Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Défricher

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Définition

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Défricher ; c’est mettre en valeur une terre qui étoit en friche.

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DÉFRICHER ; c'est mettre en valeur par la culture une terre vague ou qui est en friche.

Le défrichement ou le labour d'une terre en friche qui doit être fait avec une forte charrue à versoir, forme nécessairement beaucoup de grosses mottes que la gelée & les pluies d'hiver détruisent ; de sorte que quand le printems n'est pas trop humide, un second labour donné à propos les met en état d'être ensemencées en avoine ; mais il ne faut y mettre du bled que quand la terre aura été assez affinée par des labours répétés pour recevoir cette plante, qui est plus délicate que l'avoine.

A l'égard des terres qu'on ne laboure que tous les huit à dix ans, on a coutume de les brûler, afin que le feu divise leurs parties, & que la cendre des feuilles & des racines leur donne quelque fertilité. Voici comme se fait cette opération, suivant la méthode de Tull, agriculteur anglais, & de Duhamel son commentateur.

Des ouvriers vigoureux enlèvent avec une houe ou avec une pioche courbe dont le fer est large & mince, toute la superficie de la terre, par des gasons à qui l'on conserve une figure la plus régulière qu'il est possible, faisant en sorte qu'ils aient environ huit à dix pouces quarrés, sur deux ou trois doigts d'épaisseur.

Sitôt que les gasons sont détachés, des femmes les dressent & les appuient l'un contre l'autre en faitiere, mettant l'herbe en dedans.

Lorsque le tems est beau, l'air qui touche ces mottes de tous côtés, les dessèche suffisamment en une couple de jours pour être rangées en fourneaux, & brûlées. Mais s'il survenoit de la pluie, il faudroit soigneusement redresser les gasons, car il faut qu'ils soient secs avant d'en former les fourneaux dont nous allons parler.

Pour former ces fourneaux, on commence, par élever une espèce de tour cylindrique d'un pied de diamètre. Comme la muraille de cette petite tour est faite avec des gasons, son épaisseur est fixée par l'étendue des gasons ; mais en bâtissant, l'on met toujours l'herbe en en-bas, & l'on ménage du côté que le vent souffle une porte d'un pied de largeur.

Au dessus de cette port, on met un gros morceau de bois qui sert de limier, puis on remplit tout l'intérieur avec du même bois sec, mêlé d'un peu de paille, & l'on acheve le fourneau en faisant avec les mêmes gasons une voûte semblable à celle des fours à cuire le pain.

Avant que la voûte soit entièrement formée, on allume le bois qui remplit le fourneau, puis on ferme vite la porte avec des gasons, & l'on acheve de fermer l’ouverture qu'on a laissée au haut de la voûte, ayant soin de mettre des gasons sur les endroits par lesquels la fumée soit trop abondamment, précisément comme les charbonniers font à leurs fourneaux ; car, sans cette précaution, le bois se consommeroit trop vîte, & la terre ne seroit pas assez brûlée.

Si l'on couvroit les fourneaux avec de la terre, tous les espaces étant fermés très-exactement, le feu s'étoufferoit ; mais comme on n'emploie que des gasons, & comme on met toujours l'herbe en en-bas, il reste assez d'air pour l'entretien du feu.

Quand tous les fourneaux sont faits, le champ semble couvert de petits meulons de foin de figure hémisphérique qui sont rangés en quinconce. Mais il faut veiller aux fourneaux jusqu'à ce que la terre paroisse embrasée, étouffer le feu avec des gasons, lorsqu'il s'est formé des ouvertures, rétablir les fourneaux que l’action, du feu fait écrouler, & enfin rallumer le feu lorsqu'il s'éteint. Quand la terre paroît en feu, les fourneaux n'exigent plus aucun soin ; la pluie


même, qui avant ce tems étoit fort à craindre, n'empêcheroit pas les mottes de se cuire. Ainsi il n'y a plus qu'à laisser les fourneaux s'éteindre d'eux-mêmes.

Au bout de 24 ou 28 heures, quand le feu est éteint, toutes les mottes sont réduites en poudre, excepté celles de dessus qui restent quelquefois toutes crues, parce qu'elles n'ont pas été assez exposées à l’action du feu, & c'est pour cela qu'il ne faut pas faire les fourneaux trop grands, parce que les parois étant proportionnellement plus épais, la terre du dehors ne seroit pas assez cuite, lorsque celle du dedans le seroit trop ; car si on la cuisoit comme de la brique, elle ne seroit plus propre à la végétation.

D'ailleurs, pour faire de grands fourneaux, il faudroit transpercer les mottes de trop loin. On pourroit les faire plus petits, mais ils consommeroient trop de bois. Ainsi il convient de se renfermer à-peu-près dans les proportions qui viennent d'être indiquées.

Quand les fourneaux sont refroidis, on attend que le tems se mette à la pluie ; alors on répend la terre cuite le plus uniformément qu'on peut, n'en laissant point aux endroits où étaient les fourneaux, qui malgré cela donneront de plus beau grain que le reste du champ. C'est pourquoi on ne laisse à ces endroits que les gasons qui n'auront pas été cuits.

On donne sur le champ un labour fort léger, pour commencer à mêler la terre cuite avec celle de la superficie ; mais on pique davantage aux labours suivans.

Si l'on peut, donner le premier labour au mois de juin, & s'il est survenu de la pluie, il sera possible de retirer tout d'un coup quelque profit de la terre, en y semant du millet, des raves ou des navets ; ce qui n'empêchera pas de semer du seigle ou du blé l’automne suivant. Néanmoins il vaut mieux se priver de cette première récolte, pour avoir tout le tems de bien préparer la terre à recevoir le froment.

Il y en a qui aiment mieux semer du seigle que du froment, parce que les premieres productions étant très-vigoureuses, le froment est plus sujet à verser que le seigle.

Quelques-uns attendent à répandre leur terre brûlée immédiatement avant le dernier labour qu'on fait pour semer le froment ; & ceux-là se contentent de bien labourer la terre entre les fourneaux, qu'il ont soin de bien aligner, pour laisser un passage libre à la charrue. Mais c'est une mauvaise méthode ; car, puisque les blés versent toujours la première année qu'une terre est brûlée, il vaut mieux répandre la terre cuite de bonne heure, pour qu'elle perde une partie de sa chaleur, & pour avoir la commodité de bien labourer tout le terrain ; car il est très-avantageux de mêler exactement la terre brûlée avec celle qui ne l’est pas.

Il faut convenir que cette façon de défricher les terres coûte beaucoup, parce qu'elle se fait à bras d'hommes ; mais elle est avantageuse ; car après cette seule opération, la terre est mieux préparée qu’elle ne le seroit par beaucoup de labours. (Voyez pl. V, fig. 1, 2, 3, 4.)

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