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Du devoir scolaire à domicile

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Résumé de
Du devoir scolaire à domicile
Revue pédagogique, premier semestre 18805 (p. 633-639).

DU DEVOIR SCOLAIRE À DOMICILE

Résumé des conférences des Instituteurs du XXe arrondissement de Paris sur le travail à imposer aux élèves en dehors des heures de classe.

Le devoir à domicile est dans nos mœurs scolaires. Notre programme est chargé et nos élèves nous quittent prématurément ; la plupart des leçons doivent être suivies d’un exercice d’application quine peut toujours être fait à l’école : de là la nécessité d’imposer aux enfants une tâche en dehors des heures de classe. Les familles elles-mêmes recherchent le devoir, non-seulement parce qu’elles en espèrent des progrès plus rapides, mais encore parce qu’il procure à l’enfant une occupation sans laquelle il ne saurait pas toujours faire un bon usage de ses loisirs. Dans la plupart des ménages des ouvriers de Paris, la place est petite, et la mère a trop à souffrir de la turbulence des enfants quand cette occupation ne vient y mettre un frein. Aussi sommes-nous obligés de résister aux désirs des parents, — qui viennent nous réclamer avec insistance une tâche supplémentaire avant même que les enfants soient capables de la fournir utilement.

Mais, pour que les devoirs faits dans la famille produisent de bons résultats, il faut que le maître apporte dans leur choix beaucoup de tact et d’intelligence, et c’est là assurément l’une des parties les plus délicates de sa tâche. Si ce choix est bon, le devoir peut contribuer dans une large mesure aux progrès des études ; s’il est maladroit, mieux vaudrait s’abstenir, car on irait contre le but qu’on se propose d’atteindre.

Voici, selon nous, quelles doivent être les principales conditions d’un bon devoir.

Il doit : 1° fournir à l’enfant la matière d’un travail personnel sérieux ;

2° Être à la portée de la moyenne des élèves de la classe et « se rattacher toujours à une leçon dont le souvenir est présent à l’esprit de l’enfant » ;

3° Être court, afin que tous puissent le faire intégralement et en y apportant une attention soutenue.

Ainsi, il ne faut pas se contenter de donner un travail qui occupe seulement les mains de l’enfant, comme cela arrive, par exemple, lorsqu’il copie un exercice de grammaire qui n’a pas été préalablement expliqué, qu’il écrit toute la conjugaison d’un verbe, ou que, sous prétexte de faire le résumé d’une leçon d’histoire, il copie au hasard quelques phrases qui n’ont aucun lien entre elles ; il faut surtout que l’esprit participe à l’exécution de ce travail.

Si le devoir est au-dessus de la portée des élèves, il est clair qu’ils ne feront rien de bien, et qu’ils ne tarderont pas à n’éprouver que du dégoût pour un travail auquel leur intelligence n’a pas été préparée. Pour éviter cet écueil, on aura soin de choisir le sujet du devoir dans les matières du programme qui se prêtent le mieux à ce genre d’exercices, et de s’assurer, par une série de questions, que la leçon qu’il s’agit d’appliquer a été bien comprise.

On n’oubliera pas que l’enfant est plus faible chez lui qu’à l’école. Dans sa famille, il se trouve ordinairement abandonné à sa seule initiative (car il est rare que ses parents soient en état de l’aider efficacement), et il se rebute dès qu’il rencontre dans son travail quelque difficulté qu’il ne peut surmonter facilement. Tandis qu’à l’école, sous le contrôle, sous la surveillance du maître, il fait plus d’efforts, et puis un conseil, un simple renseignement qu’on s’empresse de lui donner dès qu’on le voit embarrassé, le remettent sur la voie. Le devoir à faire dans la famille sera donc toujours un peu au-dessous de ce que les enfants sont capables de faire sous la direction de leur maître.

Enfin un devoir trop long est nécessairement un travail stérile. Il ne peut, faute de temps, être suffisamment préparé en classe ; les enfants, à qui on ne peut demander des efforts prolongés, soignent le commencement et barbouillent le reste-au plus vite, quand ils ne se hâtent pas dès la première ligne en considérant l’étendue de leur tâche. S’ils s’appliquent pour la forme, on peut être certain que presque toujours ils négligeront le fond, et qu’ils seraient bien embarrassés, leur cahier fermé, de résumer ce qu’ils ont écrit. Ne faut-il pas songer aussi à la correction qui ne vaudra rien si elle est faite trop rapidement, ou qui durera beaucoup trop longtemps si l’on veut la faire consciencieusement.

Le devoir de chaque jour ne consiste pas seulement en un travail écrit, il comprend aussi les leçons à apprendre par cœur, et cette deuxième partie de la tâche imposée à l’élève en dehors de la classe n’est pas la moins importante, puisque notre emploi du temps ne réserve aucune place à ces exercices dans le courant de la journée. Nous reviendrons plus loin sur cette question.

L’utilité des devoirs à domicile étant admise, nous allons essayer d’indiquer sur quelles matières ils doivent porter, et comment nous comprenons qu’ils soient choisis et préparés dans les différentes divisions de nos écoles.

Cours élémentaire.

Devons-nous demander aux petits enfants, dès qu’ils peuvent tenir une plume, d’écrire un devoir à la maison ? Nous ne le pensons pas. Six heures de classe sont très suffisantes pour de jeunes élèves, et l’expérience démontre que les quelques lignes qu’ils peuvent écrire après la classe sont plus qu’insignifiantes. L’objet de l’éducation n’est pas de forcer la nature, mais de la diriger. L’enfant n’est pas capable d’une grande contention d’esprit. Lorsqu’il a bien employé ses six heures de classe, ce qu’il lui faut, c’est du mouvement, de l’exercice. Qu’il joue bien pendant les récréations et le soir après la classe, ses études n’en seront que meilleures.

Ce n’est qu’à partir de la division la plus avancée du cours élémentaire que l’on peut commencer à habituer les enfants à fournir un petit travail fait en dehors des heures de classe. Dans la plupart des écoles de Paris, ce cours comprend trois ou quatre divisions ; les élèves de la première savent lire et écrire couramment, beaucoup sont âgés de huit ou neuf ans, quelques-uns même ont de dix à douze ans, tous enfin sont ou assez avancés ou assez âgés pour consacrer utilement à ce travail quelques instants de la soirée ou une faible partie des jours de congé. Ils se prépareront ainsi à l’effort plus sérieux qu’on exigera d’eux dans les divisions supérieures. De plus, ce n’est guère que dans le cours élémentaire, et quelquefois dans les dernières divisions du cours moyen, que les parents peuvent venir en aide au maître. La mère ne s’intéresse jamais plus vivement aux progrès de son enfant que lorsqu’il est au début de ses études. C’est avec bonheur qu’elle dirige son travail, qu’elle l’aide à vaincre les petites difficultés qu’il y rencontre. Plus tard ses connaissances ne seront plus à la hauteur de cette tâche, et elle sera certainement privée d’un des plus doux plaisirs qu’elle ait éprouvés. Mais du moins l’élan sera donné, et elle continuera à encourager ses efforts ; elle l’’habituera d’autant mieux à apprécier le savoir, qu’elle en sentira plus vivement la privation. Nous pensons donc que ce serait faire un mauvais calcul que de se priver de ce précieux concours au moment où il est le plus efficace.

D’ailleurs, sans se laisser influencer plus qu’il ne convient par le désir qu’ont beaucoup de parents de voir leurs enfants occupés à une tâche supplémentaire, il faut au moins tenir compte de cette considération qu’ils la leur imposeront eux-mêmes, si l’instituteur n’a pas jugé à propos de tenir compte de leurs réclamations. Or, n’est-il pas évident que le choix de cette tâche sera plus judicieusement fait par les maîtres que par les parents ? Mais il est essentiel que le devoir des commençants soit court et facile. Il faut que l’enfant n’y rencontre aucune difficulté qu’il ne puisse vaincre aisément ; il faut en un mot que ce soit pour lui une véritable distraction.

Les devoirs de cette division ne peuvent guère comprendre que de petits exercices d’écriture, d’orthographe et de calcul.

Les enfants du cours élémentaire n’emportant pas de livres à la maison, les maîtres, surtout ceux qui débutent, peuvent être embarrassés sur le choix de la matière de ces devoirs. Avec un peu de bonne volonté cependant, ils résoudront la difficulté.

On a fait une petite dictée en classe : si le sujet en a été bien choisi, elle ne comporte que des mots faciles à écrire et exprimant des idées à la portée des enfants. Après avoir été soigneusement corrigée en classe, cette dictée peut être transcrite au net à la maison. Au bout de quelque temps, quand les élèves seront suffisamment exercés, on leur fera écrire, à la suite, les noms qu’elle renferme ; puis ils les grouperont d’après l’espèce, le genre et le nombre. Plus= tard on les exercera à un travail analogue sur l’adjectif. On pourra aussi leur donner de petits exercices très simples de permutation de genre et de nombre.

Viendra ensuite un verbe exprimant une action familière, conjugué aux temps usuels avec un ou même plusieurs compléments précédés de l’article ou d’un adjectif possessif.

Quoique très simples, ces exercices ne laisseraient pas d’embarrasser la plupart des enfants abandonnés à eux-mêmes, s’ils n’en avaient pas fait de semblables sous la direction de leur maître. Essayons donc toujours dans la classe ce que nous voulons que nos jeunes élèves fassent chez eux. Procédons avec méthode ; ne nous laissons pas décourager par les difficultés que l’on rencontre inévitablement quand on initie les enfants à un travail quelconque. Dès que nous voyons que l’élève fait bien ce travail sous nos yeux, donnons-lui un devoir analogue à faire chez lui. Sans doute il réussira moins bien qu’à l’école, mais le lendemain, lors de la correction, il verra où il s’est trompé, et si nous savons encourager ses efforts, si surtout nous ne je rebutons pas par des reproches trop sévères, il essaiera de mieux faire, son intelligence se développera en même temps que ses aptitudes pour l’étude, et bientôt la rapidité de ses progrès nous dédommagera de nos soins et de nos peines.

Ne le laissons pas trop longtemps sur le même genre d’exercices. L’enfant aime la variété : sachons donc varier nos sujets de devoirs, si nous voulons éviter qu’ils ne cessent de l’intéresser et qu’ils ne donnent lieu à un travail (out machinal. Nous savons que cette manière de procéder demande beaucoup de soin et de réflexion. Mais le bon maître ne considère pas sa tâche comme terminée quand sonnent quatre heures ; il a l’esprit sans cesse occupé de sa profession, et ses leçons de chaque jour ne sont que la mise en œuvre de ses méditations en dehors de la classe.

Lorsque les élèves seront assez avancés, on pourra mettre entre leurs mains un petit recueil d’exercices d’orthographe. Ces exercices, convenablement préparés à l’école, alterneront avec ceux dont il vient d’être question.

Les petits exercices d’invention qui ont pour but d’initier les enfants au mécanisme du langage, ne peuvent guère être faits que sous la direction immédiate du maître. Il y aurait trop à corriger dans un devoir de ce genre fait à la maison.

Pour faciliter l’étude des trois premières opérations de l’arithmétique, on demandera, à la suite du devoir de grammaire, quelques exercices très simples de calcul. Par exemple :

L’écriture des nombres de deux en deux à partir de 1, puis de 2.

De trois en trois à partir de 1, de 2, de 3. De quatre en quatre, puis de cinq en cinq, etc., dans le même ordre.

Pour commencer on s’arrêtera à 30, puis on ira jusqu’à 100. On fera ensuite des exercices de ce genre inversement, c’est-à-dire en revenant de 100 à 1.

La formation et l’étude de la table de multiplication auront lieu par le même procédé. Cette étude, étant faite dès le début de l’année scolaire, et parallèlement à celle de la numération, permettra de suivre et de développer avec plus de régularité les différentes parties du programme en ce qui concerne le calcul.

Les petits problèmes qui viendront ensuite seront toujours une application de la leçon faite le jour même à l’école ; ils porteront sur des nombres exprimant des quantités que l’enfant se représente aisément. Ils devront donner lieu à des opérations faciles, mais qui seront le résultat de la réflexion de l’enfant, et non celui du hasard ; pour qu’ils soient en rapport avec son âge et ses goûts, les données en seront empruntées au monde même des enfants.

Enfin un petit exercice de mémoire s’ajoutera au devoir écrit. Beaucoup d’enfants sont portés à négliger cette partie de leur tâche journalière. Il sera bon de réagir dès le début contre cette tendance.

Pour justifier l’exercice de mémoire dans le cours élémentaire, nous rappellerons qu’il ne suffit pas qu’une notion soit saisie par l’intelligence, mais qu’il faut encore qu’elle s’imprime dans la mémoire. Ces deux facultés doivent être cultivées parallèlement. Or la mémoire, comme l’intelligence, ne se développe et ne se fortifie que par l’exercice. Nous estimons donc qu’il est utile de demander, même aux jeunes enfants, un petit effort tous les jours pour apprendre un texte de quelques lignes. Mais le maître ne perdra pas de vue qu’apprendre sans comprendre est un exercice des plus nuisibles au développement intellectuel des élèves. Il ne se bornera pas à leur donner une simple indication de texte à étudier ; il aura soin de l’expliquer, de le commenter préalablement, et de s’assurer par des interrogations qu’il est suffisamment compris, sans quoi les enfants perdront beaucoup de temps à entasser dans leur mémoire des mots auxquels ils ne rattachent aucun sens, ou à amasser une foule d’idées fausses qu’il faudra détruire plus tard, et avec beaucoup de peine peut-être, pour redresser leur jugement.

Les meilleurs exercices de mémoire, les seuls qui puissent réellement être mis à la portée des enfants de cet âge, sont les morceaux les plus simples de prose et de poésie choisis dans les recueils composés pour l’enfance.

Cours moyen.

Dans le cours élémentaire, nous avons dû restreindre le devoir à quelques genres d’exercices seulement où le français et le calcul ont la plus large part ; mais ici, et plus encore au fur et à mesure que nous avancerons dans les divisions supérieures, nous élargirons le cercle des parties de notre programme où nous irons choisir les sujets de nos devoirs. Remarquons toutefois que dans les écoles qui contiennent un grand nombre de classes, la transition entre la première division du cours élémentaire et la dernière du cours moyen est peu sensible. Cette dernière division est encore bien faible, surtout au début de l’année scolaire : var elle a été recrutée en partie dans la seconde division du cours élémentaire. Ce serait témérité de vouloir s’y élever trop au-dessus de ce qui se fait dans la division précédente. Aussi le devoir n’y différera-t-il guère de celui qui est donné dans le cours élémentaire ; seulement il prendra un peu plus de développement, et les leçons seront plus variées. On apprendra les principales règles de la grammaire et les résumés des leçons d’histoire, de géographie et d’instruction religieuse ; les morceaux toujours très simples de prose et de poésie auront plus d’étendue, et, pour initier les enfants à la composition française, on leur demandera, une fois par semaine au moins, le compte rendu d’une lecture sur un sujet à leur portée, ou le récit d’un conte, d’une historiette dont on leur aura donné lecture en classe.

C’est surtout à partir de la division suivante que la tâche du maître devient délicate en ce qui concerne le choix et la préparation du devoir. Il est temps maintenant de songer à donner à l’enfant un travail qui occupe vraiment les facultés intellectuelles.

À quelles parties du programme aurons-nous recours pour faire ce choix ?

Nous voudrions que toutes les branches de notre enseignement fournissent successivement un sujet de devoir, au moins aux premières divisions du cours moyen. Cependant, comme sur certains points Le concours des familles pourrait nous faire défaut, nous nous arrêterons à la langue française, à l’histoire, à la géographie et au calcul. Le dessin fournira aussi d’excellents sujets de devoirs aux élèves les plus avancés.

Langue française. — Ce n’est pas sans raison que l’on nous accuse d’abuser des exercices de grammaire ; nous en ferions volontiers tous les jours la base, ou, pour mieux dire, l’unique objet des tâches supplémentaires. À ceux qui se trouvent dans les recueils spéciaux et que l’on est trop porté à donner sans explication préalable, on en ajoute d’autres souvent d’une étendue démesurée sous forme d’analyses, de conjugaisons, etc. Le plus ordinairement les élèves font une copie inintelligente, fourmillant de fautes, mal écrite, et ne tirent aucun profit de leur travail. N’est-il pas évident que cette manière de procéder, aussi contraire au bon sens qu’aux prescriptions d’une saine pédagogie, ne peut que rebuter les enfants même les plus laborieux, et paralyser l’essor de leur intelligence.

Est-ce à dire qu’il faille exclure ces exercices ? Assurément non ; mais 1l faut en user avec plus de réserve, et surtout se donner la peine de les bien choisir. D’ailleurs, l’enseignement de la langue s’introduit dans les exercices spéciaux aux autres facultés. Il est clair que dans la correction d’un récit d’histoire de France, par exemple, on relèvera les fautes d’orthographe et les expressions incorrectes que l’on rencontrera.

En dehors de l’exercice choisi dans la grammaire, nous recommanderons la mise au net de la dictée. Ce travail n’exige aucune fatigue, aucune tension d’esprit ; l’enfant, n’ayant pas de recherches à faire, l’exécutera avec tout le soin désirable, et lorsqu’il écrira une deuxième fois les mots où il a fait des fautes, les explications qui lui ont été données à l’école se présenteront naturellement à son esprit. Ce sera tout à la fois un excellent devoir d’écriture et d’orthographe que l’on pourra faire suivre d’un petit exercice dans le genre des suivants :

Reproduction des règles de grammaire qui ont été expliquées à propos des fautes relevées sur tel ou tel mot.

Explication du sens de quelques mots.

Explication d’une ou de deux phrases qui renferment ou des inversions ou des expressions qui en rendent le sens difficile à saisir.

Décomposition et explication de certains mots ayant un préfixe ou un suffixe.

Recherche et groupement des mots d’une même famille.

Recherche, groupement et sens des homonymes et des synonymes.

Explication du sens propre et du sens figuré de certains mots dans leurs différentes acceptions.

Composition d’une ou deux phrases dans lesquelles entreraient un mot ou une expression désignés.

Enfin, permutation de genre, de nombre ou de personne toutes les fois que le texte de la dictée s’y prêtera facilement.

Les interminables analyses écrites portant sur tous les mots de la phrase, les verbes conjugués sans compléments ni attributs, sont des exercices fastidieux auxquels il faut absolument renoncer.

La conjugaison de quelques temps d’un verbe auquel les enfants ajoutent eux-mêmes un complément qui peut changer à chaque personne, devient, au contraire, un bon exercice d’invention.

Tous ces exercices produiront d’excellents résultats s’ils sont préparés et corrigés avec soin. Quelques-uns d’entre eux seront un acheminement à la composition française, qui doit être spécialement l’objet d’un devoir au moins une fois par semaine.

Composition française. — Les exercices de rédaction demandent des soins tout particuliers. Les enfants élevés dans les familles aisées et qui ont reçu une certaine culture intellectuelle, ont plus d’idées et s’expriment plus correctement que ceux qui appartiennent aux familles pauvres. On voit que leurs parents ont soin de ne pas laisser sans réponses les questions que les enfants font à tout propos. La mère surtout a su donner à ses explications assez de simplicité et de clarté pour se faire comprendre. Il en résulte que leur jugement se développe rapidement, et qu’avant même d’entrer dans le cours moyen, ils sont, dans une certaine mesure, préparés aux exercices de composition et d’invention. Mais ces enfants forment l’exception dans nos écoles. Les autres ont l’imagination pauvre ; ils arrivent difficilement à mettre de l’ordre dans leurs idées et à les exprimer correctement. Ce n’est donc qu’après une longue et patiente préparation qu’il sera possible de leur demander un devoir de rédaction. Cette préparation devra commencer dès la dernière division du cours élémentaire.

Éveillons la curiosité des enfants ; provoquons leurs questions et répondons-y avec clarté. Prenons garde de nous servir avec eux d’un vocabulaire qu’ils ne comprennent pas : abaissons-nous jusqu’à eux pour les élever insensiblement jusqu’à nous. Habituons-les à regarder et à voir les choses qui les entourent. Que par nos explications familières ils aient bientôt une idée nette de leur origine, de leurs transformations et de leurs usages. Tous les faits dont ils sont témoins, les exercices de lecture, les différentes leçons de la journée peuvent donner lieu à un petit exercice oral, à une leçon de choses qui exercera leur jugement, éveillera leur esprit, en un mot, enrichira leur intelligence d’une foule d’idées qu’on aura toujours soin de leur faire exprimer correctement.

Ces petits comptes rendus que les plus jeunes enfants feront oralement en une phrase d’abord, puis en deux ou trois phrases fort simples, pourront être écrits par les élèves de la première division du cours élémentaire.

Dans le cours moyen, ces exercices seront plus développés. On commencera par de petits contes, des historiettes qui seront d’abord lus et commentés en classe ; puis viendront les comptes rendus d’une lecture, d’une leçon de choses, d’une promenade, les petites lettres familières dont les sujets seront empruntés aux différentes circonstances de la vie, les récits des faits qui se passent sous les yeux des enfants, etc. Mais, encore une fois, que l’on n’oublie pas que l’enfant ne saura écrire que quelques phrases incohérentes, si, par l’exercice oral qui doit toujours précéder l’exercice écrit, on ne l’a pas mis en état de mettre un ordre naturel et logique dans ses idées.

On ne s’écartera pas tout d’abord de cette règle : quand les enfants seront suffisamment exercés, on les abandonnera de temps en temps à leur propre initiative, afin de se rendre compte des progrès accomplis. Il suffira, dans ce cas, de choisir un sujet qui soit tout à fait à leur portée.

Histoire. — Les principes qui précèdent s’appliquent également aux leçons d’histoire. La plupart de ces leçons pourront fournir la matière d’un devoir écrit. Mais il est essentiel qu’elles soient bien faites, et elles ne le seront qu’autant qu’elles auront été sérieusement préparées en dehors de la classe.

Le maître qui néglige cette préparation se borne ordinairement à répéter un texte, le même peut-être que les enfants retrouveront dans leur livre ; sa leçon est sèche et ne saurait les intéresser. S’ils ont à la reproduire, ils se contenteront de faire, sans profit pour leur intelligence, la copie de quelques phrases qui s’y rapportent. Or il faut à tout prix exclure le mécanisme de l’exécution du devoir journalier. Nous convenons que ce n’est pas toujours facile quand il s’agit de devoirs dont les éléments se trouvent dans les ouvrages que les enfants emportent chez eux. On peut cependant choisir des sujets qui se prêtent difficilement à une reproduction textuelle. Beaucoup d’épisodes, de biographies, peuvent être racontés par le maître dans un ordre et avec des détails que l’élève ne retrouvera pas dans son livre. Il faut l’habituer à écouter attentivement la leçon, et à la reproduire fidèlement ensuite en se guidant sur les notes qu’il aura prises. Les questions générales, telles que le résumé d’un règne, d’une époque, d’une guerre, l’aperçu historique d’une province, d’une famille illustre, etc., fourniront aussi de bons sujets de devoirs.

Géographie. — On fera faire de temps en temps l’itinéraire de voyages :

1° Autour des différentes parties du monde, avec quelques détails sur le climat et les principales productions des pays que l’on côtoie, et l’indication des ports où l’on fait ordinairement escale ;

2° Au travers de la France, sur les fleuves et les canaux, ou par les chemins de fer, avec quelques remarques sur les villes importantes que l’on rencontre (souvenirs historiques, industrie, commerce) et sur les productions caractéristiques des régions que l’on traverse.

On demandera aussi le résumé de la géographie physique d’une région ou d’une province, avec l’indication de ses productions agricoles et industrielles. Quand cela sera possible, une carte très simple où seront indiqués seulement les points les plus saillants de la leçon, complétera le devoir de géographie. Quelquefois même la carte fera seule l’objet du devoir. C’est surtout à l’occasion des révisions que ces différents exercices seront utiles.

Calcul. — Le devoir d’arithmétique, au moins pour la première division du cours moyen, comprendra une question de théorie et un ou deux problèmes avec solution raisonnée. Les problèmes, clairement énoncés, seront toujours applicables aux usages de la vie. Ils renfermeront une instruction utile sur la morale, la science pratique, le commerce et l’industrie. Jamais de nombres abstraits, des nombres réels au contraire, et pris, autant que possible, dans les habitudes du milieu où vit l’enfant, afin qu’il acquière des notions exactes sur le poids et la valeur des objets qui lui sont familiers. L’économie domestique, les dépenses inutiles que l’on fait journellement pour satisfaire des besoins factices, les habitudes de paresse et de dissipation, fourniront souvent les données de ces problèmes. En montrant aux enfants quelles sont pour une famille les conséquences de l’ordre et de l’économie d’une part, du désordre et de l’imprévoyance d’autre part, on donnera une véritable portée morale à l’enseignement de l’arithmétique.

Disons une fois pour toutes qu’il sera bon de ne donner en devoir, dans les classes moyennes et inférieures, que des problèmes semblables à ceux qui auront été résolus dans la leçon d’arithmétique du jour. Au début de l’année scolaire, au lieu d’une question de théorie proprement dite, on se contentera de faire énoncer les définitions et les principes que l’on aura expliqués en classe. Plus tard, viendront les démonstrations qui porteront avant tout sur les principes dont l’application est la plus fréquente.

Les questions de théorie suivront toujours, et pas à pas, les indications du programme. Il est essentiel qu’elles soient étudiées dans leur ordre logique, parce qu’en arithmétique tout s’enchaîne rigoureusement ; mais nous ne croyons pas qu’il soit indispensable de suivre cette règle pour le choix des problèmes. Nous pensons, au contraire, qu’il convient de donner aux enfants, le plus tôt qu’on le peut, une grande variété de problèmes se rapportant à n’importe quel chapitre de l’arithmétique, pourvu que la solution de ces problèmes n’exige que la pratique des quatre règles. Nous trouvons plus d’avantage dans cette manière de procéder : l’élève s’habituera à chercher la solution d’un problème dans son intelligence, et non dans une formule qu’il ne comprend pas, et l’étude des fractions et des opérations désignées sous le nom de règles de trois, d’intérêt, d’escompte, de société, etc., étude qui doit être faite en quelques mois seulement, lui sera rendue plus facile et plus fructueuse. On aura soin de veiller à ce qu’il déduise clairement et logiquement les unes des autres toutes les parties de la solution raisonnée, en se servant du langage propre à l’arithmétique.

Nous puiserons aussi dans le système métrique de bons sujets de devoirs. Outre les problèmes qui trouvent tous les jours leurs applications dans les moindres transactions du commerce, nous donnerons à traiter certaines questions telles que : l’origine du nouveau système, les avantages qu’il présente sur l’ancien, les différentes séries de mesures effectives avec leurs usages, etc. La description et la représentation de ces mesures seraient en même temps un devoir de rédaction et de dessin.

Exercices de mémoire. — Dans les classes moyennes et supérieures le travail de mémoire doit-il se borner à l’étude littérale du catéchisme et des morceaux de prose et de poésie ?

À cette question nous répondrons en répétant ce que nous avons déjà dit plus haut : Une notion, si bien comprise qu’elle soit, n’est acquise que si la mémoire la garde fidèlement. Or, nous supposons que la leçon est toujours faite aussi bien qu’on peut le souhaiter, que les enfants y apportent une attention soutenue, qu’ils essayent d’en tirer tout le profit désirable ; il est probable que le jour même, et peut-être encore le lendemain, ils répondront d’une manière à peu près satisfaisante aux questions qui leur seront adressées sur cette leçon. Mais nous soutenons qu’au bout de quelque temps ils n’en garderont plus qu’un souvenir vague, fugitif, s’ils n’y ont pas autrement arrêté leur esprit, si, en un mot, ils ne se sont pas efforcés, par un travail personnel, de la graver dans leur mémoire. C’est à peine si nous ferions une exception en faveur des quelques élèves d’élite qui tiennent la tête de la classe :

Si encore, notre programme restant ce qu’il est, nos élèves ne nous quittaient qu’à l’âge de quatorze ou quinze ans, nous pourrions, à la rigueur, supprimer une partie des exercices de mémoire que nous leur imposons ; mais nous ne les gardons que jusqu’à douze ans, treize ans au plus, et à cet âge ils doivent déjà donner des preuves de leur savoir dans les examens du certificat d’études primaires et dans les concours pour les bourses des écoles municipales supérieures. N’est-il pas évident qu’ils n’auront pas un vocabulaire suffisant pour exprimer les connaissances acquises, si les mots, après avoir passé par leur intelligence, ne sont venus se fixer dans leur mémoire ?

De ce que, pendant trop longtemps, on a fait un déplorable abus des exercices de récitation dans l’enseignement primaire, aujourd’hui on en condamnerait volontiers l’usage. Ce serait un excès contraire dans lequel nous devons bien nous garder de tomber, car nous n’aboutirions qu’à des déceptions.

Ce qu’il faut combattre, ce n’est pas l’usage, mais l’abus du livre d’études ; ce qu’il faut surtout condamner, ce sont ces longues leçons apprises littéralement et sans explication préalable. Le livre scolaire est fait pour être étudié, compris, mais non pour servir d’instrument de torture à l’esprit de l’enfant. Il faut que celui-ci y retrouve chez lui les notions qu’il a déjà apprises à l’école, mais qui n’ont pas encore pénétré profondément dans sa mémoire.

Cependant beaucoup d’enfants ont l’intelligence paresseuse ; ils aiment mieux apprendre le mot à mot que de se donner la peine de réfléchir. Il faut les habituer à rapporter fidèlement le sens du passage étudié. Ils ne parleront pas toujours correctement sans doute, ils feront même quelquefois de grosses erreurs de jugement ; mais nous trouverons là, en même temps que l’occasion de leur donner une leçon de langage, une indication de ce que nos explications de la veille auront pu laisser d’obscur dans leur esprit. Le résumé seul de la leçon doit être appris textuellement.

En somme, ce que nous entendons par les leçons à apprendre par cœur se résume donc en ceci : Un effort fait tous les jours par les enfants pour graver dans leur mémoire la substance des leçons qui leur ont été faites à l’école.

Cours supérieur.

Le cours supérieur n’étant que le développement, l’extension du cours moyen, les devoirs de langue française, d’histoire, de géographie et de calcul y seront choisis d’après les indications qui viennent d’être données. Toutefois les élèves étant ici plus âgés et plus avancés, les sujets en seront plus variés et plus élevés ; de plus ils n’exigeront pas toujours cette préparation sur laquelle nous insistons pour les divisions précédentes.

Les exercices de mémoire, notamment les morceaux de prose et de poésie, y seront aussi plus étendus et plus sérieux. Les dialogues aideront les enfants à mettre un peu d’animation et de naturel dans leur débit.

Voici les principaux exercices qui, avec ceux qui sont déjà recommandés, pourraient être donnés dans le cours supérieur. Quelques-uns paraîtront peut-être difficiles ; nous ne pensons pas cependant qu’ils soient au-dessus de la portée des élèves de la première division du cours.

Langue française. — Après avoir étudié les règles de la grammaire sur des exemples bien choisis et demandé aux élèves de citer oralement des phrases analogues, on exigera un travail écrit du même genre. On s’assurera ainsi qu’ils ont bien ou mal compris la leçon. Puis viendront des exercices dans le genre de ceux qui ont été indiqués dans le cours moyen sur l’explication du sens des mots soulignés dans la dictée et la justification de leur orthographe ; la recherche et le groupement des homonymes, des synonymes et des mots d’une même famille ; la décomposition et l’explication des composés ; puis, étant donnés les mots racines, la formation de leurs composés et de leurs dérivés, avec cette différence que les élèves du cours supérieur seront tenus de composer des phrases dans lesquelles ils feront entrer ces mots. La plupart de ces exercices, surtout excellents sous la forme orale, donneront lieu à de bons devoirs écrits s’ils sont bien préparés.

Composition française. — Il importe, surtout au point de vue de la composition française, de soigner particulièrement les leçons et les exercices sur les propositions.

Dans le cours supérieur, il faut exercer les enfants à employer les différentes sortes de constructions : pleine, directe, inverse, interrogative, exclamative, afin de rompre la monotonie de la construction directe qu’ils ont dû employer presque exclusivement dans le cours moyen. Il est bon aussi de les habituer petit à petit à se servir de l’alinéa, des guillemets, un peu de la parenthèse et des points suspensifs. On ne regrettera pas le temps employé à cette préparation si l’on tient la main à ce qu’une chose enseignée soit continuellement mise en pratique.

Les devoirs suivants exercent convenablement l’intelligence des élèves, surtout s’ils s’habituent à y faire entrer des réflexions personnelles et des conclusions motivées et déduites par eux-mêmes :

Reproduction analytique d’une lecture ;

Compte rendu de l’emploi d’une journée, d’une semaine :

Description d’un objet usuel ;

Appréciation de la conduite des personnages d’une fable ;

Mise en prose d’un morceau de poésie ;

Compte rendu d’une promenade ;

Résumé partiel d’un ouvrage de la bibliothèque scolaire.

En histoire, lorsque les élèves auront à faire le récit d’un événement quelconque, ils devront toujours indiquer les causes et les conséquences de cet événement.

Si quelques industries dominent dans le quartier, on choisira de temps à autre des sujets de rédaction et des problèmes qui se rattachent à ces industries. Pour traiter ces sujets au point de vue de la provenance des matières premières, des procédés de fabrication, de la destination et des usages des objets fabriqués, de leur prix de revient, etc., l’enfant aura naturellement recours aux connaissances spéciales de son père. Il y a à une excellente occasion d’intéresser les parents au travail de leurs enfants, qu’un bon instituteur ne négligera pas de mettre à profit. Les collections technologiques qui existent maintenant dans nos écoles nous seront d’un précieux secours pour la préparation de ces sortes d’exercices.

Géographie et cartographie. — Aux sujets déjà recommandés pour cette branche d’enseignement nous joindrons :

La description d’un littoral, d’une chaîne de montagnes, d’un bassin, d’un cours d’eau, tant au point de vue physique qu’au point de vue politique ;

Des études sur les climats, les richesses minérales ou agricoles, les voies de communication, les souvenirs historiques d’un pays, etc.

Dans le cours supérieur nous donnerons surtout une large place à la cartographie. Ce genre d’exercice a le double mérite d’intéresser l’élève et de l’instruire sans le fatiguer

La carte, qui viendra éclairer le devoir d’histoire ou résumer la leçon de géographie, ne sera pas surchargée de détails ; on y inscrira seulement les indications qui ont rapport à la leçon à laquelle elle se rattache. On conçoit que ces cartes ou portions de cartes ont besoin d’être esquissées rapidement ; cependant elles devront toujours être nettes et assez exactes.

De temps en temps une carte d’ensemble résumera une série de leçons. Cette carte, plus soignée que les précédentes, sera toujours faite les jours de congé. L’élève tracera d’abord le principal méridien et le principal parallèle du pays qu’il s’agit de représenter, de manière à diviser sa feuille en quatre parties égales ; ces deux lignes seront suffisantes pour le guider et lui permettre de faire un tracé assez juste.

Le dessin et la calligraphie ne sont pas le but de la cartographie ; cependant nous estimons qu’il est utile d’habituer les élèves à soigner ces cartes générales. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’éducation des facultés intellectuelles est incompatible avec celle de l’œil et de la main. D’ailleurs une carte bien dessinée et bien écrite est plus facile à lire, et par conséquent atteint mieux son but que celle qui ne remplit ni l’une ni l’autre de ces deux conditions. Nous ne ferons donc jamais de reproches à un enfant qui aura occupé ses loisirs du jeudi à dessiner une belle carte, pourvu qu’il nous réponde avec intelligence aux questions que nous lui adresserons sur les pays et les faits géographiques auxquels cette carte se rapporte.

Applications géométriques et dessin linéaire. — Nous n’ajouterons rien à ce que nous avons dit relativement aux exercices d’’arithmétique.

Le devoir de géométrie pourra se composer de la construction d’une ou de deux figures avec les définitions qui s’y rapportent, de l’évaluation de leur superficie ou de leur volume, puis de quelques problèmes d’application.

Le dessin linéaire, qu’on n’a fait qu’ébaucher dans le cours moyen, comprendra des constructions géométriques : exigeant l’emploi des instruments, et des dessins d’après un croquis coté et à une échelle donnée.

Les solides sur lesquels portent les applications les plus fréquentes de la géométrie seront aussi dessinés avec les ombres, soit à main levée, soit à l’aide de la règle et du compas.

Les enfants ont une tendance invincible à faire des figures minuscules. Lorsqu’on leur demandera des constructions géométriques, on fera bien de leur en indiquer les dimensions, ou d’exiger qu’elles occupent un espace déterminé sur le cahier. Ainsi on pourrait les habituer à diviser leur page en quatre parties égales au moyen de perpendiculaires. On leur donnerait un travail composé de quatre constructions, et l’on veillerait à ce que chacune d’elles occupât la plus grande place possible dans l’espace qui lui est réservé. Il importe aussi que les lignes de construction soient conservées et ponctuées ; par ce moyen on reconnaîtra la marche suivie par l’élève.

Ordre de succession des devoirs.

L’ordre de succession des devoirs n’est pas indifférent. On doit éviter de donner plusieurs jours de suite des exercices de même nature. Les devoirs de cartographie et de dessin seront donnés de préférence la veille d’un jour de congé ; cela permettra aux élèves studieux de les exécuter avec tout le soin qu’ils demandent.

Notons aussi que les différentes matières de nos programmes se succéderaient à des intervalles trop éloignés, si chaque jour le devoir ne portait que sur une seule de ces matières. Nous pensons qu’il est bon qu’en général le devoir se compose de deux parties.

Nous proposerions la répartition et l’ordre suivants :

Lundi : histoire et calcul.

Mardi : géographie et grammaire.

Mercredi : cartographie ou dessin et calcul.

Vendredi : histoire et grammaire.

Samedi : composition française et calcul.

Néanmoins, dans la première division du cour supérieur, où les élèves sont déjà assez avancés pour fournir un travail de longue haleine, on pourra, quand on le jugera à propos, exiger un devoir assez étendu sur un sujet unique.

Étendue ou durée du devoir.

Les forces intellectuelles de l’enfant ont besoin d’être ménagées ; le jeu et le mouvement lui sont nécessaires après la classe. Gardons-nous donc de confisquer tous ses loisirs par une tâche démesurée.

L’étendue et la durée du devoir seront toujours proportionnées à son âge et à son habileté.La partie écrite ne devra jamais demander plus d’une demi-heure d’application aux élèves du cours élémentaire. Ceux du cours moyen et du cours supérieur pourront y consacrer de trois quarts d’heure à une heure. L’étude des leçons demandera à peu près le même temps.

Le choix et la préparation des devoirs reposant toujours sur les principes que nous venons d’exposer, la tâche imposée .en dehors des classes ne sera jamais au-dessus de ce que l’on peut raisonnablement exiger de la moyenne des élèves. Il importera alors de tenir la main à ce que tous les enfants exécutent cette tâche convenablement et intégralement tous les jours. On ne devra jamais tolérer qu’ils se dispensent d’apprendre leurs leçons, sous quelque prétexte que ce soit, les raisons qu’ils donnent pour justifier l’insuffisance de leur travail étant presque toujours mauvaises. Il faut même se défier de l’intervention des parents dans ces circonstances, cette intervention étant ordinairement due à leur faiblesse.

De toute façon, il sera bon de n’admettre les excuses des uns comme des autres qu’après un sérieux examen.

Correction du devoir.

Il ne suffit pas de choisir et de préparer avec soin le devoir de chaque jour ; il faut encore contrôler sérieusement le travail des enfants, si l’on veut qu’il soit fructueux.

De 8 heures 1/2 à 9 heures, le maître fera la visite du devoir. Il ne se contentera pas d’une visite superficielle ; mais il s’assurera par un examen attentif, par la lecture de quelques phrases prises au hasard, qu’il a été fait intégralement, et que le fond en a été aussi soigné que la forme. Il attirera l’attention de chaque enfant sur les négligences ou les fautes qu’il remarquera, et il donnera la note méritée. Les élèves repasseront leurs leçons pendant cette inspection, à la suite de laquelle on leur adressera des observations générales sur les points défectueux communs à beaucoup de devoirs.

La correction des devoirs et la récitation des leçons auront lieu, dans le courant de la journée, « pendant les heures auxquelles se rapportent ces devoirs et ces leçons ».

La correction de l’exercice d’orthographe sera mutuelle, comme cela se pratique généralement ; mais on aura soin de veiller à ce qu’un élève ne soit pas chargé du cahier de son voisin, parce qu’alors celui-ci est porté à se préoccuper beaucoup plus des fautes que l’on relève sur son cahier que de celles qu’il devrait relever lui-même sur celui qu’il a entre les mains ; sans compter que des discussions s’élèveraient partout et rendraient impossible une bonne correction. Le maitre fera épeler, non pas tous les mots, mais seulement ceux qui peuvent donner heu à une faute. Les élèves qui auront fait des fautes rappelleront les règles qu’ils auraient dû appliquer. Chacun devra mettre son nom à la suite du devoir qu’il aura corrigé, afin que le maître puisse savoir à qui incombe la responsabilité des négligences qu’il constatera dans la vérification ultérieure.

Les exercices d’arithmétique, de système métrique et de géométrie pratique se corrigent facilement à l’aide du tableau noir. Cependant il est important que la partie théorique et la solution des problèmes soient toujours examinées attentivement par le maître à la visite du matin.

Pour le dessin et la cartographie, cette première visite peut être suffisante.

La correction des autres devoirs présente beaucoup plus de difficultés.

Nous lisons dans les directions pédagogiques qui accompagnent nos programmes :

« Les devoirs sont toujours corrigés à l’aide du tableau noir. Le maître passe dans les tables et voit les cahiers, en même temps qu’il dirige la correction faite au tableau. Les rédactions font exception. Il est indispensable que le maître les corrige et les annote en dehors de la classe. Il en rend compte ensuite en classe, et tire des moins bonnes l’occasion d’indiquer les fautes de règles, les erreurs de jugement qui ont été commises. Les meilleures sont lues comme modèles. »

Nous reconnaissons qu’il est absolument nécessaire que le devoir qui a spécialement pour but d’exercer les enfants À la composition française soit corrigé de cette façon ; mais les résumés des leçons d’histoire et de géographie, les comptes rendus des leçons de choses, que certains instituteurs préfèrent à tout autre devoir, les leçons théoriques d’arithmétique et les solutions raisonnées des problèmes sont aussi des rédactions. Or, pour notre part, nous ne croyons pas qu’un maître dont l’esprit est déjà fatigué par plus de neuf heures d’application soutenue (classe du jour et classe du soir) puisse, non seulement préparer tous les jours sa classe du lendemain, corriger et annoter au moins une fois par semaine une composition et un exercice de rédaction, mais encore lire et annoter presque tous les jours de cinquante à soixante devoirs.

Il faut donc rechercher comment cette correction pourra se faire à la classe.

Voici un procédé qui nous paraît très bon ; nous l’avons toujours employé avec avantage :

Le maître lit ou fait lire un certain nombre de devoirs. Après la lecture de chacun d’eux, il fait les observations qu’il juge utiles, propose les meilleurs comme modèles, et signale, à propos des médiocres ou des plus mauvais, les incorrections que l’on aurait dû éviter. Il fait en outre des questions sur l’orthographe des mots qui figurent nécessairement dans des rédactions qui ont le même sujet pour objet.

Sans doute ce procédé, qui demande beaucoup d’activité et d’habileté de la part du maître, ne donnera pas toujours une correction parfaite ; mais il en donnera une suffisamment bonne si la visite du matin a été faite sérieusement, si le maître a su profiter de cette visite pour faire le choix des cahiers qu’il sera le plus avantageux de lire.

Il vaut mieux se contenter d’un résultat relatif en demandant ce qui est possible, que de risquer de ne rien obtenir en exigeant du maître un sacrifice de temps et une fatigue qu’il ne peut pas s’imposer.

(Résumé par M. Lebègue, instituteur à Paris, et communiqué par M. Artoux, inspecteur de l’enseignement primaire.)