Effets de théâtre/2

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 5-6).

LE SOUFFLEUR


À Georges Feydeau.


Souffleur cher aux comédiens !
Dans la cahute où tu te tiens,
Tes deux yeux, au niveau des planches,
Ne peuvent voir que des souliers,
Dés bouts de jupons dépliés,
Des traînes noires et des blanches !…


À ta droite, les lourds talons éperonnés
Du ténor ; les chaussons menus devant ton nez
De la belle héroïne ; à gauche, les chevilles
Du chœur des jeunes gens et de celui des filles !…


Aux pieds carrés, pointus, longs, courts et de tout temps
Et de tout âge, aux pieds grossiers, aux pieds tentants,
Adresse-toi, souffleur ! va, souffle et ne les laisse
Jamais cois, souffle, souffle à la moindre faiblesse !

Le chef d’orchestre donne un tas de nerveux coups
D’archet sur ton dos rond, avec des gestes fous !
Pauvre être ! Et le public, de mauvais caractère,
Quand tu souffles trop haut t’ordonne de te taire !


Souffleur, cher aux comédiens !
Dans la cahute où tu te tiens,
Tes deux yeux, au niveau des planches,
Ne peuvent voir que des souliers,
Des bouts de jupons dépliés,
Des traînes noires et des blanches !…