Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Oeconomie rurale
Définition
Œconomie rurale ; c'est la sage conduite d'un bon agriculteur qui pourvoit aux besoins présents, & prévoit ceux à venir.
Article
ŒCONOMIE RURALE ; c’est l’habile & sage conduite qui caractérise le bon cultivateur, ou le prudent administrateur qui préside à l’agriculture.
L' œconomie rurale, dit Chomel, est digne d’une ame généreuse, & qui se plaît à faire du bien. Moins occupé des richesses pour lui-même que pour subvenir aux besoins de nécessité ou de convenance, l’œconome rural pense à répartir les effets de sa propre industrie sur les hommes qui y ont contribué par leur travail ; il regarde comme une justice de mettre à l’abri des dangers & des horreurs de la disette le laboureur, le journalier, l’artisan, & en général le peuple de ses terres.
Une des maximes de Sully étoit, « que le labour & le pâturage sont les deux mammelles d’un État ». Telle fut la base de son système & le principe des opérations de ce grand ministre. Il fit beaucoup de réglemens utiles pour encourager l’agriculture, mais tous avoient pour but de procurer de l’aisance au cultivateur. En effet, c’est là le principal ressort. Il seroit bien digne (continue Thomas dans son éloge de Sully), il seroit bien digne d’un siècle aussi éclairé que le nôtre, de tirer enfin cette classe d’hommes si utile de l’état vil & malheureux où elle a été jusqu’à présent. L’ancienne Grèce, de ses cultivateurs, fit des dieux. Il seroit à souhaiter que parmi nous on les traitât seulement à-peu-près comme des hommes. Quoi ! faut-il être à la fois nécessaire & avili ! Ce seroit aux grands & aux riches propriétaires à donner l’exemple ; car ils peuvent donner l’exemple en tout. Une vérité effrayante pour eux, c’est qu’ils ne peuvent subsister sans le laboureur, au lieu que le laboureur peut subsister sans eux.
C’est une coutume assez générale par-tout, de placer des bataillons sur le passage des souverains. Un roi d’Angleterre, en traversant son pays, vit un autre spectacle ; deux cents charrues que les habitans d’une campagne vinrent ranger sur son passage. Ce trait est d’une éloquence sublime pour qui sait l’entendre.
Il s’en faut bien que dans notre Europe, avec toutes nos sciences & notre orgueil, nous ayons poussé la véritable science du gouvernement aussi loin que les Chinois. On sait que leur empereur, pour donner aux citoyens l’exemple du respect qu’on doit au labourage, tous les ans, dans une fête solennelle, manie la charrue en présence de son peuple. Nulle part l’agriculture n’est aussi honorée. Il y a même des places de mandarins pour les paysans qui réussissent le mieux dans leur art.
Par-tout les hommes sont les mêmes ; on les menera toujours par les distinctions & les récompenses. Mais avant qu’un paysan sache ce que c’est que l’honneur, il faut qu’il sache ce que c’est que l’aisance. Un cœur flétri par la pauvreté n’a d’autre sentiment que celui de sa misère.
Quelqu’habile que soit un œconome rural, il doit être en même-tems assez judicieux pour sentir qu’il a encore besoin de conseils. Il consultera donc souvent ceux qu’il a chargés de certaines parties d’administration. Mais il retiendra toujours le droit de décider, attendu que les gens en sous-ordre sont souvent incapables d’appercevoir, encore moins de saisir son plan général, & qu’ils ne font que tourner dans le cercle étroit de leurs préjugés. Il profitera des lumières de leur expérience, & son génie en appréciera l’utilité.
Il est de l’intérêt de l’œconome rural d’employer le moins de forces qu’il est possible pour ses opérations. Il veillera donc à ce que les gens qu’il paiera pour travailler ne soient pas oisifs. En donnant à ses gens l’exemple d’une vie active, en se montrant à eux, malgré la rigueur de la saison & les incommodités du tems, par-tout où ils sont occupés, on les rend exacts & diligens, & l’on a besoin de moins de monde pour faire la même quantité d’ouvrage que si on les abandonnoit à eux-mêmes.
Le père de famille, le grand propriétaire, enfin l’œcconome rural, doit avoir une suffisante connoissance de toutes les choses nécessaires au labour. Il seroit même à propos qu'il eût mené autrefois la charrue, il connoîtroit mieux les tems convenables aux différens ouvrages de la campagne. Quoi qu'il en soit, il doit donner son application à l’agriculture, & aux choses qui regardent le ménage & l’œconomie car, s'il les ignore, il faut de nécessité qu'il s'en rapporte à la bonne foi d'un fermier qui souvent s'étudiera à le tromper & à dégrader ses terres ou sa ferme. Comme il y a des ouvrages plus nécessaires les uns que les autres, c'est n'entendre qu'imparfaitement le ménage des champs que de ne pas profiter des tems de pluie, de neige ou de frimats pour faire mettre en bon état généralement tous les instrumens qui sont à l’usage soit du labour, soit du jardin, & avoir une bonne provision d'outils, toujours prêts à être mis en usage, afin que quand les jours sont beaux, on ne consomme point son tems inutilement à ces occupations.
Le mauvais tems est encore celui qu'on doit choisir pour faire curer les étables, tondre les haies après que la pluie est passée, arracher les épines qui nuisent dans les prés, &c.