À relire

Ecclésiaste - Crampon

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Ecclésiaste ou le ’’Qohelet’’
Version Chanoine Crampon - 1923


Note de Wikisource


Ce texte de la Bible dans la traduction d’Augustin Crampon, édition révisée de 1923, comporte quelques déviations et inexactitudes. Il est remplacé par un texte dont la conformité à l’édition papier a été contrôlée, et le lecteur est invité à s’y référer : Bible Crampon 1923.


Chapitre 1[modifier]

  1. Paroles de l’Écclésiaste, fils de David, roi dans Jérusalem.
  2. Vanité des vanités ! dit l’Écclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.
  3. Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ?
  4. Une génération passe, une génération vient, et la terre subsiste toujours.
  5. Le soleil se lève, le soleil se couche, et il se hâte de retourner à sa demeure, d’où il se lève de nouveau.
  6. Allant vers le midi, tournant vers le nord, le vent se retourne encore, et reprend les mêmes circuits.
  7. Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est point remplie ; vers le lieu où ils se dirigent, ils continuent à aller.
  8. Toutes choses sont en travail, au-delà de ce qu’on peut dire ; l’œil n’est pas rassasié de voir, et l’oreille ne se lasse pas d’entendre.
  9. Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera ; et il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
  10. S’il est une chose dont on se dise : « Vois, c’est nouveau ! », cette chose a déjà existé dans les siècles qui nous ont précédés.
  11. On ne se souvient pas de ce qui est ancien, et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.
  12. Moi, l’Écclésiaste, j’ai été roi d’Israël à Jérusalem, et j’ai appliqué mon cœur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux.
  13. C’est une occupation pénible à laquelle Dieu impose aux enfants des hommes de se livrer.
  14. J’ai examiné toutes les œuvres qui se font sous le soleil : et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
  15. Ce qui est courbé ne peut se redresser, et ce qui manque ne peut être compté.
  16. Je me suis dit en moi-même : voici que j’ai accumulé et amassé de la sagesse, plus que tous ceux qui ont été avant moi à Jérusalem, et mon cœur a possédé amplement sagesse et science.
  17. J’ai appliqué mon esprit à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie ; j’ai compris que cela aussi est poursuite du vent.
  18. Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur.

Chapitre 2[modifier]

  1. J’ai dit dans mon cœur : « Viens donc, je t’éprouverai par la joie ; goûte le plaisir ! » Et voici, cela est encore une vanité.
  2. J’ai dit du rire : « Insensé ! », et de la joie : « Que produit-elle ? »
  3. Je m’appliquai dans mon cœur à livrer ma chair au vin, tandis que mon cœur me conduirait avec sagesse, et à m’attacher à la folie, jusqu’à ce que je visse ce qu’il est bon pour les enfants des hommes, de faire sous le ciel durant les jours de leur vie.
  4. J’exécutai de grands ouvrages, je me bâtis des maisons, je me plantai des vignes ;
  5. Je me fis des jardins et des vergers, et j’y plantai des arbres à fruit de toute espèce ;
  6. Je me fis des réservoirs d’eau, pour arroser des bosquets où croissaient les arbres.
  7. J’achetai des serviteurs et des servantes, et j’eus leurs enfants nés dans la maison ; j’eus aussi des troupeaux de bœufs et de brebis, plus que tous ceux qui furent avant moi dans Jérusalem.
  8. Je m’amassai aussi de l’argent et de l’or ; je me procurai des chanteurs et des chanteuses, et les délices des enfants des hommes, des femmes en abondance.
  9. Je devins grand et je l’emportai sur tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem ; et même ma sagesse demeura en moi.
  10. Tout ce que mes yeux désiraient, je ne les en ai pas privés ; je n’ai refusé à mon cœur aucune joie ; car mon cœur prenait plaisir à tout mon travail, et ce fut ma part de tout mon travail.
  11. Puis j’ai considéré toutes mes œuvres que mes mains avaient faites, et le labeur que leur exécution m’avait coûté ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun profit sous le soleil.
  12. Alors j’ai tourné les regards vers la sagesse pour la comparer avec la sottise et la folie. Car quel est l’homme qui pourrait venir après le roi, lui à qui on a conféré cette dignité depuis longtemps ?
  13. Et j’ai vu que la sagesse a autant d’avantage sur la folie, que la lumière sur les ténèbres :
  14. Le sage a ses yeux à la tête, et l’insensé marche dans les ténèbres.
  15. Et j’ai aussi reconnu qu’un même sort les atteindra tous deux, et j’ai dit dans mon cœur : « Le même sort que celui de l’insensé m’atteindra moi aussi ; à quoi bon donc toute ma sagesse ? » et j’ai dit dans mon cœur que cela encore est une vanité.
  16. Car la mémoire du sage n’est pas plus éternelle que celle de l’insensé ; dès les jours qui suivent, tous deux sont également oubliés. Eh quoi ! Le sage meurt aussi bien que l’insensé !
  17. Et j’ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil est mauvais à mes yeux, car tout est vanité et poursuite du vent.
  18. Et j’ai haï tout mon travail, que j’ai fait sous le soleil, et que je laisserai à l’homme qui viendra après moi.
  19. Et qui sait s’il sera sage ou insensé ? Cependant il sera maître de mon travail, dans lequel j’ai mis ma peine et ma sagesse sous le soleil. C’est encore là une vanité.
  20. Et j’en suis venu à livrer mon cœur au découragement, à cause de tout le travail que j’ai fait sous le soleil.
  21. Car, qu’un homme qui a déployé dans son travail sagesse, intelligence et habileté, en laisse le fruit en partage à un homme qui n’y a pas travaillé : c’est encore là une vanité et un grand mal.
  22. En effet, que revient-il à l’homme de tout son travail, et du souci de son cœur, qui le fatiguent sous le soleil ?
  23. Tous ses jours ne sont que douleur, ses occupations que chagrins ; la nuit même son cœur ne se repose pas : c’est encore là une vanité.
  24. Il n’y a rien de meilleur pour l’homme que de manger et de boire, et de faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son travail ; mais j’ai vu que cela aussi vient de la main de Dieu.
  25. Qui en effet peut, sans lui, manger et jouir du bien-être ?
  26. Car à l’homme qui est bon devant lui, il donne la sagesse, la science et la joie ; mais au pécheur, il donne le soin de recueillir et d’amasser, afin de donner à celui qui est bon devant Dieu. C’est encore là une vanité et la poursuite du vent.

Chapitre 3[modifier]

  1. Il y a un temps fixé pour tout, un temps pour toute chose sous le ciel :
  2. Un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté ;
  3. Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ;
  4. Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser ;
  5. Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour en ramasser ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’abstenir d’embrassements.
  6. Un temps pour chercher et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter ;
  7. Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler ;
  8. Un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix ;
  9. Quel est l’avantage, pour celui qui travaille, de la peine qu’il se donne ?
  10. J’ai examiné le labeur auquel Dieu impose aux enfants des hommes de se livrer.
  11. Dieu a fait toute chose belle en son temps, il a mis aussi dans leur cœur l’éternité, mais sans que l’homme puisse comprendre l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin.
  12. Et j’ai reconnu qu’il n’y a rien de meilleur pour eux que de se réjouir et se donner du bien-être pendant leur vie,
  13. Et en même temps que si un homme mange et boit, et jouit du bien-être au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.
  14. J’ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours, qu’il n’y a rien à y ajouter ni rien à en retrancher : Dieu agit ainsi afin qu’on le craigne.
  15. Ce qui se fait existait déjà, et ce qui se fera a déjà été : Dieu ramène ce qui est passé.
  16. J’ai encore vu sous le soleil, qu’au siège même du droit il y a la méchanceté, et au lieu de la justice, il y a l’iniquité.
  17. J’ai dit dans mon cœur : « Dieu jugera le juste et le méchant, car il y a là un temps pour toute chose, et pour toute œuvre. »
  18. J’ai dit dans mon cœur au sujet des enfants des hommes : « Cela arrive ainsi, afin que Dieu les éprouve, et qu’ils voient qu’ils sont quant à eux-mêmes semblables aux bêtes. »
  19. Car le sort des enfants des hommes est le sort de la bête : ils ont un même sort ; comme l’un meurt, l’autre meurt aussi, il n’y a qu’un même souffle pour tous ; l’avantage de l’homme sur la bête est nul, car tout est vanité.
  20. Tout va dans un même lieu ; tout est sorti de la poussière, et tout retourne à la poussière.
  21. Qui connaît le souffle des enfants des hommes, qui monte en haut, et le souffle de la bête qui descend en bas vers la terre ?
  22. Et j’ai vu qu’il n’y a rien de mieux pour l’homme que de se réjouir dans ses œuvres : c’est là sa part. Car qui lui donnera de découvrir ce qui arrivera après lui ?

Chapitre 4[modifier]

  1. Je me suis tourné et j’ai vu toutes les oppressions qui se commettent sous le soleil : et voici que les opprimés sont dans les larmes, et personne ne les console ; Ils sont en bute à la violence de leurs oppresseurs, et personne ne les console !
  2. Et j’ai proclamé les morts qui sont déjà morts plus heureux que les vivants qui sont encore vivants, et plus heureux que les uns et les autres,
  3. celui qui n’est pas encore arrivé à l’existence, qui n’a pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le soleil.
  4. J’ai vu que tout travail et que toute habileté dans un ouvrage n’est que jalousie contre un homme de la part de son prochain : cela encore est vanité et poursuite du vent.
  5. L’insensé se croise les mains, et mange sa propre chair.
  6. Mieux vaut une main pleine de repos, que les deux mains pleines de labeur et de poursuite du vent.
  7. Je me suis tourné et j’ai vu une autre vanité sous le soleil.
  8. Tel homme est seul et n’a pas de second, il n’a ni fils ni frère, et pourtant il n’y a pas de fin à tout son travail, et ses yeux ne sont jamais rassasiés de richesses : « Pour qui donc est-ce que je travaille, et que je prive mon âme de jouissance ? » Cela encore est vanité, et mauvaise occupation.
  9. Mieux vaut vivre à deux que solitaire ; il y a pour les deux un bon salaire dans leur travail ;
  10. Car s’ils tombent, l’un peut relever son compagnon. Mais malheur à celui qui est seul, et qui tombe sans avoir un second pour le relever !
  11. De même, si deux couchent ensemble, ils se réchauffent ; mais un homme seul, comment aurait-il chaud !
  12. Et si quelqu’un maîtrise celui qui est seul, les deux pourront lui résister, et le fil triplé ne rompt pas facilement.
  13. Mieux vaut un jeune homme pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé qui ne sait plus écouter les avis ;
  14. car il sort de prison pour régner, quoiqu’il soit né pauvre dans son royaume.
  15. J’ai vu tous les vivants qui marchent sous le soleil près du jeune homme qui s’élevait à la place du vieux roi.
  16. Il n’y avait pas de fin à toute cette foule, à tous ceux à la tête desquels il était. Et cependant les descendants ne se réjouiront pas à son sujet. Cela encore est vanité et poursuite du vent.
  17. Prends garde à ton pied quand tu vas à la maison de Dieu ; s’approcher pour écouter vaut mieux que d’offrir des victimes à la manière des insensés ; car leur ignorance les conduit à faire mal.

Chapitre 5[modifier]

  1. Ne sois pas pressé d’ouvrir la bouche, et que ton cœur ne se hâte pas d’exprimer une parole devant Dieu ; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre : que tes paroles soient donc peu nombreuses !
  2. Car de la multitude des occupations naissent les songes, et de la multitude des paroles, des propos d’insensé.
  3. Lorsque tu fais un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’accomplir, car il n’y a pas de faveur pour les insensés : ce que tu voues, accomplis-le.
  4. Mieux vaut pour toi ne pas vouer, que vouer et ne pas accomplir.
  5. Ne permets pas à ta bouche de faire pécher ta chair, et ne dis pas en présence de l’envoyé de Dieu que c’est une inadvertance : pourquoi Dieu s’irriterait-il au sujet de tes paroles, et détruirait-il l’œuvre de tes mains ?
  6. Car comme il y a des vanités dans la multitude des occupations, il y en a aussi dans beaucoup de paroles ; c’est pourquoi crains Dieu.
  7. Si tu vois dans une province le pauvre opprimé, le droit et la justice violés, ne t’étonne point de la chose ; car un plus grand veille sur un grand, et de plus grands encore veillent sur eux.
  8. Un avantage pour le pays à tous égards, c’est un roi qui donne ses soins à l’agriculture.
  9. Celui qui aime l’argent n’est pas rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses n’en goûte pas le fruit ; c’est encore là de la vanité.
  10. Quand les biens se multiplient, ceux qui les mangent se multiplient aussi ; et quel avantage en revient-il à leurs possesseurs, sinon qu’ils les voient de leurs yeux ?
  11. Le sommeil du travailleur est doux, qu’il ait peu ou beaucoup à manger ; mais la satiété du riche ne le laisse pas dormir.
  12. Il est un mal grave que j’ai vu sous le soleil : des richesses conservées pour son malheur par celui qui les possède :
  13. Ces richesses se perdent par quelque fâcheux événement, et, s’il a engendré un fils, il ne lui reste rien entre les mains.
  14. Tel qu’il est sorti du sein de sa mère, il s’en retournera nu, comme il était venu ; et il ne recevra rien pour son travail, qu’il puisse emporter dans sa main :
  15. C’est encore là un grave mal, qu’il s’en aille comme il est venu : et quel avantage lui revient-il d’avoir travaillé pour le vent ?
  16. De plus, toute sa vie il mange dans les ténèbres ; il a beaucoup de chagrin, de souffrance et d’irritation.
  17. Voici donc ce que j’ai vu : c’est qu’il est bon et séant pour l’homme de manger et de boire et de jouir du bien-être dans tout son travail, auquel il se livre sous le soleil, durant les jours de vie que Dieu lui donne ; car c’est là sa part.
  18. De plus, pour tout homme à qui Dieu donne richesses et biens, avec pouvoir d’en manger, d’en prendre sa part et de se réjouir de son travail, c’est là un don de Dieu.
  19. Car alors il ne songe guère aux jours de sa vie, parce que Dieu répand la joie dans son cœur.

Chapitre 6[modifier]

  1. Il est un mal que j’ai vu sous le soleil, et ce mal est grand sur l’homme :
  2. Tel homme à qui Dieu a donné richesses, trésors et gloire, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il peut désirer ; mais Dieu ne lui permet pas d’en jouir, car c’est un étranger qui en jouit : voilà une vanité et un mal grave.
  3. Quand un homme aurait engendré cent fils, eût vécu de nombreuses années, et que les jours de ses années se seraient multipliés, si son âme ne s’est pas rassasiée de bonheur, et qu’il n’ait pas même eu de sépulture, je dis qu’un avorton est plus heureux que lui.
  4. Car il est venu en vain, il s’en va dans les ténèbres, et les ténèbres couvriront son nom ;
  5. Il n’a même ni vu ni connu le soleil, mais il a plus de repos que cet homme.
  6. Et quand il vivrait deux fois mille ans, sans jouir du bonheur, tout ne va-t-il pas au même lieu ?
  7. Tout le travail de l’homme est pour sa bouche ; mais ses désirs ne sont jamais satisfaits.
  8. Car quel avantage a le sage sur l’insensé ? quel avantage a le pauvre qui sait se conduire devant les vivants ?
  9. Ce que les yeux voient est préférable à la divagation des désirs. Cela encore est vanité et poursuite du vent.
  10. De toute chose qui arrive, le nom est déjà prononcé ; on sait ce que sera un homme, et il ne peut contester avec qui est plus fort que lui
  11. Car il y a beaucoup de paroles qui ne font qu’accroître la vanité : quel avantage en revient-il à l’homme ?
  12. Car qui sait, en effet, ce qui est bon pour l’homme dans la vie, pendant les jours de sa vie de vanité, qu’il passe comme une ombre ? Et qui peut indiquer à l’homme ce qui sera après lui sous le soleil ?

Chapitre 7[modifier]

  1. Une bonne renommée vaut mieux qu’un bon parfum, et le jour de la mort que le jour de la naissance.
  2. Mieux vaut aller à la maison de deuil qu’aller à la maison de festin. Car dans la première apparaît la fin de tout homme, et le vivant y applique son cœur.
  3. Mieux vaut la tristesse que le rire, car un visage triste fait du bien au cœur.
  4. Le cœur des sages est dans la maison de deuil, et le cœur des insensés dans la maison de joie.
  5. Mieux vaut entendre la réprimande du sage que d’entendre la chanson des insensés.
  6. Car semblable au pétillement des épines sous la chaudière est le rire des insensés : c’est encore là une vanité.
  7. Car l’oppression rend insensé le sage et les présents corrompent le cœur.
  8. Mieux vaut la fin d’une chose que son commencement ; mieux vaut un esprit patient qu’un esprit hautain.
  9. Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter, car l’irritation repose dans le sein des insensés.
  10. Ne dis pas : « D’où vient que les jours anciens étaient meilleurs que ceux-ci ? » Car ce n’est pas par sagesse que tu interroges à ce sujet.
  11. La sagesse est bonne avec un patrimoine, et profitable à ceux qui voient le soleil.
  12. Car telle la protection de l’argent, telle la protection de la sagesse ; mais un avantage du savoir, c’est que la sagesse fait vivre ceux qui la possèdent.
  13. Regarde l’œuvre de Dieu : qui pourra redresser ce qu’il a courbé ?
  14. Au jour du bonheur, sois joyeux, et au jour du malheur, réfléchis : Dieu a fait l’un comme l’autre, afin que l’homme ne découvre point ce qui doit lui arriver.
  15. Tout ceci, je l’ai vu au jour de ma vanité : il y a tel juste qui périt dans sa justice, et il y a tel méchant qui prolonge sa vie dans sa méchanceté.
  16. Ne sois pas juste à l’excès, et ne te montre pas sage outre mesure : pourquoi voudrais-tu te détruire ?
  17. Ne sois pas méchant à l’excès, et ne sois pas insensé : pourquoi voudrais-tu mourir avant ton temps ?
  18. Il est bon que tu retiennes ceci, et que tu ne relâches pas ta main de cela, car celui qui craint Dieu évite tous les excès.
  19. La sagesse donne au sage plus de force que n’en possèdent dix chefs qui sont dans la ville.
  20. Car il n’y a pas sur terre d’homme juste qui fasse le bien sans jamais pécher.
  21. Ne fais pas non plus attention à toutes les paroles qui se disent, de peur que tu n’entendes ton serviteur te maudire ;
  22. Car ton cœur sait que bien des fois aussi tu as maudit les autres.
  23. J’ai reconnu vrai tout cela par la sagesse ; J’ai dit : « Je veux être sage ! » Mais la sagesse est restée loin de moi.
  24. Ce qui arrive est lointain, profond, profond : qui peut l’atteindre ?
  25. Je me suis appliqué et mon cœur a cherché à connaître, à sonder et à poursuivre la sagesse et la raison des choses, et j’ai reconnu que la méchanceté est une démence, et qu’une conduite folle est un délire.
  26. Et j’ai trouvé plus amère que la mort, la femme dont le cœur est un piège et un filet, et dont les mains sont des liens ; Celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur sera enlacé par elle.
  27. Vois, j’ai trouvé ceci, dit l’Écclésiaste, en considérant les choses une à une pour en découvrir la raison, que mon âme a constamment cherchée, sans que je l’aie trouvée : J’ai trouvé un homme entre mille, mais je n’ai pas trouvé une femme dans le même nombre.
  28. Seulement, vois, j’ai trouvé ceci : c’est que Dieu a fait l’homme droit, mais eux cherchent beaucoup de subtilités.

Chapitre 8[modifier]

  1. Qui est comme le sage, et qui connaît comme lui l’explication des choses ? La sagesse d’un homme fait briller son visage, et la rudesse de sa face est transfigurée.
  2. Je te le dis : Observe les ordres du roi, et cela à cause du serment fait à Dieu ; ne te hâte pas de t’éloigner de lui.
  3. Ne persiste pas dans une chose mauvaise ; car tout ce qu’il veut, il peut le faire ;
  4. La parole du roi, en effet, est souveraine, et qui lui dira : « Que fais-tu ? »
  5. Celui qui observe le précepte n’éprouve rien de mal, et le cœur du sage connaîtra le temps et le jugement.
  6. Il y a en effet, pour toute chose, un temps et un jugement, car il est grand le mal qui tombera sur l’homme.
  7. Il ne sait pas ce qui arrivera, et qui lui dira comment cela arrivera ?
  8. L’homme n’est pas maître de son souffle, pour pouvoir retenir son souffle, et il n’a aucune puissance sur le jour de sa mort ; Il n’y a pas de dispense dans ce combat, et le crime ne saurait sauver son homme.
  9. J’ai vu toutes ces choses, en appliquant mon cœur à toute l’œuvre qui se fait sous le soleil, en un temps où un homme domine sur un homme pour le malheur de celui-ci.
  10. Et alors j’ai vu des méchants recevoir la sépulture et entrer dans leur repos, tandis que s’en vont loin du lieu saint et sont oubliés dans la ville des hommes qui ont agi avec droiture ; cela encore est vanité.
  11. Parce que la sentence portée contre les mauvaises actions ne s’exécute pas en toute hâte, à cause de cela le cœur des enfants des hommes s’enhardit en eux à faire le mal ;
  12. Mais quoique le pécheur fasse cent fois le mal, et prolonge ses jours, je sais, moi, que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, qui sont dans la crainte en sa présence.
  13. Mais le bonheur n’est pas pour le méchant ; et pareil à l’ombre, il ne prolongera pas ses jours, parce qu’il ne craint pas Dieu.
  14. Il est une autre vanité qui se produit sur la terre : c’est qu’il y a des justes auxquels il arrive des choses qui conviennent aux œuvres des méchants ; et il y a des méchants auxquels il arrive des choses qui conviennent aux œuvres des justes. Je dis que cela encore est une vanité.
  15. Aussi j’ai loué la joie, parce qu’il n’y a de bonheur pour l’homme sous le soleil qu’à manger et à boire et à se réjouir ; et c’est là ce qui doit l’accompagner dans son travail, pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.
  16. Lorsque j’ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse et à considérer la tâche qui s’accomplit sur la terre, car ni le jour ni la nuit l’homme ne voit de ses yeux le sommeil,
  17. J’ai vu toute l’œuvre de Dieu ; j’ai vu que l’homme ne saurait trouver l’œuvre qui se fait sous le soleil ; l’homme se fatigue à chercher, et ne trouve pas ; même si le sage veut connaître, il ne peut trouver.

Chapitre 9[modifier]

  1. En effet, j’ai pris tout ceci à cœur, et j’ai observé tout ceci : Que les justes et les sages et leurs œuvres sont dans la main de Dieu ; l’homme ne connaît ni l’amour, ni la haine : tout est devant eux.
  2. Tout arrive également à tous : même sort pour le juste et pour le méchant, pour celui qui est bon et pur, et pour celui qui est impur, pour celui qui sacrifie et pour celui qui ne sacrifie pas. Comme il arrive à l’homme bon, il arrive au pécheur ; il en est de celui qui jure comme de celui qui craint de jurer.
  3. C’est un mal, parmi tout ce qui se fait sous le soleil, qu’il y ait pour tous un même sort ; c’est pourquoi le cœur des fils de l’homme est plein de malice, et la folie est dans leur cœur pendant leur vie ; après quoi ils vont chez les morts.
  4. Car pour l’homme qui est parmi les vivants, il y a de l’espérance ; mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort.
  5. Les vivants, en effet, savent qu’ils mourront, mais les morts ne savent rien, et il n’y a plus pour eux de salaire ; car leur mémoire est oubliée.
  6. Déjà leur amour, leur haine, leur envie ont péri, et ils n’auront plus jamais aucune part à ce qui se fait sous le soleil.
  7. Va, mange avec joie ton pain et bois ton vin d’un cœur content, puisque déjà Dieu se montre favorable à tes œuvres.
  8. Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et que l’huile parfumée ne manque pas sur ta tête.
  9. Jouis de la vie avec une femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité que Dieu t’a donnée sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie et dans le travail que tu fais sous le soleil.
  10. Tout ce que ta main peut faire, fais-le avec ta force ; car il n’y a plus ni œuvre, ni intelligence, ni science, ni sagesse, dans le schéol où tu vas.
  11. Je me suis tourné et j’ai vu sous le soleil que la course n’est pas aux agiles, ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni la richesse aux intelligents, ni la faveur aux savants ; car le temps et les accidents les atteignent tous.
  12. Car l’homme ne connaît même pas son heure, pareil aux oiseaux qui sont pris au piège ; comme eux, les enfants des hommes sont enlacés au temps du malheur, quand il fond sur eux tout à coup.
  13. J’ai encore vu sous le soleil ce trait de sagesse, et celle-ci m’a paru grande.
  14. Il y avait une petite ville avec peu d’hommes dans ses murs ; un roi puissant vint contre elle, l’investit, et bâtit contre elle de hautes tours.
  15. Et il s’y trouva un homme pauvre et sage, qui sauva la ville par sa sagesse. Et personne ne s’est souvenu de cet homme pauvre.
  16. Et j’ai dit : « La sagesse vaut mieux que la force, mais la sagesse du pauvre est méprisée, et ses paroles ne sont pas écoutées. »
  17. Les paroles des sages prononcées avec calme sont écoutées, mieux que les cris d’un chef au milieu des insensés.
  18. La sagesse vaut mieux que des instruments de guerre ; mais un seul pécheur peut détruire beaucoup de bien.

Chapitre 10[modifier]

  1. Des mouches mortes infectent et corrompent l’huile du parfumeur. De même, un peu de folie l’emporte sur la sagesse et la gloire.
  2. Le cœur du sage est à sa droite, et le cœur de l’insensé, à sa gauche.
  3. Et aussi, quand l’insensé va dans le chemin, le sens lui manque, et il montre à tous qu’il est fou.
  4. Si l’esprit du prince s’élève contre toi, ne quitte point ta place ; car le calme prévient de grandes fautes.
  5. Il est un mal que j’ai vu sous le soleil, comme une erreur qui provient du souverain :
  6. La folie occupe les postes élevés, et des riches sont assis dans de basses conditions.
  7. J’ai vu des esclaves portés sur des chevaux, et des princes aller à pied comme des esclaves.
  8. Celui qui creuse une fosse peut y tomber, et celui qui renverse une muraille peut être mordu par un serpent.
  9. Celui qui détache des pierres peut être blessé, et celui qui fend du bois peut se faire mal.
  10. Si le fer est émoussé et si l’on n’a pas aiguisé le tranchant, on devra redoubler de force ; mais la sagesse est préférable pour le succès.
  11. Si le serpent mord faute d’enchantement, il n’y a pas d’avantage pour l’enchanteur.
  12. Les paroles de la bouche du sage sont pleines de grâce ; mais les lèvres de l’insensé le dévorent.
  13. Le commencement des paroles de sa bouche est sottise, et la fin de son discours est démence furieuse.
  14. Et l’insensé multiplie les paroles !… L’homme ne sait pas ce qui arrivera, et qui lui dira ce qui sera après lui ?
  15. Le travail de l’insensé le fatigue, lui qui ne sait pas même aller à la ville.
  16. Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin !
  17. Heureux es-tu, pays dont le roi est fils de nobles, et dont les princes mangent au temps convenable, pour soutenir leurs forces, et non pour se livrer à la boisson.
  18. Quand les mains sont paresseuses, la charpente s’affaisse, et quand les mains sont lâches, la maison ruisselle.
  19. On fait des repas pour goûter le plaisir ; le vin rend la vie joyeuse, et l’argent répond à tout !
  20. Même dans ta pensée, ne maudis pas le roi, même dans ta chambre à coucher ne maudis pas le puissant ; car l’oiseau du ciel emporterait ta voix, et l’animal ailé publierait tes paroles.

Chapitre 11[modifier]

  1. Jette ton pain sur la face des eaux, car après beaucoup de jours tu le retrouveras ;
  2. Donnes-en une part à sept, et même à huit : car tu ne sais pas quel malheur peut arriver sur la terre.
  3. Quand les nuées sont remplies de pluie, elles se vident sur la terre ; et si un arbre tombe au midi ou au nord, il reste à la place où il est tombé.
  4. Celui qui observe le vent ne sèmera point, et celui qui interroge les nuages ne moissonnera point.
  5. Comme tu ne sais pas quel est le chemin du vent et comment se forment les os dans le sein de la mère, ainsi tu ne connais pas l’œuvre de Dieu, qui fait toutes choses.
  6. Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main, car tu ne sais pas ce qui réussira, ceci ou cela, ou si l’un et l’autre ne sont pas également bons.
  7. La lumière est douce, et c’est un plaisir pour l’œil de voir le soleil.
  8. Même si l’homme vit de nombreuses années, qu’il se réjouisse pendant toutes ces années. Et qu’il pense aux jours de ténèbres, car ils seront nombreux : Tout ce qui arrive est vanité.
  9. Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse ; que ton cœur te donne de la joie dans les jours de ta jeunesse ! Marche dans les voies de ton cœur, et selon les regards de tes yeux ; mais sache que pour tout cela Dieu te fera venir en jugement.
  10. Bannis de ton cœur le chagrin, et éloigne le mal de ta chair ; la jeunesse et l’adolescence sont vanité.

Chapitre 12[modifier]

  1. Et souviens-toi de ton créateur aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours mauvais et qu’approchent les années dont tu diras : « Je n’y ai point de plaisir. »
  2. Avant que ne s’obscurcissent le soleil et la lumière, et la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie ;
  3. Au jour où tremblent les gardiens de la maison, où se courbent les hommes forts, où celles qui moulent s’arrêtent parce que leur nombre est diminué, où s’obscurcissent celles qui regardent par les fenêtres,
  4. Où les deux battants de la porte se ferment sur la rue, tandis que s’affaiblit le bruit de la meule ; où l’on se lève au chant de l’oiseau, où disparaissent toutes les filles du chant ;
  5. Où l’on redoute les lieux élevés, où l’on a des terreurs dans le chemin, où l’amandier fleurit, où la sauterelle devient pesante, et où la câpre n’a plus d’effet, car l’homme s’en va vers sa maison d’éternité, et les pleureurs parcourent les rues.
  6. Avant que ne se rompe le cordon d’argent, que se brise l’ampoule d’or, que la cruche se casse à la fontaine, que la poulie se brise et roule dans la citerne ;
  7. Et que la poussière retourne à la terre, selon ce qu’elle était ; et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné.
  8. Vanité des vanités, dit l’Écclésiaste, tout est vanité.
  9. Outre que l’Écclésiaste fut un sage, il a encore enseigné la science au peuple ; il a pesé et sondé, et il a disposé un grand nombre de sentences.
  10. L’Écclésiaste s’est étudié à trouver un langage agréable, et à écrire avec exactitude des paroles de vérité.
  11. Les paroles des sages sont comme des aiguillons, et leurs recueils comme des clous plantés ; elles sont données par un seul Pasteur.
  12. Et quand à plus de paroles que celles-ci, mon fils, sois averti. Multiplier les livres n’aurait pas de fin, et beaucoup d’étude est une fatigue pour la chair.
  13. Fin du discours, le tout entendu : Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là le tout de l’homme.
  14. Car Dieu citera en un jugement portant sur tout ce qui est caché, toute œuvre, soit bonne, soit mauvaise.