Hamilton - En Corée (traduit par Bazalgette), 1904/Chapitre VII

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Traduction par Léon Bazalgette.
Félix Juven (p. 125-140).


CHAPITRE VII


PORTRAIT DE M. MCLEAVY BROWN. — LA QUESTION DES DOUANES.
L’EMPRUNT PROPOSÉ.


Il est sans doute curieux que l’homme qui a joué un rôle prépondérant en Corée, pendant ces dernières années, soit un Anglais, l’un de ces rejetons de l’Empire, dont la génération présente contemple l’œuvre avec satisfaction. Il y a environ trente ans que M. McLeavy Brown fit sa première apparition en Chine. Parmi les Anglais dont la réputation est associée aux problèmes et à la politique de l’Extrême-Orient, son nom apparaît presque aussi en vue que celui de son collègue, Sir Robert Hart, l’inspecteur général des Douanes impériales maritimes chinoises. Appuyé par les Douanes chinoises pour un service spécial, M. McLeavy Brown a consacré de nombreuses années de sa vie aux difficultés financières qui assiègent la Corée, occupant tout d’abord la double situation de trésorier général et de commissaire en chef des Douanes. Dans les dernières années, l’activité de M. McLeavy Brown s’est restreinte à l’administration du service des Douanes, où, bien que dépossédé de la position unique et prépondérante qu’il occupait comme conseiller financier de l’empereur, il a réussi à réaliser une œuvre inestimable pour le pays.

Un homme peut être jugé d’après le caractère de ceux qui l’entourent, et quand, fatigué des petitesses et des chicanes qui prévalent à Séoul, on se tourne vers le service que M. McLeavy Brown administre, on trouve ses collègues animés par un tranquille enthousiasme, un esprit de généreux dévouement, et de fidélité à ses principes et à sa politique. Malheureusement ceux qui le soutiennent ne sont pas dans la capitale, et il ne peut tirer aucun encouragement de leur sympathie. Leur sphère d’activité se borne aux ports à traité, mais il lui suffit de demeurer à Séoul pour combattre sans trêve, en un farouche et stoïque silence, les stupides extravagances de la cour et la honteuse corruption des fonctionnaires. Tant qu’il persévérera dans l’accomplissement de son devoir, on ne cessera, de tous côtés, de lui mettre des bâtons dans les roues. L’opposition même qu’il rencontre témoigne puissamment, toutefois, en faveur de l’œuvre de valeur exceptionnelle qu’il a déjà accomplie, en face de tous les obstacles au progrès méthodique et à la réforme, que l’astuce et la ruse de l’administration peuvent inventer.

L’hostilité qui règne contre M. McLeavy Brown cause aux étrangers qui arrivent à Séoul pour la première fois un sentiment d’étonnement profond et d’épouvante, mais lorsque ce premier sentiment d’étrangeté s’est effacé et qu’on arrive à embrasser la variété complexe et particulière du peuple qui se trouve réuni dans la capitale du Royaume Ermite, les causes qui ont engendré une telle opinion apparaissent très clairement. En dehors des légations, il y a peu d’étrangers, en comprenant même la très riche variété de missionnaires américains, qui ne sont pas venus à Séoul pour des motifs intéressés, pouvant les amener en conflit direct ou indirect avec le commissaire en chef des Douanes dans ses fonctions officielles. S’il n’est plus le conseiller financier du gouvernement, on recherche son avis à l’occasion ; et quoique son avis ne soit pas nécessairement suivi, il arrive fréquemment que l’influence du commissaire en chef des Douanes devienne le facteur prépondérant dans les négociations passées entre une cour tracassée par les ennuis d’argent et un importun solliciteur de concessions. De plus, le cas peut se présenter, qu’un sentiment de droiture et de considération pour les intérêts du royaume oblige M. McLeavy Brown à pousser au rejet des propositions qui ne sont pas venues par le canal de sa fonction. Une semblable violation des méthodes orthodoxes de présenter une demande, peut se produire n’importe quand, à Séoul. Si, d’une part, cette tentative d’exercice d’un pouvoir de veto ne le rend pas cher à ceux qui recherchent les considérations ministérielles, l’esprit impersonnel selon lequel il s’acquitte des devoirs de sa charge, rachète les interventions exceptionnelles qu’il estime nécessaires. Une grande part du ressentiment des étrangers et des fonctionnaires contre M. McLeavy Brown est, par conséquent, basé sur une méconnaissance irréfléchie des faits élémentaires dans la position très délicate qu’il occupe. On ne suggère rien naturellement contre son honneur. Dans une société habituée à l’apostasie financière, qui semble être l’inévitable prélude de toute concession, le promoteur d’une politique d’économie et de droiture provoque toujours la forte animosité de ceux qui l’entourent.

Un homme plus facile à émouvoir que le commissaire en chef se serait fatigué du rôle ingrat qu’il est forcé de jouer. Des années laborieuses et l’habitude qu’il a contractée, dans l’isolement où il vit, de concentrer toutes ses énergies vers le sujet qui est devant lui, lui permettent de se cuirasser contre les épreuves de sa situation. Il agit envers chacun avec une infaillible franchise et rectitude, mais les instincts de bonté qui éclairent sa vie privée sont submergés par les soucis et les ennuis de sa position officielle. Pendant les heures consacrées aux affaires, il devient un froid et insensible rouage de l’État ; toute son imagination et son talent sont concentrés vers la nécessité de faire échec à ceux qui voudraient amener leur souverain à des actes contraires aux principes de rectitude financière que M. McLeavy Brown voudrait bien voir encouragés.

Ceux qui connaissent bien la Corée peuvent seuls apprécier pleinement la fertilité d’esprit des fonctionnaires coréens, dans l’invention de nouveaux projets destinés à s’approprier, pour leur usage personnel, l’argent public. Si l’état des finances n’avait pas déjà rendu l’économie impérieusement nécessaire, cette tendance justifierait la détermination de refuser aux fonctionnaires les moyens de concussion. M. McLeavy Brown a donc mis d’accord la nécessité de l’économie, qui est la base de l’existence des douanes, avec les principes du système d’après lesquels il administre le service. Pour ce qui est du personnel étranger des Douanes coréennes, il est impossible que les fonctionnaires coréens se formalisent du taux des appointements qui rétribuent les services de ces étrangers. Si cette universelle réduction des dépenses rend un emploi aux Douanes coréennes très peu satisfaisant pour les petits employés étrangers, il y a néanmoins une raison évidente à ce bas paiement, qui est la marge très étroite existant entre le total des revenus et le total des dépenses. En outre, le commissaire en chef est le premier à en souffrir.

UN JOUR DE GRANDE FÊTE À SÉOUL. — LA FOULE DEVANT LE PALAIS IMPÉRIAL

M. McLeavy Brown est apparu longtemps à Séoul comme une énigme. Bien que la diversité de ses talents et sa nature hospitalière fassent de lui un important élément de la vie de la capitale, peu de gens se donnent la peine d’étudier l’homme et ses actions d’une manière intelligente. M. McLeavy Brown a des sautes d’humeur ; et l’isolement dans lequel il se trouve, par l’absence de toute sympathie entre lui et les gens parmi lesquels il vit, rend sa situation presque pathétique. Quand il refusa, en 1896, tout salaire pour la fonction onéreuse et sans espoir de contrôleur financier du trésor impérial, la colonie étrangère de Séoul s’étonna. Ce refus d’obérer encore plus les ressources d’un pays épuisé est toutefois l’indice des principes qui guident son existence. Il n’y a nulle hypocrisie dans ses transactions. Quoiqu’il puisse adoucir un refus par des promesses, il maintient la fermeté de sa décision, et il s’efforce de réaliser avec indépendance et honnêteté tout ce à quoi il s’est engagé. Il est infatigable au travail ; indomptable dans sa persévérance, armé de sang-froid et de résolution. Avocat de profession, il se consacre aux petits détails de son service avec une attention qui révèle son expérience juridique. Il se trompe rarement dans ses jugements sur les gens et sur les choses.

M. MCLEAVY BROWN, COMMISSAIRE EN CHEF DES DOUANES CORÉENNES

Dans sa vie publique, il représente un type d’Anglais qui est en train de rapidement disparaître de nos services d’État. Sa vie privée révèle la culture et le charme d’une personnalité attrayante. On dit, à Séoul, que M. McLeavy Brown est plus habile comme diplomate que comme administrateur ; et ses brillantes facultés de causeur donnent un certain relief à cette assertion. À leur arrivée à Séoul, les nouveaux venus entendront dire que « Brown est une encyclopédie vivante ». Il parle, lit et écrit avec une égale facilité le français, l’allemand, l’italien et le chinois. Il faut se rappeler qu’il est au service du gouvernement coréen, et que ses fonctions exigent qu’il connaisse bien plusieurs langues. Sa bibliothèque atteste l’étendue de sa culture ; elle comprend 7,000 volumes, et couvre les murailles des pièces et des corridors de sa maison à Séoul, du plancher jusqu’au plafond. Des caisses de livres nouveaux lui arrivent par chaque courrier. Quand a-t-il le temps de les lire ? Il est difficile de le conjecturer. Lorsqu’on se promène le soir entre la Légation anglaise et l’Hôtel de la Gare, on voit de la lumière qui brille aux fenêtres de son cabinet de travail. On croit qu’il veille avec ses livres très souvent jusqu’à l’aube. Ce serait là un trait caractéristique de cet homme silencieux et maître de lui, s’il trouvait dans les joies que lui procure sa bibliothèque, l’antidote de beaucoup de choses qui se passent à Séoul.

UNE PORTE DE SÉOUL

Quand ce fut le bon plaisir de Sa Majesté de réclamer la maison privée et les locaux administratifs de son commissaire en chef des Douanes, il y eut beaucoup d’agitation à Séoul au sujet des troubles qu’on s’attendait à voir éclater à l’expiration de l’ultimatum de l’empereur. On fit des préparatifs en vue d’éventualités de ce genre et quatre vaisseaux de guerre anglais, sous le commandement de l’amiral Bruce, apparurent à Chemulpo. Le jour dangereux passa tranquillement toutefois et l’émotion fit place à un grand désappointement parmi la colonie européenne. M. McLeavy Brown demeura en possession des bâtiments qu’il occupait, toute la question d’un changement dans la location des Douanes ayant été réservée par les fonctionnaires de la cour. Malheureusement, les exigences de la cour ne pouvaient être contestées que tant qu’elles se montraient d’une nature péremptoire. Lorsque plus tard le commissaire en chef fut dûment averti et qu’un nouveau domicile fut désigné, M. McLeavy Brown ne pouvait, en qualité de serviteur de la couronne, ignorer l’ordre. Avant cette notification, l’empereur avait insisté très sottement sur l’évacuation immédiate des bâtiments des Douanes, demande à laquelle il était impossible d’acquiescer, et à laquelle M. McLeavy Brown résista, très activement soutenu par M. J.-G. Gubbins, remplissant alors les fonctions de consul général en Corée.

LE TRÔNE DES EMPEREURS DE CORÉE

Après l’assassinat de la reine en 1895, la cour de Corée quitta le vieux palais, situé dans la partie la plus malsaine de la ville, pour le voisinage des Légations anglaise et américaine, où s’éleva un nouveau palais dans un quartier plus sain et plus agréable. Mais le nouveau palais est dominé par la Légation anglaise et par l’habitation de M. McLeavy Brown. L’empereur, pressé par ses eunuques, avait jeté des regards d’envie sur les bâtiments de ces étrangers et décidé assez naturellement que ces propriétés feraient une très agréable addition au palais qu’il est en train de faire construire. Malheureusement il y avait des raisons de craindre qu’en mettant le commissaire en chef à la porte de chez lui, l’empereur, ou plutôt Lady Om, qui avait envie de la maison, et Yi Yong-ik, qui convoitait les Douanes, ne comptassent en même temps le chasser du pays. Il n’est guère possible de douter que l’effort pour expulser M. McLeavy Brown de la maison qu’il occupait, tendît réellement à lui retirer sa charge. Quand s’éleva la question de la maison, on donna exactement un délai de deux jours à M. McLeavy Brown, — du 19 au 21 mars, — pour déménager. Quand il refusa d’obéir à un tel avis, on le menaça d’employer la force, ce qui fut évité par l’intervention du chargé d’affaires anglais. En fin de compte, le terrain de M. McLeavy Brown fut envahi par quelques parasites du palais, qui furent aisément mis dehors sur l’ordre du commissaire en chef des douanes. Alors ces individus, déchirant leurs vêtements, coururent vers le palais en criant qu’ils avaient été battus et honteusement maltraités.

À la suite de cela, on demanda la destitution du commissaire en chef. M. Gubbins prit en mains l’affaire avec grande diligence et consentit, sous certaines conditions, entre autres un délai suffisant pour déménager et la désignation des nouveaux terrains, à ce que l’empereur acquît la Légation anglaise et les bâtiments des Douanes, qui étaient évidemment nécessaires à l’achèvement du nouveau palais. En réalité, la Légation anglaise, qui domine directement le palais inachevé, est beaucoup plus nécessaire à la tranquillité d’esprit de l’empereur que les bâtiments des Douanes, qui se trouvent en contre-bas. Il est donc évident que l’attaque était plutôt dirigée contre M. McLeavy Brown lui-même, par une tourbe de fonctionnaires du palais, que contre sa maison. Néanmoins, il a toujours été visible, depuis que l’empereur est venu s’installer à l’abri des légations, qu’il ne pouvait y avoir de place suffisante pour lui, dans le quartier étranger, sans empiéter sur le terrain de celles-ci. Les légations occupent une situation merveilleuse sur la seule réelle élévation qui existe dans la partie centrale de Séoul et l’empereur, maintenant qu’il est venu là, doit ou bien se contenter d’une situation où règne la malaria, au pied, pour ainsi dire, des étrangers, ou bien absorber les légations et renvoyer ailleurs leurs occupants. Il a déjà déplacé le ministre allemand. Tôt ou tard, le ministre anglais et peut-être le ministre américain s’en iront également ; et le palais couvrira alors toute l’étendue de la colline, sauf l’emplacement de la Légation russe, dont le drapeau flottera encore un peu au-dessus de l’étendard impérial de Corée.

À peine un arrangement était-il intervenu sur la question pendante entre la cour et le commissaire en chef des Douanes, qu’on annonça qu’un emprunt de 5 millions de yens avait été décidé entre le gouvernement et le Syndicat de Yunnan, sur la garantie du revenu des douanes. Ceci compromettait l’autorité du commissaire en chef, qui, en vertu de ses fonctions, exerce un contrôle absolu sur les revenus. Il faut savoir que l’emprunt n’avait absolument rien à faire avec la question de la maison de M. McLeavy Brown. Les premières propositions avaient été discutées un an avant ces derniers troubles.

UN COIN DES JARDINS DU PALAIS IMPÉRIAL, À SÉOUL.

Le Syndicat de Yunnan, compagnie française dont les statuts sont déposés à Londres, est presque entièrement soutenu par des capitaux français. Il est généralement admis que le principal but de l’emprunt était d’acquérir une arme au moyen de laquelle on pourrait extorquer des concessions, illimitées. La manœuvre ne fut pas absolument heureuse. Le Syndicat de Yunnan, aux termes de l’accord, s’engageait à prêter au gouvernement coréen cinq millions de yens en lingots d’or et d’argent à 5 ½ %, l’emprunt étant soumis à une commission de 10 %, et devant être remboursé par versements partiels dans un délai de vingt-cinq ans. Dans le cas où le gouvernement coréen serait dans l’impossibilité de rembourser l’emprunt au moyen de ses ressources ordinaires, le revenu des douanes était engagé, comme garantie. L’accord fut signé par Pak, ministre des Affaires étrangères et Yi Yong-ik, ministre des Finances d’une part, par M. Cazalis, agent de la compagnie et M. Colin de Plancy, ministre de France à Séoul, d’autre part. De nombreux points n’étaient pas réglés dans le document. Il était particulièrement vague en ce sens qu’aucune date n’était fixée pour la remise des lingots d’or et d’argent à Chemulpo. On prétendit donc, évidemment avec raison, que le syndicat pouvait tirer parti de cet oubli en refusant tout bonnement de remettre l’argent tant que certaines concessions ne lui auraient pas été accordées.

M. Cazalis, l’agent du syndicat, en commandite de Yunnan, fut indigné de rencontrer un obstacle en M. Gubbins et en M. McLeavy Brown, qui, suivant lui, se laissaient mener par les Japonais en soupçonnant des intrigues russes. Il n’y a pas de raison de croire toutefois que le chargé d’affaires anglais ait basé son opposition sur un semblable terrain. Le plan du Syndicat de Yunnan était assez inique pour qu’on s’y opposât à première vue. Voici les faits tels qu’ils furent établis par le représentant de la compagnie. Le Syndicat de Yunnan, sans consulter le commissaire en chef des Douanes, ni le ministre anglais, ni le ministre japonais, persuada secrètement au gouvernement coréen d’emprunter cinq millions de yens en lingots d’or et d’argent à 5 ½ %, en fournissant comme garantie le revenu des douanes, M. Cazalis prétendit qu’il était nécessaire de conclure l’affaire dans le secret, parce qu’il aurait été impossible d’obtenir les signatures pour le document, si la chose avait été conduite publiquement, au su et au vu du commissaire en chef des Douanes. En d’autres termes, il admit que le projet était de nature à ne jamais recevoir l’approbation de M. McLeavy Brown, qui était absolument impartial et désintéressé dans la question.

En même temps, on peut également noter que l’emprunt tendait à créer une position pour les intérêts français en Corée. En raison des efforts de la Russie pour acquérir un port ouvert et à l’abri des glaces pour ses grands projets, et de l’entente expresse existant entre les gouvernements français et russe à l’égard de la politique russe en Asie, l’Angleterre ne pouvait pas ne pas se soucier d’un développement possible de ce côté. Il se peut qu’alors l’action française en Corée n’ait entraîné aucune menace de nos propres intérêts. Néanmoins, toute combinaison de circonstances qui donnerait à l’influence française et russe une place prédominante dans l’administration du pays, ne pouvait guère manquer d’engendrer des incidents, contre lesquels il est de notre devoir manifeste de nous mettre en garde. Et, en outre, il est sans doute curieux que l’homme qui fut la cheville ouvrière de l’intrigue tendant à déposséder M. McLeavy Brown de sa maison, ait été le même qui régla l’emprunt consenti par le Syndicat de Yunnan avec M. Cazalis.

En admettant la sagesse et la nécessité d’un emprunt de cinq millions, il y a bien des objets en Corée auxquels cette somme pouvait être consacrée d’une manière extrêmement profitable. Avec le revenu des douanes comme garantie, il n’aurait pas été difficile de s’assurer des conditions plus avantageuses que celles stipulées dans le contrat. Ces conditions étaient déraisonnables. Des propositions subsidiaires, à la conclusion desquelles on ne parvint pas alors, furent, quant à la cession à bail des mines de charbon de Pyong-yang, au contrôle de quarante-quatre autres mines, à l’achat d’un outillage de mine français, et entraînant d’autres stipulations, en elles-mêmes, inadmissibles pour la cour, qui donnait aux intérêts français en Corée une prépondérance injustifiée. Les usages auxquels on prétendit que l’emprunt serait affecté correspondaient précisément aux plus réelles nécessités. L’emprunt aurait obtenu l’approbation de tous s’il y avait eu la plus petite raison d’espérer que la cour serait fidèle à ses engagements. Malheureusement il n’y a pas d’espoir qu’une très appréciable portion de l’emprunt soit consacrée aux objets sur lesquels on a insisté, objets qui sont des facteurs puissants et vitaux dans le développement économique du royaume. L’emprunt fut remis en lingots à raison d’un tiers en argent et de deux tiers en or, apparemment pour qu’on pût fonder une Banque nationale et remplacer l’actuelle monnaie de nickel par des pièces d’or et d’argent. Ceci est grandement louable. Si les faibles proportions de l’emprunt rendaient une telle chose faisable, la conversion de l’argent du pays serait d’un bénéfice incalculable pour le crédit financier du gouvernement et de la nation en général. Mais il faut rappeler qu’une des raisons qui fit contracter le dernier emprunt japonais était de créer une monnaie de nickel, qu’on pût échanger au pair contre les pièces d’argent japonaises et mexicaines. Malheureusement cette même monnaie est en baisse de 120 % pour cent cents japonais d’or. L’examen a prouvé que la valeur intrinsèque d’un dollar en nickel de pièces de cinq cents coréennes — en ce moment la seule unité qui existe — n’est que d’un dix-huitième de sa valeur apparente vis-à-vis des types de monnaie d’or japonaise en circulation. La différence était « pressurée ». Il est également impossible de pourvoir aux dépenses légitimes et honorables de ce nouvel emprunt. Il y a eu tout récemment une émission considérable de pièces de cuivre d’un cent. Ces pièces ont un meilleur taux que la monnaie de nickel, vis-à-vis du yen ; le fait est que la valeur intrinsèque de la monnaie de cuivre est tellement plus élevée que celle de la monnaie de nickel qu’il y a un taux d’échange entre eux. Actuellement la pièce de nickel, comparée à celle de cuivre, est en baisse de 12 %.