Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Espalier

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Définition

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Espalier ; c’est le mur ou le treillage qui soutient certains arbres fruitiers.

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ESPALIER. Dans le jardinage, c'est une muraille au pied de laquelle on plante des arbres qu'on attache ensuite à cette muraille ou à un treillage, ou de quelque manière que ce soit. Quand on plante des arbres en espalier, il faut les déverser en les plantant en-deçà du mur à la


distance de neuf pouces ou environ ; autrement les racines touchant au mur, ne pourroient point agir. De plus, quelque pluie qui puisse tomber, jamais les arbres ne s'en ressentent quand ils sont plantés à plomb du mur. La direction des espaliers est un des chefs-d'œuvre du jardinage, & on ne sait pas priser assez le travail régulier & entendu d'un espalier formant le plus superbe coup-d'œil.

L'usage a aussi donné le nom d'espalier à l’arbre même.

Le contre-espalier est un arbre planté à l'opposite de l'espalier, autour des carreaux d'un jardin. On l'appelle encore simplement espalier.

Les espaliers ne servent pas seulement à l’embellissement & à l’ornement des jardins, mais ils sont aussi d'un grand profit & d'une grande utilité. On en dresse, parce qu'au printems il arrive souvent des matinées fraîches & des gelées blanches, causées, soit par la fraîcheur de la terre ou par le vent du Nord, qui gâtent les fleurs les plus hâtives & les plus délicates, comme sont celles des abricotiers & de toutes sortes de pêchers, & même de quelques poiriers, nous privant ainsi du plaisir & de la satisfaction que nous aurions eue de leurs fruits. Afin donc de prévenir ces inconvéniens qui sont assez ordinaires, on s'est avisé de chercher des abris contre des murailles, qui par leur hauteur & leur épaisseur garantissent du mauvais vent, & qui recevant les rayons du soleil augmentent la force de la chaleur ; & les arbres plantés contre ces murailles, treillissés & ajustés convenablement sur des perches qui y sont attachées, font ce qu'on appelle espaliers. Parlons maintenant de la manière dont ils doivent être faits.

Il faut premièrement choisir un mur de clôture, qui ait le soleil levant & le midi, & qui soit bien fait & élevé au moins, s'il est possible, de douze pieds de haut ; car plus il est haut, plus long-tems il sert à cet usage d'espaliers. De toise en toise de largeur il le faut garnir de trois crochets de fer, attachés l’un au-dessus de l'autre, l'un à un pied de distance de terre ; l'autre à cinq, le troisième à dix, & ce dernier débordant du mur trois doigts plus que les autres, pour le sujet que nous dirons ci-après.

Secondement, il faut faire une tranchée d'une toise de largeur, en la prenant du pied du mur & de quatre pieds de profondeur, dans l’été, si cela se peut, & la laisser ainsi, ouverte deux ou trois mois, afin que le fond puisse jouir de la chaleur du soleil & de l'humidité des pluies. Au commencement de l'automne il faut remplir cette fosse de la même terre, si elle est bonne, en l'amendant encore avec du fient bien consommé, ou si elle n’est pas toute bonne, ôter celle qui est mauvaise, comme la terre argilleuse & le sable jaune ou rouge, & y en remettre d’autre apportée d’ailleurs ; car si l’on plante en mauvaise terre, ou qui ne soit point amendée, les arbres ne prennent qu’avec peine, & ils sont comme en langueur sans pouvoir profiter ; du moins ils en croissent lentement.

Les arbres qu’il y faut planter, sont ceux qui sont les plus tendres au froid : comme les abricotiers, toutes sortes de pêchers, soit venans de noyau, soit entés ou sur leur propre espèce, & sur pruniers, abricotiers & amandiers, diverses espèces de pruniers ; plusieurs sortes de poiriers, qui doivent être entés sur épines ou sur coignassiers, pour demeurer nains ; des figuiers, & les autres qui seront de même tempérament, ou qu’on désire avancer.

On les peut planter en deux faisons ; savoir, en automne & au. printems. On peut préférer l’automne, parce que la terre a encore quelque chaleur, & que les arbres ont du tems avant la rigueur de l’hiver, pour commencer à lier leurs racines avec la terre, ou au moins pour s’accommoder avec elle, afin d’en tirer aide pour se défendre contre le froid. Pour cet effet il les faut prendre dès qu’ils commencent à se dépouiller de leurs feuilles, & en les plantant les arroser une bonne fois si la terre est sèche ; & alors on peut se dispenser de les tailler, surtout s’il y a de grosses branches à ôter, parce que le grand froid survenant, & trouvant de si grandes plaies, pourroit pénétrer au-dedans, & faire mourir l’arbre, ou du moins l’incommoder grandement. Il vaut mieux attendre vers la fin de l’hiver à en retrancher ce qui est convenable. Que si l’on plante au printems, il faut planter les arbres hâtifs, comme les abricotiers & les pêchers, plutôt que les tardifs, comme poiriers & figuiers, & les tailler & couvrir la plaie de cire, de poix-résine, ou d’autre chose semhlable, afin que la chaleur ne la saisisse & ne l’empêche de se recouvrir.

Il ne les faut planter ni plus profondément que d’un pied, sur-tout en lieux froids & humides, ni plus près les uns des autres que de quinze pieds, parce qu’autrement leurs branches se toucheroient incontinent & se confonderoient, & elles ne porteroient pas tant de fruit ; l’expérience faisant connoître qu’un arbre étendu à son aise, portera plus de fruit que quatre qui s’entrepressent, & se couvrent les uns les autres.

Au mois de mai que les chaleurs commencent à venir, il faut la première année après que la terre aura été labourée, la couvrir toute, s’il est possible, de quatre doigts d’épaisseur avec


de la fougère amassée dès l’année précédente ; ou avec de la paille, ou du foin, ou d’autre chose semblable, pour conserver la fraîcheur aux nouveaux plants. Si l’année se trouve sèche & chaude, il faut arroser assez abondamment de quinze en quinze jours par-dessus la fougère même & sans l’ôter ; car il vaut mieux en donner ainsi beaucoup & peu souvent, que d’y retourner deux fois la semaine, ce qui ne fait qu’abattre la terre & la durcir. Vers la S. Jean il sera bon de détourner la fougère & de donner un autre labour, en prenant soigneusement garde de toucher aux racines des arbres ; parce que le labour tient la terre plus fraîche en ouvrant ses pores & y faisant entrer l’air ; & cela fait, il faut remattre la fougère & recommencer la même chose à la fin de septembre.

Cette même année il faut laisser pousser aux plants tout le bois qu’ils voudront, sans les blesser, & les altérer en leur ôtant leurs jets, au moins y doit-on aller avec une grande discrétion. & retenue ; mais il n’est pas bon de leur laisser porter fruit, parce que cela les avorte & les empêche de pousser du bois. Il faut aussi laisser les jets libres, sans les lier & violenter ; & même il n’est pas besoin de dresser l’espalier, parce que le bois ne feroit que se pourrir inutilement aux pluies. Mais la seconde année, si les plants ont beaucoup poussé, ou la troisième sur la fin de l’hiver, avant que les bourgeons des arbres poussent, il le faut dresser & y lier doucement les rameaux des arbres, en les élargissant & les étendant convenablement en forme d’éventail, & en retranchant les petites branches du dedans, qui ne peuvent ni pousser de beau bois, ni se tourner en bourgeons à fruit ; il faut aussi continuer à labourer la terre quatre fois l’an ; savoir, au printems, à la S. Jean, à la fin de septembre, & au commencement de l’hyver.

En labourant il faut prendre garde d’enterrer le collet de la greffe du poirier ou du pommier enté sur coignassier, parce qu’il pourroit prendre racine, & croîtroit puissamment, comme un arbre franc, sans qu’on le pût retenir nain.

Quand les espaliers sont en fleur, il arrive quelquefois des gelées du matin, & ensuite, de grandes ardeurs du soleil qui broüissent les fleurs & font périr le fruit. Il faut prévenir le mal par le moyen des plus hauts crochets dont j’ai parlé, débordans du mur plus que les autres ; car en attachant des perches de l’un à l’autre, & à ces perches des toiles qui se couleront jusqu’au bas, sans toucher les fleurs & les fouler, on sauvera le fruit.

Il n’est pas bon de laisser nouer du fruit aux bouquets de fleurs qui viennent par fois à la pointe des branches, tant parce qu’elles font foibles, que parce que la sève qui monteroit seroit détournée du bas & du milieu des branches, qui sont proprement le vrai lieu où le fruit doit croître.

Les espaliers étant en leur beauté, il faut pour les y conserver autant qu’il le pourra, prendre garde aux bourgeons que les arbres poussent, soit vers le pied, soit vers les premières branches qui se divisent, & y laisser ceux qu’on jugéra les plus propres pour réparer & pour entretenir le bas de l’arbre en sa beauté. Il est bon même d’avoir toujours des arbres de toutes les espèces, plantés en terre dans des paniers & des manequins, afin que si par hasard un des arbres de l’espalier vient à mourir, on puisse aussi-tôt y en remettre un autre déjà tout repris, qui poussant autant selon sa portée que les autres de l’espalier, n’en défigure pas si fort la grâce & la beauté, qu’un autre qui auroit à prendre terre avec un long tems.