Du Consulat à l’Empire - Lettres d’une mère à sa fille/01

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Du Consulat à l’Empire - Lettres d’une mère à sa fille
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DU CONSULAT À L’EMPIRE
LETTRES D’UNE MÈRE À SA FILLE[1]

I
DE CONSTANTINOPLE AUX TUILERIES

Après dix années durant lesquelles la vie de société avait été interrompue, sans que les élémens qui l’avaient formée pussent se rencontrer ou se rejoindre, un jour vint où les sermens de haine à la Royauté parurent périmés et où les Français, du moins la majorité d’entre eux, aspirèrent à une forme d’existence qui fût décente, correcte et agréable. On n’avait point assisté sans dégoût aux fantaisies de luxe grossier où se portaient les nouveaux riches ; on s’était indigné aux scandaleux débordemens du dictateur ; on s’était moqué des ladreries bourgeoises de quelques gouvernans du jour et de l’étalage que faisaient de leurs exactions certains gouvernans de la veille ; on était las d’émeutes, las de cortèges sanguinaires, las de coups d’État, las de mépris et las de haine. Mais était-ce une raison pour qu’on se plût soudain à une existence réglée en tous les détails, hiérarchisée au point que nul ne pût faire un pas hors de sa place, et que la fantaisie fût sévèrement bannie — au moins celle qui se révélerait au dehors ; car le diable n’y perd rien ? Quel sentiment éprouvèrent alors, pour accepter ou subir cette vie, les hommes et les femmes appelés à participer au nouveau régime ?

Que ceux de l’ancien qui retrouvaient leurs habitudes, leurs façons, même leurs places et qui servaient d’instituteurs ou de précepteurs, considérassent cette révolution comme une revanche, rien de plus naturel. Le maître avait changé, mais l’antichambre demeurait, et c’était l’essentiel. Que, à quelques degrés au-dessous, des anoblis, tout barbouillés encore de la savonnette de monsieur leur père, s’efforçassent à s’instruire de gestes qu’ils n’avaient jamais faits et, haussés par un coup du ciel aux premiers emplois, prissent une joie infinie, eux qui étaient de finance tout juste, à singer les gens de cour, comment s’en étonner ? Ils allaient se pénétrer si intimement de leur rôle, que nul ne les égala en ingratitude, et que leurs trahisons furent aussi bien réglées que les plus célèbres. Mais les autres, petits nobles ou bourgeois qui s’étaient, dès le début, jetés dans le mouvement, qui devaient leur fortune et leurs grades à la chute du trône et à la proscription des privilégiés, comment admirent-ils un renversement aussi complet de leur politique ? Comment se prêtèrent-ils à ce qui les écartait davantage de ce qui avait paru leur idéal ? Comment se plièrent-ils à l’étiquette, à son formulaire, ses obligations et ses puérilités ? Comment sacrifièrent-ils sur ces autels nouveaux la divine Liberté, au nom de laquelle ils avaient échangé le despotisme nominal d’un tyran couronné contre le despotisme effectif d’un tyran à bonnet rouge ? surtout la divine Égalité qui les avait remplis d’aise en ravalant au-dessous d’eux tout ce qui fut au-dessus ? Comment s’y prirent-ils pour concilier leurs actes de la veille et ceux du lendemain, pour oublier si vite les opinions qu’ils avaient professées, les sermens qu’ils avaient prêtés, voire les crimes qu’ils avaient commis ?

Il suffit sans doute qu’ils crussent prendre dans la société nouvelle le rang que possédaient dans l’ancienne les aristocrates tant jalousés et qu’ils eussent la conviction d’occuper leurs places et de remplir leurs fonctions. Peut-être ne regardèrent-ils pas aussi loin. On les appelait : ils estimèrent que cela était naturel, juste et décent. Ils vinrent, et du premier coup s’établirent dans des positions, comme disait Joséphine, qui leur agréaient à miracle, — à miracle, peut-on dire, car quels drames ne fallait-il pas qu’on eût traversés pour que ce changement de personnel se fût accompli !

À vrai dire, ces fortunes ne seyaient pas à tous. Des hommes, il s’en rencontrait vraiment d’impossibles et, peut-on dire au propre, d’indécrottables. Ils venaient de très bas, s’étaient élevés par un continuel effort de courage qui ne permettait point de leur disputer les grades, mais jamais ils n’avaient pu se former, se procurer les élémens d’une éducation. Il fallait bien qu’ils fussent les premiers aux honneurs, ayant été les premiers à la peine, mais devait-on souhaiter qu’ils s’abstinssent de parler, d’écrire et de remuer, car à chaque coup ils eussent rendu leur gloire ridicule. Il leur fallait un champ de bataille et non pas un salon.

Quant aux femmes, si elles ont paru plus aptes que les hommes à se former, c’est que la plupart n’étaient ni de même origine ni de même souche que leurs maris. Sauf trois ou quatre exceptions (Augereau, Lefebvre, Moncey, Fouché), la plupart des personnages en vue qui avaient été mariés avant ou pendant la Révolution, avaient divorcé et avaient convolé à des femmes jeunes, jolies, bien élevées (Davout, Lannes, Clarke, etc.) ; les autres, très jeunes en possession de hauts grades et de gros traitemens, avaient recherché des jeunes filles qui de près ou de loin tenaient à Bonaparte, à Joséphine ou à leurs familles ; elles étaient la plupart jolies, assez pauvres, et formées à des manières. On s’écarta pour leur céder la place et près d’elles vinrent se grouper les femmes tenant par quelque côté à l’ancien régime, qui avaient émigré, et étaient rentrées des premières, ou celles qui avaient traversé la tempête prisonnières ou suspectes, ou celles encore qui avaient échappé dans leur province aux dénonciations. Assurément convenait-il, pour que les unes et les autres figurassent dans la hiérarchie nouvelle, qu’elles fussent nées de familles honorables, d’une bourgeoisie sortable, qu’elles eussent acquis de la politesse, sinon des formes, qu’elles eussent reçu une instruction qui, au moins en histoire, en géographie et en orthographe, leur procurât un minimum de connaissances ; — enfin qu’à défaut d’une religion arrêtée, à laquelle elles crussent et qu’elles pratiquassent, — ce qui arrivait, — elles fussent résolues à une conduite décente et à l’horreur du scandale. Le reste était affaire à leur conscience et à leurs maris.

Par une conséquence des engagemens nouveaux de la Société, cette jeunesse et cette beauté des jeunes mariées, cette ardeur et cet enthousiasme des nouveaux époux provoquèrent et assurèrent une floraison de la race qui jamais, semble-t-il, ne se produisit avec cette vivacité, cette étendue et cette publicité. Ce fut là une caractéristique des temps du Consulat, par quoi fut d’autant plus accusée la stérilité de Joséphine et aggravé son ennui.

Comme ces femmes avaient beaucoup à faire entre leurs grossesses, leurs devoirs, leurs obligations et leurs plaisirs, même leurs enfans, elles n’avaient guère de temps pour noter au jour le jour ce qui se passait sous leurs yeux, les beautés ou les lacunes du spectacle auquel elles étaient conviées ; quant aux jugemens qu’elles ont portés après vingt ans de remise et deux à trois révolutions, ils sont troubles, équivoques et suspects, et ils flairent la valetaille chassée. Restent les correspondances : certes, mais comme il faut qu’elles soient intimes, suivies, autorisées, et si elles sont publiées, complètes ! Il n’y a pas que les interpolations qui déshonorent, il y a les suppressions qui interloquent. Ces correspondances, encore faut-il qu’elles émanent de femmes assez notables pour qu’elles participent à tout et pénètrent partout, assez ménagères pour qu’elles se plaisent à des détails de toilette et de maison et qu’elles apportent de leur vie quotidienne un tableau suffisamment animé. Bien sûr, on ne prétend pas à Mme de Sévigné ; on se contente avec une jolie petite Française, désireuse de plaire et de s’amuser, qui regarde autour d’elle et qui sait rendre ce qu’elle voit. Il lui conviendra d’être prudente, car outre qu’elle n’entend pas que ses lettres soient retenues par le Secret des postes, elle ne voudra nuire à la carrière d’aucun des siens ; aussi s’abstiendra-t-elle de politique, ce qui lui épargnera des sottises ; mais n’aura-t-elle pas, au milieu des bavardages de santé et de famille, les nouvelles de la société, les récits des dîners dont elle prend sa part, des bals où elle danse, et, pour peu qu’elle tienne au monde officiel, la chronique de la Ville et de la Cour ? Ainsi se trouvera-t-on, sans que la petite dame s’en soit doutée et parce qu’elle a laissé naturellement courir sa plume, en possession d’un tableau peint sur nature, avec des couleurs toutes fraîches posées au premier coup. Et que dire si ce tableau représente, durant les trois années les plus brillantes et les plus intéressantes peut-être du dernier siècle, une société et un gouvernement en transformation, évoluant d’une forme républicaine déjà fortement atténuée à la forme monarchique intégralement restituée ?

Telles sont les lettres écrites, de floréal de l’an XI (mai 1803) aux premiers jours de l’an XIV (octobre 1805), par une mère à sa fille, — des temps, de l’organisation du Consulat à vie jusqu’à ceux du couronnement de Milan.


La mère, Mme Carra de Saint-Cyr, — Jeanne-Armande-Félix Pouchot, — appartient à une famille distinguée du Dauphiné, dont était un Pouchot capitaine au régiment de Béarn, lequel, après avoir servi avec honneur en Italie, en Flandre, en Allemagne et en Amérique, périt misérablement en Corse dans une embuscade. Elle était la nièce de Joseph Pouchot, curé de la Tronche, qui fut élu en 1791 évêque constitutionnel de l’Isère. Mlle Pouchot, qu’on appelait Pouchot de Solières, a reçu, à Grenoble même, une instruction dont témoignent son écriture et son style. A quinze ans, en 1786, elle a épousé Annibal-Jean-Baptiste Aubert du Bayet, qui en a alors vingt-neuf et qui est capitaine au régiment de Bourbonnais. Cet Annibal est né à la Nouvelle-Orléans où son père servait avec le grade de major, dans les troupes que le Roi entretenait en Louisiane. Après la cession de la colonie à l’Espagne, M. du Bayet s’est retiré à Grenoble après avoir successivement obtenu le grade de brigadier, une gratification de 2 400 livres, une pension de 800 et le grade de maréchal de camp (1780). Il n’a donc point eu à se plaindre de la monarchie. Son fils, Annibal, qui a été pourvu d’une lieutenance dans le Bourbonnais, a été employé dans la guerre d’Amérique, s’y est distingué et à son retour est passé capitaine. A Grenoble, son père lui a ménagé ce mariage avec Mlle Pouchot, laquelle, l’année suivante, lui a donné une fille, nommée au baptême Félix-Constance-Euphrosine.

Lorsque éclata la Révolution, Aubert du Bayet ne parut point d’abord très fixé sur la voie qu’il suivrait, et il débuta dans la politique par une retentissante brochure contre les Juifs. Converti, assure-t-on, par le prince de Broglie, il s’agita assez pour être élu « président du Collège électoral du département de l’Isère, » — ce qui lui permit d’élire pour évêque l’oncle de sa femme — et, ensuite, le 28 août 1791, député à l’Assemblée législative. On discerne mal le rôle qu’il y joua, plutôt d’un royaliste constitutionnel, mais avec des nuances : tantôt il préconise les mesures qui ne peuvent manquer d’amener la guerre, tantôt il propose une loi sur le divorce ; il combat successivement les Girondins, les anarchistes et les fédérés. Il est modéré presque constamment, sauf sur les questions religieuses où il divague ; pour ce qui est du militaire, il est nettement patriote, il entend sauver les drapeaux des anciens régimens ; il défend La Fayette, il insiste pour l’envoi aux frontières des gardes nationaux et des fédérés qui encombrent Paris et qui l’oppriment. En juillet, il est élu président, et c’est son chant du cygne. Il ne parait plus que rarement après le Dix Août ; et c’est pour réclamer, comme amendement au nouveau serment de haine à la royauté, le serment de ne souffrir jamais qu’aucun étranger donne des lois à la France. Après le Dix Août, « il vint se placer, dit l’un de ses biographes, dans les rangs de ses collègues condamnés comme lui à la nullité, et il échappa par son silence aux proscriptions. » Il ne brigua point d’être élu à la Convention et réclama d’être employé aux armées : il le fut. Rentré capitaine en octobre 1792, il fut promu lieutenant-colonel au 42e régiment ci-devant Saintonge, employé comme chef de brigade pour commander à Worms, de là envoyé à Mayence par Custine, nommé général de brigade, le 2 avril 1793, par le conseil de guerre, et chargé, comme tel, de remplacer le général Meusnier qu’il ne pouvait faire oublier.

Après la capitulation, il fut accusé, mis en arrestation, conduit à Paris, innocenté sur le témoignage de Merlin de Thionville, accueilli avec honneur par la Convention, embrassé par le président, — et il resta suspect. On l’envoya en Vendée avec la garnison de Mayence, et il fut d’abord battu à Clisson. Bien qu’il eût presque aussitôt pris sa revanche à Saint-Symphorien, il fut dénoncé par Maribon-Montaut et rappelé par Bouchotte, ministre de la Guerre. Il devait paraître à six heures du soir à la barre de la Convention ; à cinq, Bouchotte le fil arrêter, incarcérer à l’Abbaye ; son affaire était bonne.

Il le savait et se préparait en lisant les Nuits d’Young. A sa femme restée à Grenoble avec sa fille Constance, il écrivait des lettres orgueilleuses, où il attestait son dévouement à la République, les services qu’il lui avait rendus et sa gloire : « Fier de la pureté de mes principes et, j’ose le dire, de mes actions civiques, j’attends sans crainte, disait-il, le résultat des mesures du gouvernement. » Mais, comme il savait quel serait probablement ce résultat, car on était aux grandes fournées, il insistait pour assurer le sort de sa femme et de sa fille. Il les aimait ; d’une façon déclamatoire et emphatique, mais avec une sincérité qui n’est point sans attendrir. « Tu veux, chère maman, écrivait-il, que j’écrive à notre Constance ; tu sens bien que c’est m’inviter à une fête bien douce. Je dois cependant te dire mon secret : je désire que l’objet le plus cher, le plus sacré au cœur de notre fille, soit sa gentille et tendre maman dont elle a reçu le jour en déchirant si cruellement le sein, et moi, bonne amie, qui te rendis mère dans un âge où peut-être j’aurais dû ménager ta délicate constitution, puis-je assez t’aimer ? Non, mon Armande, crois que tout ce que l’âme humaine a perçu de tendres sentimens, la mienne en est pénétrée pour toi. Aime ton ami, ton mari, à jamais ton amant, et il ne sera jamais malheureux, même dans les fers. »

Cet amour, il le prouvait en faisant ses comptes, en récapitulant son actif et son passif, en recherchant ses dettes, en constatant que sa fortune personnelle était si fortement atteinte qu’il n’en restait à peu près rien. « Je sors des affaires publiques, disait-il non sans orgueil, avec une fortune délabrée, tandis que tant de gens s’y enrichissent. » Il reste les biens de Mme Dubayet ; il veut les lui conserver par_un divorce de forme qui la mettra, ainsi que Constance, à l’abri de toute recherche. C’est alors une procédure si commune qu’elle en est devenue suspecte. Les femmes d’émigrés divorcent en masse, avec esprit de retour peut-être ; mais combien, lasses d’espérer dans l’avenir, chercheront une consolation dans le présent ! Dans les prisons, l’on est moins pressé par les terribles lois et l’on espère toujours. Cette idée de derrière la mort n’apparaît guère et, d’ailleurs, comment la réaliser ? Sans s’inquiéter de ce point, pourtant essentiel, Annibal revient constamment à sa proposition : « Si un jour, bien loin peut-être, mon innocence et mes services reconnus, je recouvre la liberté pour laquelle j’ai tant combattu, alors plus tendrement empressé que jamais, je proclamerai en traits de feu et ton mérite et tes vertus ; je t’épouserai de nouveau au milieu de nos amis quand, devant Dieu et dans mon cœur, je n’aurai jamais cessé d’être ton ami et ton mari. »

Mme Dubayet a le mérite de refuser : sans doute, cette pompe oratoire et l’opinion qu’Annibal a de lui-même font-elles impression sur son cœur. En tout cas, ses refus sont formels et réitérés. Elle lui dit qu’il ne l’aime point, puisqu’il pense à se séparer d’elle et que c’est bien assez qu’elle lui obéisse lorsqu’il lui enjoint de rester à Grenoble, de ne point venir à Paris pour tenter de le voir. Elle l’aime : cela arrive.

Dubayet est bien inspiré lorsqu’il se tient coi et ne réclame point sa mise en jugement. Bien que noble, législateur et général, on l’oublie à l’Abbaye et, après la chute de Robespierre, dès le 17 thermidor (4 août), il est relâché et, le 22 (8 août), il est réintégré dans son grade ; il vient à Grenoble, passe quelques semaines avec sa femme, mais apprend que sa mise à la retraite a été prononcée le 4 fructidor (22 août). Or, il veut se battre, fût-ce comme volontaire ou comme aide de camp de Kléber. On pense à l’envoyer à Lille, à Strasbourg, aux Indes orientales avant de lui confier l’armée des côtes de Cherbourg, et on l’a pour cela promu général de division. En envoyant à sa femme un portrait en miniature, relativement ancien, il lui écrit : « Tu feras ajouter sur le collet une seconde broderie et le médaillon de vétéran à la seconde boutonnière du côté gauche. » C’est tout pour annoncer sa nouvelle dignité : il n’en parle point, mais il l’immortalise.

De ces détails de son uniforme, il passe à la toilette de sa femme : il sait qu’elle est coquette et il s’efforce, en lui racontant ce qui se porte dans le beau monde, de la consoler de ne l’avoir pas appelée à Paris : « J’ai été au bal, lui écrit-il, exprès pour pouvoir te rendre compte de la mise la plus élégante. La voici : généralement, on porte des chemises de linon-batiste avec des manches, une ceinture de laine, lilas, gros rouge ou verte, entourée d’un liséré d’or ou d’argent. Un vêtement à la mode aussi : on le plisse sur les deux épaules, les deux bouts passent en avant, font le tour par derrière de la taille et viennent se nouer devant. Quelques élégantes ont aussi un ruban de laine rouge, brodé en argent ou or, qu’elles entrelacent dans leurs cheveux relevés par derrière à la romaine. Tous les souliers sont d’une venue, sans talons : beaucoup y ajoutent une faveur qui les retient aux pieds en formant différens contours au bas de la jambe ; cette manière est jolie… On voit beaucoup de gazes brillantes sur les têtes ; mais je n’en aime pas l’effet. En voilà, je crois, bien assez pour un général d’armée. »

Ainsi s’efforce-t-il de calmer les justes ressentimens d’une Grenobloise qui, depuis quatre mois que son mari réside à Paris, a vainement sollicité d’y faire un séjour. Aussi « Armande a remplacé le père Duchêne dans ses grandes colères, » et Dubayet fait le niais lorsqu’il lui écrit : « Je ne sais pas trop pourquoi cette belle citoyenne se fâche tout rouge. » Elle lui fit grâce pourtant, quoique, au dire de Barras, bon juge, « il fût peut-être un peu léger dans sa vie privée ; » pourquoi il la tenait à Grenoble. Ayant décidément triomphé de ses détracteurs, — dont le principal, le représentant Maribon-Montaut, venait d’être décrété d’accusation, — « le général en chef de l’armée des côtes de Cherbourg, » comme il signait ses lettres à son épouse, porta, le 7 floréal an III (26 avril 1795), son quartier général à Alençon. Il succédait à Hoche qui n’avait point voulu garder, au milieu des négociations entreprises pour la pacification de la Vendée, le commandement de deux armées, mais qui donnait l’impulsion. Des opérations de détail telles que le combat de Château-Neuf, le 25 messidor (3 juillet 1795), la mort de Cadou, l’arrestation de plusieurs chefs, le rétablissement des communications entre Alençon, le Mans, la Flèche et Angers n’eussent point forcé la renommée, mais Annibal employa les bons moyens. Dès la nouvelle de la victoire de la Convention sur les sectionnaires parisiens, il écrivit à son ancien collègue Letourneur que, s’ils avaient vaincu, « son plan était fait pour tirer la Convention d’affaire. Par ses dispositions, en deux jours, Paris était aux abois sans tirer un coup de fusil, et la Convention triomphante était rendue à son indépendance et faisait rentrer dans le néant les hordes scélérates des Royalistes qui, depuis longtemps, feignent de proclamer la souveraineté du peuple pour mieux lui donner un maître. »

Lue à la Convention, cette lettre classa au premier rang des amis du régime celui que son attachement à la Constitution de 91 et son plaidoyer pour La Fayette avaient rendu suspect et que sa défense de Mayence et ses campagnes en Vendée n’avaient pu réhabiliter. Il est vrai qu’il était avec Barras en des termes qui révélaient une intimité particulière. Ce fut Barras qui, moins d’un mois après, lui annonça sa nomination au ministère de la Guerre : « Arrive vite ici, lui écrivit-il, nous faisons de la bonne besoigne parce que nous aimons tous avec chaleur la République. Je t’embrasse et je t’attends. »

S’il n’eût fallu que des phrases pour terrasser la coalition et rétablir les armées, le nouveau ministre de la Guerre y eût excellé. Il lança une proclamation où il exaltait le républicanisme des officiers généraux ; une autre où il recommandait « l’ordre et l’économie dans toutes les branches de l’administration de cette vaste république ; » une autre où il faisait un redondant appel aux vertus citoyennes : « que la tiédeur s’enflamme, s’écriait-il, que l’égoïsme disparaisse, que l’amour de la liberté domine ! » Cela était à merveille, mais son ministère manquait de partout. « Aujourd’hui, écrivait-il, le 14 frimaire (5 décembre), j’ai voulu connaître, d’après la promesse du ministre des Finances, ce que je pourrais avoir en numéraire de la Trésorerie nationale. Il devait m’être donné cinq millions 500 000 livres ; cependant, ils n’ont pu me promettre que 600 000 livres pour demain. Mais comment me les donneront-ils ? ils n’ont pas pu encore envoyer les 300 000 livres qui étaient si urgemment nécessaires pour Luxembourg. » Les embarras étaient immenses, mais Dubayet s’occupait d’abord à célébrer, dans une feuille que subventionnait le ministère, le Courrier de Paris, les actes de son administration. « Lui-même envoyait aux rédacteurs de quelques feuilles périodiques le plan des articles qu’il désirait faire insérer. » « Toujours empressé, dit un de ses biographes, de démentir les bruits fâcheux qui pouvaient affliger les républicains et relever le courage abattu de tous les ennemis de la Patrie, il offrait, le 26 brumaire an IV (17 novembre 1795), aux deux Conseils, le tableau de la situation imposante de nos armées. » Il faut entendre, pour la contre-partie, les proclamations des généraux, entre autres de Bonaparte. De même, il annonçait le 7 frimaire (28 novembre) que « le général Pichegru, si cher à nos soldats et à la République, était toujours à la tête de son armée et que ce favori de la victoire n’avait point été destitué ni mérité de l’être. « Cela n’était pas bien sûr et il y avait imprudence à se porter garant d’un homme déjà justement suspect. Chargé uniquement de la partie administrative, endossant les responsabilités sans assumer l’autorité, prête-nom de Carnot, qui entendait diriger seul les opérations militaires, le ministre de la Guerre ne tarda pas, au milieu d’embarras qu’il ne pouvait surmonter[2], à souhaiter sa retraite, mais il était résolu à ne point partir les mains vides. Le système des compensations était pratiqué bien avant qu’Azaïs en eût fourni une théorie. Barras a écrit : « Aubert Dubayet était peu propre au travail du cabinet. Il se jugea et fit fort bien de préférer au ministère l’ambassade de Constantinople. Elle offrait carrière à son imagination. Lui aussi croyait qu’il était possible d’opérer quelque amélioration chez les Turcs et d’implanter la civilisation en Orient. »

En réalité, le Directoire faisait coup double : il se débarrassait d’un ministre incapable et il le donnait pour successeur à M. de Verninac qui avait demandé son rappel parce que le traité qu’il avait négocié avec la Porte n’avait point été agréé par le gouvernement. On avait pensé à Pichegru qu’une ambassade eût renfloué. Par là, il aurait été enlevé aux intrigues où il se débattait, il eût réorganisé l’armée turque, l’eût dirigée au besoin contre les Russes et les Autrichiens. Et puis, à quoi serviraient les ambassades, en temps de république, si elles ne faisaient une monnaie d’échange et ne paraient point des exils avantageux ? Le Directoire peupla les légations de généraux disgraciés devenus gênans ou tout le moins suspects. Cela ne lui réussit point pour l’ordinaire.

Dubayet, quand le Directoire lui offrit l’ambassade de Constantinople, vit le ciel ouvert. Il se crut pour le moins vice-empereur des Turcs, et il se destina à leur bonheur : « Organe d’un peuple magnanime, avec quelle douce émotion, disait-il, je présenterai à un peuple ami les nouveaux gages d’une alliance mutuelle et indissoluble ! Ambassadeur de la République, avec quelle assurance imperturbable je déploierai en même temps la dignité de son gouvernement et la majesté de sa puissance ! »

Pour quoi il réclama une escorte qui faisait une petite armée ; une maison militaire composée de deux généraux et deux capitaines ; une mission spéciale où figuraient un chef de brigade, deux capitaines du génie, trois capitaines d’infanterie, une compagnie d’artillerie légère avec trois pièces de huit et deux obusiers. Un ancien archidiacre, député du clergé aux États généraux, défroqué, marié et devenu fondeur de canons, Pampelonne, avait, quelques mois auparavant, été envoyé à Constantinople avec soixante-dix artistes et maîtres ouvriers, pour installer une fonderie, un atelier d’affûts, de construction et de réparation de fusils, une poudrerie et une salpêtrière. Tout cela relevait de la mission : le général Bonaparte avait failli y être employé.

Seulement la mer était fermée : pas plus que Pampelonne, Dubayet ne put rejoindre son poste par les voies habituelles. Ayant reçu le 16 germinal (5 avril) son audience de congé du Directoire, il mit quinze jours à gagner Grenoble où il s’arrêta près de sa femme et de sa fille qui devaient prochainement le rejoindre ; de là, il gagna Toulon où il arriva le 16 floréal (5 mai) ; mais, quel que fût son désir d’aborder majestueusement à Constantinople avec « ses deux frégates, » il dut se borner à quelques promenades en mer, ponctuées par l’échange d’inoffensifs coups de canon avec les croisières anglaises, et il reçut, le 22 messidor (10 juillet), l’ordre de rejoindre son poste par terre en prenant par Venise et l’Albanie.

Le voyage dura près de trois mois, du 24 messidor (12 juillet) au 1er vendémiaire an V (1er octobre 1796). Dubayet arriva à son poste plein de prétentions vaniteuses et d’inquiétudes despotiques qui les unes et les autres tournaient au délire. L’accueil qu’il avait reçu du pacha de Bosnie avait encore exaspéré le goût qu’il avait pour la pompe, les honneurs et les discours et l’on pouvait s’attendre qu’il réclamerait pour son entrée, en qualité d’ambassadeur, des distinctions extraordinaires. Il excédait tout le monde, à commencer par Verninac, son prédécesseur, qui avait fait beaucoup de besogne, négocié un traité, obtenu l’envoi en France d’un ambassadeur, et qui pour récompense était rappelé. Quant à son personnel, il l’avait égrené le long de sa route. D’Avignon, il écrivait : « Je me suis un peu brouillé avec mon maître d’hôtel et mon secrétaire, ces citoyens m’ont mis le marché à la main et j’ai accepté. » De son aide de camp, le chef d’escadron Caulaincourt (celui qui fut duc de Vicence, grand écuyer, ambassadeur en Russie), il écrivait dès lors : « J’ai de puissans motifs de mécontentement contre le citoyen Caulaincourt ; ses principes politiques ne sont pas en harmonie avec les miens, et si enfin l’exagération est un défaut, du moins faut-il aimer la liberté avec vérité et chaleur. » En route, les choses s’aggravèrent au point qu’il parut décidé à renvoyer en France cet officier de vingt-trois ans, « jeune, fat et présomptueux ; » il le donna en effet pour maréchal des logis à l’ambassadeur que la Turquie envoyait à Paris : c’est ce qu’il appelle « une commission brillante, » mais, ajoute-t-il, « notre divorce n’en est pas moins fait pour la vie. » Il se mit en bataille rangée contre Pampelonne et tous les officiers faisant partie de sa mission. « Quant à mes alentours, écrit-il, j’ai douloureusement éprouvé que j’avais fait des ingrats ; aussi en est-il résulté que je renvoie journellement ceux que j’avais emmenés. »

Des deux généraux qui formaient sa « maison militaire, » l’un, Antoine Menant, était sa créature très humble. Né à Lyon en 1762, entré au service en 1778 dans Brie-infanterie, resté dans les bas grades jusqu’en 1791, élu alors lieutenant par le bataillon de Rhône-et-Loire, pris pour aide de camp par Dubayet en 1793, passé sur la demande de celui-ci adjudant chef de bataillon, puis adjudant chef de brigade, général de brigade en l’an IV lorsque Dubayet fut ministre de la Guerre en l’an III, il n’alla pas plus loin et fut retraité à vingt-deux ans huit mois et vingt jours, dès que le Consul, libre de ses mouvemens, purifia l’armée des avancemens révolutionnaires. Il vivait fort bien sous la Restauration avec ses 2 000 francs de pension. Sa carrière est le plus frappant exemple du favoritisme tel qu’il se trouva pratiqué sous la République.

Quant à l’autre, qui avait reçu, pour accompagner Dubayet, le titre de premier secrétaire d’ambassade, Claude Carra de Vaux de Saint-Cyr, il appartenait à une famille originaire de Picardie, venue au XVIIe siècle dans le Lyonnais où elle accéda à la bourgeoisie et se trouva anoblie, à la fin du XVIIIe siècle, par des petites charges ; elle était représentée alors par trois fils : Carra de Vaux, Carra de Saint-Cyr et Carra de Rochemure. Claude Carra de Saint-Cyr, né en 1756, sous-lieutenant dans Bourbonnais-infanterie en 1774 avec Dubayet, lieutenant en premier en 1782, capitaine en 1785, avait été commissaire des Guerres de 1785 à 1792 où il avait ; pris sa retraite. En janvier 1793, il s’engagea au 2e bataillon des volontaires de Rhône-et-Loire et alla bientôt retrouver Dubayet avec lequel il était des plus liés depuis la guerre de l’Indépendance qu’ils avaient faite ensemble. Il servit avec Dubayet au Rhin et dans l’Ouest. Dubayet destitué et emprisonné, il se retira du service, entreprit des affaires de commerce qui prospéraient ; à l’appel de son ami libéré et reprenant du service, il abandonna tout et accourut : « Tu sauras, écrit Dubayet à sa femme le 3 nivôse an III (23 décembre 1794), que Saint-Cyr, dont le commerce était monté et qui se trouvait à la tête de trois associations, quitte tout et vient avec moi faire le coup d’épée sur la brèche de Mayence. » Deux mois plus tard, le 21 ventôse (11 mars 1795), il était dans l’état-major de Dubayet adjudant chef de bataillon ; après trois autres mois, adjudant chef de brigade (25 prairial-13 juin) ; après quatre autres mois (14 vendémiaire an 1V-9 octobre) général de brigade : tous les grades en sept mois, sans une action de guerre I Au ministère, il fut, comme directeur du personnel, l’alter ego de Dubayet et il ne pouvait manquer de l’accompagner en Turquie ; mais le voyage ne lui fut point favorable. A peine était-on arrivé en Dalmatie que Dubayet écrivait à sa femme : « Saint-Cyr a pris des travers qui me déplaisent fort et que l’habitude de l’indulgence et d’une vieille amitié me font encore supporter, mais je te déclare que ma patience est à bout. » Un mois plus tard, il écrivait que « Saint-Cyr, son ami de vingt-cinq ans, avait envers lui des torts impardonnables et qu’il allait se séparer de lui définitivement. » Il le conserva pour son entrée à Constantinople, mais presque aussitôt, il l’envoya résider en Valachie près de l’Hospodar, en attendant qu’il l’expédiât sur France. « Ce Saint-Cyr » est devenu sa bête noire, « ce Saint-Cyr » l’obsède. De même Castéra, encore un camarade de Bourbonnais. C’est Dubayet qui, l’ayant connu sous-lieutenant, ayant fait avec lui les campagnes d’Amérique, l’a appelé à faire partie de sa maison militaire comme capitaine aide de camp, quoiqu’il fût démissionnaire du 9 mai 1792 ; il l’a donc emmené en Turquie, mais, arrivé à Péra, il lui a imposé, le 20 thermidor an V (7 août 1797), une mission à Corfou.

Au reste, il ne choisissait pas ; il suspectait tout le monde ; c’était Pampelonne l’ex-Constituant, c’étaient les officiers de la mission que, les uns après les autres, il forçait à regagner la France ; le général ambassadeur ne pouvant supporter qu’il y eût à Constantinople un agent, du prétendant, le sieur Chalgrin, « un scélérat » qui « portât l’audace jusqu’à arborer sur son chapeau cette couleur blanche, signal de l’ingratitude, du parricide et de l’assassinat ; » il annonçait officiellement « qu’il était bien résolu à lui courir sus et à le tuer dans les rues de Péra. » Il portait dans ses négociations avec les Turcs la même aménité et traitait militairement toutes les affaires. « En affaires, écrivait le citoyen Pampelonne, c’est un enfant et un enfant gâté. » Au moins, s’il était aigri contre l’univers entier, restait-il content de soi, tel que lorsqu’il avait été désigné pour Constantinople. En ce temps-là, il écrivait : « J’ai commandé avec gloire les armées de la République ; j’ai mis le militaire sur un tout autre pied, étant ministre de la Guerre ; j’aurais pu être directeur ; je suis nommé à l’ambassade la plus intéressante de l’Europe ; il ne me reste plus qu’à mourir les armes à la main en combattant pour la Liberté ! »

On eût pu espérer de l’arrivée de Mme Dubayet, que le général semblait souhaiter infiniment, quelque tranquillité à l’ambassade. Raison majeure pour qu’il fût en bons termes avec son épouse : « Depuis six ans, écrivait-il, je n’ai vu ma famille que deux mois. » Il avait donc réclamé une frégate ou deux pour amener Mme Dubayet et sa fille et ce fut là l’occasion d’aigres correspondances avec le ministre de la Marine, Truguet, qui préférait employer à des services de guerre les vaisseaux de la République. En fructidor an V (août 1797), après la chute de Truguet, Mme Dubayet, accompagnée de sa fille, s’embarqua à la fin sur la frégate la Sérieuse, mise à sa disposition par l’amiral Bruix. Elle débarqua en vendémiaire an VII (fin septembre 1797) et trouva un homme en lutte avec le peu qui restait de Français, incapable de se contrôler et de suivre les affaires, moins encore de se conformer aux ordonnances des médecins. Moins de deux mois après son arrivée, le 15 frimaire (5 décembre) Dubayet fut pris d’une mauvaise fièvre, « fièvre bilieuse, putride, inflammatoire et milliaire, » qui l’emporta en onze jours.

Ruffin, le drogman, qui, à travers toutes les vicissitudes, conservait à l’amba3sade la tradition française, s’était hâté d’aviser Saint-Cyr pour qu’il vînt de Bucarest prendre la gérance. Quelque diligence qu’il fit, il n’arriva qu’après l’inhumation solennelle et laïque de Dubayet dans les jardins du palais de France, près d’un arbre de la liberté, planté jadis par Descorches.

Saint-Cyr, malgré sa brouille avec Dubayet, s’empressa d’adresser au ministre des Relations extérieures une pompeuse oraison funèbre de « son père, son protecteur, son ami de vingt-cinq ans. » Il entreprit moins de gérer l’ambassade, tâche dont Ruffin s’acquittait mieux que lui, que de s’ériger en avocat de la citoyenne Dubayet. Il appuya avec une éloquence pénétrée les demandes, au moins inusitées, qu’elle présentait au Directoire. Rien moins que de se poser presque en émule de Mme la maréchale de Guébriant. « La santé de la citoyenne ambassadrice, extrêmement altérée par les veilles et les suites de cet événement, écrivait-il, me détermine à vous prier, citoyen ministre, de l’autoriser à prolonger son séjour à Constantinople aussi longtemps que sa santé et ses affaires pourraient l’exiger. » Moyennant qu’elle habitât le palais de France et qu’elle y gardât maison montée, elle se contenterait de la moitié du traitement de son mari, — qui était de 150 000 livres. Saint-Cyr n’avait point osé aller jusque-là avec le ministre, mais il prit revanche avec Rewbell et, en attendant les réponses de Paris, il établit la citoyenne ambassadrice et sa fille comme les représentantes officielles de la République. Ayant à remercier le capitan pacha des marques de sympathie qu’il avait chargé Ruffin de témoigner à la citoyenne Dubayet et à la jeune Constance, « je crus devoir, écrit-il, répondre à tant de marques d’intérêt en lui présentant Constance. » Il la mena donc avec lui chez le pacha, vêtue en homme et accompagnée des citoyens Fleurat et Ruffin et du général Menant ; elle fut placée sur le sopha entre ces deux derniers. Le pacha, qui, pendant la conférence, regardait souvent la jeune Constance et faisait remarquer au citoyen Ruffin combien elle ressemblait à son père, dit en riant à ce secrétaire interprète : « On voit bien que vous n’êtes qu’un homme de plume et de paix, peu curieux des belles armes : cette enfant est réellement la fille d’un héros ; elle a toujours les yeux fixés sur mes sabres appendus au lambris, et elle ne fait que pousser le général Menant pour les lui faire admirer. » Le capitan pacha invita l’ambassadrice à le voir sortir en pompe par la porte d’Andrinople pour prendre le commandement de son armée, et à visiter, quand elle voudrait et autant de fois qu’il lui plairait, le vaisseau amiral qui était en rade. L’audience se termina par des présens de châles et de mousseline des Indes pour chacun des visiteurs, les plus belles pièces étant destinées à Mme Dubayet.

Celle-ci ne manqua pas de profiter de l’invitation que Saint-Cyr avait su rappeler au capitan pacha, et, au jour fixé, — trois mois après la mort du général, la veuve éplorée, vêtue en homme ainsi que sa fille, — deux jolis petits garçons, en vérité ! — grimpait l’échelle ; elle fut reçue à la coupée par le capitaine de pavillon, goûta au café et au chocolat, visita le navire de bout en bout, et, au départ, reçut un salut de sept coups de canon. Il y avait de quoi tourner une tête solide : ces honneurs, cette vie somptueuse, ce palais, ce train, cette liberté de costume qui pouvait bien surprendre les Turcs peu habitués à de pareils travestissemens, tout devait enivrer la charmante petite Dauphinoise, sevrée de plaisirs depuis toujours. Sans doute trouvait-elle jadis, dans des bals de campagne, sous les auspices de son beau-frère Bruno, à exercer le goût qu’elle avait pour la danse, et sautait-elle fort bien, sans s’interrompre, de cinq heures jusqu’à neuf heures du lendemain. Sans doute, connaissant comme elle était coquette, Dubayet, pour lui faire prendre patience, lui décrivait-il plutôt mal que bien les toilettes des merveilleuses et lui envoyait-il même quelque ajustement ; mais qu’était cela pour rassasier une fringale de plaisirs ? Elle n’avait pas vingt-huit ans, cette jolie dame, toute mignonne, qui, depuis qu’elle était née, n’avait quitté Grenoble que pour venir à Paris guetter l’occasion pour Constantinople. Si, seule de tous les entours de Dubayet, elle n’avait pas eu part à ses colères, — ce qui n’est point démontré, — au moins avait-elle enduré son caractère, et elle ne pouvait que se sentir libérée. Seulement, le beau rêve d’être ambassadrice ne pouvait durer toute la vie, et Talleyrand y mit fin ; eu égard aux circonstances, il traita largement la veuve de Dubayet. Régulièrement, les appointemens du général eussent dû être arrêtés au jour de sa mort, le 17 frimaire an VI (7 décembre 1797) ; ils furent prolongés, pour Mme Dubayet, de deux mois et demi, et arrêtés au 30 pluviôse (18 février 1798). Elle reçut, pour frais de retour, ceux mêmes qui eussent été alloués à son mari. Si, par la suite, elle eut quelques difficultés avec le département pour le règlement des objets précieux que Dubayet avait reçus en compte pour les distribuer sur sa route, c’est qu’ « Annibal le Mississipien » était prodigue et magnifique, à preuve qu’à défaut de présens du Gouvernement, il donnait ce qu’il avait de plus beau dans son bagage, les pistolets de Versailles qu’il tenait du Directoire et qu’il offrit au pacha de Bosnie.

Ce fut seulement en messidor an VI (28 juin 1T98) que Mme Dubayet et Constance, accompagnées de Saint-Cyr et de quelques Européens qui profitaient des escortes, quittèrent Constantinople. On voyagea à petites journées, si bien qu’on mit plus d’un grand mois pour gagner Vienne, un autre pour rentrer à Paris. Après un tel voyage fait en compagnie, on est brouillé à mort ou accommodé pour la vie. Ce fut le dernier parti qu’adopta Mme Dubayet ; mais d’abord qu’elle fut rentrée à Paris, elle exécuta les ordres du Mississipien en plaçant Constance chez la citoyenne Campan, à l’Institut de Saint-Germain. Là, cette jeune personne de douze ans allait perdre sans doute ses façons garçonnières. « Elève Constance en bonne républicaine, avait écrit Dubayet dans une lettre qui peut passer pour un testament. Exige avec fermeté qu’elle fasse bien ses études. Voilà le moment, ma bonne amie, où tu peux faire aller de front les maîtres à danser, de forte et d’écriture. Bientôt tu lui donneras un maître de dessin et, avec tous ces moyens de rendre aimable ta fille, je désire que tu soignes le travail de l’aiguille qui la préparera à être une femme républicaine. » Tout cela, — sauf peut-être le travail de l’aiguille, — se trouvait réuni à Saint-Germain. Il fallait se presser si l’on voulait exécuter, en ce qui concernait Constance, les volontés de son père. N’avait-il pas écrit : « Tu sauras que je songe à la marier à quinze ans ; déjà j’ai trouvé son mari… » Au fait, n’était-ce pas l’âge où Mme Dubayet s’était mariée et pouvait-elle dire à son mari qu’elle s’en fût mal trouvée ?


On ne saurait nier que, sur les destinées de Constance et même sur celles de sa mère, cette entrée en pension influa considérablement. L’Institut de Saint-Germain a joué pour la restauration d’une société un rôle d’autant plus important qu’il a unifié, par l’éducation, des élémens fort différens et qui ne se fussent sans doute pas rencontrés autrement. Il a été l’école préparatoire du monde nouveau. Il y avait à Saint-Germain des filles de noblesse, des filles de finance, des filles de bourgeoisie ; il y avait ce qui tenait au général Bonaparte, sa belle-fille, ses nièces, ses sœurs, tout son monde. Etait-ce là ce qui avait mis Mme Campan à la mode ou bien l’air qu’elle se donnait d’avoir jadis été de la Cour, familière de la Reine, du Roi, de Mesdames, ayant préparé sur chacun une anecdote où elle jouait le beau rôle, — pour compenser sans doute celui qu’on lui attribuait ? En fait, ainsi que tout son apparentage, elle sortait de cette domesticité intérieure du souverain, d’où certains étaient partis pour monter aux grandes charges, mais où la plupart se repassaient héréditairement des places profitables, sinon honorifiques, que mettaient tout à part la confiance des maîtres et la fidélité des serviteurs. A la vérité, si cette fidélité était suspectée, — comme ce fut le cas pour Mme Campan, — rien de l’honneur ne subsistait, moins que rien.

On était mal renseigné et combien de gens avaient intérêt à ce qu’on ne le fût pas mieux, Mme Bonaparte au premier rang ! Ce fut par Mme Campan et par l’Institut de Saint-Germain que Mme Aubert-Dubayet fit sa connaissance. Quant à Constance, ce fut là qu’elle rencontra Caroline, Pauline et Christine Bonaparte, Hortense et Stéphanie de Beauharnais, Stéphanie Tascher, les filles ou les sœurs des généraux Clarke, Macdonald, Leclerc, Victor, Oudinot, un monde, le nouveau monde, celui qui, demain, presque tout de suite après l’acte libérateur de Brumaire, surtout après la victorieuse campagne de Marengo, allait devenir l’unique monde. Ces jeunes femmes toutes jolies, gracieuses, élevées selon les formules de l’ancienne société, épousées généralement pour leur grâce, leur joliesse ou leur beauté par les grands du nouveau régime, auraient, sous les auspices de Mme Bonaparte, charge et mission de donner le ton, d’introduire, dans les salons rouverts, les prestiges de l’éducation qu’elles avaient reçue à Saint-Germain et qui, à soi seule, était la contre-révolution.

Ayant ainsi placé sa fille pour le mieux de son avenir, ayant réglé les affaires d’argent de l’ambassade, Mme Dubayet s’occupa de ses affaires de cœur, et pouvait-elle faire mieux qu’unir sa destinée à celle de cet admirable ami qui lui avait fait connaître des splendeurs qu’elle n’eût jamais imaginées ? A peine si elle avait trente ans, Carra Saint-Cyr en avait quarante-cinq, mais c’était le même âge que Dubayet. Sans doute était-il borgne, mais c’était d’une blessure de guerre reçue en Amérique ; sans doute n’était-il encore que général de brigade, mais ses manières, son éducation, sa douceur, son amour valaient bien une étoile. Constance déjà l’appelait son petit père et le traitait en « parrain. » Tout était donc pour le mieux et, le 10 brumaire an VIII (31 octobre 1799), Mme Dubayet se mua en Mme Saint-Cyr.

La lune de miel, s’il était convenable qu’il y en eût une, fut brève, Carra Saint-Cyr ayant été désigné pour un emploi de général de brigade à l’armée de réserve. Il n’y était pas encore arrivé le 10 floréal (30 avril 1800), mais le 10 prairial (30 mai) il était à Ivrée en possession d’un commandement indépendant : il correspondait directement avec le chef de l’état-major général, avec le commandant en chef et même avec le Premier Consul ; il s’en tirait à merveille, même n’ignorait-il pas les moyens de se faire bien venir. Ainsi écrivait-il à Bonaparte à la fin d’un rapport, de style et de tournure tout militaires : « Je ne peux pas me dissimuler, citoyen Consul, que le poste qui m’a été confié par le général en chef ne soit très délicat et, peut-être au-dessus de mes forces, mais puisse-t-il au moins me donner l’occasion de vous convaincre de mon sincère et entier dévouement ! »

Incorporé ensuite dans la division Monnier, qui faisait partie du corps de Desaix, il prit une part active à la bataille de Marengo à la tête de 700 hommes de la 19e légère : « il enleva le village de Ceriolo à la face de l’armée ennemie au moment même où l’armée était en retraite ; il opéra la sienne en ordre, soutenu seulement par la 70e de ligne, » et fut cité par Monnier pour son talent et son sang-froid. Son nom ne figura pas au bulletin, mais le Premier Consul l’avait retenu. Aussi bien, Mme Carra Saint-Cyr était à présent des habituées des Tuileries, et sa fille, durant que Caroline Bonaparte était à Saint-Germain, avait acquis ses bonnes grâces. Sans doute fut-ce à Caroline Murat qu’elle dut son mariage.

Élevé au commandement en chef de l’armée d’observation du Midi et des troupes françaises stationnées dans la République cisalpine, le général Murat, qui avait porté son quartier général à Milan le 2 fructidor an IX (2 août 1801), y avait trouvé et conservé pour chef d’état-major le général Charpentier. Ce Charpentier appartenait à une de ces familles que de petites charges élevaient par degrés à certaines apparences de noblesse. Il se préparait, avant la Révolution, à succéder à son oncle, lieutenant général au bailliage de Soissons. A l’appel de la patrie, il s’engagea dans le 1er bataillon des volontaires de, l’Aisne, fut élu capitaine, passa dans les états-majors et était adjudant général lorsqu’il eut mission d’apporter à la Convention les drapeaux de la garnison autrichienne de Luxembourg. Envoyé en Italie au mois de frimaire an VII (novembre 1798) pour mener des renforts à Scherer, il fut promu général de brigade sur le champ de bataille le 6 germinal (30 mars 1799). Après un court séjour en France motivé par une blessure reçue à la bataille de Novi, il revint à Milan, après Marengo, comme chef d’état-major de Brune d’abord, puis de Moncey. Il resta avec Murat dont il avait mérité la confiance, comme celle de ses prédécesseurs, par une régularité, un ordre et une intelligence remarquables. De plus homme de bonne compagnie et agréable de sa personne. Caroline, qui souhaitait être entourée de femmes françaises, désirait qu’il se mariât et elle s’en occupa. « Je suis fâché, écrivait le général à son beau-frère le 3 brumaire an XI (25 octobre 1802), que vous n’ayez point fait la connaissance du général Murat comme vous en aviez l’occasion. Il vous aurait sûrement bien accueilli. Il me comble de considération et de fortune. Il songe aussi à me faire faire un mariage très brillant : mais sur ce dernier sujet, je suis sans inquiétude. Avec la place et la fortune que j’ai, on trouve toujours à se bien marier. » Mme Murat avait pensé d’abord à une nièce de Decrès, le ministre de la Marine ; puis à la fille de Barbé-Marbois le ministre du Trésor, — celle qui épousa le fils aîné du consul Lebrun. Mais « Charpentier n’ayant pu faire le voyage de Paris, cette proposition n’a pas eu de suite. » Aussi bien, « plus le moment du mariage approche, écrivait-il, moins je désire me marier, et si l’on pouvait toujours rester garçon, je l’aimerais mieux, » Mais sa mère et tout le monde conspiraient pour ses noces. Sa mère et son beau-frère vinrent à Paris pour voir la jeune Constance. Ils chantèrent comme de juste sa grâce et ses vertus. Elle eût commencé, au gré de son père, à monter en graine, car elle allait sur ses seize ans. Les préliminaires furent brefs ; en ce temps-là, on vivait double, — comme en campagne. Murat et Caroline, qui n’avaient pu assister au mariage, prétendirent mettre dans la corbeille un présent peu banal, une étoile. « J’apprends, écrit Murat au Premier Consul le 4 floréal an XI (24 avril 1803), le mariage du général Charpentier : c’est un brave homme qui a plus de solidité que de brillant, c’est un homme sûr. Je désirerais bien, mon général, que vous lui donniez le grade de général de division pour son cadeau de noce. Je regarderais cette faveur comme une marque nouvelle de l’intérêt et de l’estime que je sais que vous me portez. » Charpentier ne l’obtint qu’un an plus tard, le 26 fructidor an XII (46 février 1804) ; tout de même, — était-ce pour Aubert-Dubayet, Carra Saint-Cyr, Charpentier ou Constance ? — le Premier Consul, Joséphine, Hortense, la plupart des généraux présens à Paris, Gouvion Saint-Gyr, Junot, Lefebvre, Soult, les deux consuls et les ministres signèrent au contrat. La noce eut lieu à Maisons où les Saint-Cyr avaient une jolie habitation et Mme Louis y dansa tout son soûl, — elle s’en souvenait deux ans plus tard. Cette résidence suburbaine (quatre lieues de Paris) n’était pas sans compliquer la vie, car Mme Saint-Cyr n’en perdait ni un bal ni un diner, et Saint-Cyr n’en était pas moins assidu à son devoir ; c’était affaire de temps et de chevaux.

A peine quelques jours donnés à la lune de miel, Charpentier et sa petite femme partirent pour Milan. A la vérité, ils devaient s’arrêtera Grenoble où habitait la famille paternelle et maternelle de Mme Dubayet et faire ainsi le voyage de noces de l’ancien temps, celui qui avait pour objet la présentation et la visite obligatoire aux parens et aux amis des deux familles.

Mme Saint-Cyr, dès le 23 floréal (13 mai 1803), s’empresse d’écrire à sa « bien chère petite fille » pour lui donner des conseils, lui faire des recommandations, l’exhorter à devenir « une femme intéressante et agréable ; » elle invite ses seize ans un peu futiles à des lectures instructives. Mais à la mère le monde fait assez de bruit pour qu’il en fasse presque autant à la fille. « Depuis ton départ, ma chère Constance, écrit-elle, Saint-Cyr m’a fait aller et venir sans cesse. Je partis samedi soir. Le lundi, nous fûmes déjeuner chez le général Soult, à sa campagne[3]. Au retour, je m’arrêtai à Saint-Cloud, mais on était à Malmaison. Je revins ici mardi et mercredi soir, je retournai à Saint-Cloud où il y avait assemblée assez nombreuse. On me demanda si j’avais reçu de tes nouvelles et les larmes étaient toujours prêtes à s’échapper de mes yeux en répondant que non. Il n’y a rien de nouveau pour ce qui nous concerne[4]. Il faut prendre patience malgré soi, mais toujours même bon accueil très aimable. Il y avait ce jour-là la nouvelle mariée Mme Caffarelli[5]. Elle est très belle et très grande, mais quoique ayant été élevée à Paris, elle n’a pas encore la tournure parisienne. Cela vient assez vite !… »

Le général Saint-Cyr avait espéré qu’il serait employé en Italie et qu’il y retrouverait sa chère Constance, mais il avait compté sans le Premier Consul et sans la rupture de la paix d’Amiens : « Voilà, écrit-il le 30 floréal (20 mai), toutes nos espérances de réunion évanouies. J’ai reçu l’ordre de me rendre à Bayonne, et c’est bien loin du pays où nous aurions aimé à nous diriger. Je vais donc doubler de zèle dans les fonctions qui me sont confiées pour être en droit ensuite de demander la destination qui nous rapprochera de toi et de ton mari. » Il allait être employé à Bayonne à l’un des six camps dont le Premier Consul avait ordonné la formation pour constituer sur les côtes une armée puissante et prête à marcher contre l’Angleterre (25 prairial-14 juin). Il désigna, de Namur, le 16 thermidor (4 août), les troupes qui y devaient figurer. Saint-Cyr devait les précéder et les attendre.

Ce départ redoubla la tristesse qu’avait causé à Mme Saint-Cyr celui de sa fille et dès lors commencent les plaintes sur l’absence de lettres ; mais la délicieuse Armande ne pouvait passer sa vie à se lamenter. « J’ai été à Paris cette semaine, écrit-elle le 10 prairial (30 mai), à Villeneuve-l’Étang chez Mme Soult[6], qui m’a chargée de te faire ses complimens ; j’ai été à Saint-Cloud ; j’ai vu Mme Bonaparte qui me demanda de tes nouvelles, ainsi que Mme Louis[7]et Mme Lauriston[8]. Mme Savary[9]qui était là, ainsi que beaucoup d’autres, ne me dirent rien de toi. J’avais pris congé de Mme Bonaparte, croyant pouvoir entreprendre bientôt mon voyage de Grenoble, mais des affaires me retiendront ici plus longtemps que je ne croyais, et alors j’y retournerai un soir, car j’y étais allée un matin. J’ai vu aussi Mme Macdonald[10]qui me parla beaucoup de toi et me chargea de te dire bien des choses. »

Cependant Constance est arrivée à Milan et elle fait sa cour. À la fin, elle écrit. « Ta lettre, lui répond sa mère le 15 prairial (4 juin), m’a fait grand plaisir parce que je vois que tu es contente, à part l’ennui que te cause la partie de cartes. Tu vois que j’avais bien raison quand je te disais qu’il fallait qu’une femme sût jouer. La plus grande partie des femmes ne joue que par complaisance, mais comme on joue de l’argent, il faut le savoir défendre. Est-ce le réversis ou le whiste ? Tu ne me dis rien de la réception que t’a faite Mme Murat. Est-ce très bien ou comme ça ? Il serait à propos, je crois, que tu écrives à Mme Louis, Tu te rappelles qu’elle t’a promis que, de deux lettres, elle t’en répondrait une. Il y a près de quinze jours que je n’ai vu Isidore[11]. Elle me pria bien de te dire qu’elle ne t’a pas oubliée. Elle attend de tes nouvelles avec une grande impatience… J’avais appris par Mme Soult que Mme Murat avait accouché[12]et Murat en donnant cette nouvelle à la Cour avait écrit que Madame sa femme serait à Paris dans quarante jours. J’avais été fâchée de cela, mais comme tu n’en parles pas, peut-être n’est-ce pas vrai ? Les modes ne varient pas beaucoup et c’est toujours la même mise. Les toilettes du soir à Saint-Cloud sont presque toutes en crêpe. J’ai vu travailler Mme Louis et Mme Bonaparte à des robes de crêpe brodées à bouquets détachés unies. Cela fera de très jolies robes d’été.

« On parle d’un voyage du Premier Consul…

« Tâche de savoir si M. et Mme Murat ont reçu les lettres que nous leur avons écrites au moment de ton mariage. »

Mme Saint-Cyr n’était pas mal informée. Murat écrit le 6 prairial (26 mai) : « J’espère que vous ne serez pas fâché, mon général, que j’accompagne Caroline qui se propose de venir prendre sa petite et laisser à maman son nouveau-né. » Les événemens ne le permirent pas : « Mme Caroline est rétablie, écrit Murat le 6 messidor (25 juin), et mes enfans sont en route pour Paris depuis deux jours. » Caroline elle-même ne partit qu’au milieu de thermidor (juillet).

Cela faisait une grande occupation à Maisons, où Mme Saint-Cyr ne négligeait rien pour se tenir bien en cour. « J’ai fait un petit séjour à Paris cette semaine, écrit-elle à sa fille le 20 prairial (9 juin). En y arrivant, on me remit une grande lettre adressée à Saint-Cyr et c’étaient des billets pour le cercle qui avait eu lieu la veille. Il y en avait pour Saint-Cyr et pour moi et pour Mlle Aubert-Dubayet. Je fis demander aux Tuileries si Mme Bonaparte y était ou était retournée à Saint-Cloud. Alors, je fus voir le général et Mme Soult. Ils allaient repartir pour la campagne. Ils me dirent que Mme Murat serait dans un mois à Paris. Je ne croyais plus à ce voyage puisque tu ne m’en avais pas parlé, mais il se confirme là-haut.

« Je suis revenue hier au soir de Paris et j’y retourne demain. A trois heures, j’irai voir Mme Louis et, le soir, j’irai à Saint-Cloud. C’est cela avoir du courage, aller sans Saint-Cyr et sans toi, mais je sens qu’il ne faut pas avoir l’air, aux yeux de beaucoup de gens, de m’être tout à fait retirée. D’ailleurs, il faut qu’on se rappelle de nous (sic), car les absens ont toujours tort.

« Ecris à Mme Louis et mets quelque chose de bon pour Mme Bonaparte. »

A son gendre Charpentier, qui l’avait invitée à venir s’établir à Milan, près de sa fille, pendant que Saint-Cyr serait à Bayonne, elle écrie (24 prairial-13 juin) : « J’ai été deux fois à Saint-Cloud depuis le départ de Saint-Cyr. J’ai demandé s’il n’y avait rien de nouveau. On m’a répondu : Non, il faut attendre. Le Premier Consul part cette semaine. Le général Soult le suit, et, pendant ce temps, Mme Soult va en Allemagne dans sa famille. Mme Bonaparte m’a demandé si Constance était grosse. J’ai répondu que je n’en savais rien. J’espère bien que vous ne me le laisserez pas ignorer, je désire tant être grand’maman ! »

En attendant, elle se prépare à rejoindre Saint-Cyr à Bayonne, plutôt aux environs, un négociant ayant prêté au général une maison de campagne charmante, à proximité de la mer, avec une vue fort jolie. De là où ira-t-il ? Peut-être en Portugal ? Alors, elle sera du voyage. « Je me crève les yeux, écrit Saint-Cyr, sur tous les ouvrages qui traitent de l’Espagne et du Portugal. J’espère ne pas en être pour mes frais et que le gouvernement ne veut pas me faire prendre racine ici, ce serait le dernier endroit que je choisirais. » Et puis n’y serait-il pas oublié ?

« Je t’ai mandé dans les temps, écrit Mme Saint-Cyr le 8 messidor (27 juin), la réponse que m’avait faite Mme Bonaparte au sujet de l’avancement de ta toutoute[13]. Il n’y a rien de nouveau. Je présume que si le grade doit être accordé, ce ne sera qu’à l’organisation définitive du camp qui se forme à Bayonne et dont il a le commandement provisoire. Ainsi, patience… Il y a longtemps que je savais le voyage de Mme Murat. J’ai été voir avant-hier Mme Soult qui m’a priée de te dire qu’elle est très fâchée contre toi. Tu lui avais promis de lui écrire, et tes lettres sont encore à venir. Tu mécontentes bien du monde, comme tu vois : Mme Louis, Mme Soult et Isidore, en voilà bien trois. Mme Soult part aujourd’hui pour l’Allemagne, son pays, pendant que le général accompagne le Premier Consul… Il n’y a que Mme Talhouet[14]et Mme Rémusat[15]qui aient accompagné Mme Bonaparte pour le voyage. Ces dames ont fait beaucoup de dépenses, entre autres Mme Talhouet, qui a fait faire un trousseau neuf.

« Mme Carion m’a apporté à voir tes robes. Malgré mes recommandations, il ne s’en trouve pas une simple pour le matin chez toi, mais elles sont jolies à mon goût. Il y en a une bleue avec une garniture de mousseline qui m’a plu assez ; une robe en gaze de coton — Mme Carion dit que cela se lave comme du linge, — la garniture toute petite, en fleurs et feuilles, est jolie, et une en taffetas blanc broché. Elle a une guirlande de petites roses jaunes pour garniture ; elle ajoute à cela les chemisettes de crêpe et de mousseline parce qu’elles sont très décolletées derrière et boutonnent sur l’épaule. »

Mais, malgré les soins qu’elle prend de sa fille, Armande s’ennuie. Elle aspire à rejoindre l’un au moins des êtres qui lui sont chers : « Voici mon plan de voyage, écrit-elle le 10 messidor (29 juin). Je compte toujours partir pour Bayonne très incessamment. Je resterai avec Saint-Cyr tant qu’il sera dans cette ville. S’il recevait une destination pour faire la guerre activement, alors, ma chère petite, tu me verrais partir comme le vent et me rendre dans tes bras où, je crois, j’étoufferais du plaisir de te voir et de t’embrasser. Je m’en irai en poste, j’avais eu le projet de faire ce voyage à petites journées avec mes vieilles jumens, mais je serais trop longtemps en route. » Elle s’ennuiera jusque-là, bien qu’elle ait avec elle son beau-frère Carra Devaux[16]qui lui tient fidèle compagnie et qu’elle rend esclave. « Quelquefois, écrit-elle, nous allons avec M. Devaux jusqu’aux bords de la Seine pour faire baigner ma Spitz. Tu es bien ingrate en parlant de Spitz. Tu ne m’en as pas encore demandé des nouvelles. Saint-Cyr me l’a laissée pour me tenir compagnie, mais elle a un penchant si naturel pour les hommes qu’au défaut de Saint-Cyr, elle me préfère mon beau-frère. Cependant elle couche dans ma chambre et me garde bien, je t’assure. Si je fais le voyage de Milan, elle sera des nôtres…

« Il n’y a pas de grands changemens dans les modes. Les robes de très grande parure sont en tulle de couleur brodées en or ou en argent. Les moins élégantes, c’est du crêpe.

« Il m’est impossible, ma bien chère petite, de te donner mon portrait à présent. Mes facultés ne me le permettent pas, mais je puis très aisément te satisfaire pour la petite chaîne de mes cheveux que tu désires. Il y a trois jours, je me suis fait tondre. C’est-à-dire que mes cheveux sont coupés à la Titus et, en les mettant de côté, je pensais à t’en faire quelque chose. Ainsi, tu auras une croix et une chaîne jusqu’à ce que je puisse te satisfaire pour le portrait. Tu porteras cela en souvenir de moi. »

Le 19 messidor (8 juillet), elle est sur son départ, mais il survient des contrariétés : « J’espérais, dit-elle, on vendant mes quatre chevaux, m’en aller en poste, mais n’en trouvant rien à Paris, je m’en vais à petites journées, ce sera bien ennuyeux et bien long, mais qu’y faire ?… Je vais demain à Paris pour finir mes derniers arrangemens. Je paierai les souliers à Coppe : il y en a vingt-quatre paires à 7 livres qui font 168 livres… Tu sauras que l’on porte beaucoup de chapeaux, tous avançant singulièrement sur la figure. Ils seyent assez bien. On les fait de crêpe, de taffetas et d’organdi. J’en emporte à Bayonne de toutes les sortes, mais je ne les prends pas chez Mlle Despaux parce que, pour la province, cela n’en vaut pas la peine et que je les paie bien moins cher… C’est tout ce que j’emporte, avec une robe de taffetas ronde pour la route. Je n’ai rien fait faire de neuf depuis ton départ…

« Tu sauras que le général Pino[17]n’a pas pu me remettre lui-même ton portrait. C’est son aide de camp, et, en entrant, il m’a fait un compliment, c’est qu’il ne m’aurait jamais prise pour ta mère, mais bien pour ta sœur. Je suis accoutumée à ces sortes de choses et je ne renoncerais pas pour tout au monde au titre de mère de ma bien-aimée Constance. Il m’a dit encore que tu te portais très bien, que tu étais bien aimée à Milan, que tu t’amusais beaucoup, que tu n’avais qu’un seul regret, celui d’être éloignée de nous. J’ai appris par je ne sais plus qui que Mme Murat avait différé son voyage, je t’en félicite de tout mon cœur, car je me peignais la solitude où tu te serais trouvée et j’en avais beaucoup de chagrin.

« Depuis le départ du Premier Consul[18], on ne sait rien du tout ici. On croit assez généralement qu’il y a un grand projet de descente en Angleterre. Si, par hasard, Saint-Cyr y était pour quelque chose, tu me recevrais, n’est-ce pas ? Je compte là-dessus et je m’arrange de manière que, si cela arrive, c’est de Bayonne que je partirai pour aller t’embrasser, te croquer, t’étouffer dans mes bras ; enfin, je ne sais pas ce que je ne ferai pas. »

Le départ approche. « J’ai été avant-hier, écrit Mme Saint-Cyr le 22 messidor (4 juillet), faire mes adieux à Mme Petiet., Isidore est bien fâchée de ce que tu ne lui écris pas. Elle m’a chargée de te dire que ton myrte dément bien tes sentimens pour elle, car il est superbe. La mère et la fille dînaient ce même jour chez Cambacérès. De là, je fus chez Mme Louis, qui me demanda comment tu te trouvais à Milan et qui m’observa que tu ne lui avais point écrit, malgré tes promesses. Tu as vraisemblablement des raisons pour ne pas écrire, à cette dernière surtout… Mme Ney part aujourd’hui pour la Suisse[19]. Adèle n’est pas encore mariée[20]. »

Voilà Memelle en route, le 26 messidor (15 juillet), à cinq heures et demie du matin, dans la petite voiture attelée de trois bons chevaux de poste, le cocher conduisant en main les chevaux de voiture. Carra Devaux lui sert de chevalier, et Spitz monte la garde. On va d’une traite à Orléans, et l’on passe même la nuit pour gagner Tours, ce qui est une grande fatigue. De là, en treize heures, à Poitiers ; bref, la carrossée arrive à Bayonne le 3 thermidor (22 juillet), à minuit, — huit jours seulement ! — et cela semble extrêmement rapide. « Elle est venue, écrit. Saint-Cyr, beaucoup plus vite que la poste, et toutes ses lettres pour m’annoncer son départ et sa marche ne me sont parvenues que le lendemain de son arrivée. » Et « jamais elle ne fut mieux ; déjà elle monte très bien à cheval, et nous avons fait ce matin doux lieues, et elle n’est pas fatiguée ; cependant, ce n’est que la seconde fois qu’elle a commencé. » « Je suis allée à Biarisse, petit village à une petite lieue d’ici, écrit de son côté Mme Saint-Cyr. C’est là où, au mois d’août, il vient beaucoup de monde prendre les bains de mer. Il y avait déjà des baigneurs et des baigneuses ; tout est pêle-mêle. » Dès qu’elle est arrivée, commencent les réceptions. « De toutes les femmes qui me sont venues visiter, écrit Armande, il n’y en a pas de jolie, mais il y en a deux qui sont beaucoup plus petites que moi. Ainsi tu dois penser ce qu’elles doivent être. » Et les dîners, les soupers, les bals de se succéder ; même on verse diverses fois dans les fossés, car on se sert de chevaux d’artillerie dont les conducteurs sont ivres. Il y a des soirées charmantes, terminées par de jolis ambigus ; il y a des lancemens de gabarres, et surtout des tours de valse. La société est nombreuse, les femmes sont aimables et faciles, on reçoit beaucoup, on est toujours en fête, et Mme Saint-Cyr est ravie. Pour faire pendant à sa chienne, le négociant qui lui donne l’hospitalité lui offre une perruche, puis un perroquet de prise, qui se trouvait sur un navire anglais de deux millions, ensuite un singe et puis une macaque. Enfin, on est à merveille pour Armande. « C’est une drôle de ville que Bayonne, écrit-elle. La société y est agréable, mais chaque femme y a son amant en titre, et tout le monde sait cela. Pour moi, j’ai été bientôt au courant de toutes les petites intrigues par Saint-Cyr d’abord et par les aides de camp. » Cependant le camp s’accroît ; le corps d’armée est porté à dix-sept mille hommes ; on attend un lieutenant général ; le général Saint-Sulpice[21]prendra le commandement de la cavalerie ; on ne doute pas que Saint-Cyr ne soit promu. Cela se passe d’ailleurs fort simplement, et c’est Devaux qui l’annonce à la belle-fille de son frère, un jour où le ménage Saint-Cyr est allé à Dax pour une fête. « Notre armée, écrit-il, s’augmente tous les jours ; le général de division Dorsner[22]est arrivé avant-hier pour commander l’artillerie. Le général Augereau[23]est en route pour venir prendre le commandement en chef de cette armée ; il aura deux généraux de division sous lui : mon frère, qui vient d’en avoir le grade, en est un ; je ne sais pas encore le nom de l’autre ni celui du chef d’état-major. » Devaux précise le lendemain que le général Augereau sera rendu au premier jour et apporte avec lui, pour Saint-Cyr, les lettres de général de division.

Mais Mme Saint-Cyr ne sera pas à la réception. Constance réclame sa mère. Elle est enceinte, sa santé est altérée, ses nerfs sont en désarroi. Tout de suite le voyage est décidé. « Je vous confie à tous deux ma bonne Armande, écrit le général le 4 vendémiaire an XII (27 septembre 1803). Ayez-en bien soin, il m’en coûte de m’en séparer et ses enfans pouvaient seuls obtenir ce sacrifice. Elle se mettra en route vers le 15 octobre (vieux style) (22 vendémiaire), pour se rendre directement à Grenoble, sans passer par Lyon ; elle séjournera huit à dix jours dans sa famille, et c’est de là qu’elle vous écrira pour vous annoncer au juste la date de son arrivée. » Elle demande seulement que le général Charpentier envoie au-devant d’elle un de ses aides de camp pour le passage du mont Cenis. Et puis, mille prétextes, mille raisons la retardent. A certains points de vue, elle n’en parait point fâchée. « Le retour de Murat en Italie a été, écrit-elle le 18 brumaire (10 novembre), démenti dans les journaux. Il va présider le Conseil électoral du département du Lot. Ainsi, il paraît que son voyage sera différé pour longtemps. Je n’en suis pas fâchée, parce que la présence de Mme Murat à Milan aurait dérangé nos apartev » En fait, elle ne part de Bayonne pour Grenoble que le 21 frimaire (13 décembre), étant restée deux mois sans nouvelles de sa fille. Devaux l’accompagne, avec sa femme de chambre, son domestique, sa chienne et son perroquet. Elle pense être à Grenoble le 3 nivôse (25 décembre), et il lui faudra trois jours de Grenoble à Lans-le-Bourg. De, fait, elle n’arrive que le 7 ; elle attend des nouvelles de Milan pour se remettre en route, et elle n’est pas rendue à destination avant les premiers jours de pluviôse, juste à temps pour apprendre la promotion de Charpentier au grade de général de division (26 pluviôse — 16 février 1804).

Ce fut à Paris, où il avait été rappelé pour participer à l’expédition d’Angleterre, que Saint-Cyr apprit les couches de sa belle-fille. Elle avait eu, le 9 floréal (29 avril), un garçon dont Murat fut parrain avec l’Impératrice, car, entre temps et durant que Constance accouchait d’un garçon, la France, sans douleur, faisait un empereur.


FREDERIC MASSON.

  1. Correspondance inédite de Mme Carra-Saint-Cyr avec sa fille, Mme Charpentier. Mss. — Cf. Comte de Fazi du Bayet, Les généraux du Bayet, Carra-Saint-Cyr et Charpentier. Correspondances et notices biographiques. — A. Dry, Soldats ambassadeurs, t. I. — Galerie militaire, par Babié et Beaumont, t. I. — Chuquet, Mayence. — Ch.-L. Chassin, La Vendée patriote, t. III. — Les pacifications de l’Ouest, t. I. — Peltier, Paris. — Barras, Mémoires. — Caudrillier, La Trahison de Pichegru. — Cugnac, Campagne de l’armée de réserve, t. II. — Lettres et documens pour servir à l’histoire de Joachim Murat (1767-1815), t. II et suiv., etc.
  2. On a tenté de faire un mérite à Dubayet de la nomination de Bonaparte à l’armée d’Italie. Ministre le 12 brumaire an IV (2 novembre 1795), entré en fonctions le 24 brumaire (15 novembre), remplacé le 19 pluviôse (8 février 1796), Dubayet ne put influer sur une nomination qui est en date du 4 ventôse (23 février) ; c’était d’ailleurs un objet réservé au Directoire, dont chacun des membres se vanta par la suite d’avoir découvert le conquérant de l’Italie.
  3. Villeneuve-l’Étang.
  4. Un emploi de général de brigade et le grade espéré de général de division.
  5. Mlle Julienne d’Hervilly : « Cette jeune dame a été présentée dimanche à Mme Bonaparte. » (Journal des Débats). Elle était la seconde fille de Louis-Charles, comte d’Hervilly, colonel de la cavalerie de la Garde constitutionnelle, maréchal de camp en 1702, blessé le 16 juillet 1795 à Quiberon, mort de ses blessures le 14 novembre suivant, et de Louise de La Cour de Balleroy. Auguste Caffarelli, aide de camp du Premier Consul, était frère de Maximilien, blessé mortellement à Saint-Jean d’Acre, de Philippe, mort à Quiberon, de Joseph, préfet maritime à Brest, de Charles, préfet du Calvados et de l’Aube, de Jean-Baptiste, qui fut évêque de Saint-Brieuc.
  6. Jeanne-Louise-Élisabeth Berg, épousée en 1789 par Nicolas-Jean-de-Dieu Soult, alors caporal.
  7. Madame Louis-Hortense de Beauharnais.
  8. Claudine-Antoinette-Julie Le Duc, mariée en 1789 à Jean-Alexandre-Bernard Law de Lauriston, alors lieutenant d’artillerie. Mme de Lauriston était une des quatre dames nommées pour accompagner l’épouse du Premier Consul.
  9. Marie-Charlotte-Félicité de Faudoas Barbazan avait épousé le 27 février 1802 le colonel Savary, aide de camp du Premier Consul.
  10. La seconde. La première, née Jacob, mourut en 1797 laissant deux filles. — Celle-ci, née Montholon, épouse en premières noces du général Joubert, s’était mariée le 26 juin 1802 et mourut en 1804.
  11. Isidore-Eugénie Petiet, fille de Claude-Louis Petiet, ministre de la Guerre après Dubayet, et de Anne-Françoise-Gnillemettc Leliopvre du Bois de Pacé, née en 1788, épousa Louis-Pierre-Alphonse de Colbert Chabanais, nommé par la Restauration général de brigade.
  12. Mme Murat était accouchée le 16 mai 1803, d’un fils qui reçut les noms de Napoléon-Lucien-Charles-Joseph-François. Ce fut le prince Lucien Murat, mort le 10 avril 1878 sans postérité.
  13. Saint-Cyr. Mme Saint-Cyr est Memelle.
  14. Elisabeth-Françoise Bande de la Vieuville, mariée le 12 juin 1783, à Louis-Céleste-Frédéric de Talhouet, l’une des quatre dames accompagnant Madame Bonaparte.
  15. Claire-Élisabeth-Jeanne Gravier de Vergennes, mariée en 1796 à Augustin-Laurent Rémusat, préfet du Palais en 1802 ; l’une des quatre dames de Madame Bonaparte. Elle a laissé des mémoires.
  16. Le frère aîné de Saint-Cyr, ancien officier au régiment d’Orléans, né en 1755, marié en 1778 à Antoinette-Césarine des Roys.
  17. Dominique Pino, né en 1760, avait pris parti pour la cause française en Italie et était devenu général en moins de deux ans. Soupçonné ensuite de complot, il eut une attitude singulière ; puis il parut se livrer entièrement aux Français et le Premier Consul lui confia en 1802 le commandement de la Romagne, puis le ministère de la Guerre.
  18. Pour le Nord et la Belgique. — Départ le 5 messidor (24 juin), retour le 23 thermidor (11 août).
  19. Où son mari était ministre plénipotentiaire et ambassadeur extraordinaire. On écrivait Ney et il semble qu’on prononçait Neye. C’est ainsi que l’écrit Mme Saint-Cyr, Aglaé-Louise (Églé) Auguié, mariée, en juillet 1802, à Michel Ney.
  20. Adèle Auguié, la sœur de Mme Ney, mariée plus tard à M. de Broc. Elle mourut tragiquement à la cascade de Grézy, en 1813.
  21. Raymond-Gaspard Bonardi de Saint-Sulpice, né en 1761, général de division, marié à Antoinette Poursin de Grandchamp.
  22. Jean-Philippe-Raymond Dorsner, sous-lieutenant en 1781, général de division en 1795, retiré en 1806, mort en 1829.
  23. Pierre-François-Auguste Augereau, plus tard maréchal d’Empire, duc de Castiglione.