Documents concernant une concession de mine d’or en Corée
Nous n’avions aucunement l’intention de publier les différents documents relatifs à cette affaire de mine d’or, ce qui nous a décidé à changer d’avis c’est, d’une part, le peu d’empressement qui a été mis par le Syndicat du Yunnam à remplir les engagements contractés par son représentant attitré en Corée, et, de l’autre, la disparition du Syndicat de Corée qui avait profité des avantages résultant des avances faites au nom du Syndicat du Yunnam.
Le Syndicat de Corée qui avait son siège social dans le même immeuble que le Syndicat du Yunnam, 32, rue Louis-le-Grand, à Paris, s’est évanoui sans avoir même pris soin de désintéresser ses ayant-droits.
Monsieur,
J’arrive de Séoul où j’ai beaucoup entendu parler de vous par M. Schott. Je serais très désireux de vous voir et de m’entretenir avec vous. J’ai des choses intéressantes à vous dire.
Soyez donc assez aimable pour me faire savoir où et quand, je pourrai vous rencontrer — de préférence le matin, si vous le pouvez.
Recevez, je vous prie, mes salutations empressées.
Monsieur le Ministre,
Selon votre désir, j’ai l’honneur de vous détailler ci-dessous les divers incidents qui ont lieu au sujet d’une affaire de concession de mine d’or, dans laquelle j’ai été mêlé, pour ainsi dire, à mon corps défendant.
Mais, pour la clarté du récit, il est, je crois, nécessaire de remonter un peu plus haut.
Au mois de mars 1899, le gouvernement Coréen me confiait une mission assez délicate. Il s’agissait de lui fournir dix mille fusils et un million de cartouches ; et ce, sans une sapèque d’avance.
On me promettait, en cas de réussite, le poste envié de Conseiller à la Cour, à la place du général Legendre.
Ayant télégraphié à mes correspondants de Saint-Étienne, ceux-ci me répondirent que l’exportation des armes étant interdite en France, il leur était absolument impossible de me satisfaire.
Navré de cette réponse — et comme c’était la première affaire importante que le gouvernement coréen traitait avec la France, si elle ratait c’en était fait pour longtemps du bon renom Français en Corée — je résolus donc d’aller, à Paris, essayer de faire rapporter ce décret, en ce qui concernait la Corée.
C’était peut-être un peu téméraire.
Je me présentai au ministère des Affaires Étrangères — on me renvoya un peu de Caïphe à Pilate — Je commençais à désespérer, lorsque, grâce au concours dévoué de quelques amis, je pus avoir une entrevue avec le Ministre des Affaires Étrangères, M. Delcassé. J’expliquai le cas au Ministre avec toute l’éloquence, bien modeste, que me suggérait mon patriotisme.
J’eus la douce satisfaction de voir le Ministre entrer dans mes vues ; et peu de temps après j’obtenais les garanties nécessaires pour mener ma mission à bonne fin.
À l’arrivée des fusils Gras en Corée, grand mécontentement chez certains représentants étrangers ; mais, par contre, grande joie chez les Coréens en général, et en particulier au Palais. Sa Majesté a immédiatement félicité et récompensé M. Yi Yng Yong, premier interprête de la Légation de France, qui s’était entremis dans l’affaire.
Pour mon compte personnel, je devais bientôt ressentir les effets de la haine provoquée par la réussite de cette entreprise. On manœuvra pour qu’on m’envoyât à Tokio, toucher le reliquat de la somme qui m’était due ; et à peine étais-je sur le bateau qui m’emportait vers le Japon, qu’on donnait à un jeune Américain la place qu’on m’avait promise.
À mon retour du Japon, je continuai, dans le silence, à préparer, pour ainsi dire seul, les objets qui devaient figurer à l’Exposition Coréenne, à Paris, en 1900.
Bien que sachant que le gouvernement Coréen s’était en quelque sorte engagé à octroyer la concession d’une mine d’or à chacune des nations qui avait des traités avec lui, je n’osai pas en faire la demande, ne croyant pas encore avoir mérité cette libéralité.
Sur ces entrefaites, était arrivé à Séoul, un Français nommé Saltarel, qui faisait partie de la Légation de France, en qualité de chancelier substitué.
M. Saltarel, probablement mieux renseigné que moi, et n’ayant pas les mêmes scrupules que moi, fit la demande de la concession de la mine qui revenait à la France ; et peu de temps après, il était nommé, d’après les journaux coréens, secrétaire de M. Ming Yong Tchang, président d’honneur de la section Coréenne à l’Exposition de Paris, avec appointements mensuels de 300 yens.
Quelques jours après le départ de la mission coréenne, j’ai été nommé Délégué du gouvernement Impérial de la Corée à la dite exposition de Paris, mais sans appointements : on m’a payé seulement mon voyage.
En même temps, j’étais chargé par S. E. Yi Yong Yk, directeur général des Mines et président du Trésor Impérial, représentant le gouvernement Coréen, de négocier, en france, un emprunt de dix millions de dollars, avec la garantie des Mines et des Douanes coréennes. (S. E. Yi Yong Yk a été nommé Ministre des Finances, pendant que j’étais en France).
Aussitôt arrivé à Paris, je fis des démarches dans ce sens ; ne négligeant ni mon temps, ni ma peine pour atteindre un résultat qui aurait eu une si grande importance, au point de vue français, en Extrême-Orient.
Les pourparlers étaient déjà sérieusement engagés, et déjà j’avais câblé les conditions auxquelles j’aurais pu réussir, c’est-à-dire 6 % et l’emprunt à 85. Le gouvernement Coréen ne pouvait guère espérer de meilleures conditions, pour un premier emprunt, sur n’importe quel marché d’Europe.
À ma grande surprise, on me câble d’abandonner cette affaire, pour laquelle j’avais fait des frais importants !
Sachant que le gouvernement Coréen désirait conclure cet emprunt à tout prix, ainsi qu’en témoigne une lettre particulière de S. E. Yi Yong Yk, je cherchais le mot de l’énigme et ne le trouvais pas — lorsque, deux ou trois mois après, et au moment où je me disposais à revenir en Corée, je reçus une lettre d’un M. Cazalis qui me disait, en substance, qu’il arrivait de Séoul, où on lui avait parlé de moi ; et terminait en me demandant une entrevue.
Ce M. Cazalis vint me voir et me dit qu’il savait parfaitement que j’avais un projet d’emprunt pour le gouvernement Coréen — qu’il savait également que l’on m’avait dit d’abandonner ce projet, et que la raison en était que lui Cazalis, avait proposé une autre combinaison aux Coréens — laquelle consistait à fournir cinq millions de dollars à 5 %, avec la garantie des douanes, plus quatre-vingt mille dollars de Commission ; mais qu’en même temps, on octroierait au syndicat, qui ferait cette affaire, la concession de deux mines d’or. Il m’ajouta qu’il avait déjà vu M. Adam, député, Président du syndicat du Yunnam, et qu’il comptait bien réussir, d’autant plus que vous aviez eu vous même plusieurs entrevue avec M. Adam, et que ce dernier avait le plus grand désir de faire cette affaire ; qu’il partait pour Londres où il verrait les membres anglais du syndicat ; puis qu’il se mettrait en relations avec M. Jordan, ministre d’Angleterre à Séoul, alors en congé en Suisse, etc., etc… Il a terminé cet entretien en me disant qu’il était bien convenu que, du moment que j’avais été le premier à travailler à cette affaire, et que cette combinaison me faisait faire une perte d’argent, il était de toute justice que j’en fusse récompensé ; et qu’en conséquence, on me réserverait, en cas de réussite, le poste, qui serait bien rétribué, de délégué administrateur ou de chef de la comptabilité.
Le cœur rempli de ces belles promesses qui mettaient un peu de baume sur ma blessure, je revins à Séoul.
À peine débarqué en Corée, je trouve S. E. Yi Yong Yk à Chemulpo, qui me demande si j’ai réussi l’emprunt. Sur ma réponse négative, il me demande comment cela se faisait, puisque j’avais câblé que je pouvais avoir l’argent.
Ne connaissant pas suffisamment la langue coréenne pour lui donner de grands détails, je lui dis que sa question me surprenait, mais que lorsque nous aurions un interprète nous nous expliquerions plus facilement à Séoul.
Le lendemain de mon arrivée à Séoul, de bonne heure, le matin, je reçois la visite de M. Yi Yng Yong qui commence par me dire que les Coréens étaient très fâchés contre moi ; que M. Ming Yong Tchang avait raconté qu’à Paris, je m’étais occupé avec les Japonais, etc., etc.
Or, comme M. Ming Yong Tchang était revenu avec moi, et qu’il n’y avait pas vingt-quatre heures que nous étions à Séoul, cela me surprenait beaucoup que déjà il eût eu le temps d’informer un grand nombre de Coréens, dans le but de me nuire, que je m’étais occupé de la formation de la Société Franco-Japonaise, dont vous faites également partie, Monsieur le Ministre.
Puis, sans transition, il me dit qu’il était très malheureux, que deux fois M. Lefèvre, gérant de la Légation de France, en votre absence l’avait envoyé auprès de Sa Majesté l’Empereur de Corée, pour lui annoncer officiellement que M. Saltarel lui offrirait dix mille dollars si elle lui promettait de lui donner la concession de la mine d’or réservée aux Français. Sa Majesté aurait répondu que c’était le Ministre des Affaires étrangères qui devait arranger les affaires avec les Étrangers. Or, comme M. Saltarel, malgré sa promesse n’avait pas envoyé d’argent, non seulement cela était très mauvais pour les Français, mais encore qu’il avait peur que Sa Majesté le soupçonnât d’avoir volé cette somme ; qu’en conséquence il avait perdu la face ; qu’il me serait mille et mille fois reconnaissant si je pouvais lui venir en aide, et lui sauver la face — et que comptant absolument sur moi, il en avait déjà parlé au Ministre des Affaires étrangères, S. E. Pack Djai Soun. Celui-ci lui aurait dit qu’il y avait un moyen bien simple de tout concilier :
« Comme M. Alévêque est non seulement plus ancien en Corée que M. Saltarel, — et qu’il a travaillé pour la Corée, il a autant de droit à la concession que M. Saltarel, ou que tout autre Français. En conséquence, dites à M. Alévêque qu’il me fasse une demande de concession ; qu’il verse dix mille dollars pour Sa Majesté, et deux mille pour moi, et je partagerai la mine qui revient aux Français en deux parts : une certaine étendue à M. Saltarel, et l’autre partie à M. Alévêque ; de cette façon, tout s’arrangera sans bruit. »
Entre parenthèse, on avait agi à peu près de la même façon pour la mine anglaise qui avait été octroyée à M. Hay et à M. Meurdock.
D’autre part, et en même temps, un Français, M. E. Schott, directeur des Fermes Impériales à Séoul, qui avait avancé une somme assez respectable à M. Cazalis, vint me trouver et me dit : que l’emprunt de M. Cazalis subissait quelque retard : que l’enthousiasme de certains actionnaires s’était refroidi par suite de l’assurance donnée par M. Saltarel, toujours à Paris, et qui avait laissé entendre à quelques membres participants que l’on ne devait pas donner suite à l’emprunt Coréen ; que lui, Saltarel, se faisait fort, protégé qu’il était par des personnes influentes, d’obtenir la concession de la mine d’or réservée aux Français, sans qu’il fût nécessaire de prêter de l’argent aux Coréens. En conséquence, d’après M. Cazalis, il était de toute nécessité, au point de vue patriotique, de retarder la concession de la mine réservée aux Français, jusqu’à ce que l’emprunt fut arrangé, — car, comme dans le projet du dit emprunt, on devait donner, en guise de commission aux banquiers ou aux entremetteurs, la concession de deux mines d’or, il était plus que probable que le Conseil d’État, devant lequel devait nécessairement se discuter l’affaire, aurait refusé toute espèce de combinaisons d’emprunt présentée par les Français, dans lesquelles auraient figuré, comme conditions essentielles, deux concessions de mines d’or, si les Français étaient déjà servis — et il ajoutait « au besoin donnez des garanties sérieuses ».
En Corée, comme vous me l’avez dit vous-même, Monsieur le Ministre, « pour faire des affaires, il faut en fait de garanties, des espèces sonnantes et trébuchantes, sans cela on n’aboutit à rien. »
Après plusieurs conférences, MM. Yi Yng Yong, Schott et moi, nous conclûmes qu’il était urgent d’agir en ce sens — et bien que M. Cazalis m’eût, pour ainsi dire, coupé l’herbe sous le pied dans cette affaire d’emprunt, je n’ai écouté que mes sentiments patriotiques qui me conseillaient de l’aider. D’autant plus, qu’avec la proposition du Ministre des Affaires étrangères, je devais faire d’une pierre deux coups.
J’ai donc versé à M. Yi Yng Yong, en présence de M. E. Schott, douze mille yens (dix mille pour Sa Majesté et deux mille pour S. Ex. Pack Djai Soun), que j’avais touchés à la Hong-Kong Shanghai-Bank, à Chemulpo — laquelle somme j’avais en dépôt fixe à la Hong-Kong Shanghaï Bank, à Yokohama.
Nécessairement, j’ai demandé un reçu à M. Yi Yng Yong, qui m’a répondu qu’il ne pouvait pas me le donner lui-même, mais qu’il le réclamerait à S. Ex. Yi Yong Yk, président du Trésor Impérial, et qu’il me l’apporterait plus tard.
Comme M. Yi Yng Yong fait partie de la Légation de France, j’ai eu confiance en lui, et n’ai pas insisté.
Après des difficultés et des discussions sans nombre, il fut convenu entre M. Lefèvre, chargé d’affaires de France, et M. Yi Yng Yong, que l’on attendrait votre retour — et, qu’après avoir été mis au courant de tout, vous décideriez — et que nous accepterions votre décision.
À votre arrivée à Séoul, on vous a exposé toute la question. Mais, comme M. Cazalis était en route pour revenir en Corée, avec pleins pouvoirs du Syndicat, vous avez préféré attendre son retour.
M. Schott et moi avons été recevoir M. Cazalis à Chemulpo, lequel nous a conté beaucoup de choses intéressantes, mais trop longues à énumérer.
Après que nous l’eûmes mis au courant de tout ce que nous avions fait, M. Schott et moi, pour ne gêner en rien, à partir de ce moment, je dis à M. Cazalis que j’accepterais toutes ses décisions, me tenant absolument caché dans la coulisse, et me contentant d’être témoin, et de lui donner que secrètement mon appréciation et mes avis.
C’est ainsi, qu’en autres choses, j’ai passé, en sa compagnie, la nuit historique où eût lieu le débat devant le Conseil d’État — Et lorsque, à trois heures du matin, S. Ex. Yi Yong Yk est sorti du Palais, et est venu nous annoncer que, malgré une forte opposition de la part de certains membres du Conseil, et surtout de S. Ex. Tyo Pyong Sick, Sa Majesté avait imposé sa volonté, les voix étant partagées — et que l’emprunt était approuvé.
Nous nous mîmes immédiatement à confectionner le contrat définitif, en quatre expéditions ; M. Cazalis en a fait deux copies et moi également deux. Plus tard, ces copies ont été refaites, pour un léger changement dans le montant de la commission.
Quant au détail de tout ce qui s’est passé plus tard, vous connaissez tout cela, aussi bien et même mieux que moi ; nos visites chez le Ministre des Affaires étrangères, chez S. Ex. Tyo Pyong Sick, etc., etc.
Je me contenterai, pour le moment, de relater deux points des plus intéressants confiés par M. Cazalis, dont un me concerne particulièrement.
Le premier, c’est que vous vous étiez réservé la satisfaction d’informer M. Adam, président du Syndicat, de la signature du contrat, en câblant immédiatement à Paris, avant même que M. Cazalis n’en fut informé ; le deuxième, c’est que, comme condition, sine qua non, de la signature du dit contrat, comme vous aviez décidé que le Gouvernement Coréen devait donner la concession de la mine d’or réservée aux Français à M. Saltarel, pour que je ne puisse rien réclamer, vous aviez exigé de M. Cazalis qu’il reconnut, comme dette du Syndicat ou plutôt, le syndicat ne devant pas paraître dans la question d’argent à payer d’avance, comme dette personnelle la somme que j’avais versée à M. Yi Yng Yong, pour Sa Majesté — mais que, dans aucun cas, mon nom ne devrait paraître — et qu’il fallait faire simplement un reçu, au nom de M. Schott, pour le montant de la dite somme, en y ajoutant les intérêts.
Bien que cette combinaison ne me fût guère favorable, je l’ai acceptée, avec la pensée que le Syndicat se montrerait plus généreux ultérieurement, et me donnerait une compensation plus en rapport avec les promesses de son représentant.
Quelques jours après, le gouvernement coréen octroyait, en effet, à M. Saltarel la concession entière de la mine d’or réservée aux Français.
Mais, chose tout au moins curieuse, M. Yi Yng Yong m’a dit qu’à lui aussi, on avait fait signer une obligation à payer dix mille dollars à Sa Majesté le jour ou on commencerait les travaux de la mine — et moi, vu le reçu donné par M. Cazalis, je n’avais rien à réclamer !!!
Je me consolai de cette mésaventure en continuant à confectionner mon petit dictionnaire français-coréen.
M. Cazalis, le contrat signé dans sa poche, est retourné en France. Malheureusement, il est mort environ un mois après son arrivée à Paris.
C’est alors que cette affaire commença à devenir obscure.
Tout ce que nous avons pu supposer, M. Schott et moi, c’est que vu la façon de procéder à notre égard, comme on n’avait plus besoin de nous, le Syndicat n’avait eu qu’un but : nous débarquer — car pour des raisons que je n’ai pas à approfondir, on devait laisser dormir le contrat pendant un assez long temps.
Le Syndicat a envoyé pour remplacer M. Cazalis, un M. de Bellescize qui, en arrivant en Corée, nous a donné sa parole de gentilhomme que :
1o M. Cazalis faisait partie du Syndicat ;
2o Que toutes les reconnaissances signées par le dit M. Cazalis seraient intégralement payées par le Syndicat de Corée, frère cadet du Syndicat du Yunnam.
Sur ces entrefaites, j’avais été envoyé en mission par le Gouvernement coréen en Indo-Chine, au mois de juillet 1901. J’ai été absent de Corée pendant près d’un an. (C’est pendant un court séjour à Séoul que j’ai vu M. de Bellescize — au mois de décembre.)
À mon retour, j’apprends que M. de Bellescize est parti — que soit disant tout est rompu — que le Syndicat de Corée s’est évanoui sans vouloir reconnaître les dettes du Syndicat du Yunnam — que M. de Bellescize, malgré ce qu’il nous avait affirmé en arrivant, disait maintenant que M. Cazalis ne faisait pas partie de son Syndicat, etc., etc.
S’il en était ainsi, ce serait vraiment décourageant, et laisserait supposer que Mme Humbert-Craquefort est peut-être venue à Séoul.
Or, après la réclamation que j’ai eu l’honneur de vous faire, de vive voix, le 9 écoulé, vous m’avez dit ceci : « Vous n’avez pas de papier, vous ne pouvez rien réclamer. Ceux à qui vous avez donné cette somme pourront toujours nier qu’ils l’ont reçue. »
Ce à quoi, je vous répondis :
« M. Yi Yng Yong, votre interprète, a dit, plusieurs fois, devant vous, qu’il avait reçu la somme de douze mille yens, dans les conditions énoncées plus haut Or, le témoignage d’un homme de votre valeur doit faire foi en justice. »
Vous m’avez alors dit qu’en justice on ne reconnaissait que les écrits.
Dans ce cas, je vous prie de vouloir bien exiger de M. Yi Yng YongM qu’il réclame un reçu de S. E. Pack Djai Soun ou de S. E. Yi Yong Yk, président du Trésor Impérial. Une fois en possession de ce reçu, je pourrai agir.
Maintenant, si, pour des raisons supérieures, vous voyez un inconvénient à faire réclamer ce reçu pour le moment, je me contenterais très bien d’une reconnaissance de votre part où vous affirmeriez que : plusieurs fois, devant vous, votre interprète, M. Yi Yng Yong, a déclaré avoir reçu de M. Alévêque, la somme de douze mille yens, dont dix mille pour offrir à Sa Majesté et deux mille pour S. Ex. Puck Djai Soun, ministre des Affaires Étrangères. Cette simple reconnaissance me suffira pour le moment.
Comptant que vous pourrez me faire donner satisfaction, j’ai l’honneur d’être, avec un profond respect, Monsieur le Ministre, votre très humble et très obéissant serviteur.
Monsieur,
En vous accusant réception du mémoire que vous m’avez adressé le 14 de ce mois, je crois devoir vous faire remarquer que plusieurs détails de votre exposé ne me paraissent pas d’une rigoureuse exactitude et que diverses allégations n’auraient pas dû y figurer, puisqu’elles sont basées sur les déclarations d’un homme dont le décès, survenu depuis lors, ne permet plus d’invoquer le témoignage.
Sans m’arrêter d’avantage à ces questions plutôt accessoires au but de votre lettre, j’en arrive au point principal que vous aviez en vue. Vous exprimez le désir de faire reconnaître aujourd’hui par un document écrit une opération effectuée il y a bientôt deux ans et dans laquelle une certaine somme d’argent aurait été engagée. À cet effet, vous avez mis en cause M. Yi-Yng-Yong.
Bien qu’il s’agisse dans l’espèce d’un litige d’ordre privé, dont l’appréciation me semble réservé aux tribunaux compétents, je n’ai pas voulu me refuser à faire sur votre demande une tentative auprès de ce dernier. J’ai l’honneur de vous informer que M. Yi Yng-Yong considère qu’il n’a pas à intervenir de nouveau dans l’affaire dont vous m’avez entretenu et qu’il n’est pas disposé à rédiger une attestation d’aucune sorte.
Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.
Monsieur le Ministre,
Vous avez bien voulu, il y a deux ans, lorsque les questions brûlantes de la concession de la mine d’or et de l’emprunt étaient d’actualité, me faire faire, par l’intermédiaire de M. Yi Yng-Yong, votre interprète, une première proposition qui était celle-ci : « Si M. Saltarel, à qui vous aviez décidé de faire donner la concession. de la mine en question, n’avait pas commencé les travaux d’exploitation dans l’espace de deux ans ; vu les douze mille yens que j’avais versés, pour sauver la face de votre interprète (et aussi pour le bon renom de la légation de France), on enregistrerait officiellement à la chancellerie de la Légation que, pour me dédommager de l’argent versé, la mine d’or me reviendrait de droit ; et ce, pour une nouvelle période de deux ans » — Et M. Yi Yng Yong a ajouté « qu’au cas où M. Saltarel commencerait les travaux, ce serait lui qui me rembourserait ces douze mille yens. »
À ce moment, comme je ne pouvais pas supposer que le futur concessionnaire ne commencerait pas l’exploitation dans le dit espace de deux ans, j’avais jugé plus rationnel de m’en tenir à ce que l’on m’avait promis, c’est-à-dire la mine partagée entre M. Saltarel et moi. C’est alors que vous eûtes l’idée de faire reconnaître cette dette par M. Cazalis, représentant du syndicat du Yunnam.
Mais, comme l’emprunt est tout au moins officiellement tombé dans l’eau, et que le syndicat du Yunnam n’a pas remboursé, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous l’exposer dans mon mémoire du 14 août dernier, dont ci-joint une copie conforme ; — et que, d’autre part, deux ans se sont écoulés depuis ce moment, le concessionnaire n’ayant pas commencé les travaux, et que je n’ai rien reçu non plus de ce côté, je vous serais obligé de vouloir bien faire mettre à exécution la première de vos propositions, c’est-à-dire comme dédommagement des douze mille yens versés pour sauver la face de votre interprète, me faire concéder, pour une période similaire aux autres concessions étrangères, la concession de la mine d’or réservée aux Français par le Gouvernement Coréen,
Monsieur,
Par la lettre que vous m’avez adressée, le 28 de ce mois, vous avez formulé une requête tendant à être substitué à M. Saltarel comme concessionnaire de la mine qui lui a été attribuée par le Gouvernement Coréen.
Je crois devoir vous faire connaître que les demandes de concessions de mines adressées à cette légation ont été classées par rang de priorité, suivant la date de leur dépôt à la Chancellerie. Celle de M. Saltarel ayant été produite le 23 novembre 1899 occupait le premier rang : la vôtre remontant au 30 janvier 1901, est classée sous le no 5. Il faudrait donc, avant de pouvoir vous donner satisfaction, obtenir la renonciation des trois candidats qui vous précèdent. Les démarches à entreprendre en ce sens ne rentrent pas dans nos attributions et sont affaires entre les intéressés eux-mêmes. La caducité du contrat intervenu entre le Gouvernement Coréen et M. Saltarel n’est pas, d’ailleurs, à prévoir, puisque celui-ci a dès maintenant, choisi le gisement qu’il doit exploiter.
Vous faites d’autre part allusion à un versement de douze mille yens que vous auriez effectué, sous prétexte de « sauver la face de notre interprète » et aussi « pour le bon renom de la Légation de France ». Je n’ai pas ici qualité pour m’occuper de l’incident que vous mentionnez, et auquel des tiers sont mêlés. Ainsi que je vous l’ai déjà déclaré, si vous avez à ce sujet des droits à faire valoir, il vous appartient de saisir de la question le Tribunal Consulaire, par requête déposée à la Chancellerie. Il est donc hors de propos de reproduire sans cesse une réclamation dont la solution ne peut-être recherchée qu’en justice.
J’ajouterai que je ne m’explique pas en quoi vous aviez à intervenir pour « sauver la face de l’interprète de cette résidence. » Vous n’aviez pas d’avantage qualité pour sauvegarder le bon renom de la Légation qui n’a jamais été menacé.
Il me paraîtrait inutile de continuer à cet égard une correspondance qui serait sans objet ; mais dans tous les cas, je vous invite à vous abstenir à l’avenir des insinuations perfides et des affirmations controuvées qui se retrouvent dans votre présente lettre, comme dans le mémoire que vous avez jugé bon d’y joindre en copie.
Recevez, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée
Syndicat du Yunnam-Limité, enregistré le 17 octobre 1899. — Siège-Social : 404-423, Salisbury-House, London Well. L. C.
Administrateurs : Achille Adam, président ; Sir R. G. W. Herbert, G. C. B., vice président ; Sir F. C. Astley Corbett ; Baron H. E. M. Bourke ; Ulysse Pila, comte Georges de Germiny, Stanislas Simon ; E. Phillips, secrétaire ; constitué en syndicat anglo-français, dans le but d’acquérir des concessions pour la construction ou le contrôle de travaux publics ; pour vendre et acheter des valeurs, fonder et incorporer des Sociétés. La raison sociale fut changée et la présente adoptée en 1900, et le capital fut augmenté de L 30.000 à L 35.000 par l’émission de 4.975 actions ordinaires, et 500 actions différées.
La souscription du capital fut privée ; les 10.000 dernières actions ayant été émises en 1900.
Capital autorisé et émis L 35.000 en 34.875 actions ordinaires à L 1, l’une entièrement libérées et 2.500 actions différées de entièrement libérées. Après que les actions ordinaires auront obtenu, soit au moyen de dividende ou autrement, 100% sur leur valeur entièrement libérée, les bénéfices nets seront répartis comme suit : 50% aux actions ordinaires ; 40% aux actions différées, et 10% aux premiers administrateurs, à l’exclusion de l’administrateur-gérant. En cas de liquidation, lorsque tout le capital entièrement libéré aura été remboursé, 50% de son excédent reviendra aux actions ordinaires, 40% aux différées, et 10% aux premiers administrateurs.
La Société a acquis des droits en Corée, et a formé une société auxiliaire, dans le but de les développer avec un capital de L 200.000, dont la moitié environ est détenue par cette société, ainsi que des actions différées.
En 1902, la Société obtint une concession (dans laquelle des tiers parties ont 1/4 d’intérêt), accordé par le Vice-Roi et les autorités dirigeantes de la province de Yunnam, qui fut ultérieurement ratifiée par le gouvernement chinois, et officiellement reconnu valable par les ambassadeurs français et anglais à Pékin. Cette concession accordait le droit d’exploiter l’or, l’argent, le charbon et d’autres minéraux, le pétrole et les pierres précieuses dans 35 districts, couvrant une superficie de près de 40.000 milles carrés dans la province du Yunnam, pour une période de soixante ans, renouvelable pour une période de vingt-cinq ans ! Cette concession constitue un monopole en ce qui concerne une exploitation étrangère. Les bénéfices nets après le paiement : 1o des 8% d’intérêt sur le capital ; 2o de 10% pour le fonds d’amortissement, et 10% pour le fonds de réserve, sera réparti comme suit :
1o 10% au Gouvernement Provincial du Yunnam ; 2o 25% au Gouvernement Impérial chinois ; 3o 65% au Syndicat.
Le bilan annuel doit être fait au 30 septembre, et soumis en décembre.
Les dépenses encourues pour obtenir la concession dans la province du Yunnam furent de L 26.605 (des tierces personnes sont responsables pour 1/4 de cette somme). Les dépenses pour les spéculations courantes et écoulées s’élèvent à L 8.070.
Aucun dividende n’a encore été payé.
Espèces en caisse au 30 septembre 1903 : L 2.135.
Appels de fonds en retard : L 2.170.
Prix purement nominal à L 10.
Vendeurs sur le marché demandent des offres.