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Encyclopédie méthodique/Amusements/Mathématiques et physiques

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Encyclopédie méthodique - Amusements
1825


Collectif
Panckoucke (p. iii-4).

DICTIONNAIRE

ENCYCLOPÉDIQUE


DES AMUSEMENS DES SCIENCES,


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES.

DICTIONNAIRE

ENCYCLOPÉDIQUE


DES AMUSEMENS DES SCIENCES,


MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES.


Des procédés curieux des Arts ; des Tours récréatifs & subtils, de la Magie Blanche, & des découvertes ingénieuses & variées de l’industrie ; avec l’explication de quatre-vingt-six planches, & d’un nombre infini de figures qui y sont relatives.


Un volume in-4o. de 900 pages.
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Felix qui potuit rerum cognoscere causas.
Virgil.
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À PARIS,
Chez PANCKOUCKE, Imprimeur-Libraire, hôtel de Thou, rue des
Poitevins.
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M. DCC. XCII.
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AVERTISSEMENT.


Les Sciences & les Arts offrent une multitude de problèmes & de procédés dont la recherche est d'autant plus attrayante, qu'ils semblent se cacher sous le voile du mystère, & qu'ils supposent de l'adresse, de la sagacité, de la pénétration pour les découvrir.

Nous avons rapproché, dans ce Dictionnaire, tout ce que MM. Macquer, Nollet, Ozanam & son continuateur, les Editeurs du Dictionnaire de l'Industrie, ceux de la Bibliothèque physico-Economique, Guyot, Decremps, Pinetti & une infinité d'autres auteurs anciens & modernes ont publié à cet égard de plus intéressant & de plus curieux.

L'utile est presque toujours uni à l'agréable dans cette collection où le lecteur peut s'instruire en s'amusant. Ce sont, il est vrai, des jeux ; mais ces jeux deviennent la plupart des résultats ou des solutions de ce que les Sciences & les Arts renferment de plus abstrait & de plus subtil. Enfin, ces amusemens sont les fruits non d'un seul homme, non d'un seul âge, mais d'un très-grand nombre de savans & d'artistes, & de plusieurs siécles de recherches, d'expériences & d'observations.

Ce recueil doit donc être, par rapport aux Sciences & aux Arts, ce que l'Encyclopédiana est par rapport à l'Histoire & à la Littérature. Ces deux Dictionnaires, en suppléant à ce que l'Encyclopédie a été forcée d'omettre ou de négliger, en complettent ainsi toutes ses parties, & ferment, en quelque sorte, le cercle de toutes les connoissances acquises.

Nous ne nous sommes pas contentés, en traitant chacun des articles de ce Dictionnaire, de faire des détails arides ou des récits ennuyeux ; il nous a paru plus convenable de leur donner des formes agréables, & les ornemens dont ils sont susceptibles, accompagnés des motifs de leur utilité ou de leur agrément, d’un précis exact des procédés, & des précautions de prudence ou d’adresse, enfin des causes physiques, de leurs effets autant qu’il a été possible de les assigner sur des principes connus, sur des démonstrations évidentes, & sur des explications de figures sensibles.

Au reste, cet ouvrage fournira une multitude d’expériences à faire ou à vérifier, & donnera lieu non-seulement à l’amusement de l’esprit, mais encore à la recherche de vérités nouvelles & d’inventions agréables ; nous pouvons aussi dire, d’après le célebre Historien de l’Académie des Sciences, « qu’une expérience physique dans la vue de se procurer de l’agrément, a souvent mené à des usages de la plus grande utilité. »

On trouvera à la fin du Tome VIII des gravures de l’Encyclopédie méthodique, quatre-vingt-six planches, comblées d’une quantité immense de figures, tant pour l’intelligence des procédés des Arts, & des tours de subtilité, que pour la démonstration des Problêmes curieux des sciences Physiques & Mathématiques,

A.

ABEILLES. On sait que l’Abeille femelle est la reine & fait le destin, en quelque sorte, de chaque ruche. Le caractère de cette mere abeille, est d’avoir les ailes très-courtes. Elle a le vol difficile : aussi ne lui arrive-t-il guères de voler que lorsqu'elle sort d’une ruche pour aller établir sa colonie. Toutes les abeilles la suivent en sujets fidèles, au lieu qu’elle a choisi. Lors donc qu'on peut saisir la reine abeille, on est sûr de diriger l’essaim à son gré. Il s’agit de retenir cette abeille avec un crin ou une soie qu’on lui passe délicatement autour du corselet, & les mouches attentives à ses actions, vont & viennent, l'environnent, s'arrêtent, & semblent obéir aux volontés de celui qui commande à la mere-abeille, en ne suivant en effet que les mouvemens de leur reine.

C’étoit le sortilège ou plutôt le secret de M. Wildman, de Plimouth, habile physicien, qui avoit étudié l’instinct des abeilles, & qui profitoit de leur attachement pour leur reine, dont il se rendoit maître quand il vouloit faìre passer un essaim d'une ruche garnie, dans une autre qui ne l'étoit pas. Bien sûr de ses procédés, ce naturaliste Anglais se présenta un jour à la société des arts, à Londres, avec trois essaims d’abeilles qu’il avoit apportées avec lui, partie sur son visage & sur ses épaules ; & partie dans ses poches. Il plaça les ruches de ces essaims dans une salle voisine de l'assemblée, il donna un coup de sifflet, aussitôt les mouches le quittèrent toutes et allèrent dans leurs ruches ; à un autre coup de sifflet, elles revinrent reprendre leur poste sur la personne & dans les poches de leur maître. Cet exercice fut réitéré plusieurs fois, au grand étonnement de cette société savante, sans qu’aucun des spectateurs ait reçu la moindre piquûre.

Ces prodiges, dont nous avons dévoilé plus haut la cause secrète, ont été répétés, il y a quelques années, avec un égal succès dans une séance de l'académie des sciences, à Paris, par le même M. Wildman, qui expliqua aux académiciens français la théorie, & la pratique qui lui réussissoient si merveilleusement.

ACADÉMIE DE JEU. Je rencontrai un jour, dit M. Decremps, dans un café de Londres, un bas-Breton, nommé Kussef, que j’avois connu autrefois au collège. Après les premiers complimens d’usage, je iui demandai a quoi il s’amusoit dans ce pays-là ; il me répondit qu’il passoit presque tout son tems à l’académie. Je vous fé-


licite de très-grand cœur, lui dis-je. alors , je voudrois bien avoir le même bonheur que vous. Il n’y a pas grand bonheur à cela, me répondit- il ; cependant si vous désirez d’être un de nos confrères, je pourrai vous introduire, & sur ma présentation vous serez reçu à bras ouverts. Je lui dis que je n’avais aucun titre pour être reçu dans une pareille assemblée;. il repondit, en souriant de ma méprise, que l'assemblée où il vouloit m’introduire, n’etoit point une compagnie de savans, ni une société littéraire, mais tout simplement une académie de jeu composée d’aigrefins de toute espèce, qui étoient alternativement dupes & fripons. Ne croyez pas, ajouta-t-il, que je continue de m'occuper des belles-lettres, comme quand j’étois au collège.

Depuis que j’ai livré ma bibliothèque aux flammes, j’ai couru le monde pour gagner ma vie en jouant toutes sortes de rôles ; j’ai été marchand de bière en Flandres, comédien dans le Brabant, copiste, latiniste & orthographiste à Edimbourg, maître en fait d’armes & contre-pointeur à Dublin. Aujourd’hui, après avoir changé de métier pour la dixième fois, je fais sauter la coupe, je file la carte, je tire la bécassine & je plume le pigeon. Enfin, ajouta-t-il, si vous voulez que je vous initie dans mes secrets pour me servir de compère à l’académie, & faire le petit service, vous pourrez bientôt dire comme moi :

Ma poche est un trésor,
Sous mes heureuses mains le cuivre devient or.

Le Joueur.

Je fus choqué, autant que surpris, de la liberté qu’il prît de me faire une pareille invitation, & de la hardiesse avec laquelle il se vantoit de son savoir funeste : mais tel est l’aveuglement du vice au front d’airain que souvent il fait parade de ce qui devroit le faire rougir. Je lui répondis que j’avois approfondi depuis long-tems toute la théorie de son art, non pour la mettre en pratique & dans l’espérance de pouvoir faire des dupes, mais par curiosité & dans l’intention de dénoncer un jour au public les divers pièges qu’on tend aux honnêtes gens.

Puisque vous êtes si savant, me dit-il, vous pourrez peut-être m’expliquer comment, depuis quinze jours, j’ai constamment perdu mon argent, nonobstant les ruses dont j’ai fait usage, ce qui m’obligera dès-à-présent, de paroître moins fréquemment à l'académie, & d’aller me promener, comme dit le spectateur, non pour gagner l’appétit, mais pour distraire la faim.

Il n'est pas étonnant, lui dis-je, que vous ayez échoué à votre tour ; les grecs au Jeu sont comme les spadassins, tôt ou tard ils trouvent leurs maîtres ; il y a cependant cette différence que les bréteurs de profession reconoissent un certain point d'honneur qui les empêche de se battre deux ou trois contre un, tandis que les chevaliers d'industrie sont quelquefois une douzaine pour égorger une victime & pour partager les dépouilles de celui qui tombe leurs filets. L'un lie amitié avec les garçons de l'académie & les soudoye pour substituer des cartes marquées aux cartes ordinaires ; l'autre n'a d'autre occupation que d'inventer de nouveaux pièges & d'amener des dupes en les leurant de belles promesses ; un troisième fabrique toutes sorres de cartes qu'on peut reconnoître à l’œil & au tact ; il en fait de rétrécies ou de raccourcies en les rognant d'un côté, de rudes en les frottant de colophane, de rembrunies avec de la mine de plomb & de glissantes avec du savon & de la térébenthine : un quatrième s'exerce continuellement à faire sauter la coupe, à faire de faux mélanges & à filer la carte, c'est-à-dire à donner adroitement la seconde ou la troisième au lieu de la première, quand il s'apperçoit par une marque extérieure de celle-ci, qu'elle seroit assez bonne pour faire beau jeu à celui dont on a conjuré la ruine.

Celui-ci se place constamment vis-à-vis son confrère derrière le joueur dupé, pour faire le petit service. Expert dans l'art des signaux, il change à chaque instant les différentes positions de ses doigts pour faire connoître à son complice les cartes que ce dernier n'a pu distinguer au tact & à la vue. Celui-là, tirant la becassine, s'associe avec un nouveau débarqué, fait avec lui bourse commune ; joue contre un troisième, avec lequel il est d'intelligence, perd tout son argent en affectant de paroître au désespoir & se réjouit secrétement de la bonne part qui doit lui revenir. Enfin il y en a un qui fait l'office de contrôleur, en tenant registre de tout l'argent que les receveurs mettent dans leur poche, pour les empêcher d'en escamoter une partie à leur profit, & les obliger par-là, de rendre un fidèle compte à la compagnie.

Kussel s'apperçut bientôt que j'étois trop instruit pour avoir soin de ses leçons, & en même temps trop honnête homme pour jamais les mettre en pratique ; cependant, sur la prière qu'il me fit d’entrer pour un instant à l’académie pour tâcher de découvrir les artifices qu'on avait employés contre lui depuis quinze jours, la proximné du lieu où se tenait l’assemblée, & le désir de m'instruire & de connoître les extrêmes dans


tous les genres, me firent souscrire à son invitation.

Nous trouvâmes réunis dans cet endroit des gentilshommes, des palfreniers, des musiciens, des escamoteurs, des tailleurs, des apothicaires : les académies de jeu, dis-je alors en moi-même, sont donc comme des tombeaux, tous les rangs y sont confondus ; en même-temps, mon introducteur me disoit tout bas le nom & l'état des personnes qui composoient l'assemblée. Voilà dans un coin, me dit-il, une partie de brelan où sont les quatre personnes qui m'ont gagné tout mon argent : vous y voyez, ajouta-t-il, deux grands seigneurs qui voyagent incognito. Quelle fut ma surprise, lorsque le m'apperçus qu'un de ces prétendus grands seigneurs n'étoit autre chose qu'un faiseur de tours ; c'étoit le fameux Pilferer, que j'avais connu au Cap de bonne-Espérance, & qui étaloit fastueusement son or, sa broderie & ses bijoux. Voilà sans doute, dis-je à Kuffel, celui qui vous a gagné tout votre argent. Il me répondit que ce seigneur, loin de gagner quelque chose, perdoit chaque jour très-galamment une quarantame de louis : étant bien persuadé qu'un escamoteur ne va pas dans une académie de jeu pour s'y laisser attraper, je pensai qu'il devoit y avoir là-dessous quelque ruse nouvelle dont je n'avois peut-être jamais eu l'idée. Je résolus en conséquence d'observer Pilferer, & de m'approcher de lui, en tenant négligemment ma main & mon mouchoir sur mon visage pour qu'il ne me reconnût point ; je remarquai d'abord que lorsqu'il donnoit les cartes, une personne de la compagnie avoit un petit brelan ; mais qu'il y avoit quelquefois un brelan plus fort dans les mains d'un autre joueur, dont la physionomie ne me parut pas inconnue. Je me rappellai bientôt que j’avais vu ce dernier en Afrique, servir à Pilferer de domestique, d'ami & de compère. Je soupçonnai, dès ce moment, que Pilferer faisoit adroitement gagner son compère, & qu'il affectoit de perdre lui-même quelque bagatelle, pour qu'on ne le soupçonnât point de mauvaise foi ; que le compère pour éviter les mêmes soupçons sur son compte, ne mêloit jamais les cartes & les faisoit toujours mêler par autrui ; & qu'enfin Pilferer, & son compère faisoient semblant de ne pas se connoître, pour qu'on, les accusât point d'être d'intelligence. Il me restoit à découvrir le moyen qu'employoit Pilferer pour donner bon ou mauvais jeu a différentes personnes selon ses désirs. Cette découverte ne me parut pas bien facile, quand je vis que Pilferer ne substituait point un second jeu de cartes, & qu'avant de mêler lui-même il avait touiours soin de faire mêler par d’autres ; cependant je m'apperçus enfin qu'avant de faire mêler par les autres joueurs, il retenoit cinq à six cartes dans sa main droite, & qu’en reprenant le jeu pour le mêler à son tour, il les plaçoit adroitement par-dessus, & leur donnoit ensuite, en un clin-d'œil, l'arrangement nécessaire pour faire gagner son compère.

Nota. Le lecteur croira peut-être qu'un pareil arrangement est impossible, à cause qu'au brelan on donne les cartes une à une ; mais ce tour d'adresse, comme beaucoup d'autres, n'est malheureusement que trop facile à ceux qui en ont acquis l'habitude. Je n'en donne point ici les moyens, parce que je prétends bien avertir mes lecteurs qu'il existe un art funeste, dont ils pourroient être les dupes ; mais je ne veux enseigner à personne le moyen de réduire cet art en pratique : toutefois on peut être assuré que je ne combats point ici une chimère, & que j'ai souvent fait voir à mes amis tous les faux mélanges qu'on peut faire adroitement & imperceptiblement en jouant au piquet, au brelan & à la triomphe : je ne dévoile au reste mes moyens à qui que ce soit, & je me contente d'en faire voir ses résultats pour prouver combien il est imprudent de risquer son argent au jeu avec des personnes dont la probité n'est pas parfaitement reconnue.

On me dira peut-être que Pilferer ne pouvoit guères tenir cinq à six cartes dans sa main sans être apperçu. Il est vrai qu'on auroit pu absolument l'appercevoir, si on avoit su comme moi que Pilferer étoit un faiseur de tours, & qu'il étoit là avec son compère ; si la crainte & la timidité avoit paru sur son front, ou s'il eût joué ses tours avec la mal-adresse d'un homme nouvellement initié : mais l'aisance & la facilité qu'on yoyoit dans ses manières, l'indifférence avec laquelle il perdoit son argent, la naïveté de ses discours & sur-tout la richesse de son costume, tout concouroit à bannir les soupçons, tandis que son air de bravoure annonçoit qu'il faudroit se couper la gorge avec lui, si on osoit lui faire le mointire reproche.

Aussi-tôt qu'il tenoit les cinq cartes de réserve, il appuyoit négligemment sa main sur le bord de la table ; & comme cette attitude auroit pû paroître gênée si elle avoit duré long-temps, il la quittoit bientôt pour gesticuler de différentes manières, observant cependant dans tous ses gestes, de tourner le dessous de sa main vers la terre pour ne pas laisser voir les cartes retenues : tantôt il appuyoit familièrement la main droite sur le bras gauche de son voisin, en l'invitant honnêtement à mêler les cartes lui-même ; tantôt il portoit sa main à son côté en tenant le bras droit en anse de panier, tandis qu'il portoit la main gauche sur son front, en demandant si c'étoit à lui à donner ; la compagnie trompée par la naïveté de cette question, répondoit qu’oui, croyant qu’il n’en savoit rien ; &

c’étoit une raison de plus pour ne pas soupçonner les préparatifs qu'il venoit de faire pour arranger le jeu selon ses desirs.

Aussi-tôt qu'il avoit donné aux cartes l'arrangement projeté, il ajoutoit une circonstance qui achevoit l'illusion ; il faisoit un faux mêlange en coupant les cartes en plusieurs petits paquets, & ensuite il les remettolt toutes à leur même place, ou les arrangeoit selon ses desirs, quoiqu'il parût les embrouiller de vingt manières. Mon cher lecteur, si vous voulez vous faire une idée de l'agilité de Pilferer dans cette circonstance, entrez dans une Imprimerie : voyez ce compositeur habile faire dans sa casse la distribution des caractères ; sa main qui voltige avec la rapidité d'un éclair, semble jeter les lettres au hasard, mais il n'en est rien ; les carattères tombent tous à leur place, d'où on les enlève en un clin-d'œil pour leur donner un ordre connu. Tel est Pilferer, lorsqu'il fait sur une table une multitude de petits paquets, pour tromper les yeux par un mêlange apparent ; ses doigts se croifent de vingt manières, comme ceux d'un habile organiste. La promptitude & l'irrégularité de ses mouvemens, semblent destinées, au premier abord, à produire le désordre & la confusion dans toutes les cartes ; mais c'est tout le contraire ; car par ce stratagéme, les cartes conservent leur arrangement primitif, ou prennent une combinaison projetée pour enrichir Pilferer, en faisant la ruine & le désespoir de ceux qui ont l'imprudence de jouer avec lui. Comme j'étais sur le point de sortir, Kuffel me pria de lui faire part de mes observations ; mais je lui répondis que je ne voulois pas m'attirer une mauvaise affaire, en faisant croire que j’étois venu dans cet endroit en qualité d'espion ou de délateur, & en déposant des faits sur lesquels il se présenteroit peut-être un grand nombre de contradicteurs ; j'ajoutai qu'il suffiroit d'avertir un jour le public des tricheries qu'on invente de temps en temps pour en imposer aux gens de bonne foi, & qu'après cet avertissement on pourroit dire aux dupes qui se plaignent des fripons, & aux trompeurs qui trouvent des trompeurs & demi :

Perdisio tua ex te.

En sortant je trouni, dans une espèce d'antichambre, deux Italiens qui se mirent aussi-tôt à parler le patois Provençal, pour que je ne les entendisse point ; l'un se plaignit de ce que le gibier étoit fort rare ; & l'autre répondit, que ce n’étoit pas étonnant, puisqu'il y avoit un si grand nombre de chasseurs. Tu as raison, répliqua le premier, je jouois l'autre jour au piquet avec un homme qui avoit l'air d'un imbécille & d'un maladroit, & ç'étoit peut-être le plus fin renard qu’il qu’il y ait en Europe ; il y avoit environ une heure que j’employois en vain contre lui, toutes les ressources de mon art, lorsque je m’apperçus, par hasard, qu’il employoit de son côté les mêmes ruses contre moi.

Corsaires contre Corsaires
Ne font pas, dit-on, leurs affaires.

(Decremps.)

(Voyez Cartes, Escamotage.)

ACOUSTIQUE & MUSIQUE. Les anciens ne paroissent pas avoir considéré les sons sous un autre point de vue que celui de la musique, c’est-à-dire, comme assectant agréablement l’oreille ; il est même fort douteux qu’ils aient connu quelque chose de plus que la mélodie, & qu’ils aient eu rien de semblable à cet art que nous appellons la composition. Mais les modernes ayant considéré les sons du côté purement physique, & ayant fait dans ce champ négligé par les anciens plusieurs découvertes, il en est né une science toute nouvelle, à laquelle on a donné le nom d’acoustique. L’acoustique est donc la science des sons considérés en général sous des vues mathématiques & physiques ; & elle comprend sous elle la musique, qui considère les rapports des sons entant qu’agréables au sens de l’ouïe, soit par leur succession, ce qui constitue la mélodie ; soit par leur simultanéité, ce qui forme l’harmonie. Nous allons rapporter briévement ce qu’il y a de plus curieux & de plus intéressant sur cette science.

En quoi consiste le son : comment il se répand & se transmet à notre organe : expériences relatives à cet objet : des diverses manières de produire le son.

Le son n’est autre chose que le frémissement des parties de l’air, occasionné ou par la commotion subite d’une masse quelconque d’air tout-à-coup resserrée ou dilatée, ou par la communication de l’ébranlement des parties iusensibles d’un corps, dur & élastique.

Telles sont les deux manières les plus connues de produire du son. L’explosion d’un coup de pistolet ou d’arme à feu, produit du bruit ou du son, parce que l’air ou le fluide élastique contenu dans la poudre étant tout-à-coup dilaté, & frappant avec violence l’air extérieur & voisin, le condense subitement au-delà de son état naturel de condensation causée par le poids de l’atmosphère. Cette masse, en vertu de son ressort, se restitue l’instant après, & comprime à son tour l’air dont elle est environnée, & celui-ci en fait de même ; & ainsi succeffivement de loin en loin : d’où résulte dans toutes les parties de l’air, jusqu’à une certaine distance, un mouvement d’oscillation dans lequel consiste le son.


Pour s’en former une idée, qu’on conçoive une file de ressorts se soutenant tous en équilibre ; que le premier soit tout-à-coup comprimé violemment par un choc ou autrement ; en faisant effort pour se restituer, il comprimera celui qui suit, celui-ci comprimera le troisième, & ainsi de suite jusqu’au dernier, ou au moins jusqu’à une très-grande distance, car le second sera un peu moins comprimé que le premier, le troisième un peu moins que le second, &c. en sorte qu’à une distance plus ou moins grande, la compression sera presque nulle, & enfin nulle. Mais chacun de ces ressorts, en se rétablissant ; passera un peu le point d’équilibre ; ce qui occasionnera dans toute la file mise en mouvement, une vibration qui durera plus ou moins long-temps, & cessera enfin. De-là vient qu’aucun son n’est instantanée, mais dure toujours plus ou moins suivant les circonstances.

L’autre manière de former du son, consiste à produire dans un corps élastique, des vibrations assez promptes pour exciter dans les parties de l’air qui l’avoisinent, un mouvement semblable. C’est ainsi qu’une corde tendue rend un son quand on la pince : il ne faut qu’avoir des yeux pour appercevoir ses allées & venues. Les parties élastiques de l’air, frappées par cette corde dans ses vibrations, sont mises elles-mêmes en vibration, & communiquent ce mouvement à leurs voisines, &c. Tel est encore le mécanisme par lequel une cloche produit du son : lorsqu’on la frappe, ses vibrations sont sensibles à la main de celui qui la touche.

Si l’on doutoit des faits ci-dessus, voici quelques expériences qui les mettent dans un nouveau jour.

Première expérience.

Remplissez à moitié d’eau un vase, comme un verre à boire, & après l’avoir affermi, passez sur le bord votre doigt un peu mouillé, vous en tirerez un son, & vous verrez en même-tems l’eau frémir, & former des ondulations, jusqu’à faire réjaillir de petites gouttes. Qui peut produire dans l’eau un pareil mouvement, sinon les vibrations des parties du verre ?

Seconde expérience.

Si l’on renferme sous le récipient d’une machine pneumatique une cloche, qui ne touche à aucune partie de la machine, & qu’on en pompe l’air lorsqu’on fera sonner cette cloche, on sentira qu’à mesure que l’air est évacué & devient plus rare, le son s’affaiblit, au point de ne plus rien entendre quand le vuide est aussi parfait qu’il

Collectif
Panckoucke (p. 871-).

voudrez faire, (c’est le mot pour dire atraper) mettez cette bouteille sur la table, avec cette étiquette, vin de Champagne. Priez le gourmet de la déboucher après lui avoir fait rincer un verre ; il n’aura pas plutôt détaché le cuir ou le parchemin, que le bouchon repoussé par l’air comprimé, sautera au plancher avec explosion, & votre homme concluant de-là que le vin est bon, se trouvera bientôt confus, de voir que vous ne lui avez servi autre chose qu’un plat de votre métier.

(Décremps).

VIPERES. On voit quelquefois des personnes qui se font passer pour sorciers, parce qu’elles manient des vipères & des serpents dangereux, sans en être mordues. Cet art enchanteur qui a fait autrefois l’étonnement des Romains, & qui a immortalisé les Marii & les Prilli, n’est rien moins que magique. Il ne s’agit que d’arracher les dents à ces reptiles, c’est-là toute la magie.

La manière de faire cette opération est très-facile : on présente le bord d’un chapeau au serpent qui le serre fortement avec ses dents ; on retient le corps de l’animal avec quelque chose, & on retire subitement le chapeau qui les lui arrache, alors il ne peut plus mordre, faire de blessure, & introduire son venin qui, par ce moyen là n’est plus dangereux.

VISAGES que l’on rend hideux.

Faites fondre du sel, & du safran, dans de l’esprit de vin ; imbibez en un morceau d’étoupe, & mettez-y le feu. À cette lumière les personnes blanches deviennent vertes, & l’incarnat des lèvres & des joues, prend une couleur d’olive foncée. (Pinetti).

VITRES.

Manière d’enduire les vîtres d’un vernis qui, sans ôter la transparence, empêche les rayons du soleil de pénétrer.

Faites bouillir trois livres de cendres de sarment dans une suffisante quantité d’eau commune, en remuant toujours pendant deux heures : laissez rasseoir cette lessive et la filtrez. Il faut qu’il reste environ cinq pintes de lessive filtrée.

Ajoutez une livre de salpêtre raffiné, & faites bouillir le tout jusqu’à siccité, ou jusqu’à ce que toute la lessive soit évaporée.

Laissez ensuite réfroidir, mettez ce résidu dans deux pintes de vinaigre distillé ; après la dissolution, faites distiller encore le vinaigre, & faites la même opération trois fois en cohobant le même vinaigre à chaque fois.

Oignez les vitres de ce vinaigre des deux côtés, les rayons du soleil n’y passeront pas ; mais après les avoir points, il faut les recuire.

VOCABULAIRE ÉNIGMATIQUE. (Voyez à l’article Devin de la ville).

VOIX FAUSSE. Une belle voix est sans contredit, préférable à tous les instruments. Quel regret n’ont pas bien des personnes d’avoir la voix fausse ? mais ce défaut n’est pas le plus ordinairement un vice de l’organe qui dans presque tous les hommes est construit de même : tout le mal vient des oreilles ; c’est dans ces organes une inégalité de force qui fait que chacune des oreilles éprouvant une sensation de son inégale, on entend nécessairement des sons faux, & que la voix est nécessairement fausse, parceque l’on cherche à chanter comme l’on croit entendre chanter les autres. M. Vandermonde médecin, a fait une expérience bien simple, qu’il rapporte dans son Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine, & que l’on peut répéter sur les enfants qui s’annoncent avec une voix fausse, afin d’y apporter remède dans cette âge tendre où les organes sont encore susceptibles de modification.

La voici telle qu’il la décrite. Je choisis un jour serein, je me plaçai dans un lieu spacieux, je fixai un endroit que je ne quittai pas, & que je réservai pour faire mes expériences ; je bouchai ensuite indifféremment une des oreilles de la personne qui servoit à ces nouvelles épreuves ; je la fis reculer & éloigner de moi, jusqu’à ce qu’elle n’entendît plus la sonnerie d’une montre à répétition que je tenois dans mes mains, ou du moins jusqu’à ce que le son du timbre ne produisît qu’une très foible impression sur son organe : je la priai de s’arrêter dans cet endroit : j’allai aussi-tôt à elle, je lui débouchai son oreille & lui rebouchai l’autre, en observant de lui faire fermer la bouche, de peur que le son ne se communiquât à l’oreille par la trompe d’Eustache ; je retournai à ma place marquée, & je recommençai à faire sonner ma montre ; pour lors elle fut toute surprise de s’apercevoir qu’elle entendît passablement ; je lui fis signe de s’éloigner encore jusqu’à ce qu’elle n’entendît presque plus. Il résulte de ces expériences, que dans les personnes qui ont la voix fausse il y a dans les oreilles inégalité de force ; le moyen d’y remédier dans les enfants, est de s’assurer par cette expérience quelle est l’oreille la plus foible : alors on ne peut mieux faire, à ce que je crois, dit M. Vandermonde, que de la boucher autant qu’il est possible, & de profiter de ce temps précieux pour exercer souvent l’oreille la moins forte, sans cependant la fatiguer. Celle qui est ainsi accoutumée à travailler seule se fortifiera, tandis que l’autre sera toujours dans le même degré de force. On essaiera de temps en temps de rendre l’ouie à l’enfant pour le faire chanter, & pour savoir si les deux oreilles sont au même degré de sensibilité : c’est ainsi que l’on peut corriger ce défaut naturel, & rendre à tout le monde la voix juste.

VOLCAN ARTIFICIEL. (Voyez à l’article Chimie).


FIN.