Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873/Baba

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Alexandre Dumas
Grand dictionnaire de cuisine
Texte établi par Denis-Joseph Vuillemot, A. Lemerre (p. 200-202).
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BABA. — « Le baba est un gâteau d’origine polonaise, qui doit toujours présenter assez de volume pour être servi comme grosse pièce et entremets, et pour pouvoir figurer pendant plusieurs jours sur les buffets d’en-cas. Réunissez 1,500 gr. de la plus belle farine que vous pourrez trouver, 45 grammes de levûre de bière, 30 grammes de sel fin, 120 grammes de sucre, 180 grammes de raisin de Corinthe, 180 grammes de raisin muscat de Malaga, 30 grammes de cédrat confit, 30 gr. d’angélique confite, 3 grammes et demi de safran ; un verre de crème, un verre de vin de Malaga, vingt-deux œufs et 1 kilogr. du beurre le plus fin. Quand votre farine sera tamisée, prenez-en le quart pour le levain, et, après avoir préparé cette farine en fontaine, vous verserez au milieu un verre d’eau tiède avec la levûre, puis vous détremperez votre levain, en y apportant tous les soins que la fermentation réclame. Ensuite vous faites une fontaine avec le reste de la farine, vous versez au milieu 30 gr. de sel fin ; 120 grammes de sucre en poudre, un verre de crème, vingt à vingt-deux œufs, 1 kilogramme de beurre d’Isigny, manié en hiver ; faites votre détrempe, et, après avoir mêlé le levain qui doit être levé à point, vous battez bien cette pâte que vous élargissez un peu ; faites un creux au milieu, dans lequel vous versez un verre de vin de Malaga et l’infusion de votre safran que vous aurez fait bouillir quelques minutes dans le quart d’un verre d’eau, puis vous jetez sur la pâte 180 gramme de raisin de Corinthe, 180 grammes de muscat dont vous aurez ôté les pépins en séparant chaque grain en deux parties ; ces raisins doivent être préparés d’avance ; puis 30 grammes de cédrat confit, coupé en petits filets ainsi que de la conserve d’angélique ; remuez bien ce mélange, afin que le raisin soit bien mêlé dans toutes les parties de la masse entière ; vous séparez ensuite un huitième de la pâte que vous rendez lisse par-dessus, vous en ôtez les plus gros raisins qui se trouvent à la surface, et vous la posez de ce côté dans un moule beurré.

« En plaçant la détrempe dans le moule, retirez-en les gros grains de raisin, parce que le sucre qu’ils contiennent les attacherait au moule pendant la cuisson.

« Pour la fermentation, vous aurez les mêmes attentions que pour le gâteau de Compiègne (V. Gâteau de Compiègne), et pour la cuisson vous y donnerez une heure et demie ; la vraie couleur du baba doit être rougeâtre, c’est la cuisson mâle, mais elle n’est pas facile à saisir, parce que le safran, par sa teinte jaunâtre, porte à la couleur, et que le sucre et le vin d’Espagne y contribuent pour le moins autant de leur côté ; c’est par ces raisons que cette cuisson réclame beaucoup de soins ; un quart d’heure de trop suffirait pour changer cette belle nuance pourprée en une teinte indécise et rembrunie.

« Il paraît, quant à l’origine de ces gâteaux, que c’est réellement le roi Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV, qui les a fait connaître en France. Chez les augustes descendants de ce bon roi (ce n’est pas moi qui parle, c’est Carême), on fait toujours accompagner ce service des babas par celui d’une saucière où l’on tient mélangés du vin de Malaga sucré avec une sixième partie d’eau distillée de Tanésie. On a su par Mme la comtesse Risleff, née comtesse Potoka et parente des Leczinski, que le véritable baba polonais devait se faire avec de la farine de seigle et du vin de Hongrie.

« On voit quelquefois à Paris de petits babas qui ont été formés dans de petits moules, mais alors ils se dessèchent trop aisément pour que l’on puisse approuver cette méthode économique, qui n’est usitée du reste que par les marchands pâtissiers.

« Avec des tranches de baba bien imbibées de vin de Madère et trempées dans de la pâte à friture, on fait un plat de beignets très-confortable et très-bien accueilli dans un déjeuner de garçons. »

(D’après les traditions de la cour de Lunéville et suivant la méthode de M. Carême, auteur du Cuisinier pittoresque.)

Si vous voulez confectionner un baba dans de plus petites proportions, et qui suive de moins près les traditions de la cour de Lunéville, dont ne pouvaient s’écarter un pâtissier comme Carême et un gastronome comme M. de Courchamps, prenez cette recette au livre de pâtisserie d’Audot ; servez-vous du même levain que pour la brioche et des mêmes proportions pour la pâte, en la tenant un peu plus claire ; le mélange étant fait, on assemble la pâte, on fait un trou où l’on ajoute 15 gr. de sucre en poudre, 30 grammes de vin de Madère, Malaga ou rhum, 45 grammes de raisin muscat égrenés et coupés en deux, autant de raisin de Corinthe, 8 grammes de cédrat confit coupé en petits filets et un peu de safran en poudre ; ce mélange doit avoir la même consistance qu’avait le levain, soit en y ajoutant un œuf ou de la crème ; mettez cette pâte dans un moule beurré deux ou trois fois plus grand que le contenu de la pâte, faites en sorte que le raisin ne touche pas aux parois du moule où il se collerait, laissez reposer en lieu chaud jusqu’à ce qu’il soit bien gonflé, faites cuire une heure et demie à une chaleur très-douce, et le baba est parfait quand il prend une couleur rougeâtre. On sert chaud de préférence.