Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Art de nager/Ceinture de liège de m. le comte de puysegur

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Panckoucke (1p. 437-438).

Ceinture de liège de M. le comte de Puysegur, lieutenant général des armées du roi.

Nous ne connoissons le corselet de liège, imaginé au milieu de ce siècle par M. de Puysegur, que par le tableau qu’il en a tracé lui-même dans une lettre écrite le 19 septembre 1765, à M. l’abbé de la Chapelle. « L’hiver de 1747 à 1748, dit-il, le hasard me fit tomber sous la main un livret in-12 intitulé fort improprement l’art de nager. L’auteur fait de bonne foi cette mauvaise plaisanterie sur le motif de son ouvrage : il paroît ne l’avoir entrepris qu’à cause de la signification de son nom de Bachistrom, qui signifie en langue allemande le courant d’un ruisseau, à ce qu’il dit. Il s’est cru obligé de publier les moyens de ne jamais aller au fond de l’eau.  »

« Le résultat de toutes ses recherches, & des efforts de son imagination, ne consiste que dans un habillement de liège, du poids d’environ dix livres, renfermé dans la toile en forme de corset, pourpoint, camisole, gilet, veste ou cuirasse, qui soutient un homme dans l'eau, ayant la tête & le haut des épaules dehors.

« Je pensai que l'on pouvoit se servir de cette idée. L’année suivante je me rappellai ce projet , M que j*exécutai avec aflcz de peine. Je fis faire un » cor fct ou cuiraflTe de liège , & elle produifit Tef- " fet que je m’en étois promis , mais dans l’eau «dormante ; cardans une rivière rapide , j’ai re-

?» connu que , pour fe tenir debout, fans fc mouil- 

7> 1er la tête , il failoit un certain poids aux pieds n, ( M. l’abbé de la Chapelle n’approuve pas cet expédient. Les contrepoids, dit- il fort fenfôment, font d.e nouvelles charges & de nouveaux foins. Si l’on venoit à les oublier ou à les perdre , on pafleroit fort mal fon tçmps dans l’eau. Le matelot qui n’auroit pas le temps de s’en défaire , feroit retardé dans ks manœuvres, parle poids accablant dont cette efpèce de balançoire le furchargeroit,&le foldat , furpris par l’ennemi , en s’en défaifant , feroit maffacré avant de pouvoir fe défendre ). a Je com- »>mençaî alors, (continue M. de Puy fégur ) , à j) perfeôionner l’ouvrage , & fis joindre aux fou- ») îiers deux femellçs 4e plomb , du poids d’une n livre chacune,

9> J’éprouvai un nouvel inconvénient. La oui-M raffe tendant à remonter , &le corps àdefcendre, fi elle s’élevoit fous le menton & fous les bras , de » façon à empêcher ceux-ci d’agir. J’y ai remédié, 9i en faifant faire ce qu’on appelle à préfent un y> pantalon. Je fis attacher des courroies à la cein- )> ture que Von boucloit à lacuirafife. Par ce moyen , V en entrant dans l’eau , on pouyoit plus ou moins i> l’abaiflfer . , . . On peut , en arrivant à terre , lân cher fes courroies’plus ou moins , par le moyen »i des boucles, & marcher ou fe baifler à fon aife. w En 1756 , j’allai un jour à la rade de Granville ii en chaloupe > au moment de la marée baflbt Je » me jetrai à la mer avec mon corfet , & le flot 3>..montant me ramena au rivage fans peine , ans V fatigue & fans avoir eu la tête mouillée. Je pris Tf feulement mes précautions , pouf avoir le moins Il que je pourrois de fpeâateurs de tout le camp Il de Granville, que je commandois alors. » Pour pouvoir tirer parti des armes dans l’eau , n j’ai faitconflruire un bonnet, une forte de cafp aue de fer blanc , auquel le fufil eft attaché par la 9» lous-garde. Le bout du canon , que Ton a foin V de bien boucher avec du linge , pend dans l’eau , f» & la crofTe eft en l’air attachée au bonnet, qui , 9 par fa firuâiîre, contient les cartouches & le linge, f propres à charger & nettoyer le fufil^ n Pour le faire plus commodément , j’ai arrangé V une petite ca(rette de liége , doublée d’une légère 9 feuille de plomb , aue l’on traîne avec une 6-Il celte. Cette cafiette lert à appuyer la crofTe du lf.fufil pendant qii’on le charge.

• j> Au lieu de pourpoint , j& me fuis à préfent » borné à une ceinture de liège » large de huit poup ces furfix d’épaiâeur , pefant treize livres , attal’ N, A O É R.

» de plomb aux fouliers. La ceinture eft aii£ folt* " tentie par des bandelettes au-deffus des épaules^ » de façon que , fi quelque accident renverfoit le

  • » flotteur dans l’eau , cul par deffus rète , cette ceinture

ne pût fortir par les pieds , & faire féparation » de corps avec lui ». M. le comte de Puyfégur ajoute , qu’avec cet habillement il a flotté en 176» dans le baffin de Dunkerque , en préfence du comte d’Hérouville & du chevalier d’Arcy , & non» feulemem marché avec aifance dans l’eau , mai^ encore chargé & tiré plufieurs fois fon fufd.