Double Ballade

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Œuvres complètes de François Villon, Texte établi par éd. préparée par La Monnoye, mise à jour, avec notes et glossaire par M. Pierre JannetA. Lemerre éd. (p. 107-110).

DOUBLE BALLADE.

Combien que j’ay leu en ung Dit :
Inimicum putes, y a,
Qui te presentem laudabit,
Toutesfois, non obstant cela,
Oncques vray homme ne cela
En son courage aucun grant bien,
Qui ne le montrast cà et là :
On doit dire du bien le bien.
  
Saint Jehan-Baptiste ainsi le fist,
Quant l’Aignel de Dieu descela.
En ce faisant pas ne meffist,
Dont sa voix ès tourbes vola ;
De quoy saint André Dieu loua,
Qui de luy cy ne sçavoit rien,

Et au Fils de Dieu s’aloua :
On doit dire du bien le bien.
  
Envoyée de Jhesucrist,
Rappelles sà jus, par deçà,
Les povres que Rigueur proscript
Et que Fortune betourna.
Cy sçay bien comment y m’en va !
De Dieu, de vous, vie je tien…
Benoist celle qui vous porta !
On doit dire du bien le bien.
  
Cy, devant Dieu, fais congnoissance,
Que creature feusse morte,
Ne feust vostre doulce naissance,
En charité puissant et forte,
Qui ressuscite et reconforte
Ce que Mort avoit prins pour sien.
Vostre présence me conforte :
On doit dire du bien le bien.
  
Cy vous rens toute obéissance,
A ce faire Raison m’exorte,
De toute ma povre puissance ;
Plus n’est deul qui me desconforte,
N’autre ennuy de quelque sorte.
Vostre je suis et non plus mien ;
Ad ce droit et devoir m’enhorte :
On doit dire du bien le bien.
  
O grace et pitié très immense,
L’entrée de paix et la porte,
Some et benigne clemence,
Qui noz faultes toult et supporte,

Sy de vous louer me deporte,
Ingrat suis, et je le maintien,
Dont en ce refrain me transporte :
On doit dire du bien le bien.

ENVOI.

Princesse, ce loz je vous porte,
Que sans vous je ne feusse rien.
A vous et à vous m’en rapporte,
On doit dire du bien le bien.


Euvre de Dieu, digne, louée
Autant que nulle créature,
De tous biens et vertuz douée,
Tant d’esperit que de nature,
Que de ceulx qu’on dit, d’adventure,
Plus nobles que rubis balais ;
Selon de Caton l’escripture :
Patrem insequitur proles.

Port assuré, maintient rassiz,
Plus que ne peut nature humaine,
Et, eussiez des ans trente six,
Enfance en rien ne vous demaine.
Que jour ne le die et sepmaine,
Je ne sçay qui me le deffend…
A ce propos ung dit ramaine :
De saige mère saige enfant.

Dont resume ce que j’ay dit :
Nora progenies cœlo,

Car c’est du poëte le dit,
Jamjam demittitur alto.
Saige Cassandre, belle Echo,
Digne Judith, caste Lucresse,
Je vous congnois, noble Dido,
A ma seule dame et maitresse.

En priant Dieu, digne pucelle,
Que vous doint longue et bonne vie ;
Qui vous ayme, Mademoiselle,
Jà ne coure sur luy envie.
Entière dame et assouvie,
J’espoir de vous servir ainçoys,
Certes, se Dieu plaist, que devie
Vostre povre escolier Françoys.