Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Art de nager/Méthode sûre pour apprendre à nager en peu de jours

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Panckoucke (1p. 440-445).

Méthode sûre pour apprendre à nager en peu de jours.

Mcthodt fure four ^pfrtndre i nager en peu de jours» A rage de Gx ans j’étois plongeur. Parmi les perfonnes àqui j’ai montré à nager, quelques-unes m’ont à peîae coûté quatre leçons ; voila je crois des titras fuffilàns pour être lu* On ne peut être bon nageur fans être plongeur ; & il eft rare de trouver des perfonnes qui , noyant appris qu’à nager , ne confervent toute leur vie pour i’aôion 4e plonger une répugnance trop fouvent fun^Aeu ’e confeille donc de commei^cer parla : c’eil le feul moyen de fe familiariser véritablement avec l’eau.

Choififle^un endroit où vous ayez de l’eau juCqu

  • au¥ genoux. Aflèyez-vous , & tendez les bras

à ri compagnon qui fera debout vis-à-vis de vous , les*) imbes £ :artées , afin de biffer aux vôtres qui (^r#nt jointes » la facilité de fe placer entre elles, li vous tiendra par les poignets » tandis que vous vous inclinerez en arrière ; dès que l’eau aura couvert votre vifage , votre compagnon vous retirera. Ufaut répéter cet exercice iufciu*à cCAu’on (bit en état de (ç renverfer aind, oc de fe relever feul à l’jaide de (es mains « ^cç .^ ui arrive quelquefois à la première leçon.

Mais gardez^vous bien de vous faire plonger l’un ’l'ann’ep^r furprife» ou même de vous jetter de Feaju au vlfage , tant que vous ne ferez pas âimiliarifés avec cet élément. Ces fortes de plaifanteries font naître des craintes nue l’on ne furmonte pas toujours , même à l’aide d’une raifon éclairée. Vous vous accoutumerez enfuite à plonger fur le ventre , obfervam d’avoir les reins tendus , le corps droite les j>ras en avant Sc dans la direâion * d^xorps^le vifageexaâement tourné contre terre. Pour vous relever , voiis vous appuyerez fur les nains , en foulevant le corps fans précipitation , de manière que vos bras forment avec votre tronc un ^ngle qui diminue pen-à-peu de grandeur. L*ufage de fe boucher le nez eft tort mauvais : il luffit qu’on retienne fa refpiration , & chacun fait la retenir. On n’eft point incommodé de la petite quantité d’eau qui entre dans les narines ; on ne s apperçoit pas même s’il y en entre. Il n’en eft pas ainu 4es oreilles : l’eau qu’elles reçoivent ^ufe une petite furdité , mais qui ne lire point à conféquence ; au moment où l’on ne s*y attend pas , elle fort d’idle-mème , & rend à i’ouie fa première fineflb* Cependant les perfonnes délicates ne feront pas tffl49 l’imrp<bius dans les oreillps ducotoa qpi cle N A G E iL’

les auront fortement exprimé ;q»cês favair in gué d*hutle.

Si l’on ouvre les yeux dans une eau fablonneule i on éprouvera une légère citiftbn lorfqu’on fera à l’air ; fi l’eau eft claire , on n’en refTcntira aucune. Dans tours les cas , on aura foin de refermer les yeux , tandis qu’Us feront encore dans Teau , pour les rouvrir lorfqu’ils feront i Tair, afin d’empécUer que les cils ne fe replient entre l’oeil &la paupière «  ce qui fuffiroit pour rebuter un écolier. Si l’on fe tient dans Teau de la manière qne je viens de dire • en s’appercevra que le corps tendra à fiirnagier. Choififfez alors un endroit (|ui ait à- peuprès un pied d eau de plus que celui ou vous êtes ; vous ne pourrez réellement pas toucher le fond. Agitez vos membres comme pour nager en gre^ nouUU ( ce que j’enfeignerai plus loin , ) vous ferez ce qu’on appelle proprement nager entre deux eaux»

La difficulté eonfifte à fe relever » & l’on recon* nokra fans peine cette difficulté , il l’on fait attention que la tête ne peutfortir dei^aufans augmen* ter le poids de la partie antérieure du corps ; que par cette augmentatien elle Tenfoncc, & s’enfonce avec elle » jufqu’à ce que le tout ait repris ibn équi«  libre. Pour obvier è cet inconvénient , le compar gnon préfentera au plongeur un gros bâton , duquel il appuyera un bout en terre ; celui-ci faifira le bâton » le fuîvra des mains en l’empoignant alternativement de chacune , & parviendra ainfi à metr trela tète hors de l’eau.

Si l’on s*exerce dans un lieu dont le fond efl inégal , on fent que (ç moyen de fc relever devient inutile.

Que mon leâeur ne s’épouvante pas de voir . que je commence par le faire plonger , tandis qu’il pafle pour confiant que c’eft-là le terme des travaux du nageur. J’ai pour moi Texpërience ; & ceux qui ne font pas de mon avis s’y rangeront bientôt , s*ils raifonnent fans prévention. Néanmoins , comme je veux que perfonne ne fe croie en droit d’accufec de menfongele titre de ma brochure» j’avertis qu’on trouvera f^us loin la manière de nager promptement fans ètrt obligé de plonger ; mais j’avertis en même temps que le plus beau nageur» s’il ne fait plonger , n’eft guéres plus à l’abri des accidens que celui qui ne fait rien du tout. Sur cent nageurs qui fe noient , quatre-vingt-dix-huit ne périflent que faute d’avoir û) plonger^ Revenons i mon icofier. docile.

Nos corps ne furnagent que parce qu’ils font plus légers qu’un égal volume d*eau ; lans cela# tout l’tft du monde n’y feroit rien, & nous irions toujours au fond. Ceft ce qui arrive aux noyés dont les poumons fe reflerrent, dont le corps fe flétrit , & qui ne reviennetit fur l’eau que loriqu’au bout de plufieurs jours , ftir contenu dans leur corps cherche à s’ouvrir un paflàge en tout feus «  & par fon élafticité groffit le cadavre fans augmenter fon poids.

Msii

L’art de Nager 441

Mais touts let hommes ne sont pas également légers par rapport à leur volume. Il est des noyés dont le corps n*éprouve pas la révolution dont je viens de parier , & qui reftent (ur l’eau îufqu*à une décompofîtion totale. Il eft même des gens qui fe noient fans que leur corps foit entièrement couvert d^ao ; ceux* ci font chargés deeraiiïe ; & de même que la ckair pèfe moins que 1 eau y la graiâe péfe SBoins que la chair. Comment font-ils donc pour fe noyer , direz • vous ? Hélas I ils fe trcmouffent beaucoup » parce qu’ils ont peur ; s*il leur étoit pof- £bic de raifonner , ils fe tourneroient fur le dos , 6c, conferveroientainfi la liberté de refpirer. De plus, il eft des perfonnes qtit , fans paroitre grafles, font beaucoup plus légères que d*aucres qui font de leur taille ;" & chez touts les hommes , les jambes feront plus ou moins légères dans Teau , nelativement à leur forme, à leur longueur , à la capacitédu tronc , à la grofleur de la téie. Ceft pourquoi les uns ont befoin de nager dans une lltuatloopeu inclinée à Ihorifon pour diminuer le poids de leurs japibes & de leurs cuifies , d*aiitres de 8*tncliner davantaze pour Taugmenter , d’autres enfin de fe tenir entièrement debouN Le véritable nageur eft celui qui nage dans toutes les fuuations , qui ne fe repofe d’une manière que par une autre , qui, ayant beaucoup de chemin à faire , & craignant d’être faifi d une crampe , variera fes attitudes pour donner de Taâion aux mufcles qu’il fent prés de fe roidir.

• Si mon écolier a le corps tendu , les cuiftes & les ïambes ferrées , les talons joints , les pieds en dehors ^ les bras tendus, les doigts de chaque main ferfésies uns contre les autres & bien tendus , les mains au niveau des épaules , & la paume des mains tournée contre le fond , il aura la légèreté Héceflâire fjour furnager ; fon corps arrivera à fleur ieau ; fes It&ts & fa tète fe préfenteront en même temps.

Mais fa tète ne pourra pas fortir toute entière ; le fpeâateur n’en verra que la moitié. Ce n’eft pas quelaforce.manqueà Teaupour fontenir le tout ; car j’ai vu des gens dans cette fttuiRon porter un morceau de plomb de trente livres & plus, qu’on leur mettoit fur le dos. Ceft donc le défaut d’équilibre oui s’oppofe à ce que la tête puiffe fonif ; & cela eft fi vrai , oue fi , au lieu de placer fuï le dos lé morceau de plomb dont Je parle , on en mettoit feulement quelques onces (ur une feffe , le plongeur ne pourroit les foutenir , & enfonceroit du côfé qu’on les auroit mifes.

• Il ne manque donc à mon écolier qu’un contrepoids pour qull parvienne à mettre la tête hors de l’eau ; il eft nècefiSitre que ce contre-poids foit i>lacè à l’autre extrémité de fon corps, & qu’il foit e maître de l’augmenter ou de le diminuer à fouhait. Ce contrepoids fe trouve dans fes jambes ; elles acquerront plus ou m«tns de pefaateur, félon, qu’il les rapprochera ou les éloignera de la ligne verticale. ,

EiuhêÛQn^Efcrimt&Dât^i.

N .A.G E’R ; .441

Les deux mouvements doivent être faits à la fois , celui d*élever la tête « & celui d’abaifler les jambes. Vous ferez ce dernier par gradation , i me* fdre que vous fentirez yotte tète s^ppefantir. Pendant cette double opération , vos bras refteront tendus liorifontalement & en avant. Si vous les abaifr fiez , cela fuffiroit pour vous faire perdre rêauili^ bre ; à plus forte raifon fi vous tentiez de les lortir de l’eau.

Vous avez la tête à l’air , vos pieds touchent la terre ; mais cela ne fuffit pas : il fiiut encore une pe» tite manœuvre pour vous relever, la voici. «  Vos bras forment , en avant de votre corps , VLtk poids qui vous eft devenu nuifible , & qui vous lera utile par derrière ; il faut le^ y porter , mais de façon à diminuer leur pefanteur dans leur route > plutôt que de l’augmenter. Vous réuflîrez pleinement fi vous leur faites décrire fans vous pr^fler , une portion de cercle autour de votre corps ; obfervant que les mains ne ceflent d’être tendues , que la paume foit fixée Invariablement contre terre, que la main foit auffi élevée que le coude , & le coude auffi élevé que l’épaule. Lorfqu’ils fercnt afiez en arrière pour augmenter le contFcpoids.que forment vos jambes i vous tournerez vos» n &ins comme fi vous vouliez les joiodre derrière le« :’dos. Les doigts garderont la même difpofition les uns à regard des autres ; mais les mains feront difpofées de manière que les deux paumes fe feront face ; abaiflez un peu les bras.

En fuite pliez les genoux, portez les feftes en arrière , & vous ferez le maître de vous redrefler. Cette manœuvre doit fe faire avec beaucoup de lenteur, parce qu’en agi(rant avec précipitation , il pourroit arriver que le poids de Jerrière devint trop confidérable : ce qui expoferoit l’écolier à tomber à la renverfe, s’il n’avoir foin , aufiitôt qu’il fe fentiroit chanceler • de rejetter fes bras en avant en leur donnant une direélion plus ou moins oblique* Ceft ici que Ion commence à éprouver l’avantage defavoir plonger. Mon écolier tombe-t-il à la renverfe ? il s’étend auflitôt met la main gauche fur le ventre , élève le bras droit & la jambe droite , & fon corps fe trouve tourné fur le côté droit. Qu'il rapproche la jambe droite de la gauche > qu’il étende le braj^ droit le long du corps ; & en portant le bras gauche en avant, il achèvera de fe tourner fur le ventre.

Enfuite il emploie, pour omettre le nezâ Tair, les’ moyens indiques plus haut.

Y eut-il refpirer fans changer la pofition renverfée dans laauelle il eft tombé .^ je le reprends an* moment de fa châte. Qu’il joigne les talons , écarte la pointe des pieds , étende le bras de chaque côté le long de fon corps , la paume de la main tournée contre le fond « & l’articulation du pouce appuyée ’ contre la hanche. Qu’il fe roidifle bien : ion corjptf montera au même’ inftaot ; fon nez & fa bouche le* Vont audeffus de la furface de l’eau. Maïs il fiiutfe’. garder de soulever la tête.

Equitation, Escrime & Danse. K k k

442 L’art de Nager

Quand il aura refpirè tout à fon aife , il pourra faciiement nager dans c«(te po{lure# Il hin pour cela que les jambes , pendant le mouyement , ne s’écartent jeuères du plan horifotnal. Ce mouvement confi/te à rapprocher les talons des feffes , en écartant les genoux ; & à roidir les jambes & jes cuiflçs ^ en les étendant avec promptitude. La plante des pieds éprouvera une réfiftance en raifon de laquelle le nageur avancera (vr le dos. Nous n’avions encore prié que du poids de Teau : & nous venons d’y joindre la réfiflance. On peut employer la réfiftance de Teau avec fuccès , fOur fe relever lorfqu’on eft plongé fur le ventre. 7e reprends nK>n écolier à Tinftant oii fa tête étoit à moitié dans Teau»

Inclincz^vos jambes vers le fond, maïs lemement & en pliant les reins. Eloignez un peu les coudes , en rapprochant les mains Tune de l’autre ( mais que la pofiiion horifontale (ubfifte toujours ) ; donnez à vos mains la forme Qu’elles prendroient ft vous les appuyiez fur un globe de fept à huit pouces de diamètre , en obfervant néanmoins de renir les d«igts bien ferrés les uns contre les autres. Preflez avec vigueur & d’un fcul coup l’eau ou’ellcs rencontreront dans leur chemin , comme . fryous vouliez la faire pafTer entre vos cuiiïes , & fanes un faut par-defTus , les jambes écartées. L’apfui fera plus que fuffifant pour vous remettre deoiit.

Paflbns à h manière fimple d*apprendre à nager. La plupart de ceux qui le mêlent de donner des leçons, prétendent qu’il eft eflentiel de ne pas chercher unappui dans un corps léger, fous prétexte que loriqu’on eft parvenu ^ déployer fes propres forces , on enfonce trop dans l’eau , & que cela fe convenir en habitude. Il ne faut que réfléchir un moment pour reconnoître l’ablurdité de cette prétention. Ce n’eft point une erreur de leur part, c’eft une petite fupercherîe qui leur rapporte de l’argent. Ih dirigent leurs écoliers plufieurs mois de fuhe, plufieurs années même , en leur tenant la main fous le menton , fous le ventre , ou enfin en les anachant à une corde qu’ils rirent par un bout ; delà vient peut-être que des gens d’efprit qui n’ont jamais pu rénffir à nager , en prenant de ces fortes 4le leçons , fo font perfuadés qiaeja nataiion eft un art rempli di difficultés.

Mais touts les appuis ne font pas également fflrs , & toutes les ma’niéres de s’en fervir ne font pas également bonnes.

Les bottes de jonc empêchent les bras de fe mouvoir avec facilité.

Les veffies font fujettes à crever. Les calebaftes ou bouteîllts d€ pèlerin ont auffi lenr inconvénient r Id chaleur du foleil dilate l’air qu’elles contiennent, le bouchon faute , & l’eau y pénétre ; d’ailleurs, un choc peut les cafièr , de meine que les boites de ferblanc on d’antiie métal. J*ai été témoin de plu* fieurs accidents occafionnés par toutes ces macbises à vent* On verra plus bas qu’il £uiilroir encore E N*A G E R^

lesrejetter, quand mêm^ cHetndfefoiestpa» Jaiir gereufes.

Je ne connois que le liéee quï puifle être eni«  ployé par les commençans. Les uns s’en font une double cuirafle qu*ils attachent par les côtés avec des cordts : d’autres fe fervent d’une feiile pbachc qui leur couvre la poitrine &. le ventre ; d*autres mettent la planche par deiriêre , & laifleat le de«  vant à nud. Cette manière eft moins mauvaife que la précédente. J’ai vu un jeune homme qui^s’êtant cuirafié pardevant , s avifa de fe tourner iur le.doi ; touts les efforts qu’il fit pour fe remettre fur le ventre furent vains , &ilferoit péri s’il n’eât été fecouru.

On fe fert» le long du Rhône & ailleurs , deveftes de toile piquées de liège « & fixées par une bande qui pane entre les cuifies, oufimplement de corfelets fabriqués avec des bouchons de grofleur inégale, dont on fait une efpéce de tiflu avec de la ficelle ; ces inflruments font commodes pour al* 1er fur Teau, & je fuis fort aife qu’on les ait fait connoitre à Paris ; mais je ne voudrois pas qu’on leur eût donné un nom grec. Cependant leur utilité fe borne au moment préfent , Ac Ton ne par-^ vient pas plus à devenir nageur en en faifant ufage , qu’on n’y parviendroit en fe promenant dans une baraue.

Voici la manière qui me |)aroit la plus f&re , h plus commode , la moins coûteufe , & la feule ca* pable de mettre un homme d*une conformation ordinaire en état de nager feul au bout de hiiit jours. Je ne me donne pas pour en être l’invemeur ; le petit nombre de combinaifons qu’on peut faire fur cette matière, eft fans douce épuifé depuis bien des fiècles.

Enfilez à une corde grofTe comme le petit doigt ; & longue de deux pieds & demi , pins ou moins , un morceau de liège coupé en rond « & oui ait un pouce & demi de diamètre fur neuf à dix lignes d’épaifieur ; qu’un autre morceau d’un diamètre plus confidèrable vienne après ; que celui-ci foit fttivi d’un troiftème , & ainfi de fuite jufiiu’à ce que vous ayiez forïffSb une efpéce de cône ou pjtn de fucre de cinq à fix pouces de hauteur fur neuf i dix poucçs de bafe.

Ce câ ?e fera arrêté à fon fommet par un double nceud que vous ferez à l’extrémité de la corde» & à travers lequel vous planterez une cheville que vous afTujettirez avec de la ficelle pour plus de iblidité.

L’autre extrémité de la corde fera garnie d*une autre cône difpofé comme celui là. ’ Etendez cette corde fur l’eau , & mettez-vous deflus en travers : vous vous femirez fumager au point que ce ne feroit qu’avec effort que vous parviendriez k mettre le vifage dans Feaja. Cependant fi vous êtes mince , iMaudra raccourcir la corde : & dans touis les cas , vous la difpoferea de manière que vos lièges ne flottent pas trop pris des aisselles, ce qui pourroît gêner le mouvement de vos bras.

Ici vous avez un seul accident à craindre, mais il est si grave, que le plongeur le plus exercé n’auroît que de foibles ressources à y opposer. La corde peut abandonner la poitrine, glisser le long du ventre, s'arrêter à la naissance des cuisses ; la tête plonge ; le tronc la suit ; les jambes demeurent suspendues ; & la mort se présente.

J’ai vu 4ies maîtres înAécilles faire faire cette culbute a ieurs écoliers, pour avoir le plaifir de les relevée un inftant après. Si Ton fe perfuade quV>n accoutumera un homme à Teau en le traitant de la forte, on fe trompe lourdement ; ilcft certain ^ contraire qu*il n’y auroit pas de moyen plus afujé de la lui faire prendre en horreur. Voici le remède Prépaiaez deux anneaux de corde qui aient le double 4e la grandeur dont vous auriez befom pour y feire entrer vos bras jufqu’aux cpauj î r^ c « s Jinneaux i la corde principale avec «  « ’^. » cellc^ en laiAnt entre deux la largeur néce &irepour afleoir commodément votre poitrine. Aidant de vous abandonner à Tcau fur cet inftruent, vous aurez foin de paffer un bras dans chaque anneau jufqu’à l’épaule.

/^"^™*nager la poitrine des dames ^^e leur ^^polerfurredos k corde principale, &je fal )nque les aaneaux avec de fortes trèfles de laine garni » de velours ; ainfi l’articulation de Tépaule « t la feule partie de leur corps qui éprouve quelque frottement, & encore ce frottement cfl-il prefque infcnfible ; j’appelle cela nager à U li/ière. Je ne .fais fi les Grecs ou les Romains ont conn^ ce moyen de faciliter au beau fexe un exercice auffi Mtilc qu agréable ; mais je me fais bon gré de le lui avoir fait connoitre dans ce ficde. Si Ton vouloit faire naeer à la lifière un individu • chargé d une bofle ( car il eft bon de tout prévoir, afin miele public ne foit pas étourdi des préten^^^àécowenes de certains perfeffionncurs), on fubflituefoit à la corde un morceau de bois courbé^ ca arc^ aux deux bouts duquel on attaclieroit les aoneaiu ft les pains defiure.

Pour TOUS préparer à vous porter en avant, vos hru doivent être plies, & vos mains bien rendues, la paume K^urnée contre le fond ; elles feront rapprochées de forte que les deux pouces & les doigts qmlesfuivent ( index) fo toucheront mutuellewent par le bout, Ay « ç les coudes au niveau des épaules, & les mains an niveau 4es coudes ; ( j’îhte fur ce précepte, parce que c’cfl celui dont les écolwrsfe reflbnyiennent le moins dans Tafiion. 1— habitude ou nous fommes de porter les mains à terre pour nous retenir lorfque nous feîfons une chSte, ine paroîtétrelacaufe de ce méchanifroe, qui, à la moindrcpeur, difpofe les meml^res d’un tcober comme pour marcher à quatre pattes). Que vos mains foient rapprochées de votre corps de manière que la main droite forme en dehors un •’"8* «  « wram, d^environ ç^^t quirame^cinq dé-E N A G E R. 443

grés, avec Tavantrbras droit, & réciproquement. Que vos talons fe touchent, ou à-peu-prés, & qu’ils fbient’ « approchés des fefles ; que vos genoux fotent éloignés l’un de l’autre le plus qu’il fera poflîbie.

Tenez-vous prêt à chafler vigooreufement de la plante des pieds Teau quife trouvera dans leur direâion ; &Tetenec-foien ceci. :

Comme 4 vn même reflbrt fsifoit pa^nîr à la fois vos pieds & vos mains, que vos bras & vos jambes fe déploient au même iiiftanr. Vos mains fe porteront en avant & à la htujteur des épaules, & ne cefleroflt defe toucher même lorfque vos bras feront déployés dans toute leur longueur. Cet élan, auquel vos membres feuls doivent avoirparticipé, Vous a fait avancer en ralfon de k promptitude que vous y avez « ife. Il ne faut pas vous hâter cle raflemblervos membres, parce que votre mouvement fubftâe encore, quoique la caufe qui. l’a produit ne fuUlfte plus. Attendez » pour changer de pofture, qu’il (bit prefque fini : ce que vous recon^oitrez à Ta^gnientatioa de votre poids, qui vous fera un peu enfoucer. Alors vous difpoferez vos membres comme ils étoient avant de faire l’élan ; mais il faut tirer parti de ce nouveau travail, en l’employant à avancer encore ; vos cutdes, vos ïambes, ni vos pieds ne peuvent vous fervir pour c^la ; vos bras &. vos mains y fuppléeront.

Eloignez d’abord très-lentement vos mains l’une de l’autre, obfervant de tenir les bras bien tendus ; & lorfque les mains feront éloignées entre elles d’environ deux pieds &4lemi, pour un homme de dna pieds fix pouces, inclinez-les de forte que le côte du petit doigt de chacune foit un peu plus élevé que celui du pouce. Mettez alors de la vi «  sueur à la continuation du mouvement de vos bras, vous avancerez. Vos mains n’ont pas encore ceflé d’être au niveau des épaules ; mais for(qu’elle9 feront diamétralement oppofées, il faudra que l’extrémité des bras, fans qu’ils ceflent d’êu-e tendus, pénétre plus avant dans l’eau à mefure que vous agrandirez la portion de cercle qu’ils décriront, lei le mouvement doit être rapide ; car ce n’eft que par la réfiftance de l’eau non-feulemenc que vous continuez d’avancer, mais encore que vous irous foutenez fans. faire la culbute. Je fup «  pofe dans cet inflaot qu’on n’a pas de lièges, & S’on veut nager dans une fituacion horifontale* pendant û touts jos mouvements ont été bien ménagés, vous aurez du temps derefte pour plier vos bras, les rapporter devant votre poitrine ( obfervant de leur faire repretidre, ainfi qu’aux nfsin ? » leur pofition horifbntale pendant ce trajet), fie vous élancer une féconde tois.

Malgré les efforts que j’ai faits pour me rendre intelligible, je ne me flatte’pas d’être entièrement compris à la première leâure ; mais j’efpère qu’en me lifant avec attention une —féconde fois, on entendra facilement tout 48e qui n’aura pas été ea-, Kkkij tendu la première. Cependant si l'on ne trouvoit pas toutes mes explications également claires, il ne faudroît point se rebuter pour cela. Il suffira d’en avoir compris quelques unes pour être en état de fuppléer foi- même les autres , avec un peu d atr temion puifqti’eUes portent toutes furun petit nombre de principes fimples & faciles à retenir ; fçavoir , que nos corps fom plus légers que l’eau ; que nos corps ne font pas par* tout ègalemem légers ; qu’il faut donner aux parties^les plus légères un poids caparble de les tenir en équilibre avec les plus pefantes ; que les différenres parties de notre corps ne peuvent acquérir cette variété de poids Jue par la diver(ité de leur pofition , ou par la ré- (lance de Teau.

En s^exerçant à la lifiêre une heure par jour » il faudra retrancher à chaque fois une portion égale des deux cônes , pour le$ diminuer de volume en raifon des forces qu’on aura acquifes. L*homme le plus ftupide fur l’eau , c’eft à dire » le plus craintif , nagera fans aucun fecours avant la quinzaine^ Ceux qui auront d’abord préfcré de plonger » pourront également s’exercer a la lifiêre , lorfqu*ils voudront commencer à nager. Mais j’ai vu des S^erfonnes qui n’avoient pas befoin de cette ref- ’ burce, & qui, après avoir plongé quatre ou cinq i’ours au plus 5 enayoient leurs ferces , en fortant a tête de leau ;, & oe les eflayoîent pas en vain. 11 eft vrai que )*attribuois une partie de leurs fuccès à la confiance qu’elles avoient en moi. Lorfque vous ne ferez plus à la lifière , vous vous accoutumerez à donner à vos memb’Fes divers mouvements pour vous faire avancer. On nage en €hien , on nage en grenouille , on" coupe Veau , on nage en çrtffon , on nage à coups de poings , on nage à coups de pieds , &c.7e vous ai fait nager en grenouille. Mes leçons vous feroient inutiles pour nager autrement ; il vous luiEra de regarder un nageur une fois ; mais fouvenezvous que celui qui ne nage que d’une manière eA bientôt fatigué , oc que celui qui ulonge ne TeA jamais. Jufqu’ici )’ai luppofé que vous nagiez dans une eau morte ; mais lorfque vos forces vous le permettront , ne négligez pas de vous exercer dans les «aux courantes. C’eftià feulement qu’on peut déployer toutes les reflburces dont on aura befoin dans les grands daneers. Le philofophe qui vouloir apprendre à fon difctple à traverier l’Hellefpont dans les canaux de fon jardin , n’étoit pas nageur. )e ferois graver des milliers de planches en tailledoqce, quMles n*enfeigneroient point comment 4pn peut gatder fur Teau certaines poAures. . Les ’ m<3^ns qu’on y emploie dépendent du poids du corps , de ïa conformation , du poids de Teau , de h profondeur , de fa rapidité , de fon agitation ; eniorte que le plus habile napur emploie d’autres moyens fur la 5eine , fur le Rhîn , fur le Rhône & ; dans rOcéan. Mais il ne faut pas croire que la découverte de ces diflerents moyens exige de profondes tiûexions ; le nageur le plus borné en &it. Nager. « 

autant là-defliis que le nageur qui profeATelaphjrfi* que ; fembiable à ces brutes qui fe perchent fur le bord d’un précipice , après s’être auurés que le roc qui eft fous leurs pieds efl aflèz fort pour les foutenir.

Il eA cependant deux ou trois préceptes généraux qui épargneront à mon leâeur oivcfies tentatives ; les voici.

Pour nager debout , fans le fecours des bras, il faut écarter les jambes le plus qu’on pourra , & mar* cher dans cette ficuation. Si » maigre cet écart , on enfonçoit , il faudroit plier les jambes & marcher à genoux.

Si l’on veut nager debout dans une rivtèrç , il faut fe grefenter incliné contre le courant, afin de n’être pas culbuté par l’eau , dont la rapidité ai^mente à mefure qu’elle eft éloignée du fond. Si en nageant dans une eau morte , on fe trouve arrêté par des herbes , il ne faut point batailler pour s’en débarraïïer de force , mais s’arrêter tout de fuite, dégager d’abord les bras fans les fortîr de l’eau ; charger fes poumons de beaucoup d’air » fi Ton a de la peine à fe foutenir ; & pour reprendre fa refpi ration, pofer les mains horifontalement ^ ainfi que les br^s. On répétera la chofe suffi fouvent qu’on en aura befoin.

Les bras étant dégagés, on ôte les herbes qui peuvent s’être entortillées autour du cou ; enfuiie on

que

fe met debout , & d’une feule main » tandis . î Tautre eft à la furface de l’eau , on tire délicatement & brin à brin toutes les herbes qui font autour des jambes & des cuifies.

Votre corps étant bien nettoyé» le plus fflr ; pour vous tirer de ce mauvais pas , eft de vous étendre fur le ventre , les cuifles & les jambes jointes & immobiles. Vous vous coulerez à travers les herbes en nageant des bras feulement. Si Tefpace vous manque pour les déployer autour de vous, âl faudra les mouvoir «« chien ^ & vous êtes hors de danger.

Je viens de parler, pour la première fois , du parti au’un nageur peur tirer de laîr en Vaccumulant dans fes poumons. Ce moyen d’allé«r le corps , toutes les fois que les autres ne fumfenc pas , eft fi naturel , que la plupart des écoliers fe gonflent dans Teau dés la première leçoQ, fans qu’ils en apperçoivent eux mêmes. > Il me refie à donner quelques avis aux plongeurs.

Puifque wnts les hommes ne^fent pas é^alemeflC lourds relativement à leur volume , tous n ont pas la même facilité de pénétrer dans le fein dcseaus. Bien plus, il en eft qui éprouvent une impoftîbilitè abfolue de plonger. Tài vu à Naples un eccléfiafttqueti chargé de graiffe , qu’il fe promenoit dans Ja mer fans fe mouiller plus haut que la ceinture, Îiuelqucs efforts qu’il fit pour enfoncer. Je fuli peruadé que fi une malsdie le maigriflbit an point de lui enlever cette faculté , il n’oftroit pks fe confier à l’eaufans avoir appris à nagci^î il too« dansJe cas d’un homme qui, ayant toujours fait usage d’un corset de liège, se trouveroit tout-à-coup privé de cet instrument.

L’expérience apprend bientôt à un plongeur les moyens qui lui sont le plus propres ; cependant on peut établir quelques règles générales.

Pour disparoître tout-à-coup, qu’on se mette debout, les jambes jointes, les pieds tendus, les bras élevés ou abaissés, & appliqués le long du corps. Pour remonter, on se mettra sur le ventre ou sur le dos ; ou seulement on écartera les jambes & les bras en se tenant debout.

On peut aussi entrer la tête la première en abaissant les bras & en élevant les jambes de sorte que les pieds soient la dernière partie du corps qui disparoisse. Cette manière de plonger cause plus d’étonnement que les autres à ceux des spectateurs qui ne font pas initiés.

Si l’on veut se jetter dans l’eau d’un lieu élevé, il faut se tenir bien droit, les bras collés le long du corps, les jambes croisées dans leur longueur, les pieds tendus, & présenter les orteils les premiers. Mais je conseille d’abandonner aux gens du métier cet exercice dangereux.


Quoique l’air dont on remplit ses poumons rende moins lourd & paroisse aller contre le but qu’on se propose en plongeant, je fuis d’avis qu’on s’en munisse d’une bonne dose, s’il se peut. C’est le moyen de conserver plus longtemps ses forces, lorsqu’on a du chemin à faire dans l’eau. D’ailleurs on y prolonge son séjour de plusieurs secondes, en lâchant par intervalles des bouffées, qu’on aura soin de ménager le plus qu’il fera possible.

Les éponges qu’on tient à la bouche après les avoir huilées, offrant aux poumons un léger secours, en leur procurant le peu d’air que l’eau n’en aura pu chasser.

Je ne connois aucun plongeur qui, sans employer les secours de l’art, soit en état de demeurer trois minutes sous l’eau. Les plongeurs de profession se bornent communément à deux ; & plusieurs ne vont pas jusques-là. J’ai vu des gens me soutenir que j’étois resté plus de cinq minutes ; mais ils n’avoient pas regardé leur montre.

Quant aux personnes assez heureuses pour pouvoir vivre sous l’eau des heures entières, elles font une exception à la règle, & l’avantage dont elles jouissent ne s’acquiert point par le travail.


Fin du Volume.