ou a appris, par ma « Reiue » de l'an passé (I), que les cours de justice et les bureaux du Bihar, menacés d'être forcés d'adopter l'hindi au lieu de l'urdu, résistaient de leur mieux à cette prétention. Il paraîtrait néanmoins que l'hindi est sur le point de remporter la victoire sur son rival, si l'on en croit un journal (2) d'après lequel le gouvernement du Bengale, suivant les errements de Sir G. Campbell, a écrit au « High Court » qu'il était à désirer qu'on encourageât l'emploi de l'hindi dans les cours et les bureaux. Il souhaite qu'on accepte les pétitions écrites en caractères nagaris, et qu'on n'emploie plus que les formes communes du langage vulgaire. Le « High Court », selon le même journal, a tenu compte de cette recommandation, ce qui est un acheminement vers l'emploi exclusif de l'hindi. (1)i La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 », p. 11 et sa'tv. (2)Le « Berar Herald o, cité à ce sujet par un journal du Bengale («le Bengali ») dans un article reproduit dans le Alîgarh Akhbâr du 12 novembre 1875. •> — 18 — « La calamité de l'introduction dans le Bihar du caractère nagari », tel est le titre d'un article (1) que je veux faire connaître : « Le gouvernement du Bengale, y est-il dit, insiste maintenant pour que, dans les registres du Bihar, le nagari soit généralement employé, ce dont les magistrats et les fonctionnaires du gouvernement et tout le peuple sont trèsmécontents. On ignore pourquoi le gouvernement du Bengale, contrairement aux autres gouvernements, peut vouloir, malgré la population, donner l'ordre absolu de n'employer pour les billets et obligations que l'écriture nagaric et le dialecte hindi. La chose est vraiment étonnante, car quel rapport a le gouvernement avec les contrats particuliers des habitants, en sorte qu'il veuille s'y immiscer par force ? Certainement, il a le droit, pour ses registres et ses papiers, d'employer le caractère qui lui convient, mais les usages particuliers du peuple ne le concernent en rien. « Voici qui est bien plus fort, et qui prouve que les révolutionnaires littéraires, démolisseurs de la civilisation moderne indienne, veulent continuer la campagne fanatique qu'ils ont entreprise contre l'urdu. Dans la province (ancien royaume) d'Aoude, où l'urdu a toujours été le langage parlé et écrit depuis plus de trois siècles et demi, c'est-à-dire depuis l'établissement de l'empire mogol, le commissaire du gouvernement s'est avisé de vouloir substituer à cette belle langue le patois hindi nommé kaïthî. Un journal indigène (2) nous apprend à ce sujet, et nous n'en sommes pas étonné, l'indignation et le mécontentement général de toutes les classes de la société, tant des fonctionnaires que des autres catégories de la population. Je prends la liberté d'appeler sur cette grande injustice linguistique l'attention du vice-roi gouverneur et du mi(1)Awadh Akhbdr du 19 janvier 1876. (2)'Alîgarh Akhbâr du 18 août 1876. — 19 — nistre pour l'Inde. Dans tous les cas, le gouverneur d'Haïderabad n'entre pas dans cette voie fâcheuse, car il demande, par l'entremise de V Awadh Akhbâr (1), des traducteurs d'ouvrages anglais en urdu, et il fait connaître les conditions de l'emploi. Il n'y a pas chez les auteurs, et surtout chez les poètes, l'antagonisme que j'ai souvent signalé entre l'urdu et l'hindi. Ainsi, nous voyons le même auteur écrire deux grammaires presque pareilles, l'une pour l'urdu et l'autre pour l'hindi (2) Parmi les écrivains qui se sont servis tour à tour des deux dialectes, et qui sont à ajouter à ceux que j'ai mentionnés dans mon « Histoire de la littérature hindoustanie », on nous en fait connaître un, entre autres, qui, à en croire son biographe (3), réunit toutes sortes de mérites : c'est l'aga Muhammad Sikandar Khan, qui descend du diwan Fath Ali, chef de Palanpur. Bien que musulman, «Sikandarapprit d'abord à lire et à écrire le dévanagari (l'hindi) ; il fit des dohâ et des chaupaï en cette langue, il s'occupa ensuite de musique et y acquit une grande habileté ; il apprit aussi le dessin, et y réussit de même ; il voulut enfin faire des vers urdus, et il étudia le persan. Aucune science ne lui est indifférente : il connaît la médecine et l'histoire. » On veut européaniser non-seulement le style oriental, mais même l'écriture. <■<■ Dans quelques ouvrages et journaux urdus (4), on a commencé à employer les signes de lecture européens ; mais, soit à cause que ces signes sont tout à fait inconnus dans l'Inde, soit parce que les copistes hindous, n'en ayant pas l'habitude, ne peuvent les écrire comme il faut, et enfin, en troisième lieu, parce que ceux qui lisent les journaux ne les comprennent pas, ces signes sont connus (1)N° du 13 février 1876. (2)<■ Revue » de 1875, p. 33. (3)Le muuschi Aschraf Ali, Awadh Akhbâr, n° du 28 janvier 1876. (4)Cet article est tiré de Y Awadh Akhbâr du 14 novembre 1875. 2. — 20 — sous le nom de làrè makorc (vers et fourmis). Il n'y a ,pas de doute qu'employer ces signes de lecture, s'ils étaient convenablement écrits et parfaitement compris, serait une bonne chose. Mais si l'on ne connaît pas bien tous ces signes étrangers et extraordinaires, ou s'ils ne sont pas écrits conformément aux règles, peut-il en résulter autre chose, si ce n'est que le lecteur fasse, en lisant, des fautes manifestes et qu'il conçoive un éloignement prononcé pour cette innovation ? » lï. Le rédacteur de l'Awadh Akhbdr (1) revient, dans les termes suivants, sur la rivalité des poètes hindoustanis de Lakhnau et de Dehli, dont il avait parlé et que j'ai fait connaître dans ma précédente « Revue » (2). « Bien des gens inatlentifs, dit-il, demandent s'il y a maintenant à Dehli quelque chose de littéraire : Quels sont, disent-ils, les gens de science et d'intelligence qui y existent encore et de qui on puisse se glorifier? Qu'est devenu le beau langage qui eu recevait son nom (3) ? Selon nous, cette demande est injustifiable, il faut confesser que parmi les auteurs récents, tels que le mufti Sadr uddin Khan, le Dr. Ahçan ullah Khan, le Dr. Munim Khan, le nabab Açad ullah Khan, Sahbayi, Zauc, Zafar, etc., il y en a un grand nombre qui étaient parfaits et qui sont décédés ; mais de ceux qui sont vivants, combien n'y en a-t-il pas qui sont restés inconnus à cause de leur modestie ?.... Dans ces derniers temps, il est aussi mort à Lakhnau bien des savants, dont le nom est en mémoire sur la page du siècle ; mais quant à ce qui concerne spécialement Dehli, celte ville a repris sa fraîcheur et sa verdeur, et, pour toutes ses beautés, elle ressemble au para(1)N° du 12 novembre 1875. (2)« Les Auteurs hindoustanis et leurs ouvrages en 1875 j , p. 22 et suiv. (3)« Le langage de la cour i, le zabân-î urdû é mu alla, « la langue du grand camp (et marché) de Dehli.  » — '21 — dis élevé. J'ai employé cette expression parce que bien des gens, ayant appris ce qui est arrivé à cette ville, la croient en ruine et supposent qu'elle est en poussière. Les gens instruits savent que, dans les temps antérieurs, Debli avait la prééminence sur l'Inde entière pour tous les progrès et toutes les excellences. Il en était, par conséquent, de même pour le langage ; et, afin de se renfermer dans ce qui concerne les vers et la prose, nous devons d'abord dire que la supériorité de Dehli pour la poésie est établie sans conteste. Maintenant, il faut voir les progrès qu'a faits la prose, et dont on pourra juger par les détails que je vais donner sur les auteurs habitants de Dehli, qui sont la gloire de l'Hindoustan et dont les ouvrages ont été appréciés dans toute l'Inde. Ce sont, entre autres : « Le khwaja Aman, frère de feu Galib, auteur du Haclàijic ulanzâr et traducteur du Bostân-i khayâl (1) ; le maulawi Sâïyid Ahmad Khan, auteur de Y A car itssanddtd et de beaucoup d'autres ouvrages (2) ; le maulawi Nazir Ahmad, auteur du Mirât ul'arûs (3), du Taubat itnnaçûh (4), du Banal unna'sch, du Mabâclî ulhikmat (5), etc. ; le munschi illuhammad Zuka ullah, auteur du Tawarikh-iHind (G), etc.; le maulawi Muhammad Huçaîn, professeur d'arabe, auteur de nombreux écrits" (7) ; le maulawi Muhammad Mazhar ullah, auteur du Mazhar ulmazâmin >■ la Manifestation (t) Voy. i Hist. de la littér. hind. i, t. Ier, p. 193 et suiv. (2)Il s'agit ici du célèbre Saïyid, fondateur de 1' « Anglo-muhammedan Collège i d'Aligarh. Sur ce personnage, voyez mon <t Hist. de la littér. hind. » et mes « Discours » et « Revues », passim. (3)« Hist. de la littér. hind. •, t. II, p. 460. (4)Voy. « Revue » de 1874, p. 42, où il faut lire unnaçûh au lieu de unndcih, imprimé par erreur. (5)Ces deux derniers ouvrages sont mentionnés in g/obo, ibid. (6)Plusieurs ouvrages portent ce titre. Voy. « Hist. de la littér. hiud. », t. I, p. 422. (7) Entre autres du Kalîd-i Sukhan « la Clef du discours ». Voy. ma « Revue » de 1873, p. 22. — 22 des significations diverses », etc. ; le nabab Ziya uddin Ahmad Khan, auteur du Mucallim ussabût «■ le Conservateur de l'évidence (1) « ; le nabab Ala uddin Ahmad Khan, auteur de plusieurs ouvrages et de divers commentaires ; te maulawi Ziya uddin et Ram Chandar, habiles professeurs l'un et l'autre (2); le maulawi Nusrat Ali (3), et enfin des centaines d'autres personnages dont, pour ,abréger, je ne cite pas les noms célèbres, et qui illustrent jusqu'à ce jour la ville de Dehli. Dans'le petit nombre de ceux que j'ai indiqués, et qui sont généralement connus par leurs ouvrages en langue urdue, je n'ai pas mentionné bien des poètes, des savants, des philosophes tels que le Dr. Mahmud Khan (4), le Dr. Muhammad Salim Khan, le munschi Muhammad Fakhr uddin , le maulawi Altaf-i Huçaïn , le mirza Curban Ali Beg, le maulawi Najaf Ali, auteur d'un commentaire sur les séances de Hariri (5). Tous ces auteurs ont pour élèves des centaines d'hommes distingués dans les lettres, des médecins, des poètes qui existent, mais il n'est pas possible de faire entrer dans cet exposé la mention de (1)Voy. ma « Revue » de 1871, p. 23. (2)Voy. « Hist. de la Iittér. hind. », t. II, p. 537. (3)Ibid., p. 485. (ï) \'e s'agit-il pas ici du fils de Saïyid Ahmad Khan? (5) Aux tirades sur l'or des séances de Hariri et de l'Anwdr-i Suhaïlî que j'ai citées dans les « Aventures de Kamrup (p. 211 et suiv.), je dois ajouter celle du poëte urdu Schumla, qui dit, dans son Bdg o bahâr : « L'or a un grand prestige, tout a lieu dans le monde par l'or. Si on a de l'or, chacun vous recherche et vous secourt partout. Jinns et fées lui sont soumis. Ceux qui ne savent rien de ses actes comprennent-ils sa puissance? Avec l'or, on ne parait craindre ni le jugement dernier ni la punition suprême : il dispose du matin et du soir. On le recherche ; pour l'acquérir, on dit des mensonges et on fait cinquante ruses. Désolé, la tête perdue, blessé et malheureux, on le désire encore au milieu de cent vexations. On l'acquiert avec peine, mais on ne peut l'emporter de ce monde. D'après sa promesse, on fait son chemin, mais la plainte reste et le désir aussi. Là où est cet infidèle, il a pour compagnes la peine et l'espérance ; mais ceux qui, dans le monde, le jugent sa.ns voile, le considèrent comme un véritable poison. » — 23 — ces notabilités, dont un seul a écrit trente à quarante volumes. Il est donc fort à regretter qu'on fasse maintenant, sous le rapport littéraire, si peu de cas de Dehli ; que tant de productions parfaites qui sont répandues par l'impression dans toute l'Inde ne soient pas considérées comme elles devraient l'être, et qu'au lieu de centaines de gens distingués de cette ville et des environs qu'on pourrait citer, on ne mentionne le nom que d'un ou deux poëtes besogneux. » Le plagiat est une des plaies de la littérature orientale ; les historiens se copient souvent textuellement ; les poëtes s'emparent des hémistiches, des vers, des pièces de vers et des ouvrages d'autrui. Il y a même des règles dignes d'Escobar pour les vols littéraires qui ne vont pas aussi loin. On y distingue le plagiat direct du plagiat indirect, le plagiat toléré et celui qui est formellement interdit (1). Il y a des poômes, par exemple, dont deux poëtes se disent auteurs sans qu'on puisse savoir au juste la vérité sur ce point, comme dans le cas particulier dont parle Y Awadh Akhbâr (2), qui a pris môme pour titre d'un article publié à ce sujet un vers persan qui signifie : « Qu'il est hardi le voleur qui porte en sa main une lampe (3) ! « Il s'agit d'un poëtc musulman nommé Gàjil (le munscbi Tufaïl Ahmad), surnommé Sahswânî, et d'un poëte hindou nommé Gauhar (Guendan Lai), surnommé Badâwînî, qui, à ce qu'il paraît, avait mis son nom - à un ouvrage du premier. Celui-ci trouva un jour ce volume chez un libraire; il le prit, et alla porter plainte au tribunal de liadaun contre le plagiaire. Tous les poëtes s'intéressèrent naturellement à cette affaire, mais elle était asâez difficile à juger. Comment prouver que Gafil était le véri(1)Voy. « la Rhétorique et la prosodie des langues de l'Orient musulman », 2eédit., p. 195 et suie. (2)N° du 24 novembre 1875. (3)Chi dilâwar ast duzdé ki, bakaff, chirâg dârad ! — 24 — table auteur de l'ouvrage dont il s'agissait? Ses vers avaientils une notoriété telle qu'on pût décider s'ils étaient réellement de lui ou de Gauhar ? Bien des poètes peu connus ont pillé des (liwans entiers à d'excellents poètes, et se sont ainsi rendus célèbres eux-mêmes sans qu'on pût s'assurer s'ils étaient réellement les auteurs des vers qu'ils s'attribuaient. Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que les cacidas de louange valent quelquefois à l'auteur une gratification de la part du prince qui en est l'objet, et on conçoit, dés lors, que le plagiat est d'autant plus coupable, puisqu'on prive ainsi l'auteur véritable de recevoir la récompense qu'un autre touche injustement » La fête du ta'ziya (1) est toujours célébrée dans l'Inde avec la plus grande solennité, et c'est à cette occasion qu'on entend chanter dans les rues et surtout dans l'endroit spécial appelé Karbala, du nom du lieu où se passa la scène objet de cette fête funèbre, les nouveaux marsiyas (2) dus aux poètes contemporains. Voici ce que je trouve dans un journal indigène (3) sur une des processions qui ont eu lieu dernièrement à Lakhnau à cette occasion : <■<■ Le chilhum (4) est parvenu à sa fin. Le 20 de safar, après le coucher du soleil, le ta'ziya àa nabab Mumtaz uddaula arriva au Karbala en grande pompe et solennité. Outre la réunion d'usage, il y avait une affluence extraordinaire de spectateurs. La clarté que don(1)« Deuil ». On donne aussi ce nom, ainsi qu'on le verra plus loin, à la représentation du tombeau de Huçaïn. Voy. « l'Islamisme », p. 327 et suis. (2)Sur ces complaintes, voy. aussi a l'Islamisme», p. 325 etsuiv. (3)Awadh Akhbdr du 19 mars 1876. (4)Ce mot signifie < quarantième ». II s'emploie pour désigner à la fois la quarantaine et le quarantième jour de deuil consacré à la mémoire du martyre de Huçaïn, et accessoirement de celui de Haçan. Ce deuil commence le 1er de muharram et finit proprement avec solennité le 10 de ce mois; mais on célèbre encore le quarantième jour qui le termine en réalité, et qui tombe ainsi le 20 de safar, surnommé almuzajjfar s le victorieux ». — 25 — naient les ifs à cinq branches produisait l'effet de la lumière du jour. On voyait sur un éléphant le magnifique ta'ziya et après lui les chevaux de main, la police armée et les soldats de la municipalité d'Aoude qui marchaient pas à pas. Ensuite venaient des porte-bannières, le cheval qui représentait le duldul d'Ali, les chanteurs de marsiyas, les gens de la maison du nabab et ses parents qui faisaient partie de la procession du deuil. Puis enfin on voyait le catafalque de Sakîna (1). La réunion était si considérable que depuis le 'Aïsch-bdg (jardin du plaisir) jusqu'au Karbala il y avait comme une chaîne de pèlerins. Beaucoup de curieux s'étaient joints à ceux qui prenaient une part véritable au deuil, et cette manifestation était réellement imposante. » Les marsiyas qu'on y chanta furent surtout, sans doute, ceux de Mirza Dabir, dont j'ai annoncé le décès l'an passé (2), et qui ont été publiés en deux volumes (3), dont le premier avait déjà paru, mais est aujourd'hui complété parle second. « Comment pouvoir, dit le rédacteur de YAwadh Ahhbâr (A), faire de cette poésie éloquente l'éloge qu'elle mérite ? Ce n'est pas une exagération de dire qu'elle est le roi du climat de la pensée et comme le dieu du discours. Le fait est que chacun de ces marsiyas est un chef-d'œuvre d'urdu et un cahier d'éloquence. Jusqu'à la résurrection il n'y aura pas de poëte comme Dabir, qui est l'unique du siècle et l'objet de l'admiration générale. Et de même que Sahban chez les Arabes a été célèbre dans son temps et a surpassé tout le monde par son éloquence, en sorte que son nom est cité jusqu'à présent, de même le nom et les œuvres de Mirza Dabir resteront toujours. Tant à cause de la pureté de son langage (1)Fille de Huçaïn et petite-fille d'Ali. (2)« La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 », p. 101 et siiiv. (3)On a dernièrement publié à Labore la collection des marsiyas d'Abbas, sous le titre de MajrmVa-i Marsiya. (■'«•) N°du 7 avril 1870. — 26 — que pour l'éclat de sa diction, les gens de l'Inde et surtout ceux de Lakhnau se feront gloire et s'enorgueilliront toujours d'avoir produit cet écrivain... Quand vous entendez réciter ses marsiyas, quelque effort que vous fassiez pour retenir vos pleurs, un océan de larmes coule de vos yeux; votre cœur serait-il de pierre qu'il se dissoudrait... Si en Arabie Amrû'lcaïs a été reconnu comme le dieu de l'éloquence et Moténabbi comme son prophète, alors pourquoi ne pas mettre au même rang dans l'Inde les compositions de Dabir et d'Anis ? Quelque éloge qu'on fasse des écrits de Dabir, cet éloge sera inférieur à la vérité. « C'est une bonne fortune pour l'Inde que Mirza Auj, fils de Dabir, ait fait parvenir au directeur de l'imprimerie de YAwadh Akhbàr tous les brouillons des marsiyas de son père, en sorte qu'aujourd'hui le désir de tout le monde est satisfait (1). « Les poésies érotico-mystiques sont toujours fort appréciées par les musulmans. C'est ainsi que le raïs de Muradabad a publié à ses frais le Dardai dil « la Douleur du cœur » , masnaui célèbre d'un poète hindoustani fort connu, le maulawi Muhammad Abd urraschid Dard (2). J'ai encore cette année à mentionner un nouveau Tazkira imprimé à Lakhnau en 1875. Je veux parler du Sukhan~i Schu'arâ « les Discours des poètes », biographie anthologique (3) par le maulawi Abu Muhammad Abd ulgafùr Khan, connu poétiquement sous le nom de Nassakh, élève de Wahschat (le maulawi HaGz Raschid unnabi) (A). On doit à cet éminent écrivain plusieurs autres ouvrages, un poëme, entre autres, récemment publié aussi à Lakhnau sous le (1)Ici le journaliste fournit la liste des trente-quatre marsiyas du premier rolume et des trente-quatre du second, en ayant soin de donner le premier hémistiche de chacun de ces marsiyas. (2)« Hist. de la littér. hiud. », t. \", p. M)8 et suiv, (3) J'en parlerai plus au long dans l'Appendice. (h-) i Hist. de la littér. hind. s , t. II, p. 450. — 27 — titre de Schâhid-i 'ischrat « J'Ami de la société (des femmes) » ; et YAsch'âr-i Nassâkh « Vers de Nassakh •», qui n'est autre chose qu'un de ses diwans (1). L'érudit indianiste F. S. Growse prépare une traduction complète du Ràmayàna hindi de Tulcidas, dont j'ai donné le cinquième chant en français dans la première édition de mon « Histoire de la littérature hindoustanie v , et il espère que son travail sera terminé avant la fin de 1876. « Cet ouvrage, ajoute le journal indigène qui fait cette annonce (2), est très-important; tous les Hindous le lisent avec plaisir, et le nom de Tulcidas est si célèbre dans l'Inde, que grands et petits le connaissent. En outre, ce livre sert aux examens sur l'hindi. La langue des dohras (3) de Tulci est très-élégante, mais archaïque : c'est pour cela que les étrangers ont de la peine à la comprendre ; mais maintenant, au moyen de cette traduction, ils pourront s'en rendre facilement compte." En attendant, M. Growse a publié dans « l'Indian Antiquary » de juillet dernier un intéressant épisode de ce célèbre poëme, et dans le journal de la Société Asiatique du Bengale (4), la traduction du prologue dont M. Blochmann (5) signale ce passage remarquable : « Il y a un Dieu sans passions, sans forme, incréé, âme universelle, esprit suprême, présent partout. Le monde est son ombre. Il s'est incarné, et a fait beaucoup de choses pour l'amour de ceux qui lui sont fidèles. » Il est utile de faire savoir que le Râmayâna de Tulcidas n'est pas une traduction ni même une imitation de celui de Valmiki, mais un ouvrage distinct, quoique sur le même (1)En 94 pages; Lakhnau, "1875. J'ai cité dans mon « Hist. de la littér. hind. », sous le titre de Daftar-i bèmiçâl, un autre de ses diwans. (2)Awadh Akhbâr du 12 décembre 1875. (3)Synonyme hindi du baït arabe. (4)N° 1 (1876) de la partie historique et philologique. (5) i Proceeding of the Bengal As. Soc, », avril 1876. — 28 — ' sujet, ce qui explique les points de ressemblance qu'il y a entre les deux poëmes. Mr. Chatfield, directeur de l'instruction publique de-la présidence de Bombay, a bien voulu m'envoyer un exemplaire de l'édition du Kahîr pada sangraha. J'ai parlé l'an passé (1) de cette collection , dont je ne trouve pas l'indication dans la liste que j'ai donnée des « OEuvres de Kabir (2). » L'éditeur hindou de ce volume, le baua Kiçandas (3), semble en annoncer un second, car celui-ci est intitulé Pahila hhàg « Première partie ». Il se compose de 223 pad et de 244 dohras ou vers composés de deux hémistiches comme le baït arabe. Les pad sont divisés en seize râg « modes musicaux », indiqués par leur nom dans la table des matières. L'ouvrage est précédé d'une préface de l'éditeur et d'une vie abrégée de Kabir. Dès son retour dans l'Inde, le Dr. Leitner a publié à Lahore « The Travels of Guru Teg Bahadur and Guru Gobind Singh, translated from the original gurumukhi by Sirdar Attar Singh, chief of Bhadour ». Quoique ces voyages ne soient que des contes un peu enfantins, on y apprend que la religion des Sikhs est un mélange des idées hindoues, jaïns et bouddhistes. Quant à la haine qui s'y manifeste contre les musulmans, elle parait être le caractère propre des Sikhs, aussi bien que leurs dispositions guerrières, qui vont jusqu'à la cruauté. Le nom de Dieu est pour eux comme le Gange, qui lave toutes les fautes, excepté la fausseté et le mensonge. Sous le titre de Mawâ'iz-i Haïdariya « Conseils haïdariens «, le maulawi Gulàm-i Haïdar Khan a récemment (1)« La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 », p. 36. (2)« Hist. de la lillér. hind. », t. II. p. 130 et suie. (3)Il est surnommé Uddci, nom d'une classe de faquirs hindous, et qualifié de niranjanî * sans passions », c'est-à-dire » indifférent à toute ebose «. — 29 — publié à Caunpur un ouvrage urdu d'un style coulant et agréable, contenant de bons-avis d'une utilité générale et exprimés de telle façon qu'ils peuvent êlre lus avec profit par tous les Indiens, à quelque religion qu'ils appartiennent (1). Le docteur Bubler a trouvé en Cachemyre un manuscrit du poëme hindi de Chand intitulé Prithi-raj Raç au a Histoire de Prithi-raj ». J'espère que ce nouveau manuscrit, ajouté aux trois copies qu'on possédait déjà pour l'édition qu'on avait commencée dans la Bibliotheca indica de ce célèbre ouvrage (sans compter les deux exemplaires qui en existent à Londres et qu'on pourrait consulter pour les passages qui offrent des difficultés), déterminera la Société Asiatique de Calcutta à continuer l'impression si désirée par les indianistes de cet important ouvrage, tant sous le rapport historique que surtout sous le rapport philologique. Quant au Granth, qu'on a montré au Prince de Galles à Amritsir, c'est YAdi granth « le Premier Livre (le Livre des Origines) « , que le Dr. E. Trumpp s'occupe de traduire, ainsi que je l'ai annoncé auparavant, et dont 800 pages, précédées d'une Introduction, sont déjà imprimées par la maison Austin, d'Hertford. Mr. J. Beames nous a révélé un poëte ou plutôt un barde hindi inconnu jusqu'ici aux Européens. Il écrivait, vers 1650, à ÎVTurpur, l'ancienne Dhaméri, et ses poésies forment un volume petit in-4" de 105 pages- Elles n'offrent pas une histoire suivie, mais des chants ou des rapsodies, comme les nomme Mr. Beames, à la louange du raja Jagat Singh, et dans lesquels il est fait allusion aux événements historiques de l'époque, sans qu'ils soient néanmoins décrits. On y voit ainsi, ce que racontent d'ailleurs les auteurs musulmans, que Jagat Singh se révolta contre le Grand Mogol Schah (1) Awadh Akhbdr du 19 novembre 1875. — 30 — Jalian. Mr. Beames a donné (1) plusieurs pages du texte original de ce poëte, accompagnées de la traduction et de savantes notes explicatives. Quelques-uns de ces poëmes portent le titre de Siwalya, expression que je n'ai pas indiquée dans mon « Histoire de la littérature hindoustanie » , mais qu'on trouve dans le nouveau « Dictionnaire hindi » de J. D. Bâte. L'Arya Samâj <■<■ Société Aryenne «, de Bombay, a formé le projet de faire traduire en hindoustani les textes originaux des Védas et des autres monuments de la littérature ancienne de l'Inde, utiles pour élucider la religion des Aryas (2). Je puis enfin annoncer la publication complète en sept parties, formant deux volumes grand in-4", du l'ajur Véda, publié en sanscrit avec le commentaire hindi de Sri Vedarth Pradip Guirdhar Bhass, publié par Guiri-praçad, raja de Besma, et imprimé dans cette ville de 1872 à 1874 (3). En fait d'ouvrages sanscrits accompagnés d'une traduction hindie, nous avons encore le Bischn sahassarnâm aur ttka k les Mille noms de Wischnu et leur commentaire » en vers, in-8" de 86 pages, imprimé à Gujranwala. Le penchant pour l'hindi et pour les caractères dévanagaris prenant de la consistance , on s'est mis, comme je l'ai déjà dit, à publier en ces caractères des ouvrages hindoustanis qui existaient auparavant en caractères persans. C'est ainsi que VAwadh Akhbdr (i) annonce une traduction en hindi, caractères dévanagaris, des k Mille et une Nuits » arabes, dont il existait déjà plusieurs traductions en urdu (5); (1)« Journal of the Asiatic Society of Bengal », part. lr,î, u° 3, 1875. (2)'Altgarh Akhbdr du 19 mai 1876. (3)Voy. ma « Revue • de 1871, p. 16, et celle de 1872, p. 36. (4)N° du 16 avril 1876. (5)Voy. « Hist. de la littér. hind. >, t. Ier, p. 541 et 543, aux deux articles Haçan (le maulawi) et Haçan 'Ali, qu'il faut réunir, et t. II, p. 413 et suiv, — 31 — qu'on annonce aussi une édition de Bahâwalt, sous le titre de Bakâwali Suman « la Fleur de Bakawali », en caractères dévanagaris (1), et une rédaction hindie publiée à Dehli (2) sous le titre de Suk Bahattri, des fameux « Contes d'un perroquet, Totakahânî», récemment publiés en anglais par le Rév. G. Small. Ce qui vaut mieux, c'est que le goût pour l'histoire se manifeste décidément dans l'Inde. C'est ainsi que le khalifa •Saïyid Muhammad Haçan Khan, grand vizir de Pattyala, a entrepris d'écrire l'histoire de ce pays depuis les temps les plus anciens. Il parait que le célèbre ouvrage d'Ibn Khaldùn intitulé 'Unwân ul'ibar « Livre d'exemples », et plus connu en France sous le nom de « Prolégomènes historiques (3) d , a été traduit de l'arabe en hindoustani. C'est du moins la conséquence d'un article du maulawi Saïyid Mahdi Ali d'Haïderabad du Décan, qui donne sur ce livre des renseignements à peu près conformes à ceux que fournit le texte arabe (A). Nous y apprenons donc que « l'éminent historien, auteur de cet ouvrage, après avoir disserté dans ses prolégomènes sur la vérité dans l'histoire et sur la manière de s'en assurer, avait divisé son ouvrage en six parties, dont la première traite de la géographie, la deuxième des peuples sauvages, la troisième du khalifat et du sultanat, la quatrième des villes, la cinquièmedesarts et métiers, la sixième des sciences. Ces parties se subdivisent en plusieurs chapitres. Dans le chapitre premier de la première partie, l'auteur traite des (1)Lalshnau, 1875, 79 pages in-8°. (2)En 80 pages in-8°. (3)Voy. l'article de feu de Hammer à ce sujet dans le s Journal Asiatique, t. Ier, p. 267 et suii\, et mon propre article qui y fait suite, t. IV, p. 158 et suiv. (•'<•) Tout ceci est emprunté à VAwadA Akhbâr du 14 jauvier 1876, qui l'a copié du Tahzib ulakhbdr de 'Aligarh (« Revue » de 1873, p. 36). — 32 — différentes variétés de l'homme, de ses religions et de sa résidence naturelle dans les villes. Dans le deuxième, des sept climats ou divisions de la terre habitée, des fleuves, des rivières, etc. Mais le rédacteur fait observer que cette partie n'est guère que la reproduction de la géographie de Ptoléméc ou pour mieux dire du Nnzhat iilmuschtâc « la Récréation du désireux (1) » que 'Ulwi (2) Edrîcî Hamûdi (3) composa pour Roger, fils de, Roger, roi de Sicile ; et qu'ainsi elle est défectueuse et imparfaite pour les temps actuels.? Dans le troisième chapitre, l'auteur expose les effets de l'air sur la couleur des hommes et sur leurs habitudes. Il y discute cette grave question , et il pense que ce n'est pas au soleil seulement qu'est due la couleur noire, puisque les Esquimaux sont noirs ou du moins da couleur très-foncée, bien qu'ils ne voient pas le soleil pendant plusieurs mois, demeurant dans des souterrains où l'air pur est inconnu. La nourriture non plus ne peut guère coopérer à la couleur de la peau, puisque les Chinois et les Japonais, qui se nourrissent des mêmes aliments que nous, ont la peau jaune ; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que la couleur de la peau est héréditaire et se perpétue de génération en génération. Il y a cependant dés exceptions : par exemple, les Hollandais et les Portugais qui se sont fixés depuis plusieurs générations dans l'iledeCeylanne sont plus blancs comme leurs ancêtres, mais noirs; et de même dans diverses contrées d'Amérique les individus de la race anglo-saxonne ont aussi éprouvé un changement de couleur. La pureté de l'air ou sa corruption influent beaucoup sur la couleur humaine. Ainsi les habitants des montagnes ont le teint plus clair que ceux des plaines, comme on peut le voir dans l'Inde, où les indigènes qui demeurent au bas des monts de l'Himalaya sont bien (1)Sous-entendu * des connaissances s . (2)C'est-à-dire, natif ou originaire du nord de l'Arabie. (3)C'est-à-dire, « louable ». — 33 — plus blancs que ceux des plaines. Il est aussi généralement évident que dans les pays où l'on se procure facilement toute espèce de nourriture, et de bonne qualité, les habitants ont une physionomie plus agréable et des mœurs plus douces, et que c'est au contraire dans les pays improductifs que l'on trouve des sauvages et des cannibales. Quatre choses différentes produisent donc les effets extérieurs dont nous venons de parler: 1" la terre ; 2° l'eau et l'air; 3" la nourriture; 4° les phénomènes de la puissance divine. Les habitants des pays dont le climat, est bon sont bien portants, vigoureux et résolus. Si la terre porte peu de fruits, ils y suppléent par leur travail, que guide leur intelligence. C'est ainsi que l'Europe est arrivée à un progrès que rien ne semble devoir arrêter. Les anciens habitants de l'Hindoustan éprouvèrent l'influence du climat; les musulmans même nouvellement arrivés subirent la même influence, au point qu'il est difficile de les distinguer des Hindous sous le rapport physique. Ils n'ont plus aussi, quant à leurs sciences, leur esprit et leur aptitude, la force et l'énergie qu'ils avaient d'abord. Ainsi c'est aux causes que nous avons indiquées que doivent être attribués les mœurs et les usages des nations ; ces causes sont persistantes, et il est bien difficile et même impossible de les changer. Dans l'Hindoustan, les esprits ont été émerveillés par les montagnes, les jangles, les rivières, les déserts qu'on y trouve ; les tremblements de terre et les autres phénomènes de la puissance divine y ont étonné et déconcerté l'esprit de l'homme, mais les Indiens n'ont pas cherché à en comprendre les causes : ils ont au contraire donné cours à leur imagination, et ils ont admiré les choses étonnantes et merveilleuses dont ils étaient témoins. Chez les Grecs, la manifestation de la puissance divine était moins énergique; aussi l'idée de la faiblesse et de la nullité de l'homme ne s'est pas développée chez eux comme chez les Hindous. Il en a été de même en Europe, où ces manifestations de la puissance divine, bien loin de donner cours à la fantaisie et — 34 — à l'imagination comme dans l'Hindonstan, ont conduit à l'étude et au progrès. » « Tout, ici-bas, n'est qu'un mirage. » C'est pour mettre en relief cette vérité que, sous le titre de Sarah-i hayât « le Mirage de la vie », le pandit Bachmir Nath, de Partab.garb, a publié en urdu un aperçu historique des grands écrivains anglais et indiens qui ont été malheureux (1). L'auteur a entremêlé son récit de vers, soit originaux, soit traduits, et le maulawi Muhammad Haçan Nùr dit de lui « qu'il a égalé Samuel Johnson pour la prose, et que, pour la poésie, il est le Byron de l'Inde (2) » . A l'imitation aussi de quelques écrivains européens, le munschi Kaschi Nath a réuni, sous le titre de Mazâmin ulhaçâniya « Excellentes Sentences », des articles d'utilité générale qu'il avait publiés dans le journal d'Amritsir intitulé IVaquîl-i Hindûstân (3). ïl a paru sous le titre de Najm ulamsâl « l'Astre des proverbes», un volume qui contient les proverbes et les dictons urdus employés habituellement dans l'Inde. «Ce livre (Â) sera très-utile à « ceux qui aiment la langue générale 'd??i de l'Hindoustan , et, quoiqu'il ne soit pas le premier qui ait paru sur cette matière (5), les amis de l'urdu pourront en retirer un grand avantage, car si les écrits de ce genre avaient plus de circulation, la langue liindoustanie ne pourrait qu'y gagner en consistance. » Le Zâd-i safar, wacîla-i zqfar « le Viatique du voyage, (1)Le Panjâbi&a 1er juillet 1876 cite des fragments de cet ouvrage, et le Alîgarh Akhbâr y a consacré un long article dans son numéro du 19 septembre 1876. (2)Ibid. (3)Sur ce journal, voy. ma « Revue » de 1874, p. 71. (h) 'Alîgarh Akhbâr du 14 avril 1876 : Panjâbi du 20 mai 1876. Ce volume n'est, en réalité, que le tiers d'un ouvrage dont les deux autres parties n'ont pas encore paru. (5) Il y a, en effet, le Recueil des proverbes de Roebuck et plusieurs autres collections. — 35 — moyen de réussite », a pour auteur le nabab Muhammad Umr Ali Khan, surnommé poétiquement Wahschî, chef du gouvernement de Baçuda, qui comprend trois districts situés à quelques stations du Bhopal. « Ce nabab, qui est un grand observateur, est aussi un excellent administrateur. Il ne passe pas son temps dans les divertissements et le plaisir, mais il s'occupe sans cesse du bien-être de ses sujets. Il est fort savant et sans égal comme écrivain en prose et en vers. IVous avons publié dans notre journal plusieurs de ses poésies, par lesquelles on peut juger de son mérite (1). « Ce nabab a voyagé pendant deux ou trois ans, soit dans son gouvernement, dont il avait, pendant ce temps, confié la direction à son fils, le nabab Haïdar Ali Khan, soit ailleurs. Il visita, entre autres, Calcutta, Patna, Bénarès, Allahabad, Lakhnau, Agra, Dehli, Mirath, Lahore, Multan et d'autres lieux et pays célèbres qu'il décrit dans son ouvrage, donnant même les dessins des mosquées et des tombeaux dignes de mention. Voici les vers qu'il a consacrés à Bombay : « Comment ne pas souhaiter de voir Bombay, cette ville dont la poussière fait honte au collyre de diamant ? « Bombay est aujourd'hui un lieu de repos, où les yeux et le cœur sont à la fois satisfaits. « Après avoir parcouru toute la terre et l'avoir pour ainsi dire tamisée, on s'assure que Bombay doit être justement l'objet du désir de l'Océan. « Comment celui qui a vu de ses yeux les roses printanières de Bombay pourra-t-il supporter le déclin de l'automne ? « Après bien des jours, Wahschî est enfin parvenu à satisfaire le désir qu'il avait de visiter cette ville. » Voici, au surplus, la liste des nouveaux ouvrages hindoustanis qu'il me paraît utile de signaler : (1) C'est ainsi que s'exprime le Panjdbi du 1er mai 1876. Voy. ma « Revue • de 1874, p. 49. 3. — 36 — Sarab-i 'âlam- i asbâb <■<■ le Mirage du monde des affaires », volume de 100 pages, imprimé à Dehli, sur les personnages anglo-indiens et composé de douze chapitres, dont le dernier est consacré, on ne sait pourquoi, à Napoléon Bonaparte. Façâna-i 'ajâïb «■ Récit de merveilles », explication du masnawideJalaluddinRumi, livre qui n'a aucun rapport avec un ouvrage du même titre et appelé aussi Façâna-î ranguîn « Jolie Histoire •*, dont j'ai parlé dans mon « Histoire de la littérature hindbuie et hindoustanie (1). » Hâlat imnabî « la Position du Prophète » , ouvrage hindi édité à Calcutta, par le maulawi Muhammad Kamil et le munschi Abd ulkarim ; in-8" de 296 pages, qui traite des prophètes depuis Adam jusqu'à Mahomet. Jnyân-pradîp « la Lumière de la connaissance », mélanges hindis, publiés aussi à Calcutta, par le pandit Krischna Chanda. Liitt-nâma, petit diwan de harem, par Ahmadi, publié à Madras par Edward Balfour; in-8° de 34 pages. Diwân-i Alam « le Dhvan du nabab Muhammad Haçan Khan Alam (2), de Calcutta », en urdu. Guldasta-i bazm-ârâ « le Bouquet qui orne la réunion », poëme urdu, par Farzand-i Ali. Schaf ul'alil « la Guérison du malade » , traduction du traité arabe intitulé Caul-i jamîl « la Bonne Parole, de Schah Wali ullah, de Dehli, par le maulawi Khurram Ali ; grand in-8° de 138 pages, célèbre traité de sufisme, imprimé à Cawnpur. Abr-i Karam «■ le Nuage de la miséricorde (divine) », masnawi contenant une suite d'anecdotes en urdu sur l'amour de Dieu ; in-8° de 44 pages, imprimé aussi à Cawnpur. Bàb-î nacîhat « Chapitre d'avis », collection de petits (1)T. III, p. 188. (2)Il y a plusieurs poètes de ce iakhaUus. Voy. • Hist. de la littér. hind. t, t. Ier, p. 185, 186, et l'Appendice de cette « Revue i. — 37 — poëmes moraux écrits en urdu, bien que par un Hindou, le babu Ram-sarup ; in-8% imprimé à Saharanpur. Ratnâwalî nâtàk, drame sanscrit d'Harsha Déva, traduit en hindoustani par le pandit Déva-datt. Allahabad, 99 p. in-8°. Mahâbhârata, nouvelle traduction en prose hindie, par Krischna Chandra Dharmadhikari, de Bénarès ; 3 vol. gr. in-8% Calcutta, 1875 (1). Prapannâmrit « Nectar des suppliants » , par Badri-das, poëme in-8" de 282 pages, imprimé à Farrukhabad, version hindie d'un ouvrage sanscrit du même titre sur les aventures de Ramanuja, réformateur hindou de la secte des vaïschnavas, qui vivait, dans le douzième siècle, dans le midi de l'Inde. Sakhâwat-nâma « le Livre de la générosité », conte en vers, par Schah Rahman, publié à Cawnpur. Taswîr-igam « Peinture du chagrin d'amour », poëme, parMast (lehakim Aschraf Ali) (2); grand in-8" de 24 pages, imprimé à Cau'npur, comme le précédent et les deux suivants. Tazfcir ulatwân <■<■ Mémorial d'architecture » , poëme sur l'art de bâtir, par un architecte nommé Riyâçat 'Ali. Siyaswayambar swâng « Choix d'un mari par Siya », drame de Nath Singh. Satsaïsâr «. l'Essence de Satsaï », sorte d'abrégé en vers hindis de cet ouvrage célèbre, mais assez obscur, par Chaubé Radha Krischna, imprimé à Agra. Nacl-i majlis « Anecdotes de société » , par Muhammad Aschic Ali ; Lakhnau, 1875, 46 p. in-8» (3). Macâcid uzzâïrîn « les Buts des pèlerins », récit d'un (1)Il y en avait déjà, entre autres, une en vers urdus, abrégée d'après le texte persan d'Abu'l fazl, par Schayan (Tota Ram), imprimée à Lakhnau en 1863. (2)Sur ce poëte, voy. mon * Hist. de la littér. hind.i , t. II, p. 290. (3)Il ne faut pas confondre cet ouvrage avec un autre portant le même titre, mais par un autre auteur, mentionné dans mon « Hist. de la littér. hind. », t. III, p. 148. — 38 — voyage à Karbala, en Arabie, pour y vénérer les tombeaux d'Haçan et de Huçaïn, par Arschad ullah ; Lakhnau, 1875, 110 p. Mîrâj ulmazâmîn « l'Ascension des significations », histoire des douze imams, ouvrage schiite, par Ismaïl Huçaïn, in-8°de 304 pages, imprimé à Lakhnau en 1875, comme les précédents et les suivants. Guldasta-i Khandân « le Bouquet de famille », poésies diverses, par le munschi Munawar-i Ali. Gulschan-i 'ischc « le Jardin d'amour », poëme de 273 pages in-8°, qu'il ne faut pas confondre avec plusieurs autres ouvrages de même titre mentionnés dans mon « Histoire de la littérature hindouie et liindoustanie ». Celui-ci a pour sujet les Amours du prince Mah-lica et de la princesse Husn-ara, et il a pour auteur le khroaja Badschah Safir. Muntakhàb ultawârîkh « Abrégé des chroniques » , traduction urdue de 545 pages de l'ouvrage persan qui porte le même titre, par Ihtischam uddin. Tuhfat uVauwâm « Cadeau au peuple », par Haji Haçan Ali; réimpression en 154 pages d'un ouvrage mentionné sans nom d'auteur dans « l'Histoire de la littérature hindouie et liindoustanie » (1). Tilism-i façàhat « Le Talisman de l'éloquence », poème de 181 pages, par Muhammad Huçaïn-jah. Mufid ulinschâ a Ce qui est utile pour la rédaction des lettres » , par le pandit Schiv Narayan (2) ; édition de Lakhnau, 1875, 46 pages in-8. Guldasta-i Ta'aschschuc « Bouquet de Taaschschuc », c'est-à-dire diwan ou recueil des poésies de Huçaïn Taaschschuc (3) ; ïbid., 108 p. (1) T. IH, p. 400. 2) J'ai mentionné cet ouvrage, a Hist. de la littér. hind. », t. III p. 445-, mais sans en indiquer l'auteur. (3) Voy. l'article qui est consacré à cet écrivain dans I' « Hist. de la littér. hind. «, t. III, p. 192. — 39 — Dâïra-i 'ulûm-i tab'yât « Cours (cercle) des sciences naturelles », par le babu Lakschmî Schankar, professeur au collège de Bénarès. C'est la reproduction des conférences de l'auteur que le maulawi Saïyid Ahmad Khan avait inaugurées et qui ont été laites d'après les ouvrages anglais les plus estimés (1), Faïz-i Nischân « l'Abondance du sentiment », titre du « Diwan » ou recueil des gazais, de Mirza Wala-jah Aschic ; Lakhnau, 288 p. Bahr-i asrâr-i haquîcat « l'Océan des secrets de la vérité », traité mystique, par Sali—i Allah ; Lakhnau, 120 p. Gulschan-i faïz « le Jardin- de l'abondance », poème de 96 pages, par Gulam Muhammad Khan (2). Ganj-i tawârîkh « le Trésor des chronogrammes », en urdu et en persan, par Abd ulgafur Khan; in-8" de 88 pages. Strî-darpan « Le Miroir des femmes d , rhétorique hindie pour les dames, par le pandit Madhava-praçad , 150 p. in-8". Kâvikulakahpatrâ « Traité de rhétorique », par Chinta Manu, 216 p. in-8°. Schams-ifaïz « le Soleil de l'abondance », poème sur les amours du prince Schah Rukh et de la princesse Mahrukh, par Gulam Muhammad Khan ; in-8" de 236 pages. Sangraha Siromani, grand traité d'astrologie dé 536 pages, par le pandit Saraya-praçad ; Lakhnau, 1875. Indarjâl « Magie céleste », talismans, amulettes, etc., par Mir Haçan, volume de 304 pages, imprimé à Dehli, comme aussi les deux suivants. Samudrik rekhâ <■<■ le Destin sur la main », ouvrage hindi, sur la chiromancie, de 40 pages in-8°. (1)Panjdbi du 22 avril 1876. (2)Il ne faut pas confondre ce poème avec un ouvrage du même •titre, mentionné dans ma « Revue t de 1874, p. 45. — 40 — Tuhfa-i tilismât « le Plus rare des talismans », par Abd urraçul Khan, 48 p. in-8\ En fait de livres d'un caractère plus sérieux, je dois citer un ouvrage urdu sur la « science » ou plutôt sur la « philosophie de la médecine ['ihn-i tibb) » , par le cazi Ilahi-bakhsch, d'Amrilsir, où je remarque les chapitres sur l'air et la nourriture, le sommeil et le réveil, le repos et le mouvement ; puis : Tabiyîn ussanâ'î « Explication des arts», par le maulawi Muhammad uddin. Ma'dan ulhikmat « la Mine de la sagesse », grand traité de médecine en urdu et en anglais, publié par le saïyid Gulam-i Huçaïn, avec un vocabulaire des mots techniques; in-80 de 499 pages. Tahsîb-i Ihçâni«- l'Hygiène d'Ihçan », par le hakîm Ihçan Ali. Mufradât-i Razzâquî « les Médecines simples de Razzac », traduction en urdu, par Hacib uddin, de l'ouvrage persan intitulé Mufradât-i Nacirî. Ja'grajiya tabH « Géographie physique », à l'usage des élèves du Madraçat ul'ulûm Miiçalmanân, par le munschi Muhammad Zuka ullah, professeur de mathématiques au collège d'Allahabad. Cet ouvrage, à en croire YAwadh Akhbâr (1), est un véritable chef-d'œuvre. L'auteur est déjà connu par plusieurs ouvrages. Ce fut lui qui, avec l'aide de feu Francis Taylor, traduisit en hindoustani ma « Notice des biographies originales des poëtes urdus (2) ». Quîças-i Hind « Histoire de l'Inde », anecdotes tirées de l'histoire de l'Inde musulmane ; Lahore, in-8°de 170 pages. Wâquî'ât-i Hind « Événements de l'Inde », histoire complète de l'Inde ; Lahore, in-8° de 180 pages. Kitâb ussa'âdat « le Livre du bonheur », leçons de morale, par Muhammad Ikram uddin, de Dehli. (1) Xfo du 19 mat 1876. (2) « Hist. de la littér. hind. », t. III, p. 362. — 41 — Burhâpé nâma « le Livre de la vieillesse ». Sur les inconvénients de cet âge, par Nazir ; in-8°, imprimé à Dehli. . Quissa-i Haquîcat Râé, curieux ouvrage hindi, par Agra Singh, sur les persécutions des musulmans à l'égard d'un saint hindou nommé Haquicat Raé. Jalwa-i tauhîd « Manifestation de l'unité divine » , d'après le Bhagavat guîta, par Mul Chand ; in-8° de 32 pages, imprimé à Dehli. Kaschf ulhijâb « Exposition de la réclusion », règles à suivre pour la réclusion des femmes, par Nizam uddin ; imprimé à Madras, in-4°. Bahr ulhaquîcat « l'Océan de la vérité », poëme religieux, par Haçan ; in-8" de 68 pages, publié à Cawnpur. Diwân-i Niyâz, « le Diwan de Niyaz (Schah Niyaz Ahmad) (1) » ; grand in-8" de 63 pages, publié aussi à Cawnpur. Tawârîkh-i Amérika « Histoire d'Amérique », par Lakschmandas, ouvrage publié sous les auspices de la Société littéraire de Dehli ; premier volume, de 249 pages, contenant l'histoire de l'Amérique depuis les temps les plus anciens jusqu'en 1498 de l'ère chrétienne. Enfin, on annonce la publication à Lahore de la traduction des quatre ouvrages suivants, les uns en hindi, les autres en urdu : « Brain's Mental Science, Fowle's Logic, Taylor's Ancient History, Huxley's Physiology. » On trouve de temps en temps dans les journaux hindoustanis d'intéressantes pièces de vers. VAwadh Akhbâr, par exemple, en donne entre autres du munschi Muhammad, dont le surnom poétique Ilâhyâr « l'Ami de Dieu », composé .hybride, n'a été pris par aucun autre poëte (2). Ce même journal (3) donne deux petits gazais « enchanteurs (1)Sur ce poëte, voy. mon i Hist. de la littér. hind. t, t. II, p. 473. (2)JV°S du 23 et du 26 avril 1876. (3)N° du 12 mars 1876. — 42 — [j'âdû racam)», dus au poëte « sans pareil (bé-nazir) » Taskhîr, intendant de l'ancien roi d'Aoude, W'ajid Ali, et le même, probablement, que le Taskhîr mentionné dans mon n Histoire de la littérature hindouie et hindoustanie » (1). On y trouve enfin (2) des gazais du munschi Gulam-i Muhammad Khan, deDehli, surnommé poétiquement Hurrat «Liberté» ; de 'Aquil (Bhagwan-dayal) ; de Maschhadi (le munschi Saïyid Amir Ali), du Guzarate, auteur de plusieurs ouvrages, et du nabab Wali (souverain), de Rampur, qui a pris le surnom poétique de Nawàb (nabab) et dont le » Recueil de poésies » ou Diwân a vu le jour (3). Le Panjâbî donne fréquemment aussi des gazais hindoustanis. J'en remarque un (4) de Bascharat (5) et plusieurs pièces traduites de l'anglais par Muhammad Haçan (6). Sous le titre de Gulkada-i riyâz « la Maison de rose des jardins i), l'éditeur du Riyâz, ulakhbdr (7), de Khaïrabad, annonce la publication d'un « Recueil de gazais » des poëtes contemporains les plus distingués, recueil auquel il a mis pour épigraphe un hémistiche hindoustani qui signifie : Le printemps arrive après la saison d'automne », par allusion à la renaissance actuelle de la poésie urdue. Et, à ce propos, je dois dire que je n'ai plus rien trouvé dans les journaux indiens, au sujet des Muschâ'ara (8) spéciaux qui se tenaient sous les auspices du gouvernement à Lahore, mais qu'il continue à s'en tenir habituellement à Dehli, à Calcutta et dans les principales villes de l'Inde; et c'est là que Nassakh (1)T. III, p. 225. (2)Awadh Akhbâr du 17 mai 1876. (3)Awadh Akhbdr du 22 septembre 1876. ('<•) N° du 26 avril 1876.

(5)Le même probablement qui est mentionné dans ma e Revue » de 1875, p. 37, comme auteur d'un Tawîl-i mandm. Baschdrat signifie « Bonne nouvelle, Évangile. » (6)Panjâbî du 30 septembre 1878. (7)Je parlerai plus loin de ce journal. (8)On n'a pas oublié que ce mot signifie « Réunion poétique ». — 43 -* a eu l'occasion de rencontrer un grand nombre des poètes qu'il mentionne dans son Snkhan-i schu'arâ. Le Tâj ulakhbâr (1) annonce, par exemple, qu'à Rampur, le muscha'ara se réunit le 14 de chaque mois. Dans la séance de juillet, à laquelle assistèrent des poètes déjà connus, des omra, des officiers ou fonctionnaires du gouvernement et des débutants, on lut d'abord un gazai, fort applaudi, dû au souverain de Rampur même, puis un autre du munschi Amir (Amir Ahmad), suivi de la lecture de plusieurs pièces de vers jusqu'à minuit, lorsque le canon donna le signal de la retraite. En fait de réimprassions, je signalerai celle du premier ouvrage du saïyid Ahmad Khan, YAçâr ussanâdîd « Histoire des anciens monuments de Dehli (2) », dont il y avait déjà eu à Dehli deux éditions, en 1849 et 1854. Cette fois, c'est à Lakhnau, et à l'imprimerie de YAwadh Akhbâr, qu'il est réimprimé, les éditions antérieures étant épuisées. Puis la nouvelle édition des kulliyât du célèbre poète mystique urdu Schah Turab (3), qui se composent de son diwan, de son masnawi intitulé 'Aschic o sanam « l'Amant et son idole », et de beaucoup de ihumrî (4). Je dois citer aussi la réimpression du Râmâyana de Tulcidas, sous le titre de Râm bilâs «■ Faits et gestes de Rama ». Dans l'attachant petit volume intitulé « Lahore » et imprimé dans cette ville, nous apprenons que les bhats, appelés aussi mirâcî (5), tribu héréditaire de chanteurs à gages, font entendre aux noces et aux autres fêtes et céré-. monies quelconques des chants et des récits qui forment la (1)Sur ce journal cité dans VAwadh Akhbâr du 19 juillet 1876, voy. ma • Berne » de 1875, p. M. (2)C'est sous ce titre que j'en ai publié la traduction en 1860. (S) Voy. l'article consacré à cet écrivain dans mon « Hist. de la lifter. hind. », t. III, p. 246. (4)Sur ce poème, voy. 1' « Hist. de la littér. bind. », t. Ier, p. 17. (5)Ce mot, qui est arabe, signifie proprement « héritier j . _ A4 — littérature populaire du pays. Lala Bahari Lai, un des personnages les plus lettrés de Lahore, a composé un recueil d'hymnes destinées au Sat sabhâ « l'Association de la justice », société de réforme hindoue. On trouve un spécimen de ces hymnes dans l'ouvrage dont il s'agit et aussi quelques chants populaires contre les innovations anglaises. Les ouvrages religieux, soit chrétiens, soit musulmans, sont toujours en très-grand nombre. Je ne cite ordinairement que les principaux, évitant surtout de mentionner les nouvelles éditions ; mais je ne veux pas manquer de parler aujourd'hui de l'édition du Nouveau Testament en hindoustani qui fait partie du « Paragraph Bible » publié sous le patronage de la a Société des Traités et livres religieux « de Londres, par le Rév. R. C. Mather, ancien éditeur de « l'Ami de l'Inde », journal hindoustani de Mirzapur. Cet érudit missionnaire a été aidé dans la tâche difficile de la correction des épreuves de cet ouvrage par son fils, Mr. Cotton Mather, professeur d'hindoustani au Collège royal des ingénieurs civils. Ce Nouveau Testament est enrichi de deux cartes, la première représentant la Palestine au temps de Notre-Seigneur, la seconde dressée pour l'intelligence des Actes des Apôtres. La traduction est accompagnée des parallèles, c'està-dire de l'indication des textes, soit concordants, soit explicatifs, de l'Ancien et du Nouveau Testament, et de notes pour éclaircir les passages obscurs ou qui ont besoin de développements. Chaque partie est aussi précédée de préfaces où sont traitées les questions qui peuvent donner lieu à contro verse. Le texte est en hindoustani pur et élégant. Je dois mentionner aussi les <■<■ Hymnes chrétiennes (Christian Hymns) » du munschi Schuja'at Ali,, publiées par la mission baptiste, et le curieux ouvrage intitulé « The Arian Witness (1) » sur les témoignages hindous en faveur de l'histoire biblique, et des rudiments de la doctrine chré(1) Calcutta, 1875, in-8° de 348 pages. — 45 — tienne parle Rév. K. M. Banerjea, savant Hindou converti au christianisme et devenu prêtre de l'Église anglicane. Banerjea maintient dans cet ouvrage que les Hindous aryens reconnaissent l'unité de l'espèce humaine ; il nous apprend qu'il a trouvé dans le Rig-véda le nom de Jéhovah ; il soutient, comme je l'ai fait il y a longtemps (1), que la doctrine dogmatique et l'histoire de Krischna, qui semble la même que celle de Notre-Seigneur, bien que défigurée par l'exagération et le sensualisme asiatique, n'ont été propagées que très-tard dans l'Inde et ne sont qu'un reflet lointain des prédications apostoliques. Le Rév. Hindou soutient même que ce n'est pas avant le huitième siècle que Narada, qui avait eu une vision dans la « terre des blancs », reproche à Vyaça d'avoir ignoré la gloire sans tache du Seigneur, de ne l'avoir pas célébrée comme il l'avait fait pour les cérémonies extérieures (2). C'est dans le Narada pancharâtra « les Cinq Nuits de Narada », ouvrage écrit huit cents ans après JésusChrist, qu'on lit que Narada entendit une voix qui lui dit : « Laisse tes austérités, aie foi en U'ischnu qui brise les fers du monde. » Banerjea fait observer que ce fut dans la terre des blancs que Narada prit ces idées, qu'il connut le Sauveur et qu'il le confondit avec Krischna, qui, sous le nom de Hari, représente, d'après l'étymologie sanscrite, « Celui qui efface ( les péchés ) » . En fait de publications religieuses musulmanes, je me bornerai à mentionner les suivantes : Tafsîr-i Curân « Explication du Coran «, publiée dernièrement à. Bombay par le maulawi Muhammad Salim (3). (1)Entre autres, dans la lre édit. de mon « Hist. de la littér. hind. «, t. II, p. 77, et2"édit., t. II, p. 227. (2)Page 233 de l'ouvrage de Banerjea, qui cite toujours les textes sanscrits à l'appui de ses assertions. (3)Il ne faut pas confondre cet ouvrage avec d'autres livres qui portent le même titre et dont j'ai déjà parlé, entre autres avec celui du saïyidlmad Ali (schiite), mentionné dans ma « Revue » de 1873, p. 18. — 46 — Zînat ulcârî « l'Ornement du lecteur (du Coran) « , par Muhammad Inâyat Ahmad. Règles pour la lecture régulière du Coran, grand in-8" de 96 pages, imprimé à Bombay (1). Râh-i imân « le Chemin de la foi », catéchisme musulman, de 44 pages in-4°, par le maulawi Muhammad Jafar, imprimé à Madras. Akhbâr-i mâtam « Nouvelles du deuil », par Muhammad Huçaïn, récit schiite de la mort de Haçan et deHuçaïn, infolio de 1266 pages, imprimé à Cawnpur. Tahrîr uschschahadataïn « Histoire de deux témoignages (martyres) » de Haçan et de Huçaïn, par le maulawi Waris Ali. Lakhnau, 1875, 104 pages (2). Le hakim Muhammad Nacir Ali a aussi publié à Lakhnau un ouvrage sur le même sujet, de 372 pages, qu'il a intitulé, d'après son nom, Nâcir uschschahadataïn « le Protecteur par les deux témoignages » , et un poëme sur le mi'râj ( ascension de Mahomet au ciel), sous le titre, encore d'après son nom, de Nâcir ul'aschiqidn « le Vainqueur des amants (de Dieu) » . Sous le titre de Mi'râj-nâma « Livre de l'ascension », le haji Camar uddin a publié aussi à Lakhnau un poëme de 56 pages sur le même sujet. Kuhl ulbaçar « le Collyre de la vue », poëme sur la naissance de Mahomet, par Muhammad Aschic Ali Tamanna, de 64 pages; Lakhnau, 1875. Hadîcat ulauliyâ « le Jardin des saints (musulmans) », par Gulam Sarwar, de Lahore (3). Cet ouvrage contient des notices sur les schaïkhs et les ulémas les plus respectables qui existent actuellement à Dehli, à Lahore et dans d'autres (1)J'avais indiqué cet ouvrage dans mon c Hist. de la Iittér. hind. », t. III, p. 401, mais sans en désigner l'auteur. (2)Dans mon « Hist. de la Iittér. hind. », 2° édit., t. II, p. 201, j'avais donné au titre de cet ouvrage un autre sens, et j'avais pensé qu'il était probablement écrit par Kkurram Ali ; mais ce que j'ai dit doit être rectifié sous ce double point de vue. (3)Panjâbi du 13 mai 1876. _ m — villes du Penjab ; et aussi sur les lignées spirituelles des cadiriya, des nacschbandiya, des chichtiya, etc. Quissa-i Halîma Sâdîca. « Histoire de sainte Halima », nourrice de Mahomet ; in-8", Cawnpur. On sait que beaucoup de musulmans se font un scrupule de manger avec les chrétiens ; d'autres, plus libéraux, n'y voient pas d'inconvénient, et c'est un de ceux-ci, Khan Ahmad Schah, qui a composé et publié à Lahore un traité ad hoc, intitulé Izkdr-i hacc « Manifestation de la vérité », en 32 pages in-8°. Je ne cite généralement que par exception les livres élémentaires publiés, soit par les Indiens, soit par les Européens. Cette fois je vais d'abord, à l'appui de ce que j'ai dit bien des fois, que l'hindoustani est aussi usité au Bengale que le bengali et l'anglais, mentionner deux volumes dans ces trois langues, dernièrement publiés, savoir : le Dâhyârnab <■<■ l'Océan des phrases », en urdu, en bengali et en anglais, recueil des phrases les plus usitées, par Anand Chand Mukerji (brochure de 16 pages) ; et le Punya Ichétra parbba u Traité des lieux célèbres de pèlerinage » , par Jaya Chandra Sen-das, aussi en hindi, en bengali et en anglais (116 pages). Puis je dois citer Mufid-i 'âm «■ l'Utile à tous », grammaire anglaise#très-développée, terminée par une collection de vers des différents genres usités en hindoustani, par le saiyid Muhammad Nusrat Ali, auteur de nombreux ouvrages dont les titres sont annoncés sur la couverture du volume dont je parle, qui est un in-18 de 132 pages; Delhi, 1873. Chhand aur Pingala « Métrique et prosodie hindie », par Bikhari Lai; 78 pages, Lakhnau, 1875. Raschhàt-i Safir « Effusions de Safir » , ouvrage de philologie grammaticale urdue ainsi appelé du nom de l'auteur, le saïyid Farzand-i Ahmad, de Belgram, surnommé poétiquement Safir (1). (1) Ce poète est mentionné dans mon « Hist. de la littér. hind. », t. III, p. 442. — 48 — Masdar-ifaïyûz «■ Source d'abondance », grammaire persane, en urdu, par Nazir uddin, de Lahore, in 8° de 80 pages. Ahçan ulcawàïd « la Meilleure des règles », autre grammaire persane très-développée, par le maulawi Najaf Ali Khan, de Bareilly ; in-8° de 27G pages. Ca'ïda-i urdu « la Règle de l'urdu », grammaire hindoustanie, par Schams uddin, imprimée à Lahore. « Petit Manuel français-hindoustani, avec vocabulaire et dialogues », par le Dr. H. Aurilac, in-12 de 119 pages. Dans ma «Revue » de 1875, j'ai annoncé la mise au jour du premier fascicule du grand « Dictionnaire urdu » du Dr. S. W. Fallon, dont il est parlé avec de grands éloges dans les journaux indigènes (1). Aujourd'hui je puis nonseulement annoncer celle des deuxième, troisième, quatrième fascicules, mais une seconde édition retouchée du premier, ce qui prouve que le savant auteur s'occupe toujours sans relâche de ce travail colossal que j'espère voir arriver à bonne fin. J'ai la même espérance pour le Dictionnaire hindoustani-français qu'un de nos plus studieux et meilleurs élèves, M. F. Deloncle, a entrepris sous ma direction , encouragé par de hauts patronages et secondé par Un éditeur intelligent. J'avais aussi annoncé la prochaine publication de la « Grammaire hindie du Rév. S. H. Kellogg » ; la chose s'est réalisée, et l'auteur m'a bienveillamment envoyé un exemplaire de cette publication, qui est non-seulement une grammaire de l'hindi de Tulcidas, mais de celui qui est parlé en Marwar, à Kamaun, en Aoude, à ïîaghelkhand, à Bhajpur, etc. L'ouvrage est très-érudit ; le sujet est traité à fond, les légères différences provinciales sont ramenées, avec bonheur, aux formes régulières, et leur unité est démontrée par la syntaxe. Ce travail magistral est complété par une prosodie hindie, chose très-essentielle, car les textes origi(1) Entre antres, dans l'Awadh Akhbdr du 20 août 1876. — m — naux lundis sont généralement en vers ; et les vers y sont réglés parla quantité des syllabes, comme en sanscrit, en grec et en latin, et non simplement par le nombre des lettres, comme dans la prosodie arabe, si ce n'est qu'ils sont rimes, à l'imitation des langues de l'Orient musulman. Un ouvrage qui confirme les idées du Rév. Air. Kellogg, c'est l'édition critique accompagnée de notes savantes que Mr. Frédéric Pincott a donnée du drame de Sakuntala reproduit en hindi par Kunha Lakschman Singli, et publiée à Calcutta il y a quelques années dans le Gutka ou « Hindi Reader (1) » du babu Siva-praçad, mentionné sous son surnom poétique de Wahbî dans mon « Histoire de la littérature hindoustanie (2) «. J'ai donné moi-même dans la « Chrestomathie hindouie et hindoustanie », publiée sous ma direction par M. Ed. Lancereau, le texte, et ailleurs la traduction (3), de l'histoire originale de Sakuntala d'après le Mahabharata. On annonce aussi la prochaine publication d'une grammaire de l'hindi oriental (A Grammar of the Eastern hindi ), c'est-à-dire de la langue vulgaire de l'HindousIan de l'est et du Bengale de l'ouest, par le Rév. A. F. R. Ho.ernle. On pourra donc connaître maintenant à fond le dialecte hindi, qu'il est aujourd'hui de mode de mettre en relief au détriment de l'urdu, de même que dans le midi de la France les félibres le font pour l'ancienne langue d'oc, préférant même se servir de ce dialecte qui change à tous les villages, plutôt que d'employer la belle langue française fixée par les grands écrivains des siècles de Louis XIV et de Louis XV. Quant aux ouvrages qui, se rapportant à l'Inde, ont néces(1)J'ai fait connaître ce recueil dans ma « Revue » de 1870, p. 24, et l'auteur dans mon « Hist. de la littér. hhid. », t. H, p. 218 et suiv. (2)Voy. « Hist. de la littér. bind. », t. III, p. 268 et suiv. • (3) Elle est reproduite dans le volume intitulé • Allégories, récits poétiques, etc. >, p. 517 et suiv. 4 — 50 — sairemenl trait aussi à lajangue dont je m'occupe ici, je ne dois pas manquer de citer les « Notes of an Indian Journey » de M. Grant Duff, dont j'avais parlé l'an passé, à l'avance (1). Elles oVit paru, et elles confirment l'opinion favorable que j'avais émise sur ce savant et intéressant écrit, qui est enrichi d'une carte des pays que cet homme d'Etat distingué a parcourus avec intérêt pour lui-même et pour ses lecteurs. Je ne veux pas non plus oublier de mentionner le magnifique volume orné de belles illustrations,pholographiées sur les tribus et les monuments des « iVilguiris » (2), par feu J. W. Breeks, édité par sa veuve, et dont un exemplaire m'a été généreusement envoyé par le secrétaire d'État pour l'Inde par l'entremise de l'honorable Mr. Forbes Watson, directeur de « l'East India Muséum » . Sur les confins des Provinces nord-ouest de l'Inde, on parle différentes langues. 11 est difficile aux officiers du gouvernement anglais de les savoir toutes ; aussi ceux qui sont employés dans ces parages y renoncent-ils et ne rêvent-ils que leur changement. Pour obvier à cet inconvénient, un officier anglais a publié un Recueil des phrases les plus nécessaires et dont l'emploi est forcément fréquent, en anglais (avec la prononciation figurée pour les indigènes), en hindoustani, en persan et en puschtou, et cette publication est recommandée par YAwadh Akhbâr (3). III. « Il n'y a pas longtemps, dit le Panjâbî (4), que l'Hindoustan, qui est un pays immense et qui fut jadis le berceau de toutes les sciences et de tous les arts, était appelé « contrée ténébreuse »... Mais maintenant que depuis un (1)t La Langue et la"littérature kindoustanies en 1875 », p. 64. (2)i An account of the primitive tribes and monuments of the JVilagiris », grand in-48 ; London, 1873. (3)N° du 3!) janvier 1876. , (4)N° du 7 juin 1876. — 51 — certain temps les journaux y sont en circulation, le progrès qui éclaire le monde s'y manifeste. Ainsi, bien que la lumière primitive et l'éclat antérieur ne lui soient pas revenus, néanmoins ces temps-ci valent mieux que les temps dernièrement écoulés. Par l'effet des journaux, une certaine instruction s'est répandue dans toute l'Inde, qui, au lieu d'être appelée contrée ténébreuse, c'est-à-dire terre d'ignorance, pourra être nommée à juste titre terre lumineuse , parce qu'au moyen du flambeau des journaux, le peuple sort en effet des ténèbres de l'ignorance et va s'abreuver à la fontaine de la science et de l'excellence qui conduit à l'amélioration des mœurs » Maintenant des journaux de toute espèce, hindoustanis, anglais, persans et arabes (1), sont répandus dans ce pays. A mesure que le nombre des journaux augmente, l'instruction fait des progrès et devient plus générale. Il est donc à espérer que dans peu de temps l'Hindoustan sera à l'unisson des pays d'élite. Que d'avantages ne résultent pas des journaux ! C'est par eux que ebaque jour des arts et des inventions extraordinaires sont dévoilés, que des dispositions politiques, que des questions ingénieuses, que des discussions scientifiques , que des déductions rationnelles sont manifestées aux gens d'esprit qui réfléchissent et qui s'appuient sur la raison et sur l'expérience. La situation des pays étrangers ..leurs mœurs et leurs usages, qu'on ne peut connaître en parcourant des livres pendant toute la vie, nous sont connus par une seule feuille de journal. Les journaux peuvent faire l'office d'un conseiller bienveillant; par leur moyen, la réforme du pays est possible. Cette contrée jouit de la sécurité et de la tranquillité dans laquelle la liberté de la presse (1) 11 y en a un seul dans l'Inde, qui est cejui de Lahore, intitulé Muftd-i 'âm « l'Utile à tous j . H. Hassoun, savant syrien, vient d'en fonder un à Londres sous le titre de Mirât ulahwâl « le Miroir des événements ». 4. — 52 — existe ; dans le pays au contraire où il n'y a pas de journaux, les sujets ne sont jamais tranquilles. Au moyen des journaux le gouvernement sait ce que- pensent les sujets, et ceux-ci connaissent les dispositions,du gouvernement. Les avantages des journaux sont incontestables... « Le 'Alîgarh AJthbdr(l) loue beaucoup le lieutenant gouverneur du Bengale, sir Richard Temple , de son bon vouloir relativement aux journaux indigènes. Il fait observer avec raison qu'il faut distinguer les critiques bienveillantes des critiques malveillantes. « Le gouvernement peut profiter, dit-il, des premières et en être même reconnaissant, car les opinions indépendantes sont utiles à connaître et méritent de la considération. Il y a quelquefois même à profiter des critiques malveillantes, car souvent cette malveillance apparente cache une intention favorable au gouvernement. Le lieutenant gouverneur est persuadé de la justesse de ces réflexions, et il est disposé à y appliquer son attention. Si les journaux étaient toujours favorables au gouvernement, on pourrait croire que c'est par crainte et que le mécontentement renfermé dans le cœur n'ose se manifester, au lieu qu'en les exprimant les journalistes viennent en aide au gouvernement. Alors, lorsque les journalistes louent l'administration sur une mesure qu'elle prend, on ne peut doutçr qu'ils ne soient sincères. Le lieutenant gouverneur voit avec plaisir que les Indiens sont attachés au gouvernement anglais et qu'ils le préfèrent à tout autre gouvernement européen, spécialement au gouvernement de la Russie, qui semble s'avancer vers l'Hindoustan. L'appréhension que les indigènes paraissent avoir d'être un jour sujets de cet immense empire est une preuve de leur amour pour l'Angleterre , qu'ils savent être plus libérale, et sous la domination de laquelle leur position, leur fortune, leur honneur, leur religion n'ont rien à craindre. « (1) N° du 25 février 1876. — 53 — Depuis environ quarante ans on publie des journaux dans l'Inde ; maintenant ils sont très-populaires, et pour me servir de l'expression d'un de ces journaux (1), « ils vont de rue en rue et de maison en maison ». Le Pànjâbî (2) constate que le nombre des journaux hindoùstanis s'accroît toujours, et il regrette en même temps la tendance que paraît avoir le gouvernement de.restreindre la liberté de la presse en interdisant aux fonctionnaires du gouvernement d'y donner des communications. 11 fait observer que les journaux écrits en anglais ont beaucoup plus de facilité pour connaître les nouvelles ; et que priver les journaux indigènes des moyens de se les procurer leur ôterait tout intérêt. Il est avantageux pour le gouvernement même de connaître l'opinion des natifs sur ses actes, et comment la connaîtrait-il si la presse n'était pas libre ? Il faut donc espérer qu'on ne retirera pas ce qui a été accordé depuis si longtemps. Le Jàm-i Jamsched (3) se plaint du peu de cas que les journalistes anglais paraissent faire des journalistes indiens, attribuant à mal leurs meilleures idées. « Ces journaux, dit-il, qui se flattent d'être le véritable thermomètre (4) du progrès et de la décadence, dénient cet avantage aux journaux indiens, mais les journaux de l'Hindoustan se moquent de leurs railleries. Ils ont secoué leur insouciance et leur paresse, et ils profitent de la liberté que le gouvernement leur laisse ; ils disent franchement ce qu'ils pensent, réfutant les accusations injustes dont ils sont l'objet, telles que celles de soutenir les rajas hostiles au gouvernement et d'être même payés par eux pour prendre leur défense dans l'occasion, ce (1)L'Awad/i Akhbâr du 5 novembre 1875. (2)N° du 13 mai 1876. (3)C'est-à-dire « la Coupe de Jamsched », journal hindoustani de Mirât, copié par le 'Alîgarh Akhbâr du 10 mars 1876. (4)Ce mot européen est employé par le journal hindoustani. — 54 — qui est d'autant plus faux que les rajas et autres chefs indiens ne tiennent aucun compte de ces journaux et ne les lisent même pas. Le fait est que les journaux indiens ressemblent tout à fait aux journaux anglais, et qu'ils sont aussi indépendants, mais moins énergiquement. On peut les comparer à une épée un peu èmoussée, et les autres à une êpée tranchante. Au reste, les pauvres rajas indiens ont une peur effroyable des journaux anglais ; ils les craignent plus que le vice-roi lui-même ; et s'ils veulent les réfuter au moyen des journaux indigènes, rien n'est plus juste. Le gouverneur général ne dit plus, comme autrefois, aux rajas : Nous vous ferons descendre de votre trône; mais les journaux anglais, comprenant d'avance les mesures qu'on sera forcé de prendre, font entendre des menaces. La crainte qu'ont donc les natifs des journaux anglais n'est pas vaine. C'est ainsi qu'ils réfutent les articles hostiles et font parvenir leurs observations au gouvernement. Les journalistes anglais devraient considérer les journalistes indiens comme des confrères, et vivre en bonne harmonie avec eux, comme les deux yeux d'un même visage. Sans cela, les Indiens useront de représailles, et on ne pourra les en blâmer. » ii 11 y a en Hindoustan, dit YAwadhAkhbdr (1), différents genres de journaux : 1° les journaux anglais, dont les éditeurs sont Anglais et considèrent comme un devoir de soutenir en tout les idées anglaises ; 2° les journaux rédigés par les écrivains indiens, où les nouvelles sont données en hindoustani, en persan, en bengali, en mahratti, en anglais, etc. Ces derniers journaux, bien qu'écrits en différentes langues, ne forment qu'une même catégorie parce que leur but est le même, c'est-à-dire qu'ils ont en vue l'amour de leur pays, la défense des pauvres indigènes, parmi lesquels ils veulent introduire des améliorations, et que, sans se départir de bon vouloir pour le gouvernement, ils prêchent (1) N"<lu 10 mai 1876. — 55 — une sage liberté, et se plaignent lorsqu'il y a déni de justice. Quoique maintenant la liberté de la presse ne soit pas complète, nous devons profiter de la latitude qui existe et demander que Dieu la maintienne. Les journaux urdus et hindis, persans et arabes, et les journaux anglais dont les éditeurs sont indiens, aiment vraiment leur pays et aussi le gouvernement anglais, auquel ils donnent beaucoup de force en le soutenant avec indépendance. Au contraire, les journaux anglais dont les rédacteurs et les correspondants sont européens, s'intéressent peu au bien-être des Indiens, et, en donnant leur avis sur la situation de ce pays, qui leur est étranger, ils émettent beaucoup d'idées faussés. C'est précisément à cause de cela que les journaux indiens agissent avec liberté pour donner de bons avis, car ils se rendent bien compte des mauvaises idées qu'on peut avoir. Ainsi, les journaux anglais sont hostiles à notre liberté de la presse par jalousie, et ils sont d'avis qu'il faut nous en priver. Toutefois, le gouvernement n'avait jamais fait attention à ces insinuations, si ce n'est en dernier lieu ; mais on est habitué à la liberté des journaux indiens, et elle subsistera, comme l'annonce le Times de Bombay (1). » Le 'Alîgarh Ahhhàr (2) dit de son côté : « Depuis quelque temps, nos journaux craignent qu'il ne soit adopté à leur sujet un nouveau règlement. Ils disent que si la chose a lieu, les mains et les pieds des journalistes seront désormais liés, et qu'ils ne pourront rien,écrire qui ne soit agréé par le gouvernement. Cette gêne sera pareille à celle qui existe en Russie pour les journalistes. On dit même que dans cette affaire le silence des fonctionnaires est de mauvais augure. On assure que le duc d'Argyle, nommément, se plaint de la hardiesse des journaux hindoustanis, et que ses subordonnés (1)Dans un article du 29 avril, traduit en hindoustani dans l'Awadh Akhbâr du 7 mai 1876. (2)N» du 12 mai 1876, d'après le « Times of India » du 29 avril 1876. • — 56 — disent que, s'il n'y en avait pas, l'Inde sérail un paradis pour les fonctionnaires de l'État, Cesjournaux, en effet, épluchent la conduite de ces fonctionnaires, et, naturellement, ceux-ci sont mécontents. Quelques-uns de nos contemporains annoncent q,ue le gouvernement est disposé à éteindre les lumières de l'Hindoustan et à y répandre partout les ténèbres ; mais nous pensons qu'il n'y a pas de crainte à avoir à ce sujet. Si nous savions que cette appréhension eût quelque fondement, non-seulement nous nous plaindrions hautement, mais nous démontrerions les inconvénients de la censure sur les journaux dont on nous menace ; car si on nous privait de la liberté de la presse, l'avantage que le pays retire des journaux serait anéanti. Si les journaux n'existaient plus dans l'Inde, le gouvernement ferait tout ce qu'il voudrait, et il n'y aurait personne pour montrer au doigt ce qui pourrait être défectueux. Toutefois, comment les Anglais aimeraient-ils les restrictions dont on parle et permettraient-ils de les établir ? Nous sommes donc certains que cette mesure n'aura pas lieu, et qu'aucun changement ne sera apporté à la liberté des journaux. » Malgré tout ce qui précède, il est très-vrai que le gouvernement songe à imposer une censure modérée aux journaux indigènes, qui abusent quelquefois, il est vrai, de la liberté dont ils jouissent (1). En Cacbemyre, la presse est libre, car le premier ministre du maharaja l'a déclaré à un de ses employés qui se plaignait à lui d'un article du Tuhfa-i Kaschmir (2). Ce qui est certain, c'est que, ainsi que l'a dit Mr. C.-W. Leitner (3), « lorsque l'Orient aura les journaux à bon marché (libres, cela va sans dire) et des chemins de fer, pourvu qu'il n'imite pas servilement l'Occident dans ses réformes, il reprendra (1)« Indian Mail n du 25 septembre 1876. (2)'Alîgarh Akhbâr du 5 novembre 1875. (3)« Public Opinion», de Labore, du 27juillet 1876. — 57 — certainement la position que, grâce au génie naturel de ses peuples, il avait autrefois. » Voici la liste par ordre alphabétique des noui-eaux journaux hindoustanis : Aïna-i tibâbat « Miroir de la médecine, » , journal de médecine en urdu et en anglais, publié par le schaïkh Imam uddin, à Agra. Aschraf ulàkhbâr «. le Plus noble des journaux », journal politique de Dehli. Bahr-i hikmat « l'Océan de la sagesse » , journal mensuel de médecine par le Dr. Rahim Khan, publié à Lahore. Bombay Gazet (Gazette), cité dans VAwadh Akhbâr du 2 janvier 1872. Câcid-i Patna « le Courrier d'Azimabad ou Patna » , cité dans la Saïantifik d'Aligarh. Farhat ulahbâb « la Joie des amis », journal de Bombay, rédigé par le munschi Muhammad Ala uddin, contenant des articles de morale, d'histoire, de géographie et les nouvelles courantes. Il est hebdomadaire et paraît tous les vendredis. Ganjîna-i cawânîn-i Hind « Trésor des règlements de l'Inde » , journal mensuel de droit, publié à Lahore. Ganjîna-i Nazâïr « Trésor des notables », sorte de a- Bulletin des lois», publié à l'imprimerie du Koh-i nur de Lahore, depuis le 1er janvier 1876. C'est la traduction de 1' « Indian law Report ». Guldasta-i schu'arâ « le Bouquet des poètes », recueil mensuel de poésies urdues qui paraît à Lakhnau. Hîndû bândhawa « Parenté hindoue », journal mensuel religieux (brahmaïste) en hindi et en urdus, par le pandit Schiv Narayan, publié à Lahore. Jabalpûr samàchar « Nouvelles de Jabalpur », journal mensuel de Bénarès, hindi et anglais, publié par le babu Krischan Rao (1). (1) Ce journal serait-il le même que le « Jabalpur Chronicle », journal urdu, mentionné dans ma « Revue ■ de 1873, p. .36 ? — 58 — Jnyân prakâsch « Manifestation de la science », journal hindi de Pouna. Jam' ulahkâm « Réunion des ordonnances », journal urdu, de Lakhnau, publié bi-mensuellemenl par 1' « East Indian Association ». Jawâïb ulàkhbâr <■<■ Nouvelles des journaux », journal •mentionné dans VAwadh Akhbâr du 16 août 1876. Kâyast dharm-prakâsch « Manifestation de la loi pour les Ivayaths », journal bi-mensuel qui contient les actes de la Société religieuse des Kayaths de Lahore. Mariba' ulahkâm « Source des décisions », journal mensuel contenant les jugements des tribunaux nommés « high courts ». , Maryâdà paripati samâchar « Nouvelles relatives aux anciens usages hindous », journal mensuel d'Agra, hindisanscrit, par le pandit Durga-praçad Schakl(l). Mirât uttïbâbat « Miroir de la médecine » , journal mensuel d'Amritsir, par le Dr. Chitan Schah. Murâçala-i Kâschmir « Correspondance du Cachemyre », journal mensuel urdu publié par des pandits de Cachemyre. Mukhbir-i Surûr « le Nouvelliste du contentement », journal hebdomadaire de Bombay dont l'éditeur et le rédacteur en chef, le haji Maula-bakhsch, habile en arabe, en persan, en anglais, etc., peut au besoin faire des traductions en urdu des journaux guzaratis et des journaux turcs de Constantinople, et donner son avis sur toutes les questions du jour. Mît prakâsch « Manifestation de la morale » , riçâla (brochure) hebdomadaire publiée depuis 1875 à Ludhiana par le munschi Kanhaïya Lai, dans le but de réveiller le zèle des Hindous pour leur religion. (1) Ce mot, qui est arabe et qui signifie « figure, forme », est, à ce qu'il paraît, le surnom poétique ou takhallus de ce pandit, qui écrit probablement des poésies nrducs. — 59 — . Prayâg dharmâ-prakâsch <■<■ Guide religieux d'Allahabad », journal mensuel hindi et sanscrit, par le pandit Siv Rakhan. Serait-il le même que le Prayâg dût « le Messager d'AUahabad », mentionné dans ma « Revue « de 1871, page 30 ? Rahbar-i Hind « le Guide de l'Inde », journal de Jalindhar. On y trouve, entre autres, contre les tribunaux anglais un article de critique qui a été reproduit dans le 'Aligarh Akhbâr du 12 novembre 1875. Riçâla-i Anjuman-i muzâkara-i 'ilmiya « Mémorial scientifique » , publication mensuelle du « Literary Club » de Patna. Ce journal est rédigé par le saïyid Muhammad Abu Saïd, secrétaire de la Société. Riçala-i Anjuman-i tahzib-i Kânpûr « journal mensuel de la Société d'amélioration de Cawnpur ». Rîyâz ulakhbâr « le Jardin des nouvelles » , de Khaïrabad. Safîr-i Bûdhâna « le Messager de Budhana », nouveau journal urdu, publié à Budhana; ville du district de Muzaffarnagar, dans les Provinces nord-ouest, me.ntionné dans le Panjâbîàa 21 octobre 1876. Sakal sambodhinipatrika «Feuille de toutes les connaissances », journal mensuel religieux et littéraire en hindi, par Santokh Singh, publié à Amritsir. Satya Mitra « le Vrai Ami », journal de Bombay. Tuhfa-i Kaschmîr « Cadeau du Cachemyre » , journal fréquemment cité dans XAwadh Akhbâr. Urdû Akolah Akhbâr « journal urdu d'Akolah». Le Panjâbi loue la rédaction de ce journal, qui paraît depuis peu de temps dans Akolah, ville située dans le Berar et qui fait partie des domaines du Nizam. On annonce aussi un nouveau journal publié, à ce qu'il paraît, par des convertis hindous, sous le titre de The Aryan, dans le second numéro duquel on trouve un article remarquable sur « la foi et la pratique », sous le point de vue hindou ( « Faith and practice as viewed by. the hindoo —■ 60 — mind »). Il est à désirer que ce journal serve de lien' entre les idées européennes et celles de l'Inde, surtout pour ce qui concerne la religion (1}. ' Le Câcîm ulakhbâr « le Distributeur des nouvelles », dont j'ai parlé dans mon « Histoire delà littérature hindoustanie (2) », a pour propriétaire et directeur Muhammad Cacim Khan, qui a donné son nom au journal. Le journal hindoustani intitulé Tâj ulakhbâr (3) de Rampur, « la ville de Rama, » nommée par les musulmans Mustafa abad « la ville de Mahomet *>, paraît tous les jeudis. Chaque numéro se compose de 16 pages sur deux colonnes. Il est édité par l'aga Ali ÎVaqui, surnommé poétiquement Gam(A), ce qui suppose qu'il est poëte. Le premier numéro <le la nouvelle année 1876 commence par un vers de circonstance qui signifie : « Comment les belles aux joues de rose du siècle ne seraient-elles pas changeantes, puisque l'année change et que le monde éprouve une innovation ? » L'éditeur du Nâcir ulakhbâr de Dehli (5), qui envoie ce journal aux gens du gouvernement à qui il suppose qu'il peut être utile, se plaint de ce que « l'administration ne souscrit plus, comme du temps de sir William Muir, aux journaux hindoustanis. A cette époque, on en achetait cent à deux cents exemplaires pour les magistrats et les officiers quelconques du gouvernement, qui étaient ainsi tenus au courant de ce qui se passait. Au lieu de vingt-cinq mille roupies qu'on employait à cet effet, on n'en emploie plus que dix mille; aussi ces journaux languissent-ils. Si ohaque présidence souscrivait au moins pour cinquante ou cent (1)« Indian Mail »'du 13 mars 1876. (2)T. III, p. 479. (3)Voy. ma a Revue » de 1875, p. 50. (4)C'ect-à-dire « riche i. (5)Cité dans VAwadh Akhbdr du 5 décembre 1875. — 61 — exemplaires de chacun de ces journaux, il en encouragerait ainsi la publication et s'assurerait même de leur sympathie. Il est à désirer que les directeurs des journaux adressent une demande collective au gouverneur général de l'Inde pour obtenir l'ancienne souscription, et probablement il y ferait droit, car la science est préférable à l'ignorance. Les journaux sont comme des arbres qu'il faut arroser et préserver du vent de l'automne, afin qu'ils donnent des fleurs et des fruits et procurent ainsi l'agrément et l'utilité. » Le Jarida-i rozgâr « Feuille du temps ", journal de Madras, qui, ainsi que je l'avais dit dans ma dernière «Revue» (1), avait été fondé à l'occasion de la visite du Prince de Galles, n'a pas manqué de rendre un compte exact de'tout ce qui s'est passé dans cette circonstance. Dans un numéro que j'ai eu sous les yeux (2), on voit le portrait de Son Altesse Royale en costume de franc-maçon, et on lit des détails sur la réception qu'on devait lui faire à Madras. L'Awadh Akhhâr, fondé il y a dix-huit ans, n'a paru pendant quatorze ans qu'une fois par semaine, puis il a paru pendant quatre ans deux fois, et depuis l'an passé il paraît trois fois; mais bien des Indiens voudraient qu'il fût publié quotidiennement, afin que les articles sur la civilisation , sur la politique, sur l'administration, toutes les nom/elles publiées dans les journaux anglais et les articles même hostiles aux indigènes pussent y être traduits régulièrement en hindoustani. Le propriétaire du journal le désirerait aussi, mais avant de s'y décider il voudrait s'assurer de cinq cents nouveaux abonnés. .Manzur Ahmad, de Farrukhabad, demande à ce sujet (3) s'il est en effet convenable que ce journal paraisse tous les jours, ou si on ne pourrait pas se borner à le publier quatre . (1) « La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 », p. 48. (2)Celui du zicada 1292 (11 décembre 1875). (3)Awadh Akhbdr du 3 mai 1870. — 62 — fois par semaine, le vendredi, le dimanche, le mardi et le jeudi, en attendant qu'on puisse le faire paraître quotidiennement, ce qui serait sans doute désirable, car aucun autre journal de ceux qu'il connaît de Constantinople, d'Egypte, de Perse et de tous les coins de l'Hindoustan, en urdu, en persan et en arabe, ne lui paraît à la fois plus développé et plus agréable à lire que YAwadh Akhbâr. Quoi qu'il en soit, rien n'a été encore changé au journal dont il s'agit, et il continue à paraître trois fois par semaine, c'est-à-dire le vendredi , le dimanche et le mercredi ; et son ancien et habile éditeur, le munschi Gulam-i Muhammad Khan, en a repris la direction. Le Ganjîna-iNazâïr, ai-je dit, est une sorte de « Bulletin des lois » . En eflet, d'après un acte de 1875, les décisions du « Privy Council » et du « High Court » sont publiées men• suellement à Calcutta en un recueil spécial depuis le commencement de l'année actuelle. Or, le propriétaire de Vïvaprimerie du Koh-i nûr de Lahore, encouragé par beaucoup de magistrats, en donne, sous le titre ci-dessus indiqué, une traduction en urdu dans la forme du Ganj-i schaïgân(ï), en faveur des indigènes qui veulent connaître les lois et les règlements dejeur pays. h'Aschrqf ulakhbdr. Bien que ce journal soit tout nouveau , c'est un des recueils les plus recherchés et les plus estimés de Dehli. Le propriétaire et le directeur de ce récent organe des natifs est le munschi Muhammad Mirza Khan, qui a l'énergie et l'aptitude nécessaires pour cette entreprise. Il est bon humaniste, il connaît Yinschâ, et on le dit particulièrement instruit dans la science de l'histoire. Ses articles sont parfaits et ses manières de voir mesurées et indépendantes. On a remarqué quelques-uns de ses numé(1) Sur ce journal, voy. mou «  Hist. de la littér. hind, », t. III, p. 480. — 63 — ros, celui entre autres du 1er juin, en faveur du titre de Schâhinschâh donné à la Reine d'Angleterre (1). IV. Les établissements d'instruction publique fondés dans l'Inde ont produit des résultats tels que le gouvernement a pu nommer directeur de l'instruction publique en Bérar un Hindou, déjà principal du collège de Pouna, le rao Saliib Narayan (2). Il est vrai que les journaux anglais de l'Inde se plaignent de cette nomination , et que YAwadh Akhbdr (3) lui-même a répété quelques-unes de ces plaintes tout en louant l'administration pour ce choix particulier. Ces journaux regrettent que des Anglais qui ont subi à Cambridge ou à Oxford des examens satisfaisants ne puissent obtenir dans l'Inde que de petits emplois, tandis que lorsqu'il y a des fonctions importantes à remplir on choisisse des Indiens de préférence à eux. Quant à moi, je crois que le gouvernement agit sagement en faisant participer le plus possible les indigènes aux fonctions petites 'et grandes de l'administration. Il faut d'ailleurs récompenser ceux qui se distinguent dans les collèges. Voici par exemple un Hindou, Krischna Chand Bondopadya, qui a remporté le premier prix à Rurki, laissant derrière lui les élèves anglais , qui ont été les premiers à se réjouir de son triomphe. Je n'ai rien pu dire l'an passé de la séance du comité des finances du Collège musulman anglo-oriental d'Aligarh, qui a été tenue en présence de l'Honorable Sir William Muir, visiteur du Collège, le 11 novembre 1875, n'ayant pas reçu "en temps opportun les documents nécessaires; mais je vais y suppléer cette année, car j'ai sous les yeux le récit circonstancié en urdu de cette séance mémorable. On y apprend que non-seulement les membres du comité, mais tous les (1)Cet alinéa est tiré du Panjâbî du 10 juin 1870. (2)Surnommé « Bhaï Wahan Kidar (frère de Wahan Kidar) >. (3)Dans le n° du 15 octobre 1875. — 64 — raïs du district et tous les Indiens distingués qui s'intéressent à cet établissement dû à la louable persévérance du grand réformateur littéraire musulman, le saïyid Ahmad Khan Balladur, se rendirent à cette séance. Sir IV. Muir, accompagné du saïyid Ahmad, arriva d'abord au bangla(l), qui sert provisoirement de salon de réception, et il y trouva le président du comité et le maulawi Muhammad Sami ullah Khan, secrétaire du Collège. Il visita les boarding houses, et il parla aux professeurs avec son affabilité ordinaire. On aidait préparé pour la séance une salle avec des sièges et tout ce qui avait paru nécessaire. Sir William s'y rendit, et le secrétaire du comité, le saïyid Ahmad Khan, lut alors un rapport en urdu contenant l'exposition de tout ce qu'a fait le comité pour le Collège anglo-oriental, et précédé de l'éloge bien mérité de Sir W. Muir. Je ne le suivrai pas dans les détails qu'il donne, et qui sont généralement connus par ce que j'ai dit auparavant sur ce Collège. Après cet exposé il fut lu une adresse par le professeur sunni d'arabe, le maulawi Muhammad Akbar. Puis le remplaçant du professeur imamien ou schia, le maulawi Saïyid Abbas Haçan, récita un cacida à la louange du vice-roi. Enfin, Sir W. Muir, dont tout le monde connaît l'habileté en urdu, prit la parole en cette langue et fit un discours qui occupe cinq colonnes du journal. Après avoir félicité le comité de l'assistance qu'il a donnée à son ami le saïyid Ahmad Khan pour faire réussir le projet qu'il avait formé depuis si longtemps d'établir ce Collège musulman anglo-oriental, il a dit qu'ayant été nommé visiteur du Collège il avait voulu venir inspecter cet établissement et offrir, s'il y avait lieu, ses conseils. Il n'a pris part à la souscription en faveur de ce Collège que dans l'intérêt des études séculières de la science et de la littérature européennes; et d'après le rapport qu'il venait d'entendre, il (1) Sorte de kiosque ou de chalet, maison d'été. — 65 — voyait que ce but est heureusement rempli. Il expliqua ensuite comment les chrétiens peuvent légitimement s'intéresser à cette entreprise, dont la base est si large et si libérale. 11 plaida à ce sujet la cause des écoles laïques, indispensables dans les Etats où, comme dans l'Inde, il y a plusieurs religions et où le gouvernement ne doit vouloir en imposer aucune, ce qui n'empêche pas de favoriser officieusement, comme il le fait lui-même, le christianisme, à la divine origine duquel il croit fermement, comme aussi aux avantages que procurent ses vérités. Sir William donna ensuite d'utiles avis aux élèves. Après avoir rendu hommage à tous les princes indiens patrons du Collège et surtout au saïyid Ahmad Khan, il termina par l'éloge du comité chargé des intérêts de l'établissement. Je dois ajouter qu'en l'honneur de Sir William il a été fondé par souscription dans ce même Collège une bourse qui portera son nom (1) ; mais ceci concerne plus spécialement les musulmans. Quant à ce qui regarde surtout les Hindous, j'apprends avec plaisir qu'il est question d'élever, au moyen aussi d'une souscription publique, une statue à cet homme de bien, à Allahabad, en souvenir des services qu'il a rendus à l'Inde. Cette proposition, faite par le maharaja de Bénarès, a été favorablement accueillie dans une réunion tenue à cet effet en juillet dernier, et l'Awadh Akhbâr (2) donne la longue liste des souscripteurs pour ce monument, qui fera un égal honneur à l'éminent homme d'État dont il s'agit et aux Hindous eux-mêmes, qui prouvent ainsi qu'ils savent apprécier le mérite. En tète de la souscription figure pour deux mille roupies (5,000 fr.) le maharaja de Bénarès. Un peu plus tard le Collège anglo-oriental eut aussi la visite du maharaja de Pattyala , Mahendra Sing Balladur. On avait disposé dans la salle de la Société scientifique où on le (i) « Muir scholarship. » (2) N°s du 21 juillet, du 18 août et du 1er septembre 1876. 5 — G6 — reçut d'abord, les livres publiés par la Compagnie. Puis on le conduisit au « Tovai Hall «, et là le maulaui Sarni ullah lui lut l'adresse qu'il avait préparée et qui fut suivie de la récitation d'une pièce de vers de félicitation par le maulawi Muhammad Ishac, traducteur des livres que la Société a publiés en urdu. Ensuite le maharaja adressa à l'assemblée une allocution en urdu, pleine de nobles pensées éloquemment exprimées et de traits d'esprit oriental, dans laquelle il promit de gratiûer chaque année ce Collège de la somme de dix-huit cents roupies (4,500 fr.), chose dont il a donné acte et dont le diplôme est publié dans les journaux (1). Il termina par des vœux pour la prospérité de la Société scientifique d'Aligarh, pour celle du Collège et pour le bonheur des Indiens qui vivent sous l'ombre tutélaire de l'Angleterre. Il serait trop long de mentionner d'autres libéralités, telles que celles du maharaja de Vizianagram (2), celles du Nizam d'Haïdorabad et de son grand vizir Sir Salar Jang. Le « 'Aligarh Institute Gazette » ou 'Alîgarh Akhbâr (3) publie l'acte officiel constatant que le gouvernement a donné à perpétuité le terrain nécessaire pour les besoins du « Mohammedan anglo-oriental Collège » à Aligarh. Maintenant ce Collège est définitivement établi, et le saïyid Ahmad, pour se dévouer entièrement à cette œuvre capitale à laquelle il a consacré, on peut le dire, toute son énergie, s'est démis de ses fonctions, bien que lucratives, de juge à Bénarès. Cette détermination fait le plus grand honneur à son caractère et prouve le zèle désintéressé qui l'anime pour le bien-être spirituel et séculier de ses coreligionnaires, quoiqu'il ne soit pas apprécié comme il devrait l'être, les (1)'Alîgarh Akhbâr. du 10 décembre 1875. (2)Le 'Alîgarh Akhbâr du 28 juillet 1876 publie les règles qu'a adoptées le saïyid Ahmad Khan pour l'obtention des bourses fondées par le maharaja de Pattyala et le maharaja de Vizianagram. (3)N° du 25 août 1876. — 67 — musulmans fanatiques n'aimant pas les idées libérales qui semblent présidera son entreprise (1). Quoi qu'il en soit, on ne le nomme plus que le « philanthrope indien » (/7mdûstân kâ khaïr khwâh). A l'occasion de sa démission, Sir John Strachey, lieutenant général des Provinces nord-ouest, lui a écrit une lettre très-flatteuse, et les habitants de Bénarès, tant musulmans qu'Hindous et Anglais, lui ont voté une adresse non moins flatteuse et lui ont offert une belle boîte en argent renfermée dans une gaine dorée (2j. La séance pour la distribution des prix du «. High School » d'AUahabad a eu lieu le 1er avril, sous la présidence de Mr. Justus Turner. Le principal a fait savoir, par son rapport, qu'il y a maintenant cinq cent quatre-vingt-douze élèves. Après la distribution des prix, Mv. Turner a prononcé une allocution dont voici quelques passages : « Le pro-directeur de l'instruction publique (3) a iémoigné de la capacité et du zèle du principal de ce collège, ce que constate le rapport et ce qui est un gage de réussite. En effet, depuis trois ans, le nombre des élèves de ce collège a doublé, et leur aptitude et leurs bonnes dispositions sont arrivées au point que j'ai pu entendre réciter correctement des vers anglais ci voir avec satisfaction les cahiers de mathématiques qui sont sur la table. J'ai été surpris de la grande mémoire des étudiants de ce pays, et soit qu'il s'agisse d'une qualité, ou par cette raison que les enfants indiens ne sont pas préoccupés de leurs jeux comme les enfants anglais, il n'y a cependant pas de doute que la mémoire des enfants indiens ne soit trèsvaste et qu'ils n'aient beaucoup de pénétration. S'ils ajoutent à cela un esprit sain, ils auront le pas sur les Anglais ; car il ne suffît pas seulement d'apprendre et de retenir quelque chose, mais on doit le faire avec intelligence. Il ne faut (1)'Alîgarh Ahhbâr du 21 avril 1876. (2)'Alîgarh Akhbâr du 4 août 1876. (3)Le directeur, M. le capitaine Holroyd, était alors en Europe. 5. — 68 — pas que la semence reste sôche et inutile, mais qu'elle se développe et produise l'arbre et le fruit (1). » . Le professeur Monier Williams, ainsi que je l'avais annoncé l'an passé (2), est allé dans l'Inde, accompagné de sa femme et de sa fille, afin d'y trouver un appui pour réaliser le projet qu'il a d'établir un « Institut indien » . Voici la lettre qu'il adressa de Bombay, le 22 novembre 1875, à l'éditeur du « Times oflndia « : « Comme vous m'avez fait l'honneur d'annoncer ma présence dans l'Inde, voulez-vous me permettre de faire savoir que je ne suis arrivé qu'aujourd'hui du Caire à Bombay. Vous avez bien raison de conjecturer que je suis venu bien plutôt pour prendre des informations que pour faire de la propagande ; mais je dois vous dire tout d'abord que je suis d'accord en grande partie avec vous, relativement à l'opinion que vous avez exprimée dans votre excellent article d'aujourd'hui sur la meilleure méthode de préparer les jeunes civiliens pour l'Inde. « Je crois que le principe du concours public est bon , mais qu'après que les candidats ont été choisis, une résidence obligatoire de deux ans à Oxford vaudrait bien mieux que des études isolées à Londres. Permettez-moi de rejeter l'idée que 1' » Institut indien » projeté à Oxford n'est destiné qu'aux civiliens pour l'Inde. 11 existe en Angleterre une surprenante ignorance en ce qui concerne l'Inde, même parmi les hommes les mieux élevés; mais la présence du Prince de Galles en ce pays, et d'autres causes, doivent faire surgir un grand désir d'être mieux informé. « Le principal objet de 1' u Institut indien » sera de stimuler ce désir et de le seconder en répandant des connaissances correctes à ce sujet. Un autre objet capital sera d'attirer en Angleterre des indigènes déjà instruits. In cer(1)'Aligarh Akhbâr du 14 avril 1876. (2)« La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 », p. 11. — 69 — tain nombre de jeunes Indiens choisis pourraient être logés à l'Université d'Oxford et avoir la facilité nécessaire pour compléter leur éducation sous nos plus habiles professeurs. J'aime à croire par cette raison que l'idée que j'ai d'établir un Institut indien à Oxford sera appréciée par les indigènes de l'Inde les plus éminents et les plus éclairés, et qu'ils joindront leurs noms à la longue liste des personnages illustres dont j'ai déjà obtenu l'appui en Angleterre. » Le professeur Monier Williams a encore mieux expliqué, dans une séance publique de la branche de Bombay de la Société Royale Asiatique, le plan de l'Institut indien qu'il voudrait fonder à Oxford. Cet Institut serait destiné à être un trait d'union pour toutes les personnes qui s'intéresseront aux choses orientales. En tant qu'un établissement d'éducation, il offrirait le complément des cours qui se font déjà à Oxford. Il s'agirait d'y avoir des professeurs pour enseigner le sanscrit, l'arabe, l'hindoustani, etc., la loi indienne, la philosophie, etc. Toute facilité devra être donnée à l'étudiant indien, afin qu'il puisse profiter du cours d'étude général de l'Université, comme aussi de pouvoir obtenir des grades dans l'Ecole orientale, où le sanscrit, l'arabe et le persan remplaceront le grec et le latin, et où la littérature de l'Inde, la loi et l'histoire indiennes seront les principaux sujets (1). Une réunion d'Hindous et d'Européens eut aussi lieu à Bombay, à l'occasion de la visite du professeur Monier Williams, chez le Dr. Atmaram Pandurang, qui avait eu soin d'inviter quelques amis hindous à dîner avec Mr., madame et mademoiselle Williams (2), ce qui donna l'occasion au savant anglais d'ai'oir une longue conversation sur les Védas (1)'Alîgarh Akhhâr du 18 mars 1876. Tout cela a été développé plus au long dans le même journal, n° du 2 juin 1876, tant sous le rapport intellectuel que sous le rapport matériel. (2)« Indian Mail j du 17 janvier 1876. — 70 — et sur les pratiques religieuses des Hindous, qu'il a d'ailleurs si bien décrites dans son « Indian Wisdom » . Cet habile indianiste s'est occupé avec ardeur, dans l'Inde, du projet qu'il a conçu d'établir l'Institut indien à Oxford. Il en a parlé à Calcutta dans une réunion spéciale tenue le 7 janvier (1) au « Dalhousie Institute », réunion à laquelle assistèrent entre autres le lieutenant gouverneur, l'évêque de Calcutta, l'orientaliste Edward Eastwick, alors dans l'Inde, etc. Le principal but de l'Institut que se propose d'établir à Oxford Mr. Monier Williams, est de préparer les Indiens à subir les examens nécessaires pour être admis au service civil et, en outre, d'une part, de faire cesser l'ignorance générale où sont les Européens les plus instruits sur les choses de l'Inde, et, d'autre part, celle où sont pareillement les Indiens sur les choses de l'Europe. Il voudrait concentrer dans un même lieu tout ce qui nous vient de l'Orient, et de lî le faire rayonner dans toutes les directions. Plus l'Inde sera connue en Angleterre, mieux elle sera gouvernée. Il faut qu'on sache distinguer les races diverses qui s'y trouvent, les religions différentes qui y sont pratiquées, les langues nombreuses qui y sont usitées, et resserrer, par la connaissance pratique de ces choses, les liens d'union qui doivent exister désormais entre la nation anglaise et le peuple indien, ainsi que l'a dit Shakespear dans ces vers que j'ai déjà cités (2) : Like to a double cherry, seeming parted, But yet a union in partition. Les Indiens apprendront à Oxford non-seulement l'anglais, mais leur propre littérature, leurs lois et leurs langues, et ils prendront une haute estime d'eux-mêmes (1) « Indian Mail » du 12 février 1876. (2) P. 150 de la réimpression de mes a Discours d'ouverture de 1850 à 1859. » — 71 — en voyant celle dont ils jouissent parmi les savants de l'Europe. Le célèbre babu Kesehab Chandar Sen, qui était présent à cette réunion, appuya les idées de Mr. Monier Williams, et sir R. Temple indiqua des moyens pratiques d'exécution; il proposa de diviser en trois classes cet Institut, savoir ; 1" celle des étudiants venus de l'Inde ; 2° des étudiants anglais se préparant pour y aller ; 3" des autres étudiants amis de l'Inde et désireux d'acquérir les connaissances qui s'y rapportent. Dans une lettre datée de Calcutta, 8 janvier Ï876,etadressée au « Times » , qui l'a publiée le 2 février, Mr. Monier Williams annonce que le Prince de Galles a accepté d'être le patron de 1' « Indian Institute » et que cet établissement a aussi l'appui du vice-roi de l'Inde, de S. A. R. le prince Léopold de Belgique et d'autres personnages éminents. Après sa visite à Calcutta, Mr. Monier Williams est allé à Agra, puis à Dehli, où il est resté quelques jours, et de là à Lahore, où il a été l'hôte de Mr. Lepel-Griffîn et où il a encore développé ses idées, au sujet de son projet, dans une séance de YAnjuman, tenue tout exprès à cet effet, et où il a fait connaître son plan et sollicité l'appui de la Société. Le savant orientaliste Ed. Eastwick, qui se trouvait en même temps à Lahore, assista à cette séance et appuya les énonciations du professeur d'Oxford. Je ne veux pas manquer de dire, en passant, que M. Eastwick a fait beaucoup de recherches, afin de préparer.un « Guide de l'Inde » sur une grande échelle. Il paraît que ce « Guide » n'aura pas moins de huit volumes et que l'Inde y doit être divisée en « Cercles » qui formeront chacun un volume à part. Il paraît aussi que ce savant et aimable orientaliste a copié et traduit bien des inscriptions obscures du Penjab, qui avaient jusqu'ici échappé aux recherches des voyageurs. Ce fut après avoir examiné le fort de Lahore et copié, quelques inscriptions qui s'y trompent qu'il faillit périr par un accident _ 72 — de voiture, dont, heureusement, il fut quitte pour quelques blessures peu sérieuses (1). Sous le titre de « Disposition importante pour l'avantage des Hindoustaniens », voici comment YAwadh Akhbâr (2) parle de la séance extraordinaire du 8 février 1876 de VAnjunian du Penjab, tenue à Labore, et à laquelle beaucoup d'Anglais, de chefs indiens et de fonctionnaires du gouvernement assistèrent. « La seule cause de cette séance était celle-ci : Un voyageur célèbre, nommé Mr. Williams, qui est un grand savant et un homme expérimenté, avait honoré cette ville de sa présence et désirait nous faire jouir de ses paroles, aussi dignes d'être ouïes que les versets du Coran. En sorte que le docteur susdit a prononcé, dans cette réunion, un discours qui respirait la plus vive sympathie pour nous, car ce personnage s'intéresse réellement à la situation où nous sommes. et Les Indiens se plaignent, dit-il, de ce que les Anglais qui gouvernent leur pays en ignorent entièrement le caractère, les mœurs et les usages. Ce reproche, n'est que trop fondé. Toutefois il faut dire aussi que de même que les Anglais ne connaissent pas les Indiens, ainsi les Indiens ne connaissent pas non plus les Anglais. Or il est très-nécessaire que les deux nations se connaissent l'une l'autre et soient instruites de leurs mœurs et de leurs usages respectifs. Tant que ces deux nations ne feront pas leurs efforts pour parvenir à cette connaissance, il n'est pas à espérer que leur union ait lieu. , » Dans le temps de Lord Mayo, le gouvernement avait créé en faveur des Indiens des postes nouveaux pour s'occuper de certaines affaires. Maintenant que ces postes sont établis, nous voulons avoir, au moyen d'une souscription indienne, une fondation afin que les Indiens qui auront ces (1)« Indian Mail » du 13 mars 1876. (2)N° du 23 février 1876, d'après le Panjâbi Akhbâr. — 73 — emplois reçoivent leur éducation à Oxford. L'Université devra adopter pour ces élèves des dispositions telles que lorsqu'ils iront dans un pays étranger et qu'ils verront des choses étonnantes et extraordinaires, leur naturel ne soit pas troublé, et que dans leur conduite il n'y ait pas de défaut. Pour cela on devra faire des efforts afin de les préparer selon la nécessité du temps et des circonstances. Lorsque ce genre d'instruction aura eu lieu, les liens qui existent déjà entre les Indiens et les Anglais se fortifieront de jour en jour ; et cette distinction entre gouvernants et gouvernés ne donnera plus sujet de plainte à personne. » Après ce discours, Mr. Eastwick adressa aussi à l'auditoire une allocution pour corroborer ce qu'avait dit le professeur Monier Williams, en sorte que tout ce que nous avons écrit est l'analyse des deux discours prononcés dans l'intérêt et pour le bien-être de l'Inde et des Indiens. Il faut donc que nous, Indiens, nous soyons reconnaissants envers ces gens de bonne volonté qui ont pris sur eux la peine de nous indiquer ce qui est pour nous le plus avantageux... Maintenant, de notre côté, ne quitterons-nous pas notre négligence et notre insouciance ? Il serait bien fâcheux de ne pas répondre à l'appel des Anglais, qui nous montrent la voie, en nous laissant libres d'agir ou de ne pas agir. A présent donc que nous voyons clairement ce qu'on demande de nous, si notre esprit instruit nous vient en aide, nous formerons promptement un comité pour réunir des souscriptions, et afin de prendre des dispositions pour que des étudiants puissent aller en Europe en apprendre les sciences et les arts et connaître foncièrement la manière d'être des Européens. » Ce qu'il faut remarquer, c'est que dans l'acquisition delà science telle qu'on nous la propose, on ne fait pas attention à la religion ; nous devons donc coopérer à cette bonne œuvre avec les fonctionnaires anglais. » Depuis son retour de l'Inde, M. Monier Williams a publié un rapport intéressant sur les raisons qui l'ont déterminé à _ 7-4 — faire son voyage, et sur les résultats qu'il y a obtenus et qui ont été très-encourageants, car ses idées y ont été adoptées tant par les natifs que par les Européens les plus distingués. Cinq cents personnages dont les signatures ont été données dans toutes les parties de l'Inde en demandent la réalisation, afin que les indigènes puissent prendre les degrés requis après examen dans les langues classiques de leur pays sans être obligés d'étudier le grec et le latin, et que dans tous les cas le sanscrit soit substitué au grec (1). Les résolutions qui furent prises l'an passé à Oxford pour donner aux candidats pour le service civil la facilité de poursuivre leurs études à l'Université, ont été appuyées par l'habile professeur, mais seulement comme faisant partie d'un plan plus vaste embrassant non-seulement une classe spéciale d'élèves, mais tous ceux qui voudraient poursuivre les études indiennes. Il y a toujours, en attendant, à Londres même, que d'après quelques journaux de l'Inde les Indiens préféreraient à Oxford, VAsiatic strcmger's Home,' et j'apprends avec plaisir que le Rév. George Small (agent pendant dix ans de la Société des missions baptistes à Bénarès et à Calcutta, et qui connaît le sanscrit, l'hindoustani et le bengali, ainsi qu'il l'a prouvé par plusieurs ouvrages, entre autres par son « Handbook of sanscrit literature (2) » et par sa traduction du Totâ kahânî) a accepté les fonctions de « Scripture reader and missionary » dans cet établissement, qui est une sorte d'asile que des personnes zélées pour le bien-être des Asiatiques et des Africains ont ouvert à Londres depuis bien des années. Au surplus, le savant professeur Monier Williams est (1) « Indian Mail » du 11 mars 1876. (2) J'ai attribué par erreur cet ouvrage à M. Cotton Mather, en offrant à l'Institut le a Nouveau Testament » hindoustani, publié par la Société des traités et livres religieux. retourné dans l'Inde dès le 12 octobre dernier pour visiter, dans l'intérêt de son projet de l'établissement d'un « Indian Institute », la présidence de Madras qu'il n'avait pas eu le temps de parcourir à son premier voyage, et aussi pour rechercher les manuscrits et les objets de tout genre qui pourront lui être utiles avant de mettre la dernière main à un ouvrage dont il s'occupe, sur les systèmes religieux et les lieux consacrés par l'hindouisme. Les journaux indigènes du Penjab (1) annoncent le retour à Lahore du spirituel Dr. Leitner, avec d'autant plus de plaisir qu'il est très-aimé dans ce pays qu'il affectionne luimême. Il a repris ses fonctions de principal du collège et de président de VAnjuman. A cette occasion le maulawi Abd ulhakim Kalanauré, professeur à l'Université du Penjab, a publié dans le journal hindoustani appelé Panjâbî Akhbâr (2) uu cacîda en bon style arabe qui rappelle les compositions classiques de cette belle langue, clef des langues de l'Orient musulman; et de leur côté les membres do l'Anjuman ont présenté au Dr. Leitner une adresse de félicitation sur son heureux retour (3). A propos de l'Université du Penjab, je remarque dans le même journal (4), parmi les examinateurs désignés pour les différentes langues et sciences, le raé Bahadur Pandit Moti Lai pour l'urdu, et le babu Chandar Raé pour l'hindi. J'ai reçu avec reconnaissance de Miss Manning le « Rapport pour 1875 » de la Branche de Londres du « National Indian Association », qui a pour but de venir en aide au progrès social dans l'Inde. J'y apprends avec plaisir qu'environ quatre-vingts Indiens sont en ce moment en Angleterre, la plupart occupés des études nécessaires pour exercer des (1)Awadh Akhbâr du 12 mars 1876. (2)N° du 8 avril 1876. (3)« Indian Mail i du 6 mai 1876. (4)N° du 19 août 1876. — 76 — professions libérales ou pour le service civil. D'autres sont simplement en Angleterre pour visiter le pays et en connaître les institutions. La Société a surtout pour but ' de rendre le séjour de l'Angleterre agréable à ces Indiens qui ne craignent pas de traverser « la mer Moire (l'Océan) » pour s'instruire, en leur faisant connaître des personnes qui peuvent leur être utiles et en leur fournissant toutes les facilités désirables pour s'occuper de l'objet qu'ils ont en vue. Dans ce but, l'association donne des soirées spéciales où les Indiens se trouvent avec des Anglais distingués qui s'intéressent à l'Inde. Le rapport signale spécialement trois grandes soirées auxquelles ont assisté, entre autres notabilités, le Dr. Birch et Sir Ch. Trevelyan. Nous apprenons aussi par ce rapport que le « Journal de l'Association ■<>, publié à Bristol, est très-répandu dans l'Inde, et, enfin, que Miss Mary Carpenter, la fondatrice du « National Indian Association », en a établi des branches à Madras, à Bombay et ailleurs. On veut aussi, à Calcutta, mettre le plus possible les indigènes en rapport avec les Européens. On a même l'intention de construire une salle spéciale pour ces réunions hybrides. On y donnerait à lire les journaux et l'on y ferait des conférences suivies de débats littéraires, où l'on pourrait s'entendre sur des objets d'un intérêt général. Le maharaja Holkar a promis une forte somme pour la fondation de cet établissement (1). ' Miss Carpenter, ainsi que je l'avais annoncé (2), était dans l'Inde en même temps que le Prince de Galles, et elle y reçut une ovation à Karrachi, où elle avait donné cinq cents roupies (1,250 fr.) pour établir une école indigène, dirigée par des Anglaises (3). Cette excellente dame, après avoir aussi été l'objet, dans le Sind, d'une autre ovation, est allée (1) 'Alîgarh Akhbdr du 5 novembre 1875. (2)« La Langue et la littérature hiudoustanies en 1875 », p. 82. (3)« Indian Mail > du 29 novembre 1875. àPouna, où elle a voulu visiter la prison centrale et tenir une réunion d'indigènes pour leur faire connaître ses vues sur différentes questions sociales. Puis elle est allée à Madras, où elle était à la fin de novembre 1875, et elle y offrit, à l'École normale des femmes, de la part de la reine d'Angleterre, un exemplaire de son ouvrage intitulé: «. Leaves from tlie journal of our life in the Highlands. » De là, elle se rendit à Calcutta, elle y assista au service religieux du Brahma-mandir (temple de Dieu), et elle alla ensuite à Bombay (1), d'où elle est repartie pour l'Europe en avril 1876, emmenant avec elle deux enfants du babu Saci-praçàd Banerji, pour les faire élever en Angleterre (2). Puis, au mois de mai, nous la trouvons à Londres, à la Société des arts, où elle donna aux membres du « National Indian Association » un récit circonstancié de son voyage et des résultats qu'elle a obtenus (3), et elle a signé, en sa qualité de secrétaire lionoraire de cette Association, l'adresse que la Compagnie présenta à Sir Salar Jang pendant son séjour en Angleterre. Le haji maulawi Saïyid Imdad Ali (4) voudrait fonder à Agra un Madraçat ul'ulûm « Collège des Sciences ", pour les jeunes filles musulmanes, à l'imitation de celui qui a été fondé pour les musulmans par le saïyid Ahmad Khan. On voudrait même qu'il y eût plusieurs établissements du même genre où les jeunes filles musulmanes pourraient recevoir une éducation analogue à celle que reçoivent les musulmans dans le collège du saïyid Ahmad. II y a longtemps que le saïyid a dit, dans le Tahzîb ulakhhâr (5), que « l'éduca(!) « Indian Mail > du 6 et du 28 décembre 1875 et du 17 janvier 1876. (2)Awadh Akhbâr du 5 avril 1876. (3)Le «Daily News » du 16 mai 1876 t'a fait connaître à ses lecteurs. (4)Sur ce personnage, voy. mon c Hist. de îa Iittér. hind. », t. II, p. 29. (5)Panjâbi du 10 septembre 1866. — 78 — tion des femmes est nécessaire pour l'amélioration générale, et. qu'il est indispensable de prendre des dispositions à ce sujet. L'établissement du Madraçat ul'ulûm pour les musulmans nécessite celui d'une institution analogue pour les musulmanes, car lorsqu'un musulman qui aura reçu son éducation dans le Madraçat ul'ulûm voudra se marier, pourra-t-il épouser une femme dont l'ignorance la fait ressembler à une sorte de sauvage ? » L'institution Alexandra de Bombay, pour les jeunes filles indigènes, a reçu, à la fin de l'année dernière, de bien intéressantes visites, celles, par exemple, du raja de Kolapur, du raja de Bhownagar, du raja de Baria, du nabab de Radbanpur, et enfin du duc de Sutherland, qui a complimenté la surintendante , Mrs. Monnet, sur les progrès remarquables des jeunes Indiennes confiées à ses soins, et qui a félicité Manockjec Cursetjee sur les succès qu'il a obtenus dans la cause de l'éducation des femmes, dont il s'occupe depuis si longtemps (1). Il paraît que dans le Penjab les musulmans et tous ceux qui appartiennent aux classes aisées envoient leurs enfants aux écoles plus volontiers que dans les autres provinces de l'Inde. Dans l'école principale du district de Laliore et dans ses branches, les musulmans sont en majorité. Plus de la moitié des élèves, dans les écoles d'Hoschiapur et de Gurdaspur, y viennent de loin, et presque tous les enfants du cercle de Lahore qui ont subi l'examen des écoles primaires quittent leur village pour continuer leurs études, qu'ils aient ou n'aient pas obtenu une bourse (2). Un fait encore plus intéressant, c'est le développement (!) « Indian Mail » du 18 décembre 1875. (2) Awadh Akhbâr du 5 mars 1876. Je dois dire cependant que les parsis religieux se plaignent de l'éducation purement civile qu'on donne à leurs enfants et qu'ils déplorent l'abandon des exercices du culte par la nouvelle génération, à qui on apprend à les dédaigner. — 79 — remarquable de l'éducation dans le district de Harara, qui est sur la frontière. En 1872, il n'y avait encore que trois écoles peu fréquentées, et maintenant on y en compte vingtcinq et mille quatre-vingt-dix-huit élèves, dont plusieurs appartiennent au territoire indépendant au delà de la frontière (1). L'éducation officielle continue à faire des progrès satisfaisants dans les Provinces nord-ouest ; mais le lieutenant gouverneur fait observer avec raison, dans son rapport, que si l'éducation élémentaire doit être gratuite ou du moins à trèsbon marché, il n'en est pas de même de l'éducation supérieure, qui doit être payée d'autant plus, que, généralement, les Indiens n'ont d'autre but, en recevant cette éducation européenne, que de pouvoir occuper des emplois dans le gouvernement. 11 serait bon aussi d'avoir égard, en cela, à la pauvreté ou à la richesse des élèves, et de ne pas les taxer uniformément. Il ne faudrait pas non plus que les honoraires des professeurs dépendissent de ce que donneraient les élèves (2). Il y a dans le zila de Schahabad, de la division de Patna, un madraça spécialement musulman (islâmiya) qui compte près de quarante élèves pour les sciences théologiques et où, d'après les anciens usages, des gens religieux donnent la nourriture et le vêtement aux élèves pauvres (3). Le « Rajkumar Collège » de Bandelkhand a maintenant plus de trente élèves, parmi lesquels on compte plusieurs chefs d'États indigènes {&). On voudrait établir un autre Rajkumar Collège à Madras pour l'éducation des rajas, zamindars et autres membres de l'aristocratie indienne de la Présidence, mais il paraît que (1)« Indian Mail » du 1er avril 1876. (2)'Alîgarh Akhbdr du 5 août 1876. (3)Awadh Akhbdr du 5 novembre 1875. (4)'Alîgarh Akhbdr du 5 mai 1876. — 80 — cet établissement ne coûterait pas moins, pour l'installer, de 10 lakhs de roupies (2,500,000 fr.), ce qui empêchera probablement la réalisation de ce projet (1). Enfin, il est aussi question de former à Indore un collège spécial du même genre pour les fils des chefs de l'Inde centrale. Il existe déjà dans cette ville une grande école, fréquentée par beaucoup déjeunes thakurs et autres indigènes; et il y a même une classe séparée qui compte, parmi ceux qui la suivent, le fils aîné de Holkar, le raja de Ratlam, le nabab de Banda, le maharaja d'Amjhira, etc. (2). Le « Mayo Collège » d'Ajmir continue à recevoir bon nombre d'étudiants appartenant à l'aristocratie indienne. Il compte vingt-trois élèves et ne peut que se développer de plus en plus. D'après le rapport de Mr. J .C. ÎMesfield, directeur de l'instruction publique en Aoude, on compte dans ce royaume 1,555 écoles, contenant près de 60,000 élèves, ce qui donne un élève par deux cents habitants. L'urdu est toujours plus étudié que l'hindi. Au lieu de 31,889 élèves qui l'étudiaient en 1873-1874, il y en avait 33,388 en 1874-1875, tandis que l'hindi, malgré toutes les préférences du gouvernement, n'était encore appris que par 26,428 élèves au lieu de 24,113 de l'année antérieure. Quant à l'étude des autres langues, on compte 50,000 élèves pour l'anglais, 800 pour l'arabe, et seulement 200 pour le sanscrit ; les 7 1/2 p. 100 des dépenses sont défrayés par les élèves et le reste par le gouvernement (3). D'après le même rapport, nous apprenons qu'en Aoude, dont l'hindoustani est l'unique langue, les musulmans sont, en proportion de leur nombre, bien plus portés que les Hindous à accepter l'éducation de l'Etat. (1)i Indian Mail » du 24 janvier 1876. (2)« Indian Mail » du 22 mai 1876. (3)'Alîgarh Akhbâr du 17 décembre 1875. — 81 — On le voit par le nombre des étudiants musulmans qui fréquentent les écoles (1). Le « Bishop Collège » , fondé par le Dr. Middleton, premier évêque de Calcutta, est situé sur les bords de l'Hougiy. 11 est spécialement consacré à élever les Indiens qui doivent être employés comme missionnaires, catéchistes et maîtres d'école, sous la direction des missionnaires envoyés d'Angleterre, et aussi à donner aux indigènes une instruction. séculière qui leur permette de cultiver la littérature du pays. En 1875, il avait 53 élèves, dont 28 internes (2). Il existe à Lakhnau un collège spécialement musulman, le Madraçat imâniya « Collège de la foi », qui prend chaque jour plus de développement. On y apprend non-seulement tout ce qui tient à la religion, mais les sciences exactes et littéraires. Il s'y est formé nombre d'élèves distingués, dont le Panjâbi (3) donne la liste. Le maharaja de Jaïpur est certainement un des princes indiens les plus éclairés. Il avait la plus grande sympathie pour le comte Mayo , et il a donné son nom à un magnifique hôpital qu'il a fait construire, et devant lequel il a fait élever la statue du lord, qui périt, comme on le sait, victime d'un assassinat (4). Il a donné un lakli de roupies pour l'établissement à Ajmird'un grand collège, qui porte aussi le nom de « Mayo Collège ». Il y a à Ajmir une « Ecole des beauxarts », des écoles de filles tenues par des maîtresses européennes, une bibliothèque publique, etc., et enfin la-ville est éclairée au gaz, au grand ètonnement des indigènes. La Société littéraire du Bihar, dont j'ai l'honneur .d'être membre, a fondé, à l'occasion de la visite du Prince de Galles, ainsi qu'elle l'a exprimé dans une adresse présentée (1)'Alîgarh Akhbdr du 2 mars 1876. (2)« Report for 1875 of the Society for the propagation of Ihe Gospel », p. 12 et 12G. (3)N° du 7 juillet 1876. . (4-) « Indian Mail » du 25 mars 1876. 6 — 82 — à Son Altesse Royale, un collège industriel ou « Ecole des arts et métiers » qui portera le nom du Prince (T). • V. Le nombre des Sociétés que l'on fonde dans l'Inde dans l'intérêt du bien-être et du progrès social des Indiens s'augmente journellement et ne connaît pas délimite. Celle qui a les mes les plus vastes, c'est 1' « Indian Association «, dont Je champ d'opération s'étend du Cachemyre au cap Comorin, mais qui a sou siège à Calcutta, où se réunissent les habitants qui en font partie. La Société scientifique d'Aligarh a tenu sa séance générale annuelle le jeudi 24 février 1876. Nous apprenons avec peine, par le rapport concernant l'année 1875, du secrétaire le maulawi Muhaminad Sami ullah, que cette Société est un peu languissante. D'abord, le nombre des membres, qui était, en 1874, de 158, s'est réduit à 137. Ensuite, le projet grandiose qu'avait la Société de publier en hindoustani, dans l'intérêt des indigènes, des traductions des ouvrages européens les plus utiles et les plus propres à la connaissance des sciences nouvelles, bien qu'il n'ait pas été abandonné, est suspendu depuis un certain temps, à cause du manque des ressources sur lesquelles on comptait. La Société a néanmoins fait paraître la seconde partie de l'histoire de Perse (Akkir hissa tarîkh-i Iran), et elle prendra des mesures pour continuer les publications projetées (2). Le Dr. Mahendra Lai veut fonder une « Association scientifique » sous la protection du gouvernement du Bengale. Déjà le lieutenant gouverneur Sir Richard Temple a fourni, pour l'Association, un bâtiment situé entre le «'Collège street » et le «. Bow Bazar » (3), Nous avons vu plusieurs fois que le sacrifice de la femme (1)'Alîgarh Akfibâr du 21 janvier 1876. (2)'Alîgarh Akhbdr du 25 février 1876. (3)« Indian Mail » du 25 mars 1876. _ 83 .— hindoue sur le bûcher de son mari était vivement regretté par les veuves qui ne peuvent se remarier et qui, repoussées par leur double famille, se trouvent dans une position désespérée qui les conduit quelquefois à un suicide bien plus fâcheux que le premier, considéré par elles comme un acte religieux. Nous avons vu aussi que, généralement, toutes les Sociétés d'amélioration qui se forment journellement dans l'Inde favorisent le mariage des veuves (1). Voici aujourd'hui un événement fâcheux qu'on peut citer en exemple comme résultant du non-marîage des veuves : « Il y avait à Calcutta, dit VAwadh Akhbar (2), une belle femme, fort instruite, nommée-Sri' Matî Kumarî clâci, qui devint veuve à l'âge de dix-huit ans. Cette femme, désolée d'avoir perdu son mari, prit de l'opium pour mettre fin à ses jours. Quand elle eut perdu connaissance, on trouva à son chevet un écrit qui exprimait lé regret qu'elle éprouvait de mourir; en sorte, que, de ce qu'elle avait écrit, nous tirons ces quelques passages , qui ont été mentionnés dans les journaux : « Quelle utilité y a-t-il pour moi de vivre ? Je ne veux pas me mal conduire (en me remariant). Dès lors, pourquoi vivre ? La coutume des Hindous de se marier très-jeune est désastreuse. Je viens de prendre du poison, car mon cœur est sans repos. Il n'y a rien de plus malheureux qu'une femme hindoue. On m'a mariée à quatorze ans, et maintenant je suis veuve à dix-huit. Je ne vois pas la nécessité de supporter une telle peine. Pourquoi Dieu m'a-t-il créée femme? Faut-il que je me résigne au grand malheur qui m'atteint? » » Pourquoi les Sociétés humanitaires ne font-elles pas des efforts sérieux à ce sujet? J'avoue qu'elles ne peuvent em(1)Abd ulkarim a publié un ouvrage spécial en faveur de ces mariages,. sous le titre de Rdndon kî schâdî «le Mariage des veuves », in-8° de 36 pages, imprimé à Cawnpur. (2)N° du 21 novembre 1875. '.,./-... 6. — 84 — pêcher tout à coup la chose, mais elles peuvent prendre des mesures pour que cet usage détestable et cette malheureuse coutume de déconsidérer la veuve qui se remarie soit désormais extirpée. Pour arrêter le grave inconvénient dont il s'agit, il faut réunir une assemblée générale où les docteurs de chaque religion donneront des preuves intellectuelles et traditionnelles contre l'usage de ne pas permettre aux veuves indiennes de se remarier ; interdiction pire que. celui d'être sati (de se brûler sur le bûcher de sou mari); en sorte que toute personne ayant reçu de l'éducation et aucun chef de religion ne puisse considérer comme coupable le mariage des veuves. Car pourquoi, dans l'Inde, le. mariage des veuves n'a-t-il pas lieu et fait-on mourir, en réalité, ces malheureuses ? L'n second mariage n'est défendu dans la religion d'aucun peuple, et cependant l'autorisation pour un second mariage ne peut être aujourd'hui obtenue dans l'Inde que par des milliers d'efforts. « Anciennement, l'usage de se remarier de la part des veuves avait lieu chez les musulmans de l'Hindoustan, et les sages et les gens d'esprit l'approuvaient et considéraient même comme un péché d'y renoncer. Puisque un second mariage est décidément permis chez eux, quel mal y auraitil que tous les habitants de l'Hindoustan suivissent en.cela l'ancien usage des musulmans ? » Comment se fait-il que dans les sermons on fasse l'éloge des seconds mariages et qu'on insiste pour qu'ils aient lieu, sans que cela amène de résultat pratique ? Pourquoi alors les ulémas et les cazis ne se réuniraient-ils pas aux grands et aux petits et, après une discussion entre eux, ne souscriraient-ils pas la promesse de ne pas laisser les jeunes veuves sans être remariées après l'époque du deuil ? Nous espérons bien que lorsqu'une telle réunion aurait obtenu uu engagement de ce genre, les maulawis eux-mêmes rougiraient de mettre obstacle à ces seconds mariages et seraient les premiers à les ordonner, bien loin de s'y opposer. — 85 — », Dans l'Hindoustan, il y a deux, partis hostiles au mariage des veuves chez les musulmans : d'abord le parti des sots, dont Dieu nous garde, et, en second lieu, celui des femmes mêmes, dont on connaît la faible intelligence et l'ignorance (1). Nous savons toutefois que les sots d'entre les hommes, c'est-à-dire le vulgaire, se réunira aux gens distingués ; mais il est plus difficile de faire entendre raison aux femmes, surtout parce qu'il n'y a pour elles ni réunion ni société, et qu'ainsi elles restent dans cette sottise et s'y tiennent attachées. Mais nous nous trompons ; la perfection des femmes est entre les mains des hommes ; quand les hommes se décideront à agir et resteront fermes dans leur résolution, iî n'y aura pas moyeu pour les femmes d'y faire opposition, d'après ce verset du Coran : Les hommes sont au-dessus des. femmes, les hommes sont les maîtres des femmes (2). » Il y a quelques années, le maulawi Muhammad Cacim, dans le zila de Saharanpuf, ayant célébré le mariage de deux à quatre veuves, des musulmans, insensés et avides de sang, voulurent le tuer. Mais il leur dit : « Je ne regrette pas ma vie, et s'il faut la sacrifier, je le ferai avec plaisir. » En effet, lorsqu'une personne veut entreprendre une grande chose, elle ne doit pas être arrêtée par les milliers de difficultés qu'elle rencontre. » Quant à la polygamie, qui est usitée non-seulement chez les musulmans, mais chez les Hindous, comme elle est sévèrement interdite chez les chrétiens, les bons missionnaires * sont fort embarrassés quand un Indien, mari de plusieurs femmes, veut se faire chrétien. Ce cas se présente en ce moment d'une manière assez piquante pour un grand personnage qui n'est autre que le Thakur de Bhovvnagar, un (1)Je n'ai pas besoin, je pense, de rappeler que je suis ici le simple traducteur d'une opinion musulmane. (2)Sur. II, verset 228. — 86 — des principaux rajas de Kattiawar, dans l'ouest de* l'Inde. Ce prince, qui n'a que vingt ans, voudrait devenir chrétien'; mais il a quatre femmes qu'il a épousées le même jour il y a trois ans, étant âgé de dix-sept ans. La moins jeune de ces femmes a vingt-deux ans, les autres en ont douze, quinze et seize. Les missionnaires qui s'occupent de la conversion de ce prince lui ont déclaré qu'il ne pouvait garder ses quatre femmes. Il préfère celle de quinze ans, mais que deviendront les autres (1) ? Ne pourrait-on pas les considérer comme veuves et les remarier? Ce serait une heureuse application des principes que des hommes généreux cherchent à propager chez les Indiens. Le munschi Piyari Lai (2), qui est président du comité qui s'occupe de prendre des mesures pour diminuer les dépenses que les Hindous font à l'occasion de leurs mariages, est très-zélé pour cette entreprise ; il parcourt à cet effet le zila du Bihar oriental, il réunit des comités, il fait des discours et donne des avis qui produisent heaucoup d'effet sur ses auditeurs; bien plus, avec l'autorisation de l'autorité, il a publié des règles pour les dépenses du mariage selon chaque village, portant que quiconque ne s'y conformera pas en répondra devant les magistrats du zila (3). Il y a eu à Pouna, le 30 juillet dernier, une grande réunion au sujet des mariages prématurés et des fâcheuses con^ séquences qui en sont la suite. On y a entendu à ce sujet un éloquent discours du raè Balladur Gobind Rama, qui, après avoir fait ressortir les inconvénients de tout genre de ces mariages, a soutenu qu'ils étaient opposés à l'enseignement des schâstar (4) ; mais tandis que les philanthropes indiens (t) « Galignani's Messenger » du 14 septembre 1876. (2)Sur cet Hindou distingué, voy. mon a Hist. de la littér. bind. t, t. II, p. 506, elpassim, dans mes « Revues j . (3)Awadh Akhbdr du 21 avril 1876. (4)Awadh Akhbâr du 11 août 1876. — 87 — agissent dans ce sens, de sauvages réactionnaires, chefs d'une ca'ste d'Hindous en Guzarate, ont promulgué une loi pour obliger à marier les filles dès l'âge de six mois sous peine d'excommunication (1). tt'Caçûr, qui est situé dans le zila de Lahore, est une petite ville, dit le Panjâbi (2), dans laquelle on a établi un Anjuman. Bien qu'il y ait là peu de gens qui veuillent faire leurs efforts de cœur et d'âme pour s'en occuper et qu'il y ait peu de temps que cette Société est établie, toutefois nous sommes.contents du succès qu'elle a obtenu ; bien plus, nous nous en glorifions... Le nombre de ses membres est de deux cent vingt-huit, et nous sommes heureux d'accuser ce nombre, caries gens de notre pays, qui désirent le progrès des arts et métiers veulent du fond du cœur fortifier cette Société ; et ils espèrent que leur désir s'accomplira. » Le journal mensuel que publie cet Anjuman a trois cent vingt-cinq abonnés, et ce nombre doit nous satisfaire. C'est aussi pour nous un grand sujet de contentement que beaucoup de savants nous aident pour la rédaction de son journal, en sorte qu'en 1875 il en a été inséré dans différents numéros soixante-cinq articles. » Les étudiants qui suivent l'enseignement pour les arts

  • et métiers sont au nombre de cent vingt-cinq. L'école

anglaise et persane qui dépend de l'Anjuman compte trois cent trente-quatre élèves ; la bibliothèque qui en dépend aussi se compose de livres sur différentes sciences, en anglais, en arabe, en persan, en urdu, en hindi et bhascha, sanscrit, gurumukhi (ou panjabi), au nombre de deux cent quarante-sept, dont une partie a été donnée par des sociétaires et les autres ont été achetés des fonds de la Sociëîé. Dans une si petite ville, l'existence d'une telle bibliothèque est très-remarquable. (1) 'Alîgarh Akhbâr du 22 septembre 1876. {%) N° du 1« juillet 1876. — 88 — » La meilleure chose et la plus importante que cette Société ait faite, c'est qu'elle a tourné son attention vers les progrès de la science de l'agriculture, ce qui est de la première importance non-seulement pour le pays du Penjab, mais même pour toute l'Inde. » Une autre Compagnie qu'on peut considérer comme une branche de l'Anjuman de Laliore est celle qui a été établie à iVurpur dans le zila de Kangarh, sous la dénomination à'Anjuman-i khaïr khwâk-i mulk « Société amie du pays ». Elle a pour président le pandit Durga-praçad, et elle compte environ cinquante membres, les uns conseillers municipaux et fonctionnaires du gouvernement, les autres professeurs et indigènes distingués. Cette Société se réunit deux fois par mois, et elle publie mensuellement un riçâla qui rend compte des décisions qu'elle prend et de ses Iravaux, qui sont surtout littéraires, car elle veut travailler au progrès scientifique de la nation. Elle a dans cette intention ouvert une souscription pour fournir des livres aux élèves pauvres des écoles et des collèges ; elle espère même pouvoir ouvrir une bibliothèque où l'on trouvera de bons livres à lire. Il s'est aussi formé depuis peu à Hajpur, dans le zila de Muzaffarpur, une Société pour le bien-être général, Anjuman-i rafâh-î 'âin (1), qui a déjà acquis une assez grande» notoriété. Il paraît qu'on s'y occupe surtout de science, de poésie, d'éloquence, et qu'on veut au moyen de cette association s'abonner aux principaux journaux et les communiquer successivement aux membres de la Compagnie. Elle possède en ce moment un poëte très-distingué qui lui donne de l'éclat : c'est Ilah-Var, dont le Panjâbî a cité des gazais et dont j'ai parlé un peu plus haut. Les raïs de IVawabganj ou Barahbanki, district d'Allahabad, à l'instigation du pandit Madhu-praçad, ont fondé dans cette ville une Société d'amélioration [Anjuman-i tahzib). (1) Awadh Akhbdr du 24- juillet 1876. — 89 — La séance d'inauguration qui a eu lieu le 20 mai dernier a été présidée , à la demande des sociétaires, par le « Judicial commissioner » , Mr. Wood , qui a prononcé à cette occasion un éloquent discours en urdu dont YAwadh Ahhbâr (1) donne l'analyse. Le secrétaire de la Société est Mir IVajid Ali, et le secrétaire adjoint le pandit Ratan-nath, de Lakhnau, par où l'on voit qu'il y a, comme dans la plus grande partie de ces Sociétés, mélange des Hindous et des musulmans. A Sohagpur, dans le zila de Hoschangabad, une Société musulmane a pris le titre prétentieux A'Anjuman-i falâh-i ahl-i islam « Réunion pour le bonheur des musulmans », parce qu'en effet cette Société s'occupe de combattre les mauvais usages, de favoriser l'instruction chez ses coreligionnaires, afin qu'ils aient plus de facilité à se procurer des moyens d'existence et à donner des secours à ceux qui seraient dans le besoin. Le babu Nobin Chandar Rao fonda en janvier de cette année, sous les auspices du Brahma saméj, ce qu'on appelle ii Allahabad Asylum (l'Asile d'AHahabad) » , espérant que les gens religieux et compatissants l'aideraient de leurs moyens. On admettra dans cet asile les orphelins et les veuves de toute religion et de toute race, tant que la place le permettra, et on leur donnera l'éducation qui convient aux personnes de bonne compagnie ; mais aux conditions suivantes : 1° les personnes qui désireront y être admises devront prouver qu'elles ont tenu une bonne conduite antérieurement à leur admission dans l'établissement, et elles devront se soumettre aux règles de la maison ; 2° elles devront accepter l'enseignement qu'on leur donnera sur les sciences et les arts, sur la morale et sur l'unité de Dieu, selon les prescriptions des protecteurs de l'Asile. Le 27 avril dernier, le lieutenant gouverneur du Bengale, (1) N» du 19 juillet Î876. — m — Sir Richard Temple, a ouvert à Calcutta VAlbert Hall, dépendance de VAlbert Institute, fondé à l'occasion de la visite du Prince de Galles. Les indigènes sentaient depuis longtemps le besoin d'avoir un lieu de réunion pour s'y entretenir littérairement et y cultiver la connaissance des gens instruits qui s'y rendraient. Le babu réformateur Keschab Chandar Sen a inauguré par un discours l'ouverture de. cette salle spéciale (1). VI. La religion a des rapports si intimes avec la langue et la littérature que je ne puis me dispenser de parler des deux principales religions de l'Inde : l'hindouisme et l'islamisme ; et quant à l'hindouisme, je dois m'occuper d'abord du Brahma samàj, cette secte qui veut réformer ou plutôt européaniser l'hindouisme (2). La réunion annuelle de ce samâj a eu lieu au « Town Hall i) de Calcutta, le samedi 22 janvier 1876. On distinguait parmi les personnes étrangères à la secte qui assistèrent à la séance, le lieutenant gouverneur du Bengale, Sir Richard Temple, et l'évêque de Calcutta, Mgr Milman. La cérémonie commença par une prière qui fut suivie du chant d'une hymne. Puis le babu Keschab Chandar Sen fit un discours que donne 1' « Indian Daily News ». Dans ce discours il dit entre autres choses que le Christ en quittant le monde livra le gouvernement de son Eglise au Saint-Esprit ; car sans cela ses disciples seraient restés dans le doute et l'incertitude. Tout ne fut pas fini quand le Christ dit : Conswmmatum est ; ses disciples trouvèrent dans le Saint-Esprit la force et la vigueur qui leur étaient nécessaires pour continuer l'œuvre entreprise par leur Maître. Le chrétien le plus (1)'Aligarh Akhbâr du 5 mai 1876. (2)Selon le Rév. G. Trévor (Times du 1er janvier 1876), le Brahma samâj est plutôt une réunion de lettrés hindous anglicisés que des sectaires, comme on les représente communément. — 91 -orthodoxe?ne peut, selon le babu , désavouer cette grande et vraie doctrine. Les prophètes juifs et Moïse lui-même n'en portent-ils pas témoignage? Paul n'a-t-il pas parlé de l'influence et de l'opération du Saint-Esprit, et n'y a-t-il pas compté pour la vitalité de l'Eglise du Christ? Toujours selon le babu, les membres du Brahma samâj', ou les théistes, comme on les appelle, croient en l'Esprit de vérité. Il prétend qu'ils ont reçu cette doctrine des Védas, les écritures de l'ancienne nation hindoue, où l'Esprit de Dieu est décrit dans le langage le plus énergique et le plus accentué. Selon le même babu, dans l'Inde plus que dans tout autre pays, et dans les Védas plus que dans tout autre livre sacré, les attributs de ce Dieu spirituel sont mieux énoncés et décrits (1). On sait, d'après l'a Indian Mirror » , que le babu Keschab Chandar et ses principaux disciples se réunissent dans un jardin qu'ils ont maintenant acheté, et où ils se livrent au culte de Dieu. Là, pendant deux ou trois heures, assis sous des arbres, sur des nattes ou sur des peaux de tigre, ils discutent ensemble sur la religion ; puis les uns se mettent à lire et à écrire, et d'autres se livrent au travail des mains ; ils tirent de l'eau , ils coupent des bambous, ils ouvrent des allées, y plantent des arbres et les arrosent. Quelques-uns vont nu-tête ou même sans vêtements. Ils travaillent ainsi pendant plusieurs heures, puis ils se reposent pendant une demiheure et ensuite ils se livrent de nouveau au service de Dieu. Lorsqu'il fait nuit, avant de se coucher, ils font résonner des instruments de musique, et, tout en chantant, ils parcourent les rues, et quelquefois ils entrent dans la chaumière d'un pauvre homme, ils s'y assoient, et font des prières pour l'avantage des habitants de l'endroit (2). On dit qu'un jeune membre zélé du Brahma samâj, qui (i) « Indian Mail . du 28 février 1876. (2) Panjâbî du 7 juin 1876. — 92 — étudie en ce moment en Allemagne, se propose'de retourner dans l'Inde en traversant à pied l'Europe et l'Asie pour •étudier les mœurs et les usages des pays qu'il parcourra et en donner la relation de visu à ses compatriotes ou plutôt à ses coreligionnaires. On a publié à Cawnpur une sorte de catéchisme (en urdu) de la secte, sous le litre de Aslî 'acœid-i Brahma Mazhàb « les Vrais Principes de la religion de Brahma (le Brahma samâj) ". A l'imitation du Brahma sabhà ou samâj, des sectes réformatrices s'élèvent de tous côtés dans l'Inde. J'en ai déjà signalé plusieurs. En voici actuellement une nouvelle qui se propage chez les peuples non aryens, parmi les Bhils, ' sauvages de la frontière du Marwar-Gujarat. Là, un guru bhil nommé Jûrgi s'y occupe depuis plusieurs années de faire adopter à ses compatriotes une religion spirituelle. Il annonce un seul Dieu ; il prêche la paix et la concorde. Il fait promettre à ses sectaires, qui ne sont encore qu'au nombre d'un millier de bhagat (1), de s'abstenir de toute action criminelle et de liqueurs spiriluouses, de ne donner la mort à aucun être vivant, de ne se nourrir que des produits de la terre, de se baigner avant de manger. Il est aidé dans ses prédications par trois de ses principaux adeptes (2). • Le pandit Dayanand Saraswati, qui à Pouna avait fait des conférences contre le culte des idoles et en faveur de la religion qu'il appelle védique, était à la fin de décembre 1875 à Surate. Là, des centaines de personnes assistèrent à ses conférences, et les Hindous orthodoxes mêmes les écoutèrent avec intérêt (3). Le même pandit, qui est à la fois zélé pour sa nation et hostile à l'idolâtrie, était un peu plus tard à Baroda et y fai(1) Ce mot signiGe proprement <■ dévot ». (2)« Indian Mail » du 17 janvier 1876. (3)Tâj ulakhbâràu 2 janvier 1876.' — 93 — sait aussi des conférences dans ce sens. Plusieurs person nages influents qui sentent le besoin d'une réforme religieuse lui ont promis non-seulement leur protection, mais leur secours effectif (1). Encouragé dans son entreprise, ce savant pandit est allé prêcher la réforme à Indore, et le maharaja lui a donné toutes les facilités nécessaires pour le faire. Il voudrait, comme Keschab Sen, extirper l'idolâlrie et faire revivre le prétendu pur monothéisme des Védas (2). On se souvient sans doute d'avoir lu dans ma n Revue n de l'an passé (3) que le réformateur hindou Keschab Chandar Sen recommande à ses adeptes de ne pas se vêtir à l'européenne, ce qui tend à les détacher de leur pays, qu'ils doivent fidèlement aimer. Je trouve dans le Panjâbî (4) un long article contre la manie qu'ont en effet quelques Indiens de vouloir s'habiller à l'européenne, et sur le même sujet, dans le 'Aligarh Akhbâr (5), une lettre de Kasehi-Nalh dans laquelle cet érudit Hindou dit : « Chaque peuple a un costume national qui le distingue. Bans l'Inde, au contraire, tandis que beaucoup d'Hindous tiennent à garder leur costume, d'autres préfèrent le turban et la robe turque, et beaucoup d'entre eux s'habillent à l'européenne. Celte variété est fâcheuse... Ceux qui veulent nous unir en un seul corps de nation doivent s'occuper d'une réforme à ce sujet. Il ne faudrait pas en tous cas que nos femmes suivissent les modes françaises ou anglaises ; nous les préférons avec leurs (i) Awadh Akhbâr du 21 janvier 1876. (2)N° du 26 mai 1876* Le pandit ou swami Dayanand est le même dont j'ai parlé plus haut comme fondateur de VArt/a samâj « Société des Ary'as j, qui a formé le projet de faire traduire en hiadoustani les textes originaux des Védas et des autres anciens monuments de la littérature sanscrite qui peuvent donner des éclaircissements sur l'ancienne religion des Aryas. (3)Page 80. • (4)N» du 19 août 1876. (5)N° du 19 novembre 1875. — 94 — dhotî ou chadar (1), qui ne diffèrent entre eux que par la matière et non par la forme. « Il est fâcheux qu'on donne dans les Universités indiennes la robe et la toque, à la manière anglaise. Ne pourrait-on pas adopter un de nos costumes nationaux pour ces distinctions honorifiques ? Il est aussi fâcheux que quelques juges et autres officiers du gouvernement exigent qu'on ne se présente devant eux qu'avec des vêtements particuliers. Le Wakil-i Hindùstân demande avec raison un règlement à cet effet, afin de n'être pas sous ce rapport exposé aux eaprices d'un fonctionnaire. » Occupons-nous maintenant des Hindous qui veulent résister aux innovations. Le Dharm sabhâ « Association de la loi u, qualifiée de respectable {ârjâ), a célébré le 16 janvier 1876 au Caïçar bâg de Lakhnau, qui appartenait jadis à l'ancien roi d'Aoude, le premier anniversaire de sa fondation. « Dès huitheuresdu matin on commença à distribuer aux pauvres et aux nécessiteux du riz cuit jusqu'à deux heures de l'après-midi. La quantité de gens à qui on fit ces distributions s'éleva à plus de mille. Puis des membres du sabhâ appartenant aux quatre castes des Hindous, particulièrement des pandils distingués par leur science et par leur mérite, arrivèrent à partir de deux heures jusqu'au soir* et au coucher du soleil il y avait plus de trois cents personnes. « On lut d'abord des pages du Siva guîta et du Râmâyana de Valmiki avec le commentaire hindi ; les auditeurs intelligents écoutèrent ces lectures avec intérêt et de l'oreille du cœur, et en retirèrent beaucoup d'avantages. Puis le mahar raja Pandit Gangadhar, du « Canning Collège », commença sa conférence spéciale sur le Dharm sabhâ. Quand il l'eut (1) Le premier mot est indien et le second est persan : ils indiquent, l'un et l'autre, la pièce d'étoffe dont se drapent complètement leàr Indiennes. . . . — 95 — terminée, il récita à haute et intelligible voix quelques prières tirées des Védas et quelques slokas dont le sens était : Que Dieu maintienne cette association [sàbhâ) tant que le soleil et la lune subsisteront ; et que ses progrès s'accroissent de jour en jour ! Qu'aux assistants de cette réunion aucun dommage temporel n'arrive !... Ensuite les musiciens et les chanteurs vinrent dans l'assemblée, jouèrent de leurs instruments et chantèrent harmonieusement. Cette réunion dura jusqu'à sept heures du soir ; puis on distribua des rafraîchissements et on offrit aussi ,de l'argent monnayé aux pandits (1). » Vlndian Daily News (2) a de son côté publié une note pour inviter tous les Hindous orthodoxes à se réunir afin d'adopter des résolutions à l'effet de protéger les anciennes manières et coutumes hindoues. « Le torrent de la civilisation européenne est pour ainsi dire irrésistible, y est-il dit; mais de même qu'un tronc d'arbre arrête tant soit peu une inondation qui emporte tout, il y a quelques bons usages propres à conserver parmi bien des abus déplorables des mœurs indiennes. C'est précisément parce que les mœurs et les usages indiens sont intimement mêlés à la religion que la tâche que se propose la nouvelle Société est difficile ; mais cette tâche est d'autant plus louable, et elle doit avoir l'appui de tous ceux qui aiment les choses anciennes et qui se méfient des changements, de quelque part qu'ils viennent. » Quoi qu'il en soit, les vieux usages indiens disparaissent peu à peu. Déjà plusieurs fêtes indiennes chômées ont été officiellement supprimées, et cette année encore les marchands hindous ont obtenu la suppression du dasahra (3) qui a lieu le 10 jeth (mai-juin), à cause de la prétendue naissance en ce jour du Gange, ce qui n'empêchera pas les (1) Awadh Akhbâr du 26 janvier 1876 (2)« Indian. Hait t du 13 mars 1876. (3)Awadh Akhbâr du 30 août 1876. — 96 — dévots Hindous d'aller se baigner ce jour-là dans ce fleuve pour être purifiés de leurs péchés. L'union des Hindous et des musulmans dans l'Inde est plus réelle qu'on ne croit. Les musulmans tâchent d'expliquer conformément à leurs croyances, d'après l'éclectisme du grand Akbar, les croyances hindoues. J'en ai cité dans l'occasion des exemples. J'en trouve aujourd'hui un nouveau dans un gazai urdu sur la pierre, par un poète de Làkhnau , le raïs Wajid Ali, élève de Dabir et d'Acir (I). Ce gazai, dont les vers se terminent tous par le mot patthar « pierre » , et qui roule en général sur le « cœur de pierre » de la maîtresse platonique de l'auteur, débute par quelques vers dont voici la traduction : a 0 brahmane, tu ne dois pas rendre à la pierre plus de respect qu'elle ne mérite, mais il est vrai que tu peux y voir l'image de Dieu. » Sévères prédicateurs, pourquoi méprisez-vous la pierre ? Les brahmanes en vénèrent-ils les défauts ?... « Le pèlerinage de la Mecque (hajj) est-il valable si on ne baise pas la pierre noire (2) V C'est ainsi que le culte de Dieu est complété par l'hommage qu'on rend à la pierre. » 'Vânjuman-i islâmiya de Dehli a tenu le 22 mai dernier une séance sur laquelle je trouve les détails suivants dans le Panjâbî (3) : « Beaucoup de membres distingués de la Société prirent part à cette réunion. Le principal fut l'aga Haçan Khan Balladur, qui a obtenu , à cause de son dévouement au gouvernement anglais, une pension annuelle de mille roupies, et que le Prince de Galles a appelé en Angleterre. Le secrétaire Kliwaja Ali Ahmad expliqua la cause de l'établissement de cette Société; et il développa ensuite tout ce qu'elle avait (1)Awadh Akhbdr du 3 janvier 1876. (2)Voir « l'Islamisme », article du Pèlerinage, p. 277. (3)N° du 10 juin 1876. — 91 — fait jusqu'alors. Puis le munschi Muhammad Mahmud ulhaçan parla du titre de schâhinschâh (impératrice) de la Reine Victoria; et il expliqua en abrégé ce qu'avait exposé Mr. Disraeli, grand vizir d'Angleterre (aujourd'hui Earl of Beaconsfield), au Parlement. Il assura que les rà'âyas de l'Inde, bien loin d'être mécontents de ce titre, en seront au contraire très-satisfaits, et qu'il faudra, aussitôt qu'on en aura proclamé dans l'Inde l'annonce officielle, que les sujets indiens de la Reine lui envoient une adresse de félicitation. » La Société Islâmiya de Calcutta, qui existe depuis quatorze ans sous les auspices du gouvernement et qui se compose des membres les plus distingués de la communauté musulmane, est allée le 20 avril dernier offrir des félicitations au nouveau gouverneur général, qui l'a assurée qu'il coopérerait de son mieux aux vues généreuses de la Compagnie pour l'amélioration de la communauté musulmane. Il a reconnu tout le bien qu'elle avait fait jusqu'ici en établissant des bibliothèques et des salles de lecture pour répandre parmi les musulmans l'instruction dont le manque était seul cause de ce qu'au commencement de la domination anglaise on n'avait pas eu recours à leurs services, ce qui n'a plus lieu maintenant (1). La Société islamique (Anjutnan-i Islam) de Bombay est très-prospère. Elle a présenté le 24 août une adresse à Sir Salar Jang, à son retour dans l'Inde par Bombay, pour le féliciter sur son heureuse arrivée. Cinquante membres de la Société étaient présents, ayant à leur tête le président Camar uddin Taïyab Ji. Sir Salar a remercié la Compagnie de son attention, et il a exprimé la sympathie qu'il éprouvait pour elle. Il est reparti le 25 août pour Haïderabad, où il a été reçu avec la joie la plus vive (2). (1)PanjdMàa 6 mai 1876. (2)« Indian Mai! » da 15 et du 25 septembre 1876. 7 — 98 — De son côté, la Société islamique de Lakhnau a manifesté son existence en publiant son règlement (dastûr) en urdu (1). Sous le titre à'Anjuman-i tahzîh, il a été établi à Cawnpur une Société qui a pour but de pourvoir à l'éducation et à l'instruction des orphelins musulmans. Un autre objet que cette Société a en vue, c'est de réparer les mosquées et de les entretenir en bon état, de mettre des seaux et des cordes aux puits qui sont auprès de ces édifices. Plusieurs mosquées ont été réparées par les soins de cette Société, et elle a l'intention d'en réparer d'autres. Quant aux enfants musulmans qui sont orphelins et que le gouvernement avait confiés à des chrétiens, la Société devra s'en charger, et leur donner une éducation et une instruction complètes (2). Le lieutenant gouverneur du Penjab et le commissaire de Lahore ont déployé beaucoup de générosité et de bonne volonté pour une chose dont tous les musulmans sont trèssatisfaits. Voici ce dont il s'agit. La mosquée dorée [Soriharî masjid) de Lahore était depuis longtemps ruinée et hors de service, et on en avait en vain demandé à plusieurs reprises la réparation au gouvernement. Or, auprès de cette mosquée il y a trente boutiques qui appartiennent au gouvernement et qui sont louées annuellement cinq cents roupies. Beaucoup d'habitants de Lahore ont adressé collectivement une pétition au gouvernement, demandant qu'on appliquât à la réparation de la mosquée le montant du loyer de ces boutiques. Ce désir a été pris en considération par le gouverneur, et il est maintenant à espérer que l'argent qu'on retirait de ces boutiques sera employé à la réparation et à la mise en état de service de la mosquée susdite, et qu'elle sera ainsi conservée longtemps encore (3). (1) En 6 pages in-8°, en 1875. (%) Vanjdbî du 11 mars 1876. (3) Awadh Akhbâr du 25 janvier 1876, d'après le Rohilkhand Akhbâr. — 99 — Le 'Alîgarh Akhbâr (1) fait observer, d'après le Pioneer, que l'Angleterre est la [première puissance musulmane du monde; car elle a dans l'Inde cinquante (2) millions de musulmans qui lui sont soumis. Dans le Bengale seul il y a plus de musulmans qu'on n'en trouve en Turquie et en Egypte, pays qui sont, censés musulmans. Les musulmans sont, malheureusement pour eux , divisés en plusieurs communions, si je puis me permettre d'employer cette expression chrétienne à leur égard ; et ces divisions existent dans l'Inde. Il y a d'abord les sunnis ou sunnites , qui se considèrent comme « orthodoxes », puis les schi'as ou schiites (3), considérés comme « dissidents d , et enfin les wahâbî ou Tvahabites, qui sont les « radicaux musulmans ». Dans l'Inde, les musulmans éclairés de ces trois groupes vivent en assez bonne intelligence, et le musulman libéral Saïyid Ahmad Khan les admet sur le pied d'égalité dans son grand Madraçat ulislâm. Cependant les schiites du Penjab réunissent des fonds pour établir une école de leur secte à Ambala. De même que dans l'Eglise chrétienne des âmes généreuses cherchent depuis longtemps les moyens de réunir les (1)No du 5 mai 1876. (2)'Alîgarh Akhbâr du 25 août 1876. (3)On nomme aussi les schi'as imamiens, parce qu'ils ont une grande dévotion envers les douze imans, spécialement envers le dernier, Muhammad Mahdi ou « le chef », qui disparut à l'âge de douze ans et qu'ils M'oient devoir revenir à la fin du monde avec le Christ, et c'est ainsi qu'ils sont aussi nommés mahdiyâ • mahadiens ». C'est sous ce dernier nom qu'on a désigné le Pathan qui assassina, à Haïderabad, par fanatisme sectaire, pendant le séjour du Prince de Galles dans l'Inde, le munschi du Nizam, qui était sunnite, perîdant qu'il faisait sa prière dans une mosquée. Les dernières insurrections dans la Turquie d'Europe sont, sans doute, cause que le bruit a été répandu dans l'Inde que des musulmans de Bombay avaient reçu des lettres de la Mecque annonçant l'apparition de l'iman Mahdi et une guerre religieuse générale, suiviedamîl/enium musulman. Quoi qu'il en soit, les schiites ont fait, dans les mosquées, des prières spéciales à cette occasion. — 100 — Églises, ainsi dans l'islamisme un excellent saïyid, Ulfat Huçaïn, de Dehli, a adressé au Panjâbî (1) une lettre pour indiquer ce qu'il y aurait à faire pour obtenir un rapprochement entre les sunnis et les schi'as. «Il faudrait, écrit-il, qu'on ne dit jamais rien contre les compagnons du Prophète ou contre ses femmes ; qu'on n'employât jamais en parlant des adversaires les expressions de râfizî « hérétique » ou khàrijt « schismatique » ; qu'on s'abstînt,.conformément au Peutateuque, de manger du lièvre, des coquillages, du paon et du perroquet ; d'assister aux cérémonies du muharram, à moins qu'elles ne soient conformes à la loi ; et d'observer les fêtes de la naissance et de la mort du Prophète. Quant à l'imamat du douzième imam, il est intérieur, et. non extérieur. » Dans tous les cas, il faut éviter le fanatisme de part et d'autre, il ne faut pas se maudire et s'injurier. On peut laisser aux sunnites morts leur turban; mais mettre'un Coran dans le cercueil, c'est un manque de respect. Dans tous les cas, il faut demander à Dieu d'amener l'accord de tous les. musulmans et de noircir le visage des hypocrites. » Toutefois,, malgré tous ces bons avis, à' la suite d'une échauffourée sanglante qui a eu lieu à Haïderabad entre les sunnis et les schi'as, imamiens ou mahdîyiah, on dit que Sir Salar Jang a l'intention de renvoyer de la ville les sunnis pathans, qui y sont au nombre de dix mille (2). L'islamisme continue à faire des progrès dans l'Inde. Oii s'imagine généralement que les femmes y sont opposées, et que ce sont plutôt les hommes qui l'adoptent. Le contraire est récemment arrivé dans le Sind, car nous apprenons que dans cette province la plupart des femmes ont adopté l'islamisme (3). (1)N° du 17 juin 1876. (2)« lndian Mail » du 13 mars 1876. (3)Awadh Akhbdr du 21 novembre 1875. — 101 — A Kattywar, un jeune Hindou s'élant fait musulman, sa famille est allée chez son tuteur se plaindre de cette sorte d'apostasie ; mais il paraît que la famille a été calmée par le don qui lui à été fait de trois mille roupies (7,500 fr.) (1). J'avais bien raison l'an passé (2) en disant que ce ne pouvait être qu'à l'ouvrage de Mr. R. B. Smith, intitulé « Mohamad and Muhamadanism (3) » , que se rapportait ce que dit le Panjàbî « des membres recommandables des autres religions et des savants d'Angleterre qui ont écrit en faveur de l'islamisme et dont les ouvrages ont même été traduits en hindoustani ». En effet, je trouve dans VAwadh Akhbâr (A), sous le titre de « Bonne nouvelle pour les musulmans •<>, la confirmation de ma conjecture ; nous y lisons une lettre que le savant professeur d'arabe, de persan et d'hhidoustani de l'Université de Dublin, Mir Aulad Ali, a adressée au mùnschi Nawal Kischor, directeur du journal, qui avant de l'insérer dit qu'on distingue, parmi les ouvrages que les savants écrivent de temps en temps en faveur de l'islamisme (5), un livre considérable publié par un savant anglais (R. Bosworth Smith) et qui a eu plusieurs éditions en Angleterre ; mais les habitants de l'Inde sont, dit-il, jusqu'ici privés de le lire parce qu'il est écrit en anglais ; c'est pourquoi Aulad Ali l'a traduit en urdu et veut le publier d'abord dans YAwadhAlcbhâr, puis à part, afin qu'il soit connu de tous les musulmans. « Il est vrai, ajoute le rédacteur de ce journal , qu'on ne doit pas se mettre en peine de ce que peuvent penser sur notre religion ceux qui en professent une autre ; (t) 'Alîgarh Akhbâr du 6 octobre 1876, d'après le Jâm-i Jamsched. (2) « La Langue et la littérature hindoustanies eu 1875 t, p. 65 et 66. (3) VAwadh Akhbâr du 24 mai 1876 annonce longuement la nouvelle édition de cet ouvrage. (*) -JV° du 22 décembre 1875. (5) Peut-être y suis-je compris, à cause de mou ouvrage intitulé 1' « Islamisme i, dans la préface duquel je relève, tout en faisant ma profession de foi chrétienne, les absurdités qu'on a propagées contre la religion musulmane. — 102 — mais néanmoins, lorsqu'une personne étrangère à notre croyance s'énonce à son égard sans fanatisme, on en épronve d'autant plus de joie qu'on sait que beaucoup de gens d'esprit qui habitent l'Angleterre sont d'accord là-dessus. Combien n'est-il pas à désirer que les journaux anglais de l'Inde abandonnent leurs idées étroites, en sorte qu'il y ait entre chrétiens et musulmans une union digne de gens sages (1) ! " Voici au surplus l'abrégé de la lettre du saïyid Aulad Ali, en date du II novembre 1875 : « Bien que vous soyez naturellement favorable à la religion des Hindous (2), néanmoins, comme au moyen de vos publications vous avez favorisé le progrès des sciences arabes, persanes et hindoustanies, et comme par les traductions que vous avez publiées des ouvrages anglais, les habitants du monde (indien) ont reçu de grands avantages, entre autres les musulmans pour lesquels xrous avez édité le noble Coran et les livres des hadîs, ce qui fait honneur à voire caractère, j'espère que vous donnerez dans voire Journal la traduction que je vous envoie de quelques idées contenues dans l'ouvrage remarquable de Mr. B. Smith. J'ai en effet l'intention de faire un choix dans cet ouvrage et de vous demander d'en imprimer de temps en temps des fragments. Puis, quand ma traduction sera terminée, je la ferai imprimer avec la permission de l'auteur. Comme depuis longtemps les Hindous et les musulmans habitent le même pays, ils vivent fraternellement ensemble, et lorsqu'on publie un ouvrage impartial sur leur religion sans aucun motif humain, mais seulement dans l'intérêt de la vérité, ils y font grande attention. C'est ainsi que l'ouvrage intitulé : « Mohaliiad and Muhamadanism », qui a été imprimé en Angleterre et en Amérique et qui est de nouveau imprimé à (1)Celui qui écrit ces lignes est un Hindou, ce qui est à noter. (2)Cette lettre est adressée au propriétaire de l'imprimerie de VAwadh Akkbâr, Nawal Kischor, dont le nom seul indique la religion. —. 103 — Londres_, a attiré l'attention générale, comme le témoignent les articles qui ont paru sur cet ouvrage non-seulement en Angleterre, mais dans toute l'Europe et en Amérique. J'espère de même qu'on en insérera mes reproductions dans YAkhbâr-i 'âlam de Mirath, dans le Panjâbî, dans les journaux islamiques de Dehli, de Rampur, d'Haïderabad, etc., et même dans quelques journaux chrétiens. Il est enfin à désirer que ces passages éclectiques soient connus dans les trois présidences de l'Inde. » Le livre de Mr. B. Smith se compose de quatre lectures ou chapitres : Introduction, Mahomet, Islamisme, Islamisme et Christianisme. Les journaux anglais grands et petits, soit journaliers, soit hebdomadaires, ont tous fait l'éloge de la capacité et de la science de l'auteur, de son équité et de sa franchise, et de l'excellence de son ouvrage. C'est ainsi que je me suis décidé à choisir dans ce livre ce qu'il m'a paru utile que mes frères musulmans connaissent et aussi les journaux chrétiens bien intentionnés de l'Hindoustan, et même spécialement quelques personnages tels que Sir W.Muir (1), afin qu'ils sachent ce qu'un de leurs compatriotes pense des musulmans, d'autant plus que l'auteur, en bien des endroits, a donné des réponses aux arguments de Sir W. Muir. Je remercie Dieu de ce qu'à la fin du treizième siècle (de l'ère musulmane) il s'est troux'é un auteur chrétien qui ait dit la vérité sur la religion de Mahomet; car jusqu'ici, que de calomnies n'avait-on pas accumulées contre elle ! » Ici le munschi Aulad Ali prend la peine de traduire tous les articles favorables à l'ouvrage de Mr. Bosworth Smith qui ont paru dans le Saturday Review> VAthenœum, VAca(1) Ce savant homme d'État a publié, entre autres, une remarquable « Vie de Mahomet » en quatre volumes m-8°, et tous les textes du Coran, en arabe et en anglais, favorables au christianisme, sous le titre de « the Testimony born by the Coran on the jewish and Christian Scriptures ». — 104 — demy, le Guardian, Y Examiner, le Daily Telegraph, le Daily News, le Westminster Review et plusieurs autres journaux anglais. Il aurait pu y ajouter la traduction de plusieurs articles français, notamment de celui du Polybiblion, qui, bien que très-catholique, est, malgré quelques réserves, favorable à l'ouvrage de Mr. B. Smith. Il aurait pu même citer ce que j'en ai dit en offrant à l'Institut cet ouvrage de la part de l'auteur. Mir Aulad AU ajoute ensuite :« Un écrivain anglais, grand arabisant, le Dr. Badger, dans le Contemporary Review, s'exprime ainsi qu'il suit relativement à Mr. B. Smith (I). Le vrai but de l'auteur est de dire ce qu'exige la justice au sujet de la religion dfi Mahomet avec candeur et même avec hardiesse. Il était, en effet, essentiel de faire connaître la vérité sur cette religion, qui est professée par un sixième des créatures humaines et particulièrement à cause des millions de musulmans qui sont soumis dans l'Inde à l'Angle- • terre, et ainsi l'auteur est digne de toute louange. » Bien que le munschi Aulad Ali diffère de Mr.-B. Smith sur quelques points, il n'hésite pas à recommander la lecture de son livre à tous les Anglais qui appartiennent à l'administration ou qui y aspirent, et particulièrement aux missionnaires chrétiens. « Mahomet a eu toute sa vie la pré- > tention d'être pour tout le monde véridique et très-véridique, et d'être le messager de Dieu (Raçûl ullah). Mes amis, dit en terminant le munschi Aulad Ali, que vous soyez chrétiens ou musulmans, adoptez cette profession de foi : Il n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son envoyé. Les musulmans et les vrais chrétiens sont d'accord pour la première partie, adoptez aussi la seconde avec Mr. Smith, savant distingué d'Angleterre. » Enfin, comme échantillon de l'ouvrage de Mr. Smith, le (1) Il est à remarquer que Mr. B. Smith n'a acquis ses connaissances sur l'islamisme que dans les livres écrits par des savants européens. — 105 — munschi donne la traduction de deux passages (1) de l'ouvrage dont il s'agit, passages que je vais reproduire à mon tour, à la fois d'après l'hindouslani et l'anglais, afin qu'on voie que les assertions de Mr." B. Smith n'ont pas la portée que leur attribue Aulad Ali. Voici d'abord le premier passage : « De ce que-j'admets que la propagation de l'islamisme a eu surtout lieu par l'épée, il ne s'ensuit pas qu'il faille la condamner par cela seul d'une manière abstraite et d'un haut point de vue. L'épée est un instrument sans pitié, mais il est certain que l'idée qu'une religion ne peut se répandre qu'au moyen du sabre, cette idée, bien qu'absurde, a été soutenue maintes fois. Quoique les Arabes fussent à demi barbares, cependant les nations qu'ils conquirent ne les considérèrent pas néanmoins comme tels. En effet, leurs guerres n'eurent pas seulement pour but le pillage et la dévastation, comme celles d'Alaric et de Genséric dans les temps anciens, de Jenghiz Khan et de Tamerlan dans les temps plus mo^ dernes ; ni comme celles d'Attila, qui était la destruction incorporée, « le fléau de Dieu » , comme il se disait être, au point, assurait-il, que l'herbe ne croissait jamais sur le sol qu'avait foulé son cheval. Mais des conquêtes musulmanes il serait plus vrai de dire qu'après les premiers flots de l'invasion , là où il croissait un brin d'herbe, il en croissait deux : il en était comme de l'orage qui fertilise en détruisant ; car d'une extrémité à l'autre du monde les musulmans répandirent, avec leur religion, les semences de la littérature, du commerce et de la civilisation. Et comme ces semences par la suite des temps disparurent dans une partie du" monde musulman, elles reparurent dans l'autre. Ainsi, quand elles s'évanouirent avec la fin du khalifat abbasside sur les bords du Tigre et de l'Euphrate, elles prirent une nouvelle nais(1) Le premier, de la page 154-155 ; le second, de la page 157. — 106 — sance sur les bords du Guadalquivir et de la Guadiana. Bagdad succéda aux splendeurs et à la civilisation de Damas, le Caire à Bagdad, et Cordoue au Caire."» Voici le second passage : « L'islamisme est-il la seule religion qui ait essayé de se propager par l'cpée ? II est vrai qu'une guerre sainte soutenue par les chrétiens est en contradiction directe avec l'esprit de son fondateur, tandis qu'une guerre du même genre est tout à fait conforme au précepte et à la pratique du Prophète; ainsi il n'y a pas de comparaison à faire à ce sujet entre les deux religions. Les moyens autorisés par le Christ pour propager sa religion ont été seulement moraux et spirituels. Ceux qui sont autorisés par Mahomet sont d'abord l'exemple et la persuasion, et à défaut l'épée. » Un professeur de l'Université de New-York, Mr. T. W. Draper, dans son ouvrage sur « les conflits de la science et de la religion », parle avec respect de Mahomet. 11 va jusqu'à dire qu'au sixième siècle Mahomet reprit la tradition de Nestorius sur l'unité de Dieu, et que, grâce au mahométisme, le Dieu unique triompha et la doctrine de l'unité divine s'établit dans le monde. Mais il faut savoir que Mr. Draper est hostile au christianisme orthodoxe, et qu'il ne sait qu'insulter tout ce qui est vraiment chrétien (1). On a récemment publié à Bombay un ouvrage de controverse en faveur de la religion musulmane, traduit de l'arabe sous le titre de Zafar-i jalîl «. la Victoire éclatante », par Cutb uddin, de Dehli (2); et à Lakhnau, en 1875, une brochure musulmane en réfutation des doctrines chrétiennes par Muhammad Rukn uddin et intitulée : Uçûl-i hutlàfi-i Mazhab-i 'Içâî « Principes sur la vanité de la religion chrétienne ». Un journal de Saint-Pétersbourg nous apprend que les (1)W. Guettée, • Union chrétienne », n° de mars 1876. (2)In-8° de 268 pages. — 107 — musulmans s'agitent dans tout le continent asiatique, ce qui annonce que l'islamisme est bien loin de s'effacer, comme quelques personnes le croient en Europe et comme l'espère, avec tous les bons chrétiens, le savant et respectable évoque de Lincoln, le T. R. Dr. Ch. Wordsworth (1). Ce mouvement ne vise à rien moins qu'à une régénération complète de l'islamisme, il se manifeste non-seulement en Turquie, mais à Bokhara, à Khiva, à Khokhand, à Kaschgar. En Chine, les musulmans cherchent toujours à secouer le joug chinois. Il paraît qu'ils y font de grands et rapides progrès (2), et qu'ils se préparent même, dans les provinces éloignées du centre, à une nouvelle insurrection qui sera cette fois soutenue par des tribus guerrières non musulmanes, impatientes du joug compassé de l'empire dit « Céleste ». Dans le Tonquin il y a cinquante mille musulmans habillés à la chinoise, mais fidèles à leur religion. Ils y ont dix mosquées dans lesquelles ils font leurs prières (3). Dans l'Inde ils savent se faire craindre et obtenir des concessions du gouvernement anglais; partout enfin il y a chez eux un véritable réveil qui semble excité par le dédain eui'opéen. Yacub Khan, chef de Khaschgar, a accueilli avec honneur le neveu du gouverneur de Moméin qui, avec une trentaine de ses officiers, mourut l'épée à la main pour soutenir l'indépendance musulmane, et il a témoigné l'intention de recevoir volontiers les réfugiés musulmans de la Chine (4). A Lakhnau , le 8 novembre 1875, Mirza Kalb Ali Khan fit une conférence devant beaucoup de notables indigènes et Européens, dont VAwadh Âklibâr donne la liste (5), sur un (1)« The Mohamedan Woe, and its passing away, a sermon j , in-8°, 1876. (2)Panjdbî du 12 juillet 1876. (3)Awadh Akhbdr du 30 avril 1876. ' (4)* Indiànllail » du 12 juin 1876. (5)N" du 12 novembre 1875. _ 108 — voyage d'un an et demi qu'il a fait en Europe. On fut charmé des détails dans lesquels il entra sur les merveilles de la ville de Londres et sur le gouvernement anglais, sur la belle ville de Paris et sur celle de Constantinople, où il assista à la fête du duhâ (1). Le Mirza a l'intention de publier cette conférence, qui ne manquera pas d'être lue avec intérêt. Les musulmans de Calcutta et de Madras, ces derniers à la suggestion du prince d'Arcate, ont accompli des cérémonies funèbres à propos de la mort du sultan Abdul Aziz. Apparemment la chose a eu lieu avant qu'on eût appris que le sultan s'était suicidé, car les musulmans de Bombay, qui voulaient aussi offrir des prières solennelles au sujet du même décès, en ont été empêchés par le cazi à cause de ce suicide (2), et ils ont dû se borner à des prières sans solennité pour demander à Dieu de pardonner ce crime (3). Et à ce propos je dois dire que les musulmans de l'Inde sympathisent avec ceux de Turquie dans la guerre actuelle, et qu'ils ont ouvert une souscription pour contribuer aux frais énormes qu'elle occasionne. UAwadk Akbhâr du 16 août, après avoir donné la liste des souscripteurs de l'empire ottoman , en tête desquels se trouve le sultan pour un lakh cinquante mille roupies et la sultane Walîda pour cinquante mille roupies, engage les musulmans de l'Inde à suivre leur exemple. Il y a plus, car on a annoncé qu'il s'est tenu à Bombay le 24 septembre un grand meeting de musulmans, dans lequel il a été résolu d'adresser à la Reine une pétition afin de la prier de ne faire dans sa politique aucun changement qui puisse tendre au démembrement de l'empire turc. Il a été tenu un autre meeting de musulmans à Cal(1)Ou t fête du sacriûce », qu'on nomme aussi bacar'îd i fête du taureau > . Elle est célébrée le 10 du zîhijja, douzième mois musulman. (2)« Indiau Mail » du 4 février 1876. (3)Voir lefetua dans « l'Islamisme », p. 192. — 109 — cutta pour faire acte à la fois de sympathie envers la Turquie et aussi de dévouement à l'impératrice de l'Inde. Plusieurs autres manifestations du même genre ont eu lieu. Venons-en aux conversions à l'islamisme dans l'Inde. Et d'abord je dois remarquer que les musulmans se sont maintenant multipliés plus même qu'ils ne le firent pendant leur suprématie. Que dis-je? des Européens se joignent à eux. Cette année encore j'ai à signaler quelques conversions. Voici en quels termes YAwadh Akhbâr (du 2 juin 1876) en annonce une : « Thomas William Pradiston, City magistrate, de Londres, fait savoir qu'il a eu l'honneur d'être reçu dans l'islamisme le 22 mai passé. « « A Calicut, un fonctionnaire de l'Etat qui venait de Rangun, dit le Dabdàba-i Sikandarî (1), a embrassé solennellement dans la mosquée cathédrale la religion musulmane. » « Un musulman -, nommé Ramazan Khan de Suhagpur, dans le zila' de Hoschangabad, trompé, dit un journal hindoustani (2), par MM. les missionnaires, était devenu chrétien ; mais peu de temps après il en eut du regret, et il eut le bonheur de rentrer dans le sein de l'islamisme. VERS. « Il allait tout droit à la Caaba ; mais il fut retardé dans le chemin ; c'est qu'il y avait là des serviteurs des idoles. Grâce à Dieu, tout a bien fini. » Un journal d'Aoude donne une singulière nouvelle. Il nousfait savoir qu'en juin dernier un Irlandais s'est adressé au magistrat de Lakhnau pour obtenir la permission de se faire musulman. Mais ce qu'il y a de bien plus extraordinaire que tout cela, c'est la conversion à l'hindouisme d'un jeune Anglais (1)N° du 17 juillet 1876. (2)L'Awadh Akhbâr du 21 juillet 1876. — 110 — de Simla, qui s'est fait jogui (1) et s'est mis sous la direction spirituelle du desservant d'un temple hindou situé au sommet du mont Iako (2). VIL J'ai, l'an passé (3), entretenu mes lecteurs, avec quelque étendue, des missions protestantes de l'Inde. Comme appendice à ce que j'en ai dit, je vais maintenant traduire ce qu'a écrit à ce sujet le journal indigène, quoique écrit en anglais, « The Pioneer » : « L'histoire des jésuites, lit-on dans ce journal (4), est une longue suite de merveilleux exploits de propagande. Dans la Chine, dans le Paraguay, dans l'Inde,«ils sont inconcevables. On les a accusés d'adapter le christianisme à l'intelligence de ceux qu'ils voulaient convertir, et d'avoir adopté des cérémonies et des rites païens qui à la longue détruisaient leur œuvre. A cela on peut répliquer que sans ces concessions ils n'auraient pu s'attendre à aucun résultat et qu'un maître doit approprier sa méthode à ses élèves. L'esprit tolérant des missionnaires jésuites est préférable à la bigoterie des ecclésiastiques protestants, dont il a été dit qu'ils agissent souvent comme s'ils voulaient choquer les préjugés des peuples, et qui représentent à ceux d'une croyance différente le christianisme actuel comme une réunion de doctrines définies, mais mystérieuses, qu'il faut accepter entièrement ou pas du tout. » On apercevait un esprit tout différent dans FrançoisXavier et dans Schwartz. Le premier adopta les habitudes et la mince nourriture des ascètes indiens, le second toléra parmi les convertis la distinction des castes. L'un et l'autre (1)s Pénitent >, nom général qu'on donne aux faquirs hindous. (2)'Aligarli Akhbdr du 4 août 1876. (3)« La Langue et la littérature hindoustanies en 1875 >, p. 84 et suiv. (4)> Indian Mail s du 25 mars 1876. — 111 — cherchaient à se rapprocher le plus possible de l'esprit de leurs élèves et à les élever peu à peu à leur propre niveau. C'est en quelque façon d'après le même système que certains missionnaires se bornent presque exclusivement à l'éducation. Ils ont appris à reconnaître l'hindouisme comme un corps de croyances et d'idées qui, bien que logiquement absurdes, sont trop fermement mêlées avec les fondements de la société pour qu'elles puissent en être arrachées tout à coup. La société doit être améliorée et recevoir une sorte d'éducation avant de consentir à renoncer aux superstitions du passé. Jusqu'alors une religion plus élevée ne pourra être reçue, ou, si elle l'est, elle ne le sera que d'une manière imparfaite et défigurée. Comme instituteurs, les missionnaires protestants ont obtenu dans l'Inde un remarquable succès. En comparant leurs écoles avec celles qui sont sous la surveillance de l'Etat, on n'aurait qu'un témoignage insuffisant de ce qu'elles ont accompli ; mais nous devons jeter un coup d'œil en arrière sur les trente dernières années, pour voir combien le mouvement concernant l'éducation s'est répandu dans l'Inde. Nous trouverons alors que les chefs du mouvement ont été des missionnaires, ou du moins que c'étaient des missionnaires qui les soutenaient; on peut donc dire que, dans tous les cas, c'est aux travaux des missionnaires qu'on doit surtout l'instruction et la civilisation européennes dans l'Inde. Toutefois les missions ont échoué dans leur attaque directe contre l'hindouisme. Il paraît incontestable que les doctrines distinctives que les missionnaires envoyés par dés sociétés d'Europe sont chargés d'enseigner ne seront jamais celles des peuples de l'Inde. L'hindouisme, dans sa forme actuelle, paraît destiné à cesser d'exister, mais il paraît non moins certain que le christianisme ne le remplacera pas (1). Ce qu'il y a maintenant de (1) Loin d'admettre ces opinions du « Pioneer », je les crois]fausses. . D'ailleurs, le rédacteur de ce journal me paraît être un Hindou libre — 112 — vie dans la pensée indienne s'occupe, soit d'idées antichrétiennes, soit d'un système de morale qui repose sur d'autres bases que sur des bases surnaturelles. Il a été remarqué par d'ingénieux critiques que la littérature chrétienne indigène ne montre aucun signe de pensée indépendante ou d'enquête judicieuse. On n'y sent que la saveur d'une lourde orthodoxie. Il semble qu'on devrait s'attendre à ce que la nouveauté des doctrines ferait naître des observations et des débats au moins chez quelques-uns des convertis, mais la chose n'a pas eu lieu, ce qui prouve le peu de consistance de l'Eglise indigène. Ce sera un jour heureux pour les missions de l'Inde lorsque la littérature chrétienne indigène deviendra critique aussi bien que dogmatique. » Il est vrai que, malgré toutes les peines que se donnent et les sommes que dépensent les membres des communions chrétiennes non romaines confondus sous le nom de protestants pour l'œuvre des missions, elles n'avaient encore fait dans l'Inde, en 1872, que trois cent dix-huit mille trois cent soixante-trois conversions parmi les indigènes, tandis que vers la même époque, lors du concile du Vatican, on comptail dans l'Inde un million soixante-seize mille cent deux catholiques (romains). Toutefois, d'après le dernier recensement officiel, il n'y avait que huit cent quatre-vingtseize mille six cent cinquante-huit chrétiens (1). Quoi qu'il en soit, les missionnaires catholiques ont évangélisé l'Inde depuis bien longtemps, tandis que ce n'est, relativement, penseur. Ses considérations ne doivent pas décourager les missionnaires : Boundless as ocean's tide, Rolling in fullest pride, Through the ivorld, far and wide Let then be light. (Hymnsancient and modem, n°220.) (1) L' « Indian Mail » du 9 septembre 1876 ne porte qu'à deux cent soixante-six mille trois cent quatre-vingt-onze le nombre des chrétiens indigènes de l'Inde. que récemment que les protestants ont voulu rivaliser de zèle avec les catholiques. Maintenant même les catholiques font encore beaucoup de prosélytes, et en 1875 les recettes pour l'œuvre de « la Propagation de la foi « se sont élevées à cinq millions sept cent quatre-vingt-quinze mille quatre cent soixante-trois francs. Les protestants n'ont que quatre évêques, tandis que les catholiques en ont vingt, dont un archevêque à Goa; mais tandis que non-seulement les évêques, mais les prêtres catholiques, sont, sauf très-peu d'exceptions, des Européens, on comptait, à l'époque mentionnée plus haut, trois cent quatre-vingts Indiens ordonnés prêtres de l'Eglise anglicane. L'œuvre des missions protestantes, je dois le dire dans l'intérêt de la vérité, bien que je sois catholique, n'offre donc pas un véritable insuccès, comme le veut le Pioneer (1), et dans tous les cas les missionnaires amènent indirectement les Indiens au christianisme, ainsi qu'on vient de le voir, au moyen de leurs écoles, qui sont au nombre de trois mille quatre cent cinquante et une (2). Espérons donc la conversion des Hindous, ce qui serait pour eux la meilleure réalisation des visions de leurs oracles, l'accomplissement des désirs de leurs sages. Elle dégagerait le bien du mal, elle dissiperait les nuages qui leur cachent la face du vrai Dieu, et on peut dire à ce sujet avec le Rév. R. Caldwell (3) : Immortal east ! dear Iand of glorious iays ! See hère the « unknown God » of thy unconscious praise. Le bouddhisme, dont on vante avec juste raison l'humanité et la compassion, et qui à l'extérieur ressemble au chris(1)Il a paru un ouvrage pour réfuter cette opinion. Il est intitulé : « Hâve'missions to the heathen been a failure? An answer to some popular objections. By the Rev. A. R. Symonds. » (2)« Présent results and future prospects of existing missions in India», p. 14 et 27. (3)a Relation of christianity to hinduism t, p. -55. 8 — 114 — tianisme romain, vaut moins encore en réalité que l'hindouisme, car il ne prêche que l'athéisme, le nihilisme et le désespoir (1). L'islamisme, qui annonce le vrai Dieu vivant, les récompenses et les peines futures, est donc bien au-dessus de ces religions si évidemment fausses. Comme il est fondé sur la Bible, il semble en préparer le triomphe, mais c'est précisément parce qu'il est plus rapproché de la religion chrétienne qu'il y est plus hostile, convaincus que sont les musulmans qu'ils possèdent la vérité tout entière, tandis que le christianisme seul est le vrai interprète de Dieu pour l'homme. Ne disons donc pas avec Longfellow : In the sight of God Perhaps ail men are heretics. Who rîare To say that he alone lias found the truth? Dans un savant écrit sur le « Progrès comparatif des missions anciennes et modernes (2) », le Rév. J. B. Lightfoot combat l'idée généralement reçue que les missionnaires actuels ne font pas ou presque pas de prosélytes dans l'Inde, tandis que les anciens apôtres chrétiens, comme on vient de le voir, en firent un très-grand nombre ; car on sait que saint François Xavier et ses compagnons convertirent cinq cent mille Tamouls, et les Hollandais trois cent mille Singalais ; mais c'est qu'ils avaient affaire à des populations peu avancées en civilisation; ils étaient favorisés par les princes du pays, ils ne touchaient pas au régime des castes, et d'ailleurs il n'y avait pas de musulmans dans les parages où ils exerçaient leur zèle. La diffusion du christianisme est nécessairement lente chez un peuple où la religion est essentiellement mêlée à toute la vie civile. Il en fut de même dans l'empire romain ; mais alors comme aujourd'hui la qualité compensait souvent ce qui manquait en quantité, car (1)Ibid., p. 13. (2)« Comparative proffress of ancient and modem missions, j — 115 — on cite des exemples frappants de conversion chez des Hindous et même chez des musulmans très-instruits. On trouve même quelquefois la quantité, puisqu'en Birmanie on comptait déjà, en 1861, soixante mille chrétiens (non catholiques romains). Il est de fait qne le manque d'unité dans le christianisme fait tort à la propagation de l'Évangile, comme, au commencement de l'Église, les ébionites, les basilidiens, les ophites, les valentiniens, les marcionites, etc., y firent du tort. Le christianisme dans l'Inde doit avoir un cachet particulier. L'extrême gravité et les longs sermons anglais ne lui conviennent pas ; il faut donner un peu plus aux sens, mais sans tomber dans l'excès contraire. Sir H. E. Bartle Frère, ancien gouverneur de Bombay, qui a accompagné dans l'Inde le Prince de Galles, a dit dans une conférence, en 1872 (1) : « La prédication du christianisme dans l'Inde, au milieu de cent soixante millions d'Hindous et de musulmans civilisés et industrieux, opère des changements moraux, sociaux et politiques, bien plus extraordinaires pour leur étendue et leur rapidité que tout ce qui s'est passé dans l'Europe moderne, » Le caractère oriental de la Bible convainc heureusement les Indiens que la religion qu'annoncent les missionnaires n'est pas une religion anglaise, comme le peuple indien pourrait le croire. Le Rév. J. Long (2), de Calcutta, l'a bien prouvé dans son attachant ouvrage sur « les vérités scripturales élucidées par les usages et les proverbes orientaux » (3), dont il prépare une nouvelle édition très-augmentée. A Dehri-sur-le-Sone, le 20 octobre 1875, la conversion (1)« The Value of missions in India s, p. 14. (2)Ce célèbre missionnaire a fait, au Congrès des orientalistes de Saint-Pétersbourg, auquel j'ai regretté de ne pouvoir assister, une intéressante lecture sur la langue primitive des Aryas et les langues qui en sont dérivées. (3)« Scripture truth in oriental dress. « 8. - lié -* au christianisme du Dr. G. C. Roy a eu lieu solennellement à l'église chrétienne, sous la présidence du Rév. W. Wilkinson, qui lui a donné le baptême, pour lequel deux ingénieurs ont été ses parrains (1). Celle d'un kschatrya, à Peschawar, a été très-remarquée (2) ; enfin il est beau de voir un brahmane se convertir au christianisme, mais surtout un brahmane comme Subrah Mangam, dont la généalogie remonte à trois mille ans, rejeter loin de lui son cordon distinctif et refuser toute distinction honorifique depuis son accession au christianisme (3). Ces conversions me rappellent celle du babu Gamendra Mohan Tagore, de Calcutta, qui produisit d'autant plus de sensation qu'il fut déshérité par son père, Hindou distingué, auteur de plusieurs ouvrages, dont j'annonçai le décès dans mon discours d'ouverture de 1868 (4). J'ai eu le plaisir de voir à Paris, amené par le Rév. James Long le printemps passé, cet édifiant converti, aussi bien que ses deux aimables filles et leur compagne miss S. Woodhams. Heureusement, il n'est pas resté sous le coup de son exhérédation ; il a pu faire casser, quant à ce qui le concernait, le testament de son père, et il lui reste ainsi une immense fortune. J'ai sous les yeux ses « Thoughts by a Christian brahman, on the position and prospects of religion in ïhdia i), publiés à Londres en 1871. Cet opuscule est dédié aux chrétiens indigènes de l'Inde, et il exprime en même temps la foi vive de l'auteur et l'espérance que l'Inde devra à la religion chrétienne sa régénération. L'Eglise indigène indienne se compose, comme nos Eglises d'Europe, de communiants et de non-communiants, c'est-à(1)■ Indian Mail » du 20 novembre 1875. (2)'Aligarh Akhbâr du 22 septembre 1876. (3)Georges Trevor, s Times » du 1er janvier 1876. (4)« La Langue et la littérature hindoustanies de 1850 à 1869 t>, p. 451 et 452. — 117 — dire des chrétiens qui s'approchent du sacrement de l'Eucharistie et de ceux qui négligent de le faire. Les missionnaires sont très-sévères pour admettre à la communion les natifs baptisés ; aussi se "félicitent-ils de l'accroissement visible dès communiants qu'on remarque dans l'Eglise indigène. On y trouve même des chrétiens très-édifiants, tant parmi les hommes que parmi les femmes, qui rappellent ceux de la primitive Église. A l'exemple aussi des chrétiens de ce temps, on a vu de jeunes convertis détruire les idoles que vénéraient leurs ancêtres et leurs pères (1). Cette année encore, le Rév. R. Clark a bien voulu m'adresser son dix-septième Rapport pour 1875 (2) de la mission anglicane d'Amritsir, par lequel nous apprenons qu'après vingt-quatre ans d'expérience il se trouve heureux d'avoir été choisi pour les honorables fonctions de missionnaire, et d'avoir pu établir une Eglise indigène chrétienne dans un pays païen, à Amritsir, le centre même de la religion des Sikhs, et dans plusieurs stations aux environs de cette ville. Le christianisme y "a même acquis une sorte de pouvoir indigène, et il l'a désormais dans toute l'Inde. On compte dans ces parages quatre ecclésiastiques natifs, y compris l'exmusulman Imad uddin, qui a donné dernièrement à Agra, en plein air, des conférences en hindoustani-urdu. Le rapport d'Imad uddin, écrit comme toujours en urdu, confirme les assertions du Rév. R. Clark. On y voit malheureusement la confirmation de ce que j'ai dit bien des fois, qu'il est fort'difficile de convertir les musulmans, et que s'ils se font chrétiens dans un mouvement d'heureux entraînement, ils retournent souvent à leurs premières erreurs. Ils reviennent cependant quelquefois de nouveau au christia(1)<t Keport for 1875 of the Society for the propagation of the* Gospel j , p. 26. (2)The seventieth Report of the Umritsir mission of the Church missionary Society ». Lahore, 1875, in-8° de 57 et xvn pages. — 118 — nisme, comme l'a fait Abd ullah, l'ancien éditeur du journal hindoustani de Lahore le Koh-i nûr. D'autres persistent honorablement dans leur conversion et résistent à toutes les influences. Il y en a enfin qui deviennent eux-mêmes prêtres, comme ceux qu'ordonna l'évêque de Calcutta, feu Mgr Milman, à sa x'isite à Amritsir en novembre 1875; mais ceux-là sont rares, il y en a davantage qui, convertis intérieurement, n'osent faire profession ouverte du christianisme, comme en Europe bien des prétendus libres penseurs sont au fond trèscroyants. C'est ainsi qu'un vieux maulawi Husn Schali, professeur d'arabe à l'Université de Lahore, mourut avec son « Common Prayer » en urdu sous son traversin, en exhortant son fils d'avoir plus de courage que lui et de confesser ouvertement sa foi en Jésus-Christ. Quant à Imad uddin, il continue de s'occuper, soit comme prédicateur, soit comme auteur, à répandre « la Bonne Nouvelle » . Ce fut lui qui fut chargé par l'évêque de Calcutta, à sa visite à Amritsir, de prêcher devant lui en urdu le sermon de l'ordination, le 28 novembre 1875. En dernier lieu il s'est occupé, avec le Rèv. R. Clark, de la publication d'un commentaire de l'Évangile de saint Matthieu et des Actes des Apôtres. Certains Sikhs considèrent la doctrine chrétienne comme le vrai gniân (savoir), sorte de charme magique qu'ils demandent aux missionnaires de leur apprendre ; mais la généralité du peuple considère les missionnaires comme des barbares et se cache à leur approche ; cependant, au moyen des livres en langue usuelle, ils peuvent préparer la voie à des explications verbales, et par suite à des conversions. Le récit de quelques conversions d'Hindous est tout à fait intéressant ; ce sont souvent des ennemis déclarés du christianisme qui, comme saint Paul, ont été tout à coup touchés par la grâce; d'autres fois, c'est, comme dans le cas d'Imad uddin, après toutes sortes de tentatives infructueuses pour se retremper dans la foi de leurs pères. Souvent on est touché par la religieuse résistance des nouveaux convertis aux — 119 — ■ * arguments et même aux larmes d'un père, d'une mère, de frères et de sœurs. Il y a dans ces parages des écoles tenues par les missionnaires, où les enfants apprennent,les dix commandements, le catéchisme en vers rimes, pour qu'ils le retiennent plus facilement, et à chanter des cantiques et des hymnes en hindoustani sur des airs indiens. On leur apprend aussi, cela va sans dire, la lecture, l'écriture, l'arithmétique et la géographie de l'Inde. Enfin il y a des pensions ou plutôt des orphelinats pour les enfants des deux sexes, où sont généralement reçus de pauvres enfants abandonnés par leurs parents aux soins des missionnaires après les ravages du choléra. Bref, l'œuvre des missions à Amritsir a un résultat réel et vraiment important. Des dames chrétiennes zélées s'introduisent dans les écoles indigènes des jeunes filles, leur lisent le Nouveau Testament et leur font entendre des hymnes chré" tiennes ; elles agissent de même dans les zanânas, et elles inculquent ainsi tout doucement les vérités chrétiennes aux Hindous, aux Sikhs et aux musulmans. A Bombay, il y a le ci Médical Missionary Society » , qui fait également beaucoup de bien (1). J'ai reçu du même Rév. R. Clark le huitième rapport du » « Penjab religious book Society » dont il est secrétaire, rapport qui s'étend du lor novembre 1874 au 31 octobre 1875. Parmi les fonctionnaires de l'œuvre, je distingue plusieurs convertis hindous, tels que le Rév. K. G. Chatter Ji, Daoud Singh, Chandu Lala, le babu Radha Raha; mais un seul musulman, Imad uddin, dont je viens de parler. Je ne m'occuperai pas de la partie financière du rapport, mais seulement de la partie littéraire qui se rapporte à l'hindoustani tant urdu qu'hindi. Je vois ainsi qu'on a vendu ou distribué six mille neuf cent soixante et onze volumes urdus et deux (1) i Indian Mail » du 15 septembre 1876. — 120 — cent soixante-cinq hindis, huit mille cinq cent quatre-vingfsix traités en urdu et six cent soixante-dix en hindi. Le rédacteur du rapport fait savoir à cette occasion que l'hindi est fort peu usité dans le Penjab, et qu'il est probable que désormais la Société ne publiera plus rien dans cet idiome. Parmi les livres et les traités nouvellement publiés, je me bornerai à signaler ceux qui me paraissent les plus importants, savoir, en urdu: le Commentaire de l'Evangile de saint Matthieu, dont je viens de parler, qui forme un volume in-4° de 540 pages ; le Miftâk uttaurah « la Clef du Pentateuque », de 158 pages, avec des illustrations pour l'intelligence du texte. Macîh ibn ullah k le Christ fils de Dieu », traduction en 147 pages de l'ouvrage du Rév. J. Vaughan, intitulé « What think ye of Christ » (1). En fait de traités, je dois mentionner le Chand jawânon kâ quissa « l'Histoire de quelques jeunes gens», de 23 pages, et le Jûthé aur sache ta'bîr-goyon kâ quissa « Histoire des faux et des vrais interprètes des songes », 25 pages avec illustrations. Il me paraît inutile de parler des autres brochures ; mais ce rapport signale plusieurs ouvrages urdus manuscrits, préparés pour l'impression, parmi lesquels je distingue un Guît-mâla « Collection d'hymnes » , par le Rév. Dr. Ulman, dont ce tour de force annonce la capacité et la patience nécessaires pour réussir à écrire en vers irréprochables des hymnes dans une langue dont la construction est si différente de celle de l'anglais, d'où elles sont tirées ; aussi l'auteur a-t-il obtenu pour cette collection un prix de cinq cents roupies du Comité chargé de distribuer des récompenses aux meilleurs ouvrages écrits en urdu. (1) On doit au même M. Vaughan un intéressant volume sur l'histoire religieuse de l'Inde, intitulé : « The trident, the crescent and the cross, t Par trident, il faut entendre i l'hindouisme ». — 121 — Le Macîhî alcâb k les Titres chrétiens », sermons sur les épithètes données dans la Bible aux chrétiens, par un autre clergyman à qui le comité des ouvrages urdus a décerné le second prix de deux cents roupies. Parmi les ouvrages préparés pour la presse, je distingue avec plaisir l'inimitable livre de l'a Imitation de JésusChrist » , attribué à Thomas à Kempis, qui, je crois, n'avait pas encore été traduit en hindoustani, et les « Confessions du grand saint Augustin » . La Société d'éducation chrétienne pour l'Inde a tenu sa séance annuelle le 7 mai passé à Londres, sous la présidence de Lord Shaftesbury. Nous apprenons par le rapport qui y a été lu, que la Société dresse des maîtres indigènes pour instruire les enfants indiens, et surtout leur enseigner la religion ; qu'elle publie des ouvrages pour leur éducation et aussi des ouvrages de littérature morale en hindoustani et dans les autres principales langues de l'Inde. Le nombre des maîtres indigènes ainsi préparés est de cent vingt-huit et celui de leurs élèves de huit mille deux cent huit. L'an m passé la Société a publié cent seize différents ouvrages et en a distribué cinq cent quarante mille quatre cents exemplaires (1). Il est toujours question de créer de nouveaux évêchés anglicans dans l'Inde, les trois évêchés actuels étant trèsréellement insuffisants. Dans une réunion de la Société pour la propagation de l'Evangile , tenue à Londres le 21 janvier 1876, on a pris en considération la lettre de l'archevêque de Cantorbéry au sujet de la nomination proposée des Drs. Sargeant et Caldwell comme coadjuteurs de l'évèque de Madras. A ce sujet, le Rév. W. D. Maclagan a parlé avec beaucoup de raison de la nécessité de déseuropéaniser l'Église indienne , en sorte qu'elle devienne, en réalité, une Eglise (1) « Times » du 9 mai 1876. — ]2'2 — réellement indienne, bien qu'en communion avec l'Angleterre, comme autrefois les Églises gallicane, anglicane, grecque et autres, bien qu'ayant des usages divers et des liturgies particulières, n'étaient pas moins en communion avec Rome, « la mère et la maîtresse (institutrice) de toutes les Églises ». Dans une autre réunion tenue en juin dernier au « Lambeth Palace » , sous la présidence de l'archevêque deCantorbéry, il a été exprimé le désir qu'en attendant un accroissement des évêchés dans l'Inde, on établît un évêchê de mission, sorte de vicariat apostolique, àLahore, et un autre à Rangoun. Il paraît qu'on doit nommer à l'évèché de Lahoro le Rév. Francis Baring, fils de l'évèque de Durham, qui a été missionnaire en Penjab. Pour l'établissement de ce nouvel évêché, le marquis deSalisbury seul a donné mille livres sterling, c'est-à-dire*vingt-cinq mille francs, au fonds nommé « Milman Mémorial Fund » , en l'honneur de l'évoque Milman. «Le IA de la lune claire de baïçakh 1933 du samwat, c'est-à-dire le 7 du mois de mai 1876, devait se tenir à Chandpur une foire (mêla) où des personnes appartenant à toutes les religions de l'Inde exposeraient les principes de leurs religions respectives, afin que chacun, les connaissant bien, pût quitter la voie erronée où il se trouve et entrer dans le droit chemin, et qu'en connaissant tous les avantages qui en résulteront, il enlève de son cœur la rouille de l'insouciance. Beaucoup d'hommes et de femmes se réuniront là de tous côtés, et il y aura aussi vente et achat; c'est pour cela qu'on l'annonce d'avance, car il sera bon d'assister à ce mêla, où les uns trouveront leur avantage spirituel et les autres leur profit temporel. On a l'intention de tenir chaque année cette réunion à la même époque (1).» Si on réalise cette idée, le christianisme ne pourra qu'y gagner. (I) Panjâbîdu 8 avril 1876. v — 123 — Noël, jour commémoratif de la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, est célébré dans l'Inde non-seulement par les chrétiens, mais même par les musulmans, qui reconnaissent en lui « l'Esprit de Dieu (Rûhullah)-», et aussi par les Hindous, mais comme fête civile. A cette occasion, on offre aux autorités des vers de félicitation. Parmi celles de ces pièces de poésie que l'Awadh Akhbâr a publiées, je \fais donner le cacida qui est adressé à Mr. Nesfield, directeur de l'instruction publique en.Aoude (1) : m Comment le vent printanier qui s'approche ne ferait-il pas entendre aujourd'hui la bonne nouvelle, pourquoi ne se répandrait-elle pas de tous côtés ? « C'est l'heureux jour de la naissance de Notre-Seigneur Jésus, jour bien digne d'être exalté et honoré. « Pour vous, Mr. Nesfield, autre Jamsched qui êtes sans égal et sans pareil dans le monde, que ce Christmàs day soit une source de joie, de félicité, de plaisir et de bonheur ! .« Vous, qui êtes généreux, en sorte que la bonté est votre vêtement ; vous, qui êtes compatissant et dont le cœur est un océan de clémence ! » Vous, qui êtes bienveillant, qui possédez à un haut degré la politesse, et dont la bénignité s'étend à tous ! « Personne ne peut égaler votre justice et votre équité, et celui à qui vous avez donné un poste n'a rien à craindre de personne. « Vous, qui êtes aussi fortuné qu'Alexandre, vous méritez d'être le commensal d'Aristote et de Platon. « Comment les livres de science et d'art n'auraient-ils pas une grande circulation, puisque par vos soins lumineux se manifeste l'état de la science ! « Tous ces ouvrages proviennent du département de l'In(1) N° du 27 décembre 1876. — 124 — struction publique, que vous dirigez, et les sept climats en retirent de l'avantage. s II est même impossible à celui qui possède les plus parfaites dispositions, de décrire la dixième partie du dixième de vos belles qualités. « Aussi terminerai-je ici mon discours par ce vœu : Que pour toujours, Dieu, qui est la libéralité môme, vous accorde le bonheur ! « Je trouve dans le Panjâbi (1), sur la religion ou plutôt sur les différentes religions qui existent dans l'Inde, un article que je suppose écrit par un wahabi, et dont je crois devoir donner ici la traduction : k La religion est une grande chose dans le monde. Si on est sans religion, on ne peut jouir de la considération ; sans elle, le serment n'est pas valable. Quand les religions sont bonnes, elles produisent la tranquillité et sont une source d'avantages. Au lieu de nous étendre là-dessus, nous développerons en abrégé ce qui les concerne en particulier, car, quoique dans chaque religion il y ait des hommes d'esprit et qu'on y trouve de bonnes et de mauvaises gens, il y a néanmoins le plus ou le moins. Chaque religion a éprouvé quelque changement après son fondateur ; et si officiellement il n'y a pas eu de changement dans les règles et les lois, il s'est "glissé dans la pratique. C'est pourquoi l'essence de l'origine de chaque religion n'est pas manifeste, parce que ceux qui y appartiennent ne comprennent pas, ou très-peu, l'intention du fondateur, et qu'à la fin la coutume a asservi la religion. « Nous allons donc, sans égard pour les membres des différentes religions, écrire en abrégé ce qu'il y a de bien et de mal dans chacune : k 1° Et d'abord la religion des Hindous. Cette religion (1) N» du 10 juin 1876. — 12o — est ancienne, il ne serait pas surprenant qu'elle fût révélée. Toutefois, les usages et les pratiques du peuple l'ont maintenant avilie. Anciennement, leschastar (livré) de Manou en était la règle, et c'était très-avantageux pour l'époque. Cette religion enseigne la bonté, la générosité, la patience, les bonnes mœurs. La bienveillance y est plus grande que dans les autres religions. Toutefois, les satis, le grand respect ordonné envers les brahmanes, l'interdiction du mariage dés'.'Veùves, y sont de grandes injustices. Quant au culte des idoles, c'est une innovation : il n'y existait pas dans l'origine, parce qu'on ne trouve pas qu'il en soit question dans les Védas. « De la religion primitive des Hindous est issue une religion (le bouddhisme) qui s'est répandue en Chine et dans le royaume de Birman. Dans cette religion, la conservation des êtres vivants est plus recommandée que dans toute autre. « A cause de l'influence du climat, et parce que la religion des Hindous ne s'est pas répandue chez d'autres peuples, les gens de l'Hindoustan sont célèbres par leur douceur et la bonté de leur cœur. Les Hindous pensent que, d'après leur religion, il ne leur est pas permis de sortir de leur pays. Être seulement né dans l'Hindoustan leur est une - cause suffisante pour n'en pas sortir. Bref, la base de la religion des Hindous réside dans les Védas : tout le reste est ajouté. « 2° La religion des Juifs. Cette religion ne domine nulle part. Toutefois, elle est révélée et ancienne ; mais les Juifs sont fanatiques, singuliers, sans esprit d'indépendance, et traditionnaires. « 3" La religion chrétienne. Cette religion a changé aussi en quelque façon comme la religion hindoue. Maintenant, elle se divise en deux principales branches : l'ancienne, c'està-dire la catholique romaine, qui adore les saints, et la nouvelle, qui est la protestante de Luther et qui ne forme que le — 126 — septième de l'ancienne. Dans cette branche aussi, on adore la crois et on croit à trois dieux. Une troisième branche est celle des unitaires, qui a à Calcutta une église. Les unitaires reconnaissent seulement Jésus (sur qui soit la paix !) comme le sceau des prophètes, mais ils ne le reconnaissent pas comme le Fils de Dieu ni véritablement Dieu. Cette secte ressemble beaucoup à l'islamisme ; c'est au point que les chrétiens fanatiques disent que les unitaires sont à moitié musulmans. Généralement, les chrétiens admettent la Trinité et l'expiation, mais ils ont entièrement cessé de suivre les anciens principes. Le pivot de leur loi, c'est la raison et l'usage. Ils ont laissé les choses allégoriques et ils ne considèrent que la réalité. Bref, leur enseignement et leurs actes sont bons, surtout dans la nouvelle branche ; toutefois, maintenant l'irréligion y fait des progrès de jour en jour. « -4° L'islamisme. On y distingue les sunnîs (traditionnaires) et les schi'as (dissidents), entre lesquels ily a une grande différence. Quoique dans l'origine cette différence ne fût pas aussi prononcée, cependant le fanatisme l'a accrue peu à peu. L'islamisme étendit sa lumière au loin et réveilla ceux qui étaient endprmis ; mais, hélas ! à cause de l'instruction défectueuse et de la négligence, les ténèbres se sont à la fin manifestées sous la lampe. Dans cette religion, on n'admet qu'un Dieu. Ceci est un grand et capital dogme, particulier à l'islamisme, dogme qui est développé avec insistance en bien des endroits du Coran. Toutefois les musulmans s'occupent peu de leur livre révélé, ils ne le lisent que par dévotion. Ils sont entrés dans des centaines de discussions sur les hadîs (1), \zfiqh (2), etc., d'où aussi des légendes ont pris naissance et à la fin la faiblesse s'est manifestée. » Les sunnis forment la branche la plus nombreuse. Ily a (1)Les paroles de Mahomet. (2)La loi musulmane. — 127 -* chez eux comme chez les chrétiens deux partis, un ancien, mais en réalité novateur et hérétique, et l'autre (le wahdbî) sans innovation, c'est-à-dire celui des musulmans, qui après Dieu n'admettent les anciens prophètes que dans une certaine limite, bien qu'ils les reconnaissent comme très-respectables. Cette secte est peu nombreuse, comme celle des unitaires. Leur croyance à l'unité divine est vraie et réelle ; toutefois ils tiennent à l'extérieur de la religion, et, comme les Juifs, ils paraissent attaches aux préceptes du jeûne et de la prière. En considérant la réalité des choses, cette secte doit faire très-promptement des progrès. Si dans la secte des schi'as les sots n'avaient pas le dessus, ils progresseraient comme les sunnis, mais cette secte semble devoir rester dans l'état de décadence et d'avilissement où elle se trouve sans s'en douter. ».5° La secte des sqfis. En réalité, cette secte existe dans chaque.religion, soit hindoue, soit musulmane, soit chrétienne, et son but est l'enseignement spirituel, en sorte que chez les Hindous, les joguîs, les sddhuSj etc., sont de véritables faquirs. Quoiqu'il n'y ait dans le Coran aucun enseignement de ces choses, toutefois le brillant allégorique du taçauûf (sofisme) est agréable aux gens qui ont le goût des choses spirituelles, et ils sont enlacés dans les agissements des chefs et des disciples de cette doctrine (1). •o Quoique maintenant tout le monde reconnaisse la sottise et l'entêtement des musulmans, cependant l'islamisme dans l'origine, tel qu'il est exposé dans le Coran, n'offre pas ces défauts, car après chaque prophète il y a eu des dissidences et de la décadence dans la religion. C'est ainsi qu'après Notre-Seigneur Jésus (sur qui soit la paix !) il y eut dissen(1) Un tapaswî (faquir hindou), nommé Kacidas Buwa, vient de donner un exemple de la tolérance de ces philosophes religieux, car il a fait le voyage d'Angleterre pour visiter le maharaja Dhulip Singh, bien que ce prince se soit fait chrétien. •_ 128 — sion et qu'il se forma beaucoup de ramifications dans la religion chrétienne. De la même manière, parmi les musulmans, après le Prophète, l'heureuse entente ne dura pas ; particulièrement depuis le troisième khalifat, des querelles et des disputes commencèrent à s'élever, et il y eut même des combats entre musulmans. L'inhumanité et la sauvagerie se manifestèrent; enfin la force du sabre fut considérée comme une grande chose. Dès le treizième siècle (de l'ère chrétienne) l'islamisme s'affaiblit dans la plupart des pays. Toutefois comme toute la doctrine islamique est consignée en détail et graduellement dans le Coran, tant les principes fondamentaux que ceux qui en dérivent, et que ce livre divin comprend la loi et les préceptes, la base de l'islamisme est solide. Il peut y avoir des milliers de côtés faibles dans l'islamisme ;'toutefois, à cause de l'existence permanente du Coran, l'accord et la paix devraient avoir nécessairement lieu parmi les musulmans. La langue arabe (dans laquelle est écrit le Coran) est peu usitée (dans l'Inde), mais elle l'est chez les Arabes, et à cause de cela il n'y a pas de divergence entre les musulmans d'Arabie. En Perse et dans l'Hindoustan, les mollas (1) ont établi des différences, et ils ont propagé leur distinction particulière de maîtres et de disciples dans le but d'acquérir de l'honneur et de la considération. » Quand les rois de l'islamisme ont commencé à être dépourvus de science et que l'épée de l'ignorance a eu généralement le dessus, les mollas ont acquis de la hardiesse, et de simples faquîh (2) ont mis en avant avec mauvaise intention des fraudes littéraires. Maintenant que quelques chefs (raïs) musulmans sont autant considérés que l'étaient les sultans, et que le Coran accompagné d'une traduction hindoustanie mot pour mot est imprimé, nous espérons que l'essence véritable de l'islamisme sera manifeste, et qu'une loi tenant un juste (1)Corruption de mauld « docteur, savant », etc. (2)« Théologien ». — 129 —• milieu entre le spirituel et le temporel aura cours. On suivra les préceptes extérieurs intelligibles à tous les musulmans, et les articles de la loi seront gravés dans le cœur. Comme les musulmans et les chrétiens ont toujours besoin les uns des autres, pourquoi ne se prêteraient-ils pas mutuellement secours pour le bien et pour la justice ? Sans cela il ne peut y avoir des deux côtés que des actes fâcheux. » VIII. Dès novembre .187S était mort à Lakhnau d'une maladie de poitrine, mais subitementnéanmoins, Mir Nawab Munis (1), petit-fils de Mir Haçan et frère de Mir Anis dont j'ai annoncé le décès dans ma dernière «Revue» (2). Il suivait avec distinction les traces poétiques de sa famille, et comme ce fut le cas pour son frère, tout Lakhnau prit part à sa perte. En décembre 1875 (3) est décédé à Bombay un savant très-distingué et fort respectable, John Wilson, qui m'avait honoré de sa visite, il y a quelques années, quand après un court séjour en Angleterre il traversa Paris pour retourner dans l'Inde, où il a résidé près d'un demi-siècle. Il naquit en 1804, et fut d'abord élève de l'Université d'Édinburgh ; il devint ensuite ministre du Scotch Church, et fut envoyé en 1828 par la Société des missionnaires d'Ecosse à Bombay où il fonda avec quelques-uns de ses amis la Mission de l'Eglise libre d'Ecosse. Dès lors, voulant s'occuper spécialement de la conversion des parsis, il se familiarisa avec l'hindoustani, communément parlé à Bombay, et en 1832 il y ouvrit la première école indienne indépendante, du gouvernement; mais il apprit surtout le guzarati, langue usuelle des parsis, le zend et le pehlvi, leurs langues savantes. Il étudia aussi la mythologie et les antiquités de l'Inde, et il (1)Awadh Ahkbdr du 17 novembre 1875. (2)P. 98 et suivi (3) * Allen's Indian Mail », ncs du 18 et du 28 décembre 1875; 9 — 130 — enrichit souvent de ses recherches le journal de la « Branche de Bombay de la Société Royale Asiatique », à la fondation de laquelle il avait beaucoup coopéré et dont il fut d'abord président, puis président honoraire. Il fut aussi vice-chancelier de l'Université de Bombay, où le « Wilson Philological Lectureship » , qui a été fondé en son honneur, en conservera la mémoire. Aucun missionnaire n'eut jamais dans la Présidence de Bombay un rang plus élevé dans l'estime publique. On lui doit nombre de savants ouvrages sur les matières orientales; j'en citerai entre autres : « The Parsi Religion as contained in the Zend-Avesta (1) «, dont je tiens de lui un exemplaire ; 1' « History of the suppression of infanticide » ; ses « Sermons to the Parsis » ; son « Lands of the Bible ». Il a laissé sur les castes de l'Inde, qui avaient été de sa part l'objet d'études approfondies, d'importants manuscrits qui, on l'espère, seront publiés par son fils, auteur estimé lui-même et connu dans le monde littéraire par « The abode of snow » . Le convoi funèbre du Dr. Wilson fut suivi par tous les Anglais et les indigènes riches et pauvres, Hindous, parsis, musulmans et juifs résidant à Bombay, et le Prince de Galles, alors dans l'Inde, s'y fit représenter par Sir Bartle Frère. Le service religieux eut lieu à l'Église libre. Ce fut le Rév. Mr. Stothert qui officia et récita la prière finale. Ma «Revue» de l'an passé, dans,laquelle je mentionnais l'édifiant mandement du Très-Révérend èvêque de Bombay, Mgr Henry Alexandre Douglas (2), était à peine imprimée que j'apprenais la mort de cet estimable prélat à l'âge de cinquante-quatre ans seulement, car il était né en 1821, et il est décédé le 13 décembre 1875 à Londres, où il était venu rétablir sa santé altérée. (1)In-8°; Bombay, 1845. (2)i La Langue et Ja littérature hindoustanies en 1875 s, p. 94 et suiv. — 131 — Sacré évêque de Bombay en 1869, il était le troisième évêque de cette ville. Le premier fut le Dr. T. Carr, nommé en 1837, et le second, le Dr. J. Harding, nommé en 1851: Le défunt, neveu du marquis de Queensberry, avait été d'abord élève de l'Université de Glasgow, puis du « Balliol Collège» d'Oxford. Il était lié d'amitié avec le respectable évêque de Brechin, Mgr. H. G. Forbes, qui ne le précéda que de quelques semaines dans la tombe. Comme lui, il rappelait par sa conduite exemplaire et par son dévouement à la religion les mœurs des premiers chrétiens (1)/Ce regrettable évêque a eu pour successeur le Rév. Louis George Mylne, du « Keble Collège» d'Oxford, qui a été sacré dans la cathédrale de Saint-Paul le 1er mai 1876, par l'archevêque de Cantorbéry, assisté de plusieurs évoques (2), et installé dans celle de Bombay, le 6 juillet suivant (3). J'ai maintenant à annoncer le décès encore en décembre 1875 (4) du pandit Radha Kischen ou Rao Krischn, qui avait été directeur de l'éducation du maharaja Dhulip Singh et qui, bien que savant sanscritiste, est compté parmi les auteurs hindoustanis les plus féconds. Dans ses poésies urdues il a pris, le takhallus ou surnom poétique de Schnkr (5), et c'est sous ce nom qu'il est indiqué dans les Tazkiras. Un autre poëte urdu très-distingué, le munschi Zahir uddin Khan Nazir, mentionné dans mon «Histoire de la littérature hindouie et hindoustanie (6) » et dans ma « Re(1)a The Mission ftiëld i, il0 de janvier 1876. (2)i The Mission Field », n° de juin 18T6. (3)« Indian Mail s du 1er août 1876. (4)« Allen's Indian Mail », n° du 18 décembre 1875. (5) Ce mot, qui est un nom d'action arabe signifiant i action de grâce t, semblant ainsi indiquer un écrivain musulman, j'ai, mal à propos, divisé en deux articles ce que j'avais à dire dans mon i Hist. de la littér. hind. j sur cet écrivain, que j'ai mentionné soiis le nom dé Rao Krischn, t. II, p. 566, et sous celui de Schukr, t. III, p. 140 et suiv. (6) T. III, p. 323. 9. — 132 — vue de 1874 fl) », est décédé aussi en décembre 1875; YAwadh Akhbâr (2) déplore sa perte et annonce qu'il donnera la liste de ses ouvrages. Edward Thornton, mort le 24 décembre 1875, à l'âge de soixante-dix-sept ans, a été pendant longtemps secrétaire adjoint à l'«East India Board» et pendant plusieurs années éditeur de P«Allen's Indian Mail». Il était très-connu dans la littérature qui concerne l'Inde, par son «History of tlie Oriental Empire in India» et par son «Gazetteer» du Sindh et de l'Inde, qui sont très-estimés et qui lui ont acquis une réputation méritée. Vers la même époque est décédé à l'âge de quatre-vingts ans un orientaliste anglais très-distingué, Francis Johnson, que j'avais connu particulièrement et à qui on doit un excellent Dictionnaire persan, le plus étendu de tous ceux qui existent, et qui peut servir non-seulement pour le persan, mais pour l'arabe, et en bien des cas pour l'hindoustani. Il m'avait donné un exemplaire de cet ouvrage, très-rècherché et devenu fort rare. Dès l'âge de vingt-quatre ans il était professeur de sanscrit, de télugu et de bengali à 1' «East India Company's Col'lege» d'Haileybury, où je le vis d'abord dans un de mes voyages en Angleterre, et il avait conservé ses fonctions pendant trente et un ans, c'est-à-dire jusqu'en 1855, où il s'en démit et eut pour successeur M. Monier Williams, maintenant professeur de sanscrit à Oxford. Il avait une mémoire prodigieuse, et une grande aptitude pour les langues, et chose assez rare chez les savants de notre temps, il était fort religieux. Ses deux éditions de YHitopadeça,; texte, traduction et vocabulaire, ses morceaux choisis du Mahâbhàrata, ses éditions du Mégha-duta et du Gulistân, sont précieuses pour les personnes qui (1)P. 46. (2)N« du 8 dëdemke 1875. — 133 — s'adonnent à l'étude du sanscrit et du persan , soi-t pour ces langues elles-mêmes, soit comme préparation à l'étude de l'hindoustani, pour laquelle elles sont si nécessaires. Le 4 janvier de cette année 1876, est décédé à Paris Mr. Jules Mohl, qui ne s'était jamais occupé d'hindoustani ; aussi ne le cité-je ici qu'en sa qualité d'abord de secrétaire, puis de président de la Société Asiatique, à laquelle il s'était identifié en même temps qu'il lui avait rendu les plus grands services. Ses rapports annuels sur les études.orientales, faits chaque année pendant qu'il était secrétaire de la Société, étaient très-remarquables, et ses jugements sur les principaux ouvrages orientaux qui se publiaient dans le monde entier étaient généralement justes et impartiaux et avaient une véritable valeur. Je m'associe à ce sujet et sur les autres travaux de Mr. Mohl à ce qu'en a dit notre savant secrétaire actuel Mr. Ernest Renan, si connu du monde entier. Le 7 mars a été signalé par une mort tout à fait inattendue et on ne peut plus regrettable, je veux parler de celle "du savant et respectable évêque de Calcutta, le Dr. Milman, dont j'ai si souvent parlé dans mes « Revues », en rendant toujours justice à sa piété, â son érudition et à sa grande facilité à prêcher et à faire des conférences en hindoustani et en bengali aux Hindous plus ou moins sceptiques au sujet de leur religion. L'éminent prélat m'honorait de son amitié, et il m'avait envoyé par l'entremise de son honorable frère, le colonel Milman, une belle boite à bétel qu'il avait achetée en Cachemyre et qui fait l'admiration de mes visiteurs. Le défunt était fils de Sir William Milman, général du génie et neveu du doyen Milman. Ce fut en 1867 qu'il fut nommé évêque de Calcutta, dont il était le septième premier pasteur. Le premier fut le Dr. T. F. Middleton, nommé en 1814, alors que ce diocèse.comprenait tous les territoires britanniques dans les Indes orientales, tandis que maintenant l'évêque de Calcutta, dont l'autorité est un peu plus restreinte, est devenu évêque métropolitain et a comme suffra— 134 — gants les évêques de Madras, de Bombay et de Colombo. Au .Dr. Middleton succéda le célèbre R. Heber, puis les Drs. James, Turner, Wilson et E. L. Cotton, si malheureusement noyé dans le Gange (1). Sous l'épiscopat du Dr. Milman, ainsi qu'on a pu l'apprendre par mes «Discours » et « Revues », la religion chrétienne a fait de grands progrès parmi les indigènes, et c'est à ses efforts, réunis à ceux de feu le Dr. Douglas, évoque de Bombay, dont je viens de parler, qu'on devra surtout l'érection de deux nouveaux évêchés dans l'Inde, Le Dr. Milman ne connaissait que son devoir; on a su après sa mort qu'il distribuait en bonnes œuvres tous ses honoraires, ne se réservant que les allocations pour ses voyages. Il suffisait pour la tâche que lui imposait ce vaste diocèse, qui aurait exigé dix évêques aussi zélés que lui, et on peut dire avec le « Friend of India (2) », qu'il est mort victime de son zèle, car dans son dernier voyage de Calcutta en Penjab il avait été exposé aux changements du chaud au froid, de la sécheresse et de la pluie. Le Très-Rév. Dr. F. Gell (3) avait été provisoirement chargé du diocèse de Calcutta, et c'est l'archidiacre Johnson, de Chester, trèsestimè dans le clergé anglican, qui succède au regretté prélat, et qui a été sacré en cette qualité le 30 novembre dernier. Malgré sa position, l'évêque Milman était également vénéré par les Hindous et par les musulmans, et tous déplorent sa mort prématurée. Il était non-seulement théologien, mais il avait prouvé par différents ouvrages son bon (1)Voy. mon « seizième discours d'ouverture » dans « la Langue et la littérature hindoustanies de 1850 à 1869 », p. 347. (2)« Indian Mail » du 8 avril 1876. (3)Le Dr. F. Gell, nommé évêque de Madras en 1861, est le quatrième évêqùe de cette ville. Le premier, nommé en 1835, fut le Dr. Carrie, qui eut pour successeur le Dr. G. T. Spencer, en 1837, et le Dr. T. Dealtry, en 1849. — 135 — goût littéraire et la variété de ses connaissances : sa « Vie du Tasse » et sa « Conq'uête de la Poméranie » en offrent des exemples qui, bien que d'un genre très-différent de son grand ouvrage, «The love of the atonement», ne peuvent qu'en relever le mérite (1). Ce fut à Rawal-Pindi, en revenant de Peschawar, à l'ex-r trême nord de son diocèse, à quinze cents milles de Calcutta, qu'il fut saisi parla maladie qui l'emporta en peu de jours. Il avait l'intention, après avoir terminé sa visite pastorale au Penjab, de venir passer quelque temps en Europe. On attendait en effet l'évoque de Calcutta en Angleterre dans l'été de 1876, et on assure que ce voyage avait pour but de demander la subdivision de son vaste diocèse. Le 19 mars, est décédé le brave colonel du génie Charles Chesney, principal du «Royal Indian Engineering Collège», dont j'avais eu l'occasion l'an passé de signaler la grande sympathie pour l'hindoustani (2). C'est après une très-courte maladie, occasionnée par un refroidissement pris dans l'exercice de ses devoirs, qu'est mort cet excellent officier, à peine âgé de quarante-neuf ans. Je n'ai pas besoin de dire qu'il est vivement regretté non-seulement par ses amis, dont le nombre était grand, mais, on peut le dire, par toute l'Angleterre, qui perd en lui un homme habile et consciencieux et qui avait donné des preuves non équivoques de sa haute capacité et de son rare mérite. Il était fils du célèbre général Chesney, dont l'exploration de la vallée de l'Euphrate a prouvé l'existence d'une route plus courte pour aller dans l'Inde que celle de la mer Rouge, et frère du colonel Georges Chesney, auteur entre autres d'un ouvrage remarquable sur la politique indienne («Indian Politics»). Le défunt entra dans le corps du génie en 1845 , et quelques mois après il fut nommé professeur d'histoire militaire à l'école d'état-major (1)i The Guardian i du 22 mars 1876. (2)« Revue i de 1875, p.ti. — 136 — de Sandhurst. Ce fut alors qu'il publia le «Récit critique des campagnes de Virginie et duMaryland pendant la guerre de la sécession », ouvrage qui lui valut la réputation d'un critique militaire du premier ordre. En 1868, il publia ses « Waterloo Lectures » , où il fit bon marché de la légende napoléonienne en montrant les défauts de la stratégie bonapartiste. Depuis lors le colonel Chesney publia dans diverses revues des articles importants, un entre autres sur «la Guerre suisse du Sonderbuud » . On a surtout remarqué celui qui parut dans VEdinburgh Review de Î871, et séparément en un x'olume, sous le titre de « Essays on military Biography », qu'on a surtout admiré à cause des jugements impartiaux qu'il contient sur les principaux coryphées de la guerre de la sécession américaine. Maintenant j'ai à enregistrer la mort, arrivée aussi .en mars dernier, d'un notable homme de lettres musulman décédé à la fleur de l'âge, je veux parler du maulawi Saïyid Raunac Ali, que j'ai mentionné dans mon «Histoire de la littérature hindoustanie » sous le nom à'Afsûn (1), qui était son surnom poétique. Il avait commencé à se faire connaître par des pièces de poésie, puis il avait été collaborateur de VAwadh Akhbâr, et enfin rédacteur en chef du Pattyâla Akhbâr (2). Il occupait un rang distingué dans la société littéraire de l'Inde, car il était doué d'une intelligence peu commune. Il était attaché à l'imprimerie de VAwadh Akhbâr dès 1867. Au commencement, il corrigeait les épreuves du journal, puis il y écrivit des articles et en devint éditeur, le directeur de l'imprimerie ayant reconnu son mérite. Depuis qu'il était entré dans le journalisme, il n'avait plus fait de vers, mais il avait déjà acquis auparavant une réputation poétique par les gazais en urdu et en persan dont il était auteur. Il consultait pour ses vers urdus le schaïkh Fazl-i (1)T. I", p. 136. (2)Sur ce journal, voy. ma « Revue » de 1872, p. 45. — 137 — Ahmad, surnommé Kaïf (1), et pour les persans le khwâja Aziz uddinAziz, qui, bien que poëte hindoustani (2), aimait aussi à écrire en persan. Nauwal Kischor, à la fois propriétaire de l'imprimerie de Laklmau et de VAwadh Akhbâr, ayant voulu établir une imprimerie à Pattyala, y envoya en 1870 pour la diriger Raunac Ali, dont les grandes qualités attirèrent l'attention du grand vizir du mabaraja de Pattyala, le khalifa Muhammad Haçan Khan ; aussi, lorsqu'en 1871 le souverain de cet État sentit le besoin d'avoir un journal, il en chargea Raunac Ali, qui devint ainsi rédacteur en chef du Pattyala Akhbâr « les Nouvelles de Pattyala », et bien des articles qu'il y donna furent loués par VAkhbâr-i'âlarn de Mirath, 1' « Aligurh Institute Gazette » et d'autres journaux estimés. Lorsque le raja de Pattyala alla à Calcutta recevoir de la main du Prince de Galles la décoration de l'Étoile de l'Inde (Star of India), il s'y fit accompagner par Raunac Ali, qui eut ainsi l'occasion de voir le futur empereur de l'Inde, et ce fut là qu'il éprouva les premières atteintes de la maladie qui devait l'enlever à Pattyala, où il voulut retourner après avoir revu son pays natal, situé dans les environs de Lakhnau, qu'il habita longtemps. Ce fut même en cette ville qu'il se forma à écrire avec goût et pureté.-Il avait su se faire aimer de tout le monde, tant il était bienveillant et affectueux de son naturel. II n'avait que trente-huit ans lorsqu'il mourut après deux mois de maladie,Je 27 mars 1876. Il était marié depuis cinq ans, mais il n'avait pas eu d'enfant. Il a laissé plusieurs frères, dont le second, le munschi Mir Mahmud Ali, lui succède à la direction du journal de Pattyala (3). Dans le mois d'ainril, le maharaja de Pattyala dont je viens de parler, et dont j'ai fait connaître dans cette «Revue» (1) « Hist. de la littér. hind. »", t. II, p. 128. (2> Jbid., t. I",p. 270. (3) Awadà Akhbâr, n°* du 2 et du 9 avril. — 138 — môme la générosité, spécialement à l'égard du « Mahomedan Collège », est décédé, ainsi que nous l'apprennent les journaux indigènes (1) dans les termes les plus sympathiques et avec les plus heureuses métaphores de l'Orient. Qu'il me suffise de dire que le maharaja Dihraj Rajeschwar, Sri Maharaja Rajagan Mihndir Singh Mihndir Balladur, wâli (souverain) de Pattyala, est mort encore adolescent, à peine âgé de vingt-quatre ans, le 13 avril dernier, presque subitement, car le 9 avril précédent il.avait dû distribuer les prix et les récompenses aux élèves du département de l'instruction publique, cérémonie qu'il fut obligé de contremander, étant tombé malade ce jour-là même. M. Lepel Griffin, secrétaire du gouvernement de Penjab, s'est trouvé heureusement à Pattyala au moment du décès du maharaja, et on peut conclure par les paroles qu'il a adressées au premier ministre, le khalifa Muhammad Huçain, qui dirige depuis longtemps l'administration de ce pays, que l'héritier du prince étant un enfant en bas âge et exigeant une régence, l'habile et savant ministre continuera d'être à la tête des affaires (2). Le corps du défunt raja, qui était Hindou, a été transporté à Hardwar pour y être jeté dans le Gange. Précisément VAkhbâr-i saïantifik Society 'Aligarh (3) prenait il y a peu de temps la défense de ce jeune souverain qui, à l'imitation du khalife Harun erraschid , se déguisait et parcourait pendant la nuit sa capitale afin de voir par lui-même ce qui s'y passait et de connaître les besoins de ses sujets. Il était critiqué sur ce point, parce qu'on trouvait qu'il dérogeait ainsi à sa dignité, mais ses intentions étaient excellentes, et on ne pouvait que l'en louer. En mai, notre «Institut» a perdu un de ses associés étrangers, dans la personne de Christian Lassen, Norvégien de (i) Entre antres le Panjâbî, n° du 9 avril 1876. (2)Aligarh Akhbâr du 5 mai 1876. (3)N» du 22 avril 1876. — 139 — naissance, ainsi que son nom l'indique (1), étant né à Bergen en 1800, mais domicilié depuis très-longtemps à Bonn, où il était professeur de sanscrit, et toujours considéré comme Allemand. Il est réellement le vrai fondateur de l'école critique et historique de la philologie sanscrite en Allemagne, Il est principalement connu dans le monde savant par sa Grammaire pracrite, qui se rattache à l'étude de l'hindoustani, puisqueThindoui, d'où dérive le dialecte moderne, était dans l'origine un pracrit. Il fut le collaborateur de notre Eugène Burnouf et publia avec lui son « Essai sur le pâli », langue des livres sacrés du bouddhisme en Birman et à Ceylan, »Le 3 juin dernier, est décédé à Ragatz, en Suisse, où il était allé dans l'espoir de rétablir sa santé altérée par ses incessants travaux, le Dr. Martin Haug, qui avait d'abord aidé Bunsen pour son Bïbeliverke. Il fut ensuite nommé professeur de sanscrit à Pouna, dans la présidence de Bombay, et là, de 1859 à 1865, il se dévoua plus spécialement à l'étude du zend et du pehlvi, et en fit même l'objet de plusieurs ouvrages que j'ai eu l'occasion de mentionner dans mes précédentes « Revues ». Il savait l'hindoustani, et il s'y intéressait beaucoup, car il avait passé plusieurs années parmi les pandits, et il s'était occupé de cette langue en même temps que du sanscrit, dont il avait recherché et étudié les manuscrits. D'entre les ouvrages qu'il a publiés, qu'il me suffise de citer son « Essai sur le pehlvi » , servant d'introduction à son OldfàhlaviGlossary, ouvrage antérieur à «l'Islamisme», qu'il publia à Bombay par l'ordre du gouvernement en 1870, et son édition de VArd-Viraf, imprimée aussi à Bombay en 1872, ouvrages dont cet éminent érudit avait bien voulu me gratifier. Après son retour en Europe il fut nommé pro(1) Sen, en suédois et en danois, est synonyme de sohn allemand et de son anglais et signifie «fils», qui terminent beaucoup de noms propres dans toutes ces langues. — MO — fesseur de sanscrit et de zend à l'Université de Munich, où il était aussi un des membres les plus distingués de l'Aca» demie royale que préside le célèbre chanoine Dôllinger. Le 25 juillet, l'éminent indianiste Robert Childers a été enlevé à la fleur de l'âge (car il n'avait que trente-huit ans), à l'érudition, à son aimable compagne, à ses jeunes enfants et à ses nombreux amis. D'entre les langues modernes de l'Inde, il s'était surtout occupé du singalais ; mais il s'était adonné spécialement avec une sorte de passion à l'étude du pâli, il y avait excellé, et il en avait rédigé un dictionnaire qui a été couronné par notre Académie des inscriptions. Il professait du reste cette langue à l'Université de Londres, et il était adjoint au savant et obligeant Mr. le Dr. Rost, à*la Bibliothèque de 1' « India Office » , pour la conservation de la précieuse collection de manuscrits et imprimés orientaux qui s'y trouvent. La perte de M. Childers est immense pour la littérature indienne, à qui la jeunesse du défunt semblait promettre une série de bons et utiles travaux. Espérons que son ami M. Léon Féer, héritier naturel du manteau de cet Élie de la science aryenne et bouddhiste, suivra comme Elisée et avec autant de succès les traces de celui qui néanmoins fut plutôt en réalité son émule que son maître. Le 10 août, il est mort aussi en Angleterre le grand arabisant Edward William Lane, à l'âge de soixante-quinze ans. Je le mentionne ici, bien qu'il ne se soit jamais occupé d'hindoustani, parce que l'arabe, dont il avait fait sa principale étude, est la base des langues de l'Orient musulman, et que sa connaissance est sinon absolument indispensable, du moins très-utile pour l'étude de ces langues, et par conséquent pour celle de l'hindoustani-urdu. Ce savant modeste avait passé plusieurs années en Egypte, et il y avait été en rapport avec des schaïkhs habiles en leur langue qu'il avait ainsi pu étudier à fond. Il parlait l'arabe avec facilité et se mettait aisément en rapport avec les indigènes. C'est ainsi qu'il a pu publi er ses ctManners and customs of modem Egyptians», — 141 — qui peignent parfaitement la société égyptienne; et sa traduction des a Mille et une Nuits », précieuse non-seulement pour sa fidélité, mais pour l'intérêt des notes instructives qui l'accompagnent. On lui doit aussi des « Sélections from the Coran » ; mais son principal et plus beau travail est son Dictionnaire arabe ( « Arabie english Lexicon » ), trésor d'une vaste érudition, dont cinq volumes ontparu. Le sixième est sous presse, et les septième.et huitième seront ensuite publiés d'après les manuscrits de l'auteur. Bien qu'il aimât beaucoup les musulmans, il n'en était pas moins bon chrétien. Il suspendait tous les dimanches son travail assidu, et comme il savait l'hébreu, il lisait la Bible dans l'original. Il était correspondant depuis 1864 de notre Académie des inscriptions*et belles-lettres. Le 1er septembre, est mort subitement à Mirath un journaliste musulman très-estimable et fort spirituel, Mirza Muhammad Wijahat Ali Khan, propriétaire et rédacteur de VAkhbâr-i 'âlam. « les Nouvelles du monde » , journal hebdomadaire de Mirath (1). On a pu voir que j'ai souvent cité ce journal dans mes précédents « Discours » et « Revues » , car cet homme de lettres distingué m'envoyait généreusement son journal depuis plusieurs années, et j'en avais remarqué la sagesse, qui se manifestait par des réflexions opportunes et qui n'excluait pas des traits d'esprit et des citations bien placées. Malheureusement il est à craindre que l'existence de l'imprimerie que cet habile musulman dirigeait et du journal dont il était l'éditeur ne soit compromise, car Wijahat Ali n'a laissé qu'un fils de quatre ans. Je pourrais mentionner ici d'autres orientalistes moins connus, mais qui n'étaient pas pour cela dépourvus de mé(1) Je trouve l'annonce de ce décès dans le 'Alîgarh Akhhdr du 15 et dans lePanjâbî du 16 septembre 1876. Ce dernier journal donne quatre différents quita sur le târîkh de ce décès, par le maulawi Abd ulhakim Raïs, de Mirath, appelé poétiquement Josch. — M2 — rite. Qu'il me soit permis de leur appliquer ces vers vrai ment chrétiens de l'évèque de Lincoln : What matlers if though to our name No âge on earth be given ? If only lord, thy blessed hand Will write our name in heaven(l). (1) t The Holy year Hymns », p. 159.