Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Caisse de dessication

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Définition

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Caisse de dessiccation ; ouvrage de menuiserie dans lequel on fait sécher des grains.

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Caisse de dessication des grains, &c., par le citoyen Cailleau. (Voyez pl. XLI, fig. 2).

Si le grain qu'on conserve est destiné à être semé, il faut bien prendre garde de lui faire éprouver un degré de chaleur qui puisse nuire à sa végétation, en altérant ou le germe ou la substance qui entoure ce germe & le nourrit en naissant ; mais s'il ne s'agit de conserver le grain que pour en faire un objet de commerce, ou le consommer en pain, bierre, amidon ou autrement ; alors il y a peu de précaution à prendre sur le degré de chaleur nécessaire pour faire périr les insectes.

L'expérience a appris que, pour dessécher dans une étuve tous les insectes, leurs œufs, les larves & les chrysalides, au point de les rendre friables, sans faire perdre au bled la faculté de germer, il faut une chaleur de soixante degrés continuée pendant quarante huit heures, elle fait périr les teignes & leurs œufs : une chaleur de soixante-dix degrés détruit tous les insectes en fort peu de tems, mais elle altère les germes. Enfin à quatre-vingts degrés de chaleur ils périssent sur le champ, & le grain perd sa faculté de germer.

Méthode pour dessécher et conserver les grains.

Ce moyen consiste à faire passer au travers d'une masse de grains un courant d'air très-rapide, très-sec et très-chaud.

La machine ou l’appareil pour produire cet effet est fort simple ; c’est une caisse solidement construite, de cinq à six pieds en quarré sur trois à quatre pieds de hauteur (pouvant contenir six à huit mille-livres de grain). Cette caisse doit avoir, à trois ou quatre pouces, au-dessus de son premier fond, un second fond fait en caillebotis recouvert d’un fort canevas ou autre toile forte & claire ; au lieu de canevas, on peut employer une claie d'osier ou de lattis très-serrée, ou des feuilles de tôle piquées de trous fort près les uns des autres, de manière que le grain ne puisse s'échapper au travers des caillebotis, & que l'air ait un passage libre pour traverser la masse de grain contenue dans la caisse. On met à portée de cette caisse un soufflet ou ventilateur, dont le porte-vent, qui est fait avec des tuyaux de forte tôle ou de fonte, traverse un fourneau & vient aboutir à une large ouverture pratiquée entre les deux fonds de la caisse.

On chauffe le milieu de ce porte-vent, qui est assez long pour que le métal échauffé ne brûle ni la buze du soufflet, ni les fonds de la caisse. L'air aspiré, en sortant du soufflet, passe dans le tuyau de fer rouge du porte-vent, & acquiert une chaleur considérable : cet air chaud poussé avec force entre les deux fonds de la caisse, traverse rapidement la masse de grain qui y est contenue, & lui communique en peu de tems un degré de chaleur suffisant, non-seulement pour faire périr tous les insectes, leurs œufs, les chrysalides, &c., mais encore pour dissiper toute l’humidité des grains, & la réduire en vapeur qui s'échappe abondamment par quelques soupiraux faits au couvercle de la caisse, & que l’on tient fermés (pour conserver & augmenter la chaleur), au moyen de trappes très-légères qui s'ouvrent spontanément par l’effet du soufflet &


des vapeurs qui soulèvent ces trappes ; on pourroit même supprimer entièrement le couvercle de cette caisse.

Lorsque le grain a acquis une chaleur de soixante-douze à soixante-quinze degrés, on cesse le feu, & on continue de faire agir le soufflet jusqu'à ce que le grain soit entièrement refroidi ; on le retire ensuite par une ouverture pratiquée à cet effet au bas de la caisse, pour le renfermer sur le champ dans les greniers de conservation, afin qu’il ne reprenne point l’humidité de l’air, & que les insectes ne puissent y rentrer ; en augmentant les dimensions de la caisse de dessication, ainsi que celles des soufflets & des porte-vents ; on pourrait dessécher en très-peu de tems une masse considérable de grains. Les recherches sur la méthode que l'on indique ici n'avoient eu pour objet que la destruction des insectes qui sont très-communs dans les pays chauds ; mais cette méthode peut encore être très-utile & très-convenable dans les pays froids & humides, & même remplacer avec avantage les étuves à l’italienne, qui sont sujettes à plusieurs inconvéniens, que n'a pas la dessication.

Une plus ample description exigeroit plusieurs planches, & un très-grand détail ; mais les personnes qui ont la connoissance & la pratique du service des étuves, saisiront aisément jusqu'aux moindres détails dé cette machine, & seront en état de comparer cette nouvelle méthode, & de juger si elle est plus simple, plus expéditiye & moins coûteuse que les étuves connues jusqu'à ce jour. On observera, néanmoins, 1°. que les grains doivent être passés au crible & bien nettoyés avant d'être mis dans la caisse de dessication ; 2°. qu'il convient mieux d'augmenter les dimensions de cette caisse sur sa longueur & largeur que sur sa hauteur, parce que l'air des soufflets éprouvera toujours moins d'obstacles à traverser une masse de grains qui aura peu d'épaisseur ; 3°. qu'il seroit très-avantageux de construire les fonds de la caisse entière en fer & en tôle, afin de pouvoir entretenir au-dessous du premier fond un feu modéré qui accéléreroit beaucoup le dessèchement du grain ; 4°. qu'à volume égal, au lieu d'un seul tuyau rond pòur porte-vent, il vaut mieux augmenter ou le nombre des tuyaux ou la largeur d'un seul tuyau, en diminuant son épaisseur, parce que l'air acquerra, par ce moyen, beaucoup plus de chaleur qu'en traversant un seul tuyau rond qui aurait un très-grand diamètre ; 5°. Que les dimensions des soufflets & des porte-vents doivent être proportionnées de manière à déplacer en dix ou douze coups de brimbale toute la masse d'air contenue dans la caisse de dessication ; 6°. que la machine que l’on propose ici peut être appliquée au dessèchement de toute autre substance que les grains, sans aucun danger d'incendie, & qu'au lieu de feu on peut avec la chaleur du soleil, chauffer à cinquante & cinquante-cinq degrés le courant d’air qui traverse la caisse de dessication.

Avec six hommes, il est facile de dessécher parfaitement, soit au soleil, soit dans la caisse de dessication, sept à huit mille livres de grain par jour. En portant à quarante sous la journée de chaque ouvrier occupé à cette manutention, & à six livres l’entretien journalier des cribles, sacs, &c, il n’en coûte que quatre à cinq sous par quintal de grains mis en grenier de conservation ; & dans un mois de beau tems bien employé, on peut très aisément, avec six hommes, mettre en conservation plus de deux cent mille livres de bled de qualité supérieure, qui équivalent à plus de deux cent quarante milliers de bled négligé, ou de qualité inférieures c'est pourquoi, quand on passe les grains au crible, il faut avoir attention de séparer soigneusement le beau & gros froment du petit que l’on met à part, pour être consommé de préférence le premier, n'y ayant pas de profit à conserver du petit bled qui est toujours retrait ou avorté, & qui (comme on l’a déjà observé), à volume égal, ne rend guère plus de la moitié ou des deux tiers du bled de la première qualité ([1]).

Description de la caisse de dessication.

A. Caisse de dessication dans laquelle on met le grain dont l’humidité s'échappe en vapeurs par les soupiraux du couvercle, lesquels doivent être garnis de trapes très-légères, qui font l’office de régulateurs s'ouvrant & se fermant spontanément par l’action des soufflets & des vapeurs.

A. Ouvertures pratiquées dans l’épaisseur du bois de la caisse, pour y placer des thermomètres qui seroient garantis & maintenus entre deux lames de glace ou de verre blanc.

B. Ouverture au bas de la caisse pour vider le grain quand il est parfaitement desséché & refroidi : cette ouverture doit avoir cinq ou six pouces en quarré, & être fermée très-exactement.

B. Fourneau en briques, au travers duquel passe le porte-vent, dont il conviendroit que la partie plongée dans le feu fût de fonte de fer. Ce fourneau doit avoir un cendrier, un foyer & un dôme, afin de donner beaucoup de chaleur en ne consommant que de la braise ou de menus copeaux de bois.


C. Soufflets ou ventilateurs de chaleur de Hales, dont les soupapes d'expiration sont rassemblées dans la buze, ce qui conduit l'air aspiré dans le porte-vent D.

D. Porte-vent ou tuyau de forte tôle qui traverse le fourneau, & vient aboutir à une ouverture pratiquée entre les deux fonds CC de la caisse. Il conviendroit d'envelopper, le porte-vent de linges mouillés ou de gazon, afin que le métal échauffé n'endommage pas la buze du soufflet, ni les fonds de la caisse.

E. Réchaud rempli de braise, placé au-dessous de la caisse de dessication, dont le premier fond doit être construit en entier, ou être au moins garni dans le milieu, de fortes plaques de tôle sous lesquelles est placé directement le réchaud. Le second fond est en caillebotis, recouvert d'un canevas ou d'une grille de fil de fer ou de tôle piquée de manière que le grain ne puisse s'échapper au travers des caillebotis, & que l'air du porte-vent ait un passage libre pour traverser la masse de grains contenue dans la caisse.

Cet appareil, qui est fort simple, est très-propre pour dessécher les grains humides, & pour détruire en même-tems tous les insectes & leurs œufs, en poussant la chaleur à environ soixante-douze degrés de Réaumur ; cette machine a plusieurs avantages sur les étuves ordinaires. 1°. Elie est d'une construction plus simple & bien moins dispendieuse ; 2°. Les vapeurs humides se dissipent plus complettement & plus promptement, étant entraînées par un courant d'air très-chaud & très sec, & elles s'échappent abondamment par les soupiraux du couvercle de la caisse ; il suffit de cesser le feu en continuant de faire agir les soufflets ; quand le grain est bien refroidi, on le retire de la caisse pour le renfermer sur le champ dans les greniers de conservation, sans crainte qu'aucun insecte puisse y entrer ou y déposer ses œufs ; ce qui n'est pas un petit avantage, puisque, par ce nouveau procédé, on peut en toute saison travailler à dessécher les grains, même pendant un tems, & dans un lieu où les insectes seraient en action & en très-grand nombre. 3°. La chaleur se répand beaucoup plus également dans cette caisse que dans les étuves, dont partie des tablettes ou tuyaux est brûlante, tandis qu'une autre partie n'a souvent pas acquis cinquante degrés de chaleur. 4°. En changeant les dimensions de cette machine, & chauffant les porte-vents, soit au soleil, soit au feu de lampe ou autrement, on peut l’appliquer au dessèchement de toutes les substances végétales & animales, même les plus délicates, en les suspendant, & les arrangeant convenablement dans l’intérieur d'une caisse de dessication ; opération d'autant plus facile que l’on est toujours maître de modérer à volonté la vitesse du courant d'air & le degré de chaleur, de manière à ne déranger ni endommager aucunement les corps soumis à la dessication.

La caisse contient au moins cent pieds cubes de bled, pesant environ six mille livres ; on peut faire deux dessications par jour, c'est-à-dire, douze mille livres ; & par an, trois à quatre millions de livres de grains, soit bled, soit maïs ; à chaque dessication on ne consume pas pour trois livres de braise ou menu bois ; d'après cela, il est facile de calculer s'il est plus avantageux de travailler à la conservation des grains, où de les déposer dans des greniers où ils soient exposés à la rapine de divers animaux qui s'en nourrissent, & à la fermentation occasionnée, tant par l’humidité naturelle des grains, que par les pluies qui peuvent causer des dommages considérables par le moindre défaut de la couverture du bâtiment, inconvéniens auxquels ne sont point exposés les grains renfermés dans des greniers de conservation.

Pour une petite quantité de grains à dessécher, il seroit facile de construire une machine de dessication fort simple & peu coûteuse, en plaçant dans l’intérieur d'une futaille de la contenance d'une, deux, trois ou quatre bariques, une grille couverte d'un fort canevas, & portée sur un cercle de bois cloué tout autour, à trois ou quatre pouces au-dessus du fond d'en bas. Le fond supérieur peut être tout-à-fait supprimé ou percé de plusieurs larges trous, pour laisser échapper ces vapeurs humides ; au moyen d'un soufflet ou ventilateur proportionné à cette machine, & dont on chauffe le porte-vent, on introduit entre le fond & la grille couverte de canevas, un courant d'air sec & chaud qui traverse rapidement la masse de grains contenue dans la futaille, & la dessèche parfaitement en quatre ou cinq heures.

Enfin, cette machine, soit en grand, soit en petit, peut être appliquée avec avantage à plusieurs opérations nouvelles qui exigeroient une chaleur violente combinée avec l’action d'un air quelconque ; elle peut être très-utile dans les grandes exploitations pour la dessication de toutes les substances animales & végétales, dont la conservation exige des opérations dispendieuses, embarrassantes, & même souvent impraticables, quand la saison ou l’état de l’atmosphère sont contraires au dessèchement parfait de ces substances, dont l’humidité & la fermentation produisent bientôt la destruction.

  1. (1) Le très-beau bled pèse près de soixante livres le pied cube ; le bled de qualité inférieure ne pèse souvent pas quarante-huit livres le pied cube ; il rend peu de fleur de farine & beaucoup de son.