Dollard des Ormeaux et ses compagnons/Passage d’une lettre de la Mère Marie de l’Incarnation

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Le Comité du Monument Dollard des Ormeaux (p. 78-87).

(Passage d’une lettre de la Mère Marie de l’Incarnation adressée à son fils, en date du 25 juin 1660.)

«…… Voici comme le révérend père Chaumonnot en parle dans une lettre qu’il écrit, sur la déposition d’un Huron qui s’est sauvé, et qui a vu tout ce qui s’est passé.

Dès le mois d’avril 1669, dix-sept braves Français volontaires de Montréal, prirent le dessein de se hasarder pour aller faire quelque embuscade aux Iroquois, ce qu’ils firent avec l’approbation et l’agrément de ceux qui commandaient. Ils partirent accompagnés de quarante sauvages, tant Hurons qu’Algonquins, bien munis de tout ce qui leur était nécessaire. Ils arrivèrent le premier jour de mai suivant en un fort qui avait été fait l’automne passé par les Algonquins au pied du Long-Sault, au-dessus de Montréal. Le lendemain, jour de dimanche, deux Hurons qui étaient allés à la découverte rapportèrent qu’ils avaient vu cinq Iroquois qui venaient vers eux, aussi pour découvrir. L’on consulta là-dessus ce qui était à faire. Un Huron opina qu’il fallait descendre à Montréal, parce que ces Iroquois pouvaient être les avant-coureurs de l’armée qu’on nous avait annoncé devoir venir fondre sur nous, ou que s’ils n’étaient pas des espions de l’armée, ils étaient au moins pour avertir les chasseurs de cette embuscade, et par cet avis la rendre inutile. Annotacha, fameux capitaine huron, résista fortement à cette proposition, accusant de couardise et de lâcheté celui qui l’avait faite. On suivit le sentiment de ce dernier, et l’on demeura dans ce lieu, dans le dessein de faire le jour suivant une contrepalissade pour fortifier celle qu’ils avaient trouvée, et qui n’était pas de défense. Mais les Iroquois, qui étaient les Onnontageronons, ne leur donnèrent pas le loisir, car peu de temps après, on les vit descendre sur la rivière au nombre de deux cents. Nos gens, qui faisaient alors leurs prières, étant surpris, n’eurent le loisir que de se retirer dans cette faible retraite, laissant dehors leurs chaudières qu’ils avaient mises sur le feu pour préparer leur repas. Après les huées et les salves de fusils de part et d’autre, un capitaine onnontageronon avança sans armes jusqu’à la portée de la voix pour demander quelles gens étaient dans ce fort, et ce qu’ils venaient faire. On lui répond que ce sont des Français, Hurons, et Algonquins au nombre de cent hommes, qui venaient au-devant des Nez-Percés. Attendez, réplique l’autre, que nous tenions conseil entre nous, puis je viendrai vous revoir ; cependant ne faites aucun acte d’hostilité, de crainte que vous ne troubliez les bonnes paroles que nous portons aux Français à Montréal. Retirez-vous donc, dirent les nôtres, à l’autre bord de la rivière, tandis que nous parlementerons de notre part. Ils désiraient cet éloignement de l’ennemi, pour avoir la liberté de couper des pieux, afin de fortifier leur palissade. Mais tant s’en faut que les ennemis allassent camper de l’autre côté, qu’au contraire ils commencèrent à dresser une palissade vis-à-vis de celle de nos gens, qui, à la vue des ouvriers, ne laissèrent pas de se fortifier le plus qu’ils purent, entrelaçant les pieux de branches d’arbres et remplissant le tout de terre et de pierres à hauteur d’homme, en sorte néanmoins qu’il y avait des meurtrières à chaque pieu gardées par trois fusiliers. L’ouvrage n’était pas encore achevé que l’ennemi vint à l’assaut. Les assiégés se défendirent vaillamment, tuèrent et blessèrent un grand nombre d’Iroquois sans avoir perdu un seul homme. La frayeur qui se mit dans le camp de l’ennemi leur fit prendre la fuite à tous, et les nôtres s’estimaient déjà heureux de se voir quittes à si bon marché. Quelques jeunes gens sautèrent la palissade pour couper la tête au capitaine Sonnontatonan, qui venait d’être tué, et l’érigèrent en trophée au bout d’un pieu sur la palissade. Les ennemis étant revenus de la frayeur extraordinaire dont ils avaient été saisis, se rallièrent et, durant sept jours et sept nuits entières grêlèrent nos gens de coups de fusils. Durant ce temps-là ils brisèrent les canots des nôtres, et en firent des flambeaux pour brûler les palissades, mais les décharges étaient si fréquentes qu’il ne leur fut jamais possible d’en approcher. Ils donnèrent encore une seconde attaque plus opiniâtre que la première ; mais les nôtres la soutinrent si courageusement, qu’ils prirent la fuite pour la seconde fois. Vingt d’entre eux se retirèrent si loin, qu’on ne les revit plus depuis. Quelques Ounontageronons dirent depuis à Joseph qu’ils tenaient captif, que si les nôtres les eussent suivis les battant en queue, ils les eussent tous perdus. Hors le temps des deux attaques, les coups que tirait l’ennemi sur la palissade n’étaient que pour empêcher les assiégés de fuir, et pour les arrêter en attendant, le secours des Onnieronons qu’ils avaient envoyé quérir aux îles de Richelieu.

Que d’incommodités souffraient cependant nos Français ! le froid, la puanteur, l’insomnie, la faim et la soif les fatiguaient plus que l’ennemi. La disette d’eau était si grande, qu’ils ne pouvaient plus avaler la farine épaisse dont les gens de guerre ont coutume de se nourrir en ces extrémités. Ils trouvèrent un peu d’eau dans un trou de la palissade, mais étant partagée à peine en eurent-ils pour se rafraîchir la bouche. La jeunesse faisait de temps en temps quelques sorties par-dessus les pieux, car il n’y avait point de portes, pour aller quérir de l’eau à la faveur de quantité de fusiliers qui repoussaient l’ennemi ; mais comme ils avaient perdu leurs grands vaisseaux, ils n’en portaient que de petits qui ne pouvaient fournir à la nécessité de soixante personnes, tant pour le boire que pour la sagamité. Outre cette disette d’eau, le plomb commença à manquer ; car les Hurons et les Algonquins voulant répondre à chaque décharge des ennemis, tant de jour que de nuit, eurent bientôt consumé leurs munitions. Les Français leur en donnèrent autant qu’ils purent mais enfin ils furent épuisés comme les autres. Que feront-ils donc à l’arrivée de cinq cents Agnieronnons et Onnieronons qu’on est allé quérir ? Ils sont résolus de combattre en généreux Français et de mourir en bons chrétiens. Ils s’étaient déjà exercés à l’un et à l’autre l’espace de sept jours, durant lesquels ils n’avaient fait que combattre et prier Dieu ; car dès que l’ennemi faisait trêve, ils étaient à genoux, et sitôt qu’il faisait mine d’attaquer, ils étaient debout, les armes à la main.

Après les sept jours de siège, on vit paraître les canots des Agnieronnons et des Onneioutronnons, qui étant devant le petit fort de nos Français, firent une huée étrange, accompagnée d’une décharge de cinq cents coups de fusils, auxquels les deux cents Onnontageronnons répondirent avec des cris de joie et avec toute leur décharge, ce qui fit un tel bruit que le ciel, la terre et les eaux en résonnèrent fort longtemps. Ce fut alors que le capitaine Annotacha dit : Nous sommes perdus, mes camarades. Et le moyen de résister à sept cents hommes frais avec le peu de monde que nous sommes, fatigués et abattus ! Je ne regrette pas ma vie, car je ne saurais la perdre dans une meilleure occasion que pour la conservation du pays ; mais j’ai compassion de tant de jeunes enfants qui m’ont suivi. Dans l’extrémité où nous sommes je voudrais tenter un expédient qui me vient en l’esprit pour leur faire donner la vie. Nous avons ici un Oneiouteronnon, je serais d’avis de l’envoyer à ses parents avec de beaux présents, afin de les adoucir, et d’obtenir d’eux quelque bonne composition. Son sentiment fut suivi, et deux Hurons des plus considérables s’offrirent à la ramener. On les charge de beaux présents, et après les avoir instruits de ce qu’ils avaient à dire, on les aide à monter sur la palissade pour se laisser glisser ensuite le long des pieux. Cela fait, on se met en prières pour recommander à Dieu l’issue de cette ambassade. Un capitaine huron, nommé Eustache Thaouonhohoui, commença au nom de tous à apostropher tous les saints et les bienheureux du paradis d’un ton de prédicateur, à ce qu’ils leur fussent propices dans un danger de mort si évident. Vous savez, dit-il, ô bienheureux habitants du ciel, ce qui nous a conduits ici ; vous savez que c’est le désir de réprimer la fureur de l’Iroquois, afin de l’empêcher d’enlever le reste de nos femmes et de nos enfants, de crainte qu’en les enlevant ils ne leur fassent perdre la Foi, et ensuite le Paradis, les emmenant captifs en leur pays. Vous pouvez obtenir notre délivrance du grand maître de nos vies, si vous l’en priez tout de bon. Faites maintenant ce que vous jugerez le plus convenable ; car pour nous, nous n’avons point d’esprit pour savoir ce qui nous est le plus expédient. Que si nous sommes au bout de notre vie, présentez à notre grand maître que nous allons souffrir en satisfaction des péchés que nous avons commis contre sa loi, et impétrez à nos pauvres femmes et à nos enfants la grâce de mourir bons chrétiens, afin qu’ils nous viennent trouver dans le ciel.

Pendant que les assiégés priaient Dieu, les députés entrèrent dans le camp de l’ennemi. Ils y furent reçus avec une grande huée, et au même temps un grand nombre de Hurons qui étaient mêlés parmi les Iroquois, vinrent à la palissade solliciter leurs anciens compatriotes de faire de même que leurs députés, savoir de venir se rendre avec eux, n’y ayant plus, disaient-ils, d’autre moyen de conserver leur vie que celui-là. Ah ! que l’amour de la vie et de la liberté est puissant ! À ces trompeuses sollicitations, on vit envoler vingt-quatre de ces timides poules de leur cage, y laissant seulement quatorze Hurons, quatre Algonquins et nos dix-sept Français. Cela fit redoubler les cris de joie dans le camp de l’ennemi, qui pensait déjà que le reste allait faire de même. C’est pourquoi ils ne se mirent plus en peine d’écouter, mais ils s’approchèrent du fort à dessein de se saisir de ceux qui voudraient prendre la fuite. Mais nos Français, bien loin de se rendre, commencèrent à faire feu de tous côtés, et tuèrent un bon nombre de ceux qui étaient plus avancés. Alors Annotacha crie aux Français : Ah ! camarades, vous avez tout gâté, encore deviez-vous attendre le résultat du conseil de nos ennemis. Que savons-nous s’il ne demanderont point à composer, et s’ils ne vous accorderont point de nous séparer les uns des autres sans acte d’hostilité, connue il est souvent arrivé en de semblables rencontres ? Mais à présent que vous les avez aigris, ils vont se ruer sur nous d’une telle rage que sans doute nous sommes perdus. Ce capitaine ne raisonna pas mal car les Iroquois voyant leurs gens tués lorsqu’ils s’y attendaient le moins, furent transportés d’un si grand désir de se venger, que sans se soucier des coups de fusils qu’on tirait incessamment, se jetèrent à corps perdu à la palissade, et s’y attachèrent au-dessous des canonnières où on ne leur pouvait plus nuire, parce qu’il n’y avait point d’avance d’où l’on pût les battre. Par ce moyen nos Français ne pouvaient plus empêcher ceux qui coupaient les pieux. Ils démontent deux canons de pistolets qu’ils remplissent jusqu’au goulet, et les jettent sur ces mineurs après y avoir mis le feu. Mais le fracas ne les ayant point fait écarter, ils s’avisèrent de jeter sur eux un baril de poudre avec une mèche allumé. Mais malheur le baril n’ayant pas été poussé assez rudement, par-dessus la palissade au lieu de tomber du côté des ennemis tomba dans le fort où prenant feu, il brûla aux uns le visage, aux autres les mains, et à tous il ôta la vue un assez long temps, et les mit hors d’état de combattre. Les Iroquois qui étaient à la sape s’aperçurent de l’avantage que cet accident leur donnait. Ils s’en prévalurent et se saisirent de toutes les meurtrières que ces pauvres aveugles venaient de quitter. On vit bientôt tomber de côté et d’autre, tantôt un Huron, tantôt un Algonquin, tantôt un Français, en sorte qu’en peu de temps une partie des assiégés se trouvèrent morts et le reste blessés. Un Français, craignant que ceux qui étaient blessés à mort n’eussent encore assez de vie pour expérimenter la cruauté du feu des Iroquois, acheva d’en tuer la plus grande partie à coups de hache par un zèle de charité qu’il estimait bien réglé. Mais enfin les Iroquois, grimpant de tous côtés, entrèrent dans la palissade et prirent huit prisonniers qui étaient restés en vie, de trente qui étaient demeurés dans le fort, savoir, quatre Français et quatre Hurons. Ils en trouvèrent deux parmi les morts, qui n’avaient pas encore expiré ; ils les firent brûler inhumainement.

Ayant fait le pillage, ils dressèrent un grand échafaud sur lequel ils firent monter les prisonniers, et pour marque de leur perfidie, ils y joignirent ceux qui s’étaient rendus volontairement. Ils tourmentèrent cruellement les uns et les autres. Aux uns ils faisaient manger du feu ; ils coupaient les doigts aux autres, ils en brûlaient quelques-uns ; ils coupaient à d’autres les bras et les jambes. Dans cet horrible carnage, un Oneiouteronnon tenant un gros bâton s’écrie à haute voix : Qui est le Français assez courageux pour porter ceci ? À ce cri, un de nos compatriotes, qu’on estime être René[1], quitte généreusement ses habits pour recevoir à nu les coups que l’autre voudrait lui donner. Mais un Huron, nommé Annieouton, prenant la parole, dit à l’Iroquois : Pourquoi veux-tu maltraiter ce Français qui n’a jamais eu que de la bonté pour toi ? — Il m’a mis les fers aux pieds, dit le barbare. — C’est pour l’amour de moi, réplique Annieouton, qu’il te les a mis, ainsi décharge sur moi ta colère et non sur lui. Cette charité adoucit le barbare, qui jeta son bâton sans frapper ni l’un ni l’autre.

Cependant, les autres étaient sur l’échafaud où ils repaissaient les yeux et la rage de leurs ennemis, qui leur faisaient souffrir mille cruautés accompagnées de brocards. Aucun ne perdit la mémoire des bonnes instructions que le père qui les avait gouvernés leur avait données. Ignace Thaouenhohoui commença à haranguer tout haut ces captifs. « Mes neveux et mes amis, dit-il, nous voilà tantôt arrivés au terme que la foi nous fait espérer. Nous voilà presque rendus à la porte du paradis. Que chacun de nous prenne garde de faire naufrage au port. Ah ! mes chers captifs, que les tourments nous arrachent plutôt l’âme du corps que la prière de la bouche, et Jésus du cœur ! Souvenons-nous que nos douleurs finiront bientôt, et que la récompense sera éternelle. C’est pour défendre la foi de nos femmes et de nos enfants contre nos ennemis, que nous nous sommes exposés aux maux que nous souffrons, à l’exemple de Jésus, qui s’offrit à la mort pour délivrer les hommes de la puissance de Satan, leur ennemi ; ayons confiance en lui ; ne cessons point de l’invoquer ; il nous donnera sans doute du courage pour supporter nos peines. Nous abandonnerait-il au temps où il voit que nous lui sommes devenus plus semblables, lui qui ne refuse jamais son assistance aux plus contraires à sa doctrine, quand ils ont recours à lui avec confiance ? » Cette courte exhortation eut un tel pouvoir sur l’esprit de ces pauvres patients qu’ils promirent tous de prier jusqu’au dernier soupir. Et, de fait, le Huron échappé huit jours après des mains des Iroquois, a assuré que jusqu’à ce temps-là, ils ont prié Dieu tous les jours, et qu’ils s’exhortaient l’un l’autre à le faire toutes les fois qu’ils se rencontraient.

Jusqu’ici est la déposition du Huron qui s’est sauvé, sans quoi l’on ne saurait rien de cette sanglante tragédie. Il y a sujet d’espérer qu’il s’en sauvera encore quelque autre qui nous dira le reste. Ce Huron qui se nomme Louis, et qui est un excellent chrétien, était réservé pour être brûlé dans le pays ennemi, et pour cela il était gardé si exactement qu’il était lié à un Iroquois, tant on avait peur de le perdre, aussi bien qu’un autre Huron qui courait le même sort. Ils ont invoqué Dieu et la sainte Vierge avec tant de ferveur et de confiance qu’ils se sont échappés comme miraculeusement, vivant en chemin de limon et d’herbe, et courant sans respirer jusqu’à Montréal. Louis m’a raconté à notre parloir sa grande confiance à la sainte Vierge, et que comme il était lié à l’Iroquois endormi, un de ses liens se rompit de lui-même, et qu’étant ainsi demi-libre, il rompit doucement les autres et se mit entièrement en liberté. Il traversa toute l’armée, quoique l’on y fît le guet, sans aucune mauvaise rencontre, et se sauva de la sorte. Ils ont rapporté qu’un Iroquois ayant rencontré un Français, lui dit : Je t’arrête ; et que le Français, qu’on dit être celui qui par commisération acheva de tuer les moribonds, et qui avait un pistolet en son sein, dont les ennemis ne s’étaient pas aperçus, le tira, en disant du même ton : Et moi, je te tue, et le tua en effet.

Sans les connaissances que ces Hurons fugitifs nous ont données, on ne saurait point ce que nos Français et nos sauvages seraient devenus, ni où aurait été l’armée des ennemis, qui après la défaite dont je viens de parler, s’en sont retournés en leurs pays, enflés de leur victoire, quoiqu’elle ne soit pas grande en elle-même. Car sept cents hommes ont-ils sujets de s’enorgueillir pour avoir surmonté une si petite troupe de gens ? Mais c’est le génie des sauvages quand ils n’auraient pris ou tué que vingt hommes, de s’en retourner sur leurs pas pour en faire montre en leurs pays. L’on avait conjecturé ici que l’issue de cette affaire serait telle qu’elle est arrivée, savoir que nos dix-sept Français et nos bons sauvages seraient les victimes qui sauveraient tout le pays ; car il est certain que sans cette rencontre, nous étions perdus sans ressources parce que personne n’était sur ses gardes, ni même en soupçon que les ennemis dussent venir. Ils devaient néanmoins être ici à la Pentecôte, auquel temps les hommes étant à la campagne, ils nous eussent trouvés sans force et sans défense ; ils eussent tué, pillé et enlevé hommes, femmes, enfants ; et quoiqu’ils n’eussent pu rien faire à nos maisons de pierre, venant fondre néanmoins avec impétuosité, ils eussent jeté la crainte et la frayeur partout. On tient pour certain qu’ils reviendront à l’automne ou au printemps de l’année prochaine ; c’est pourquoi on se fortifie dans Québec. Et pour le dehors, M. le Gouverneur a puissamment travaillé à faire des réduits ou villages fermés, où il oblige chacun de bâtir une maison pour sa famille, et contribuer à faire des granges communes pour assurer les moissons, faute de quoi il fera mettre le feu dans les maisons de ceux qui ne voudront pas obéir. C’est une sage police, et nécessaire pour le temps, autrement les particuliers se mettent en danger de périr avec leurs familles. De la sorte, il se trouvera neuf ou dix réduits bien peuplés, et capable de se défendre. Ce qui est à craindre, c’est la famine, car si l’ennemi vient à l’automne, il ravagera les moissons ; s’il vient au printemps, il empêchera les semences.”

(Mémoires de la Société royale du Canada, IIe série, tome VI, Suite, pp. 163-168).


  1. René Doussin