Du coryza gangréneux des bêtes bovines

La bibliothèque libre.
École Impériale Vétérinaire de Toulouse





DU


CORYZA GANGRÉNEUX


DES BÊTES BOVINES


PAR


L.-T. Hippolyte MALBAY

de Château-Ponsac (Haute-Vienne).

Prévenir est guérir.


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(THÈSE POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE)


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TOULOUSE

IMPRIMERIE J. PRADEL ET BLANC

rue des Gestes, 6


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1868


ÉCOLES IMPÉRIALES VÉTÉRINAIRES

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Inspecteur général

M. H. BOULEY O ❄, Membre de l’Institut de France, de l’Académie de Médecine, etc.

________


ÉCOLE DE TOULOUSE

________


Directeur.

M. LAVOCAT ❄, Membre de l’Académie des Sciences de Toulouse, etc.


Professeurs.

MM. LAVOCAT ❄. Physiologie (embrassant les monstruosités).
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄. Pathologie médicale et maladies parasitaires.
Police sanitaire.
Jurisprudence.
Clinique et Consultations.
LARROQUE. Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON. Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES. Pathologie et Thérapeutique générale.
Pathologie chirurgicale.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des Exercices pratiques.
N. Anatomie générale.
Anatomie descriptive.
Extérieur des animaux domestiques.
Zoologie.


Chefs de Service.

MM. BONNAUD. Clinique et Chirurgie.
MAURI. Anatomie, Physiologie et Extérieur.
BIDAUD. Physique, Chimie et Pharmacie.
JURY D’EXAMEN
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MM. BOULEY O ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
Bonnaud, Chefs de Service.
Mauri,
Bidaud,


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PROGRAMME D’EXAMEN
Instruction ministérielle
du 12 octobre 1866.
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THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie générale ;
3o Pathologie chirurgicale ;
4o Maréchalerie, Chirurgie ;
5o Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
6o Police sanitaire et Jurisprudence ;
7o Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses chimiques ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.





A LA MÉMOIRE


DE MON GRAND-PÈRE ET DE MA GRAND’MÈRE


Souvenir éternel.

A MON EXCELLENT PÈRE,


A MA BONNE MÈRE

Faible témoignage de reconnaissance et de dévouement.


――――――


A mon grand-père J.-B. PASQUELOT

Témoignage d’affection.


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A MON FRÈRE, à MES SŒURS

Preuve de mon amitié.


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A MES PARENTS

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A MES PROFESSEURS


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A TOUS MES AMIS

AVANT-PROPOS.


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Prévenir est guérir.


L’affection qui fait l’objet de ma thèse s’étant montrée, pendant le mois de septembre dernier, dans le canton que j’habite, j’ai pu la suivre dans toutes ses périodes et saisir certaines causes qui m’ont paru favorables à son éclosion. Aussi ai-je cru utile de décrire cette maladie, dans l’intérêt des agriculteurs de mon pays, en indiquant un traitement préservatif basé sur l’observation des causes ; car il vaut toujours mieux prévenir que guérir.

Jeune encore dans la pratique, je me suis aidé, dans cette rédaction, des écrits recommandables qui ont été publiés à ce sujet par plusieurs vétérinaires distingués, tels que MM. Lafosse, Cruzel, Lafore, Gellé, Laborde, Ringuet, etc.

Si je ne remplis pas, comme je le désirerais, le but que je me propose, j’espère que mes lecteurs accorderont à mon

premier écrit toute l’indulgence possible.
DU CORYZA GANGRÉNEUX DES BÊTES BOVINES


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SYNONYMIE


Cette maladie fut connue dans l’ancienne hippiatrie sous les noms de morfondure, morfondement, enchifrènement, rhume de cerveau, refroidissement, etc. Plus tard on l’a nommée goutte sereine, casque. Puis, à une époque plus récente, elle prit les noms d’ozène, de morve des sinus, de mal de tête de contagion. Enfin, de nos jours, toutes ces épithètes ont été rayées des cadres pathologiques ; et, dès le moment où la non-contagion de cette affection fut parfaitement démontrée, on lui donna des titres plus en rapport avec sa nature et son siège. Aussi, dans la plupart de nos auteurs actuels, ne la trouve-t-on décrite que sous les noms de catarrhe nasal gangréneux, inflammation gangréneuse de la membrane nasale, rhinite gangréneuse, enfin ; et le plus souvent, coryza gangréneux des bêtes bovines.


DÉFINITION


Le coryza gangréneux est une maladie particulière aux bêtes bovines ; elle se caractérise par l’inflammation de la membrane pituitaire qui tapisse les cavités nasales et les différents sinus. Cette inflammation, dans quelques cas, s’étend jusqu’aux membranes du cerveau, aux poumons, aux voies digestives même ; elle se termine quelquefois par la résolution, mais le plus souvent par la gangrène. Dans ce dernier cas, la mort de l’animal est presque certaine. Cette maladie règne ordinairement à l’état sporadique et cause de grandes pertes partout où elle sévit.


HISTORIQUE


Le coryza gangréneux a été observé par un assez grand nombre de vétérinaires, et quelques-uns d’entre eux ont laissé de bons écrits à ce sujet.

Le Parfait Bouvier, le Manuel du bouvier, le Trésor du Laboureur et quelques autres ouvrages de ce genre en font mention ; mais ces écrits peuvent être considérés comme absurdes.

Hurtrel d’Arboval observa l’affection dans le département du Pas-de-Calais avec des symptômes peu graves. Fromage de Feugré publia, en 1809, un article peu explicite sur le catarrhe nasal en général. Nébout le décrivit, en 1812, sous le nom de gourme du bœuf. Rhodes, vétérinaire à Plaisance (Gers), adressa, il y a quelques années, à la Société centrale d’agriculture, un mémoire sur cette affection. Laborde eut l’occasion de l’observer dans le département du Gers, et publia sur le même sujet de bons écrits. Depuis lors, Gellé, Lafore, Carrère, etc., s’en sont tour-à-tour occupés. Enfin, de nos jours, MM. Lafosse et Cruzel en ont donné les descriptions les plus remarquables.

Le coryza gangréneux règne très souvent dans le département de la Haute-Vienne, et plusieurs fois déjà j’ai eu

l’occasion de l’observer.
SYMPTOMES GÉNÉRAUX


Les animaux sont tristes, l’appétit est diminué et capricieux, la rumination rare, soif vive, la peau est sèche avec hérissement des poils, la colonne dorsale est sensible à la pression, ainsi que la région sternale. Le mouvement de pandiculation, qui dénote la santé quand les animaux se lèvent, n’a pas lieu ; en marche, ils chancellent très souvent.


SYMPTOMES PATHOGNOMIQUES


Période de début. — Au début, les animaux tiennent la tête basse ; le mufle est sec, brûlant et tuméfié ; la pituitaire est d’un rouge foncé, bien souvent elle est épaissie, et à sa surface on rencontre souvent des pétéchies de grandeurs différentes. Les conjonctives sont très rouges, les yeux sont larmoyants, les cornes sont très chaudes à leur base, et les animaux éprouvent de vives souffrances quand on percute ces organes ; les oreilles sont aussi brûlantes. La respiration devient bruyante par intervalles, puis se ralentit ; les cavités nasales étant rétrécies, le passage de l’air devient difficile, et il se produit une espèce de bruit qu’on peut nommer sifflement nasal, respiration bruyante ou nasillarde. La bouche est chaude, sèche, soif ardente. Le dos est douloureux, ainsi que la région sous-sternale ; le flanc est retroussé. Le poil est piqué et hérissé, surtout sur le dos et sous le sternum ; la peau est sèche et adhérente aux côtes.

Tout-à-fait au début de la maladie, la rumination s’effectue ; mais, après une demi-journée, les animaux mangent moins et l’acte de la rumination disparaît peu à peu. Il y a plus souvent constipation que diarrhée. L’artère est tendue, le pouls est plus ou moins plein et plus ou moins accéléré.

Dans quelques circonstances, suivant M. Cruzel l’hémorrhagie nasale est le premier symptôme du catarrhe gangréneux, et le sang qui en sort est rouge ou noir. Voici ce que dit ce praticien à ce sujet :

« Cette différence dans la couleur du sang est un bon symptôme à rechercher ; car, dans le premier cas, le pouls est dur et plein, les battements sont tumultueux ; l’hémorrhagie est active et la phlegmasie franche. Dans le second cas, le pouls est déprimé, les pulsations sont très lentes et même irrégulières ; l’hémorrhagie est passive, l’altération du sang est antérieure à l’invasion du corysa. »

Période d’état. — À cette période, l’appétit diminue considérablement ; il y a rareté de la rumination, stupeur, etc. L’animal appuie sa tête sur la mangeoire ; il la porte à droite, à gauche, en haut, en bas, comme pour se débarasser de quelque chose qui l’incommode, et il a bien soin d’exécuter ces mouvements avec lenteur, car il possède à cette période une céphalagie intense. Une congestion sanguine envahit les cavités nasales, l’ethmoïde, le cerveau et va se propager plus tard jusqu’à la moelle épinière. Le mufle, les cavités nasales se boursoufflent, la conjonctive est injectée. Les cornes et les oreilles présentent une alternative de chaud et de froid ; quand la gangrène commence à se montrer, les cornes deviennent tout-à-fait froides. Des frissons se déclarent, accompagnés de mouvements convulsifs dans les tendons, les muscles du grasset, de l’encolure, de la face, des membres ; quelquefois il y a une phlegmasie symphatique sur les membranes du cerveau, alors l’animal pousse au mur comme un cheval atteint de vertige. Le larmoiement persiste ; les larmes sont corrosives ; les yeux commencent à s’enfoncer dans les orbites ; l’humeur aqueuse est d’un blanc laiteux, quelquefois opaque, et la cécité est presque complète. Un écoulement s’effectue par une ou les deux narines, et la matière rejetée est épaisse, visqueuse, d’un jaune verdâtre, mêlée avec quelques stries sanguines et quelques parties exfoliées de la muqueuse nasale. Ce jetage est épais dans le principe, et peu de temps après il s’oppose au libre passage de l’air, ce qui rend la respiration pénible et difficile. Sur quelques sujets, des collections purulentes se forment dans les différents sinus ; alors les animaux tiennent la tête basse, penchée du côté où existe l’écoulement nasal ; et sur la partie où existe la collection purulente la chaleur est plus sensible que dans les autres régions.

Les flancs sont retroussés et la respiration devient bruyante et pénible. Le pouls est quelquefois intermittent, ce qui est un signe funeste. En marche, l’animal chancelle, et la vive sensibilité qui existait au début, a presque entièrement disparu. La membrane nasale devient le siège d’ulcérations aux endroits où existaient les pétéchies ; on en rencontre aussi sur le mufle, mais plus rarement, et ce dernier est sec, brillant, dur, insensible ; des plaques d’épiderme s’en détachent le plus souvent. Les ulcérations sont de différentes grandeurs : quelquefois superficielles et très petites ; d’autres fois profondes et grandes ; elles sont à bords irréguliers, déchiquetés et de couleur blafarde. Les ulcères superficiels sécrètent une matière blanchâtre, tandis que les profonds produisent un écoulement sanieux, d’un jaune verdâtre ou de couleur lie de vin, qui a une odeur repoussante et fétide. L’animal a souvent la bouche béante, la salivation est abondante, visqueuse, d’une odeur désagréable. S’il prend des aliments, ceux-ci restent ordinairement dans la bouche. L’air expiré à une odeur gangréneuse caractéristique, et souvent à cette période on rencontre des ulcères dans la bouche. Les engorgements qui existaient déjà augmentent, principalement ceux des lèvres, du nez ; ils gagnent les ganglions lymphatiques inter-maxillaires, le tissu cellulaire environnant, le larynx, le pharynx, le fanon, etc. À cette période, l’animal mange très peu. Les excréments sont durs et noirs, ordinairement coiffés et fétides ; les urines sont épaisses et peu abondantes.

Les membres sont rassemblés ; il y a adynamie, prostration, et les animaux se tiennent indifféremment debout ou couchés. Il arrive, mais rarement, qu’une éruption exanthémateuse se montre.

Période de déclin. — La maladie continue à faire des progrès ; les plaques sphacélées tombent ; les ulcères gangréneux s’étendent jusque dans la bouche, le pharynx, etc.; alors la déglutition devient très difficile, et voici comment s’exprime M. Cruzel cet égard : « Ceci donne un aspect singulier à l’animal auquel on cherche à faire avaler des liquides médicamenteux ; s’il est un peu libre, il secoue la tête et relève le mufle ; et s’il est contraint, il se défend autant que ses forces le lui permettent. »

Sur une vache atteinte de cette redoutable affection, j’ai observé que la cloison cartilagineuse, les sinus étaient détruits par places ; sur la membrane nasale, il y avait aussi des plaies de mauvaise nature et des taches livides et noirâtres. Le jetage, à cette époque, était très épais, mêlé à des débris de muqueuse et doué de propriétés corrosives très marquées ; il avait une odeur infecte et repoussante.

L’œil devient plus opaque ; il s’enfonce dans l’orbite, les paupières sont abaissées, la cornée s’ulcère, se perfore et le globe oculaire se réduit en déliquium ; quelquefois les yeux s’ulcèrent complètement et se réduisent en une espèce de matière ressemblant à de la lie de vin très épaisse. L’animal est dans une stupeur complète, souvent couché, et de temps en temps des mouvements convulsifs se montrent, et ils diminuent avant que la mort approche.

L’épiderme du mufle se détache et laisse apercevoir une large plaie ; les bords des lèvres sont quelquefois ulcérés. Suivant Laborde, les ulcères qu’on rencontre sur la langue paraissent occasionnés par la matière qui s’écoule des narines et que les animaux lèchent.

Les extrémités deviennent froides ; la membrane kératogène, située à la base des cornes, est baignée par une sanie d’un rouge noirâtre ; les cornes s’ébranlent facilement par le moindre choc, et par une légère traction on peut en déterminer la chute.

Toutes les forces paraissent s’anéantir ; le pouls n’est plus percevable : il est petit, accéléré ; les battements du cœur sont augmentés. La respiration est irrégulière et accélérée ; elle est ronflante, râlante et s’entend à une certaine distance ; les cavités nasales étant presque obstruées, l’animal tient la bouche béante pour respirer plus librement. L’air expiré est repoussant, et une bave filante, fétide sort par les commissures des lèvres. Les ulcérations de la bouche font de rapides progrès. Arrivé à ce terme, l’animal a une démarche très chancelante ; à peine s’il peut se soutenir, il est presque toujours couché. Il y a une alternative de chaud et de froid sur tout le corps. Les grincements de dents sont assez fréquents ; il y a aussi des convulsions, des tremblements. Les animaux, arrivés à cette période, poussent quelques mugissements, tombent, se débattent, et le plus ordinairement une paraplégie se déclare et la mort arrive.

Telle est la marche la plus ordinaire de l’affection ; mais quand le coryza gangréneux a agi avec violence, les animaux succombent le quatrième ou cinquième jour ; si l’affection a été moins violente, la mort n’arrive que trois ou quatre jours plus tard.

Un épiphénomène, se traduisant par une éruption exanthémateuse, se montre dans quelques cas pendant le cours de la maladie. Cette crise est ordinairement précédée de frissons violents ; quelquefois c’est le signal d’une résolution complète, d’autres fois cela aggrave la maladie (observation de MM. Cruzel et Gellé). Quand cette éruption se montre, on aperçoit à la surface du corps des boutons lenticulaires durs. Les ganglions lymphatiques situés près de la tête, s’engorgent ; le mufle s’infiltre, un jetage séro-purulent s’écoule par les narines ; la cornée lucide s’ulcère, la respiration est convulsive, saccadée ; le pouls devient imperceptible. La locomotion est impossible, les animaux tombent quand on les fait mouvoir.

L’éruption dont nous avons parlé se montre chez les animaux bien nourris, sanguins ; rarement cela se voit sur les animaux chétifs et mal entretenus. Elle ne change pas la nature de la maladie, mais dans la généralité des cas elle la rend plus grave.

Les anciens hippiatres trouvaient un grand rapprochement entre le coryza gangréneux et la morve aiguë des monodactyles ; aussi l’avaient-ils nommé mal de tête de contagion.

Marche. Durée. Terminaison. — Cette affection parcourt ordinairement ses périodes en cinq ou six jours. Le plus souvent l’animal meurt ; mais quelquefois la résolution s’opère. Dans quelques cas, elle dure sept ou huit jours, mais par exception. On remarque, mais rarement, que la maladie, au lieu d’arriver à la troisième période, s’arrête à la deuxième et ne fait plus de progrès ; assez ordinairement, suivant Cruzel et Gellé, une éruption exanthémateuse apparaît sur le corps de l’animal. Cette éruption à une certaine analogie avec l’échauboulure, et c’est une bonne crise favorable pour la résolution de la maladie. Pendant le cours de ce dernier type, on remarque un état fébrile. L’inflammation fait quelquefois des progrès du côté de la muqueuse bronchique et va au poumon ; par suite, surviennent des bronchites, des pneumonites qui compliquent la maladie et qui font désespérer des sujets que l’on traite.

Après la première période, l’affection se termine souvent par la mort ; cependant, par exception, on voit quelquefois des guérisons.

Pronostic. — Le pronostic est basé sur la période où se trouve le malade quand on l’examine. On prend aussi en grande considération la constitution, le tempérament du sujet ; il faut aussi examiner si l’affection n’a pas succédé à une autre maladie.

Au début, le coryza n’est pas très grave chez une bête bien constituée ; mais si à cette première période l’affection est compliquée d’entéro-péritonite, comme l’a observé M. Cruzel, le pronostic est fâcheux.

Si l’amélioration ne se manifeste pas deux ou trois jours après un traitement rationnel, le pronostic devient très grave. Quand la gangrène s’est déclarée, et elle se montre presque toujours à la deuxième et troisième période, les animaux sont dans un abattement complet, il y a prostration des forces, etc. ; on doit les considérer comme perdus.

Anatomie pathologique. — à l’autopsie, on remarque que les principales lésions se rencontrent dans les cavités nasales, les sinus, etc. ; on en trouve encore dans les poumons, le crâne, mais celles-là ne sont que secondaires. Les portions restantes de la pituitaire sont d’un rouge violacé et plus épaisses qu’à l’état normal ; mais on rencontre souvent cette membrane gangrénée, réduite en putrilage et se déchirant avec la plus grande facilité. En dessous il existe des gaz fétides qui soulèvent cette muqueuse ; dans les parties non ulcérées on remarque des taches livides ; quelquefois la cloison nasale est perforée. Une sanie ichoreuse suinte des parties gangrenées dans tous les cas. Dans les cornets, les volutes ethmoïdales, les sinus, on rencontre des matières gélatineuses infectes. On trouve assez souvent des caillots sanguins entre les os et la muqueuse, principalement sur l’ethmoïde. Les cornes s’ébranlent avec facilité, restent souvent à la main : cela se remarque aussi quelquefois pendant la vie ; c’est surtout quand les animaux sont couchés qu’ils s’agitent et que ces appendices cornés tombent dans la litière. La membrane kératogène est rouge, épaissie, tuméfiée ; il y a souvent mortification dans cette partie. Il s’effectue alors un désengrènement complet entre les feuillets de cette membrane et les feuillets de la matrice de l’os.

Dans la bouche et le pharynx, on rencontre des ulcérations et des plaques violacées plus ou moins grandes. En dessous de la gorge, à la tête, au fanon, on remarque des œdèmes, et le tissu cellulaire sous-jacent crépite à la pression.

La muqueuse de la trachée est souvent enflammée, quelquefois ulcérée, surtout supérieurement. Le poumon a pu être envahi par la gangrène ; mais, dans la plupart des cas, il n’y a qu’une simple inflammation avec stase sanguine dans cet organe, due à la grande gêne des mouvements respiratoires ; ces organes sont quelquefois friables, emphysémateux, noirâtres, se déchirant avec facilité. Le cœur est ramolli et ses cavités sont colorées.

Dans tous les tissus, mais principalement dans les muqueuses et les séreuses, on rencontre des pétéchies de grandeur variable. La rate est friable et un peu plus volumineuse qu’à l’état normal. Le foie paraît moins ferme qu’à l’état physiologique ; la vessie présente des pétéchies. Les intestins portent la trace d’une légère inflammation, et on y rencontre des aliments secs, comme dans l’entérite.

Suivant M. Cruzel : « la membrane muqueuse de la caillette et de l’intestin est parsemée de points lenticulaires de couleur brune et circonscrite par une auréole de couleur plus rouge. »

Le sang est altéré, noir, poisseux, et les caillots qu’il forme sont peu consistants.

Comme lésions du système nerveux, on remarque qu’ordinairement il y a injection des membranes du cerveau et des méninges, et ramollissement d’une ou plusieurs parties de la substance cérébrale, avec engorgement des ganglions lymphatiques.

Laborde dit avoir trouvé les ventricules du cerveau pleins de sérosité de couleur brune. Ce savant praticien aura pu l’observer, mais jusqu’ici cette lésion n’a pas été décrite par d’autres vétérinaires que je sache. Les yeux sont quelquefois envahis ; la cornée lucide a perdu de sa transparence, elle est quelquefois détruite et l’œil est dépourvu de ses liquides intérieurs. Dans d’autres cas, l’humeur aqueuse contient des caillots sanguins, plus ou moins ramollis, et de couleur lie de vin. Le conduit lacrymal est souvent enflammé et présente quelquefois des ulcérations, Nature de la maladie. — La nature de la maladie est jusqu’ici inconnue, vu que les causes n’ont pas encore été précisées d’une manière évidente.

Quelques praticiens se sont montrés partisans de la doctrine de Broussais, et parmi eux nous pouvons citer Cruzel, qui considère l’affection comme inflammatoire. Évidemment, il y a une inflammation ; mais ici elle combinée à une altération du sang. Et, en effet, si au début de la maladie on fait une saignée d’exploration, on remarque que le liquide sanguin se coagule plus promptement qu’à l’état, normal ; mais passé quelques jours le coagulum se forme plus lentement ; de plus le caillot est bien plus mou qu’à l’état physiologique. Maintenant examinons le sang dans une maladie franchement inflammatoire : ici nous voyons qu’il se prend rapidement en coagulum à toutes les périodes. Cette différence est encore bien plus marquée quand on retire du sang d’un animal qui a le coryza gangréneux à la troisième période : le sang reste très longtemps pour se coaguler, toutes les parties constituantes de ce liquide se mélangeant, le caillot qui se forme devient marbré dans son intérieur et s’écrase facilement à la moindre pression.

Gellé considérait cette maladie comme étant de nature typhoïde.

Pour Lafore, il y avait une prédisposition spéciale difficile à déterminer, et c’est ce qui constitue, d’après M. Lafosse, le cachet particulier de la maladie. Mais quelle est cette prédisposition ? Il est à peu près probable que des éléments miasmatiques sont absorbés par l’organisme ; ces principes se concentrant de plus en plus, la masse sanguine s’altère, et si, dans ces circonstances, les fonctions cutanées ou pulmonaires sont interrompues, une inflammation se déclare, et le sang porte des éléments de mortification dans les parties où il fait stase. Cette altération dans la masse sanguine se localise ordinairement dans la muqueuse nasale et se termine le plus souvent par la gangrène.

Notre savant professeur, M. Lafosse, considère le coryza comme ayant une grande analogie avec l’éléphantiasis des bêtes bovines. En effet, dans cette dernière maladie, il existe une altération du sang qui est bien manifeste. Ainsi, en faisant une saignée, on voit que le sang a une grande plasticité et qu’il se coagule rapidement. Ce qui prouve encore la grande identité entre ces deux affections, c’est que l’éléphantiasis complique dans quelques cas le coryza, et la plupart du temps ce sont les arrêts de transpiration qui font développer ces maladies si graves des bêtes à cornes.


Étiologie.


Les causes de cette redoutable affection ne sont pas encore connues d’une manière bien exacte, bien que jusqu’ici on en ait invoqué un grand nombre.

Nous allons passer en revue ces différentes causes, émises par un assez grand nombre de praticiens, et faire ressortir en même temps celles qui nous paraissent les plus favorables à faire développer la maladie.

Pour Morier et Laborde, l’affection se montrerait plus souvent chez les animaux jeunes que chez les vieux, et ils donnent pour raison que ces animaux sont plus nombreux et qu’ils sont plus sujets aux maladies inflammatoires ; cela est possible, car, à cette époque de la vie, les animaux sont plus impressionnables aux différents agents morbifiques qui agissent sur l’organisme.

Autrefois, quand les animaux étaient soumis à des marches forcées, sur les grandes routes, la maladie était plus commune ; dans ces cas, un grand nombre de causes agissaient simultanément ; quelquefois la poussière s’introduisait dans les cavités nasales, produisait une irritation de la pituitaire et la gangrène survenait : dans d’autres cas, les coups de soleil, les arrêts de transpiration produisaient de graves atteintes.

Cruzel et Gellé ont observé la maladie sur des bêtes maigres, exténuées par le travail et mal nourries. Suivant Cruzel, l’affection succéderait dans un bon nombre de cas à d’autres maladies.

Lafore pensait que toutes les causes d’épuisement, les fatigues excessives, la mauvaise alimentation, etc., prédisposaient les animaux à contracter le coryza gangréneux.

Carrère et M. Lafosse ont vu la maladie se montrer sur toutes sortes d’animaux, maigres ou gras.

Le tempérament de l’animal, la nourriture, prédisposent plutôt qu’ils n’influent au développement de l’affection.

Quant aux causes qui paraissent les plus favorables à l’éclosion de la maladie, ce sont les arrêts de transpiration. Ces derniers se montrent, en effet, fréquemment sur l’espèce bovine, car leur hygiène est mal comprise de la plupart de nos cultivateurs et principalement de ceux du Limousin.

Ces refroidissements sont produits de différentes manières : quelquefois les laboureurs, après un labour de deux ou trois heures, s’arrêtent au milieu de leur travail et laissent leurs bœufs ou vaches à l’impression du vent, de la pluie, etc. Ces animaux étant en transpiration et soumis à ces variations atmosphériques, il y a suppression de la transpiration cutanée et de la muqueuse respiratoire, et la maladie se montre.

Ce qui a influé beaucoup sur le développement de la maladie, dans mon canton, pendant le mois de septembre dernier, c’est qu’à cette époque les animaux de l’espèce bovine ont eu à faire un grand travail pour le transport des fumiers et les labours. Pendant cette période de travail, les variations atmosphériques étaient très nombreuses ; les animaux épuisés par la fatigue étaient souvent mis dans les pâturages encore en pleine transpiration ; et souvent même on les y conduisait les jours de pluie ; il en résultait des refroidissements et, pour peu que ces animaux aient ressenti la cause morbifique, la maladie se montrait.

Dans d’autres circonstances, les animaux étaient logés en grand nombre dans des étables mal disposées, basses, humides, mal aérées, malpropres ; le fumier, en y séjournant longtemps, laissait dégager des gaz délétères comme l’ammoniaque, l’acide sulfhydrique. Il en résultait que l’air vicié des étables était impropre à la respiration, mais favorable aux maladies par altération du sang. Aussi remarque-t-on que le coryza est bien moins fréquent dans les métairies où les étables sont propres et bien aérées, que dans celles qui sont sales et dont l’air n’est pas renouvelé. Cependant, quelquefois, la cause de l’affection est inappréciable ; ainsi j’ai vu le coryza gangréneux sur un veau de cinq mois qui était dans de parfaites conditions hygiéniques.

Il arrive aussi très souvent que les animaux en sortant de ces étables, qu’on peut comparer à des étuves, sont conduits de bonne heure au pâturage, avant que les brouillards soient dissipés ; des refroidissements surviennent et l’affection se montre. Il en est de même lorsque les animaux sont amenés subitement après le travail dans une étable froide. Les arrêts de transpiration se produisant de cette manière sont très communs, surtout dans les pays de montagnes, dans les gorges, les vallées ; ces variations atmosphériques se font principalement remarquer au printemps et en automne.

L’insolation, les coups portés sur les cornes, leur ébranlement, les corps étrangers s’introduisant dans les cavités nasales, les piqûres d’insectes, sont autant de causes capables de déterminer la maladie par une influence directe.

Suivant Lafore, il y a une prédisposition individuelle, qu’il n’est pas facile de déterminer ; mais si, avec toutes ces causes irritantes et déterminantes, cette prédisposition existe, la maladie se montrera plus vite et sa marche sera plus rapide. Jusqu’ici la cause est restée inconnue, mais nous présumons que ce sont les arrêts de transpiration combinés avec le séjour des animaux dans les étables chaudes, infectes, qui jouent le plus grand rôle pour faire éclore la maladie.

De nos jours, grâce au progrès de l’agriculture, l’hygiène est mieux comprise de la plupart de nos cultivateurs, et les soins donnés aux animaux sont mieux entendus. Les animaux devenant plus forts, plus robustes sont moins impressionnables aux causes prédisposantes ; et, ces dernières elles-mêmes tendant à diminuer, l’affection se montre bien plus rarement.

La maladie est-elle contagieuse ? — Autrefois on la considérait comme contagieuse, et cette croyance était généralement répandue dans nos campagnes. Cette grande erreur provenait de ce que le mal de tête de contagion était confondu avec le coryza gangréneux ; de plus, on admettait que cette affection était de nature typhoïde ; mais comme on est revenu de ces erreurs, aujourd’hui on ne peut nullement admettre la contagion. Tous les praticiens qui ont observé la maladie la nient ; moi-même j’ai pu observer des animaux atteints de cette affection, et, quoique logés au milieu d’autres, je n’ai jamais constaté la contagion.

Cette maladie se voit presque toujours à l’état sporadique, et si plusieurs animaux sont atteints dans une même étable, c’est qu’ils ont ressenti la même cause morbifique. Cependant il sera toujours bon de séparer les animaux sains des malades, car ces derniers dégagent des miasmes qui mêlés à l’air peuvent prédisposer les autres animaux à contracter la maladie. Voilà comment on doit comprendre la contagion, mais non par virus volatil ou fixe.

TRAITEMENT PRÉSERVATIF. Ce traitement, pour être rationnel, doit être basé sur l’observation des causes.

Écarter toutes les causes serait impossible, mais un grand nombre peuvent être évitées. Les conditions hygiéniques dans lesquelles doivent se trouver les étables sont d’une grande importance. Ces habitations doivent se trouver dans un endroit sain, à l’abri des vents, de l’humidité et loin des marais ; il faut aussi que l’air puisse circuler librement ; car, s’il se confine, il est bientôt vicié par la respiration et les exhalaisons de la transpiration cutanée ; il altère alors l’organisme et prédispose les animaux à contracter des maladies. Les murs des étables doivent être construits comme ceux des habitations humaines. Il faut, si on le peut, les blanchir à la chaux, car on obtient ainsi une sorte de désinfection préservatrice très favorable à la santé des animaux. En règle générale, les planchers, les plafonds doivent être assez élevés ; cela dépend aussi du nombre d’animaux qui doivent séjourner dans l’habitation, et il faudra toujours éviter les grands rassemblements d’animaux, car ils se nuisent entre eux. Si c’est un plancher, servant de grenier à fourrage, qui est au-dessus de l’étable, il faudra que les planches ne présentent pas d’interstices, de trous, car les poussières des fourrages pourraient tomber sur les animaux et nuire à la transpiration cutanée.

Les fenêtres doivent être en assez grand nombre afin de permettre à l’air de sortir librement ; ces ouvertures doivent être grandes, placées à une certaine hauteur, afin que les courants d’air n’agissent pas directement sur les animaux.

Le sol ne doit pas être humide ; il doit être incliné afin de laisser un libre écoulement aux urines. Les matières excrémentitielles ne doivent pas séjourner trop longtemps dans les étables ; il faut renouveler les litières assez souvent, et c’est ce que ne font pas la plupart de nos cultivateurs, lesquels, on le sait, préfèrent laisser les fumiers dans un coin de l’habitation et bien souvent même la fosse à purin : est-il étonnant que dans des conditions pareilles, ces animaux ne puissent pas respirer librement et deviennent souvent malades ?

Les jours de mauvais temps, les bêtes ne doivent pas être conduites au pâturage ; on doit aussi suspendre le travail. Il faut également éviter de faire travailler les animaux aux heures trop chaudes de la journée ; le travail doit se faire graduellement, c’est-à-dire qu’on ne doit pas exiger toute leur force en peu de temps. Quand ils arrivent à l’étable, s’ils ont transpiré, on doit les bouchonner, leur mettre des couvertures, et c’est précisément dans ces circonstances qu’on doit éviter les courants d’air.

Si des animaux tombent malades, on doit les séparer des sains, car leur air expiré est vicié, impropre à la respiration et des maladies pourraient parfaitement envahir ceux qui sont bien portants. Le pansage doit se faire tous les jours d’une manière complète, il favorise la transpiration cutanée. La nourriture doit être donnée régulièrement ; elle doit être de bonne qualité. Les animaux qui travaillent dépensant beaucoup de matières hydro-carbonées, doivent recevoir une ration plus forte que ceux qui ne font rien.

Les jours où l’on conduit les animaux dans les prairies, on doit ouvrir toutes les portes et fenêtres des étables ; on obtient ainsi une aération presque complète, pour ainsi dire, qui est très favorable à la santé des animaux.

Si chaque propriétaire se pénétrait bien de ces quelques principes, ils ne seraient pas si souvent en opposition avec les saines lois de l’hygiène, et ils verraient avant peu diminuer le nombre des maladies d’une manière sensible.

TRAITEMENT CURATIF. —. Ce traitement doit être basé sur la nature de la maladie. Avant de l’appliquer on doit donc tenir compte de toutes les causes qui ont concouru au développement de l’affection, et en même temps de l’état où se trouvent les animaux.

Période de début. — Au début, quand l’inflammation est bien caractérisée, et que les animaux sont dans un bon état d’embonpoint, les grandes émissions sanguines sont pratiquées avec avantage pendant tout le temps que le pouls conserve sa force. Si les animaux sont faibles, débiles, exténués par le travail, la saignée doit être proscrite ; car, au lieu d’enrayer la marche de la maladie, elle en abrègerait le terme.

En second lieu, on doit régulariser les fonctions physiologiques de la peau, en insistant énergiquement sur les agents employés pour rétablir la transpiration cutanée : on fait des frictions de vinaigre chaud sur les membres et sur le trajet de la colonne vertébrale ; on couvre bien les animaux ; en dessous des couvertures on met de la paille, du foin, et l’intérieur on donne des breuvages sudorifiques.

Outre la saignée, pour empêcher l’arrêt du sang dans les cavités nasales, on pratique dans celles-ci des injections de liquides astringents, l’eau de riz, de mauve mêlée à du vinaigre, etc. Quand il y a de la fièvre, on administre des tempérants. Souvent on a recours aux antiseptiques : l’acétate d’ammoniaque, donné chaque jour, à la dose de 80 à 125 grammes, en électuaire ou en breuvage, a parfaitement réussi entre les mains de plusieurs praticiens distingués. On administre aussi des diurétiques.

On applique un bandage matelassé sur la tête, que l’on arrose fréquemment d’eau vinaigrée.

Pour que le jetage s’effectue et que la respiration se fasse librement, on fait des fumigations émollientes auxquelles on ajoute du vinaigre.

Dans d’autre cas, comme le dit très bien M. Lafosse, on fait des injections avec du vinaigre sternatutoire ; il y a excitation de la pituitaire et provocation du jetage.

Les lavements irritants sont aussi ordonnés, ainsi que les frictions sinapisées sur les membres et les sinapismes au plat des cuisses.

Quand ce traitement est bien suivi, il arrive assez souvent qu’à cette période on obtienne la résolution de la maladie.

Période d’état. — À la deuxième période, les animaux sont faibles, la saignée est alors contre indiquée ; mais on peut persister sur les astringents, que l’on met sur la tête et que l’on injecte dans les cavités nasales. On emploie des médicaments plus énergiques, comme l’alun, l’extrait de saturne, le sulfate de zinc donnés dans une décoction faite avec des plantes astringentes, comme les feuilles de ronce, de plantain, l’écorce de chêne, etc.

À l’intérieur, on donne des toniques antiseptiques : le vin de quinquina, le sous-carbonate d’ammoniaque ou l’acétate de la même base, sont administrés dans des décoctions de plantes stimulantes aromatiques, sauge, menthe, camomille, lavande, etc. Si la gangrène devient imminente, on fait des injections dans les cavités nasales avec du chlorure de chaux ; mais quand elle se déclare, on remplace le chlorure de chaux par l’ammoniaque, l’eau de Rabel étendus d’eau.

Lorsque les engorgements de la tête, du larynx, deviennent insensibles, on fait des frictions de liniment ammoniacal, d’ammoniaque pure ; en mettant des pointes de feu dans la tumeur, on peut obtenir aussi de bons résultats.

Pour les ulcères de la cavité buccale, on donne des gargarismes d’eau d’orge miellée et vinaigrée ; on peut essayer l’ammoniaque mêlée au miel étendu d’eau, ainsi que les collutoires composés ainsi qu’il suit :

Eau de Rabel
100 grammes
Miel Rozat
50 gr.mmes
Eau de ronces
50 gr.mmes

L’eau de Rabel peut être remplacée sans inconvénient par 4 grammes de nitrate d’argent, ou par 50 grammes d’acide chlorhydrique.

M. Lafosse propose d’essayer les médicaments que nous venons d’énumérer, en injections dans les cavités nasales, afin de changer la nature de l’inflammation gangréneuse.

En injections, ces agents arrivent bien sur certaines parties de la pituitaire ; mais, pour qu’ils agissent d’une manière uniforme dans les différents replis de cette muqueuse, on ampute une corne du côté qui correspond à l’inflammation la plus grave.

Après la saignée locale ainsi obtenue, on bouche la narine avec des étoupes du même côté. L’injection une fois faite, la tête est portée à droite, à gauche, en haut, en bas, afin que le liquide se répande partout ; quand il y a séjourné deux ou trois minutes, on ôte la boulette d’étoupes pour qu’il puisse s’écouler. Ces moyens peuvent amener une prompte résolution.

Si l’on n’a pas pu parvenir à changer la nature de l’inflammation et à la déplacer, on renouvelle les sinapismes et les frictions de moutarde ; on applique des trochisques au fanon, et, aussitôt que l’engorgement est devenu volumineux, afin d’éviter la gangrène, on débride la plaie et on cautérise ordinairement avec le cautère actuel. Par ce traitement, on peut aussi éviter les congestions pulmonaires et cérébrales.

Pendant le cours de la maladie, des phénomènes nerveux, comme spasmes, soubresauts, peuvent se montrer ; on les combat par les antispasmodiques : les infusions de tilleul camphrées ou éthérées, la valériane, l’assa fœtida, la liqueur anodine d’Offman sont souvent employées.

Si une éruption exanthémateuse ou pustuleuse commence à s’effectuer, on administre des diaphorétiques afin de favoriser la crise générale quand il y a une ophthalmie, on la traite.

Période de déclin. — à la troisième période, les animaux étant dans une débilité générale, on peut les considérer comme perdus.

Régime. — Au début diète, et les boissons tempérantes sont ordonnées quand il y a fièvre. Au déclin, on devra donner des toniques excitants, de facile digestion et riches

en principes nutritifs sous un petit volume.
AUTRE MÉDICATION.


Quelques praticiens physiologistes se sont bien trouvés des abondantes émissions sanguines, des émollients et des purgatifs.

M. Cruzel, vétérinaire distingué, a obtenu de nombreuses cures en employant, outre la saignée, les embrocations de liniment ammoniacal camphré sur le chanfrein, l’eau sédative ; à l’intérieur, les breuvages diurétiques sont souvent employés et quelquefois remplacés par l’émétique à la dose de 2 ou 4 grammes ; les toniques antiseptiques font aussi partie du traitement.

Comme substance vésicante, il emploie l’onguent vésicatoire de chaque côté de l’encolure sur une grande surface ; mais il préfère à tous les vésicants la pommade stibiée, préparée à parties égales (deux fortes frictions suffisent). Ce médicament énergique n’est pas sans inconvénient, car les plaies qu’il produit sont longues et difficiles à faire cicatriser, et les traces qui restent sont indélébiles.


Traitement du corysa gangréneux par l’huile phosphorée.


L’huile phosphorée, employée dans le traitement du coryza gangréneux, a produit d’assez bons résultats entre les mains de M. Ringuet, médecin-vétérinaire à Belvès (Dordogne), qui le premier l’a mis en usage contre cette affection.

L’emploi de ce médicament, en médecine vétérinaire, est d’une date récente ; c’est M. Caussé, de Castelnaudary, qui, le premier, l’a préconisé contre la fièvre charbonneuse, et voici comment il s’exprime à ce sujet : « L’huile phosphorée excite les organes chez le malade atteint de la fièvre charbonneuse ; provoque, sept à huit heures après son administration, une réaction assez intense, sur la peau et sur les reins ; réaction qui, en provoquant une sueur plus ou moins copieuse ou une sécrétion d’urine assez abondante, chasse au dehors, par une véritable crise qui s’opère, les principes septiques qui sont contenus dans le sang. Sous son influence, nous voyons encore ce liquide changer de nature ; il prend une couleur d’un rouge rutilant, et, de dissous qu’il était, devient coagulable ; nul doute qu’ainsi porté par le torrent circulatoire il ne le stimule, ne mette en jeu les synergies vitales et ne ramène la vie prête à s’éteindre. »

Après cette publication, des expériences furent entreprises par M. Lafosse sur un bœuf appartenant à l’école ; on administra à cet animal de l’huile phosphorée, à la dose de 40 à 45 gouttes par jour ; on remarqua qu’au bout de 30 à 40 minutes, les battements artériels étaient plus nombreux et que la sueur se montrait à la surface du corps.

L’administration de ce médicament se fait dans une infusion de tilleul ou de fleur de sureau.

M. Ringuet a enregistré quelques guérisons ; mais il serait bon, avant de préconiser ce médicament, que des expériences vinssent confirmer les heureux effets obtenus par le vétérinaire de Belvès.

Aussi recommandons-nous cette médication à tous les praticiens qui seront à même d’observer le coryza gangréneux.


H. MALBAY.