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Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Arrosement

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Définition

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Arrosement, action d'arroser, ou d'humecter la terre.

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ARROSEMENT. Action d'arroser. Son objet est d'humecter la terre, d'en augmenter les sucs, de réparer les pertes occasionnées par la transpiration, de rafraîchir les plantes, & de laver leur superficie, pour désobstruer les organes qui doivent livrer passage à l'air. Mais il faut faire attention que les arrosemens faits à contre-tems, font périr beaucoup de végétaux lors de la germination, quand l'ardeur du soleil les épuise ou que les vents du Nord les dessèchent. En général, les arrosemens du soir sont préférables à eaux du matin ; ils sont pour les végétaux ce que la boisson est pour les animaux.

La terre étant sèche de sa nature, a besoin d'arrosemens, et plus encore quand le soleil réchauffe outre mesure.

Le meilleur arrosement qu'elle reçoit, est celui de la pluie, qui tombe admirablement pour cet effet & d'une façon inimitable, & par une si douce chute, que la terre se sent plutôt soulevée qu'affaissée de sa pesanteur, s'en abreuvant peu à peu, quand les vents & les orages ne forcent point la pluie, & ne la chassent point trop violemment. Ceux-ci affaissant la terre, & la détrempant plus qu'il n'est besoin, émeuvent de sa place celle qui est la plus préparée pour la production, ils détournent & empêchent les dispositions qu'elle y a, & quelquefois les choses bien avancées sont détruites par ces bouleversemens, les plantes arrachées, & la terre même emportée par les ravines qui coulent dans les fonds. La neige aussi n'affaisse point la terre en tombant, quelque épaisse qu'elle soit, & elle lui sert d'un excellent arrosement : venant à se fondre peu à peu, elle l’abreuve & l'engraisse ; & quand par son épaisseur elle la couvre long-tems, elle ôte le moyen aux oiseaux et aux autres animaux de manger les semences & de paître son beau verd, lequel est conservé par cette couverture, même contre le froid excessif. L'eau des rivières & des ruisseaux, venant quelquefois à déborder, couvre les prés & les terres voisines & les arrose ; mais elle le fait diversement : car selon la diversité des eaux & des terres, elle y fait du bien ou du dommage, y laissant ou ôtant d'autre bonne ou mauvaise terre ; & selon la qualité des plantes mêmes, elles en sont tantôt heureusement abreuvées, & tantôt noyées & étouffées.

Mais l’arrosement artificiel se fera à tems & à propos, par l'intelligence du jardinier, en qui connoîtra le besoin, selon la nature des terres & des plantes. Il sera fait commodément, si vous avez les eaux naturelles, ou par artifice, plus hautes que les lieux que vous voudrez arroser, les laissant couler doucement, & en telle quantité qu'il en sera besoin, par les canaux de telles matières que vous les aurez, soit de bois, de plomb, ou de tuile, ou par les terres mêmes, y faisant des rayons & des rigoles, qui donnant l'eau par des sentiers des planches & le long les bordures, feront qu’elle abreuvera la terre par-dessous, rafraîchissant les racines, sans déchaîner les plantes, ainsi qu'il se fait quand l'eau y est versée tout-à-coup par-dessus avec l'arrosoir, lequel ne peut être percé si menu, que l'eau trop abondante n'affaisse la terre en tombant & dissolve l'humeur préparée pour la production, ou ne l'emmene plus profond en terre en lavant la surface. Il vaudroit mieux n'arroser point du tout que d'arroser peu ; car la terre en devient plus altérée, s'étant attendue à ce secours, qu'on lui fait seulement goûter ; il faut aussi arroser jusqu'au lieu où sont les racines, car ce sont elles qui en tirent plus de profit, & de qui la plante le reçoit. Quelques-uns arrosent en plein midi quand l'altération est plus grande, & que la chaleur qui est en la terre attiédit la froideur de l'eau, & ce n'est pas sans raison, pour certaines-plantes ; mais ces prompts changemens d'une extrémité à l’autre, sont contraires à la nature, qui aime d'être tempérée : c'est pourquoi, afin de ne pas faire les choses en un état si contraire, il vaut mieux arroser le soir conformément à la fraîcheur de la nuit, ou durant la nuit même, après avoir fait échauffer l'eau à l'air & au soleil pendant le long du jour ; car par ce moyen l'eau sera tempérée, la terre abreuvée à plaisir, les plantes attireront moins avidement, & cependant avec plus de vigueur durant la fraîcheur de la nuit : le matin aussi y seroit propre, à cause de la même fraîcheur, si ce n'est que l'eau étant devenue plus froide n'est plus si propre pour l'accroissement des plantes, parce que la froidure retarde l'effet de la terre, qui


ne doit pas être moins secourue de chaleur que d'humidité.

Il arrive souvent de l'inconvénient de l’arrosement, qu'on donne aux semences & aux nouveaux plants durant les sécheresses de l’été, par les animaux qui sont en terre, comme les taupes, les mulots, & les autres, qui ne sont pas moins altérés que les plantes ; car sentant l’humidité, ils la viennent chercher de loin, & s'assemblent en nombre à cette fraîcheur, ils mangent les graines en faveur desquelles l’arrosement avait été fait, & fouillant la terre & la soulevant, ils déracinent les plantes qui sont séchées par la chaleur qui pénètre ensuite plus facilement. C'est pourquoi je dis encore, qu'il vaut mieux n'arroser point, qu'arroser peu, & qu'heureux sont les jardins situés plus bas que les eaux, dont ils peuvent être arrosés en abondance à tems & heure. Les autres jardins ne laisseront pourtant pas d'être arrosés fort à propos avec l'arrosoir commun, ou avec la seringue, ou la pompe portative dans un sceau ou cuvier, faisant que le jallissement se fasse par quantité de trous menus percés ; & cette façon d'arroser est propre, entre autres pour laver les branches & les feuilles des arbres chargés de poussière, ou quand ils font mangés des chenilles & des autres insectes, en infusant dans l'eau les remèdes nécessaires pour les exterminer.