Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Art de nager/Naufrage sans péril du chevalier de lanquer

La bibliothèque libre.
Panckoucke (1p. 435-436).

Naufrage sans péril du chevalier de Lanquer.

Le chevalier de Lanquer, pensionné du Portugal, fit imprimer en 1675 un livret d’une cinquantaine de pages, sous le titre de Naufrage sans péril ^ 9i dont l’objet étoit de nous apprendre à braver les dangers de la— mer. Cet aventurier propofe dans fon ouvrage une machine que Ton peut porter dans fa poche, oc à l’aide de laquelle on peut paffer les fleuves les plus profonds & traverfer les mers, fans même mouiller fes habits ni fes armes, & fans éprouver aucun froid. Une telle machine, fi elle exifloit, feroit fans doute le préfent le plus pré «  cieux qu’un homme pût faire à rhamanité.’Ma^ heureufement fon auteur, qui paroît n’avoir été qu’un cliarlatan, a jugé à propos de nous en dérober la construction. « Comme j’ai déjà dit que le seul but que je me sois proposé dans cet ouvrage, dit-il » n’est que le service de mon roi & l’utilité de ses sujets, mes compatriotes, il ne faut pas que je déclare mon secret d*une manière qui, contre mon dessein, puisse servir aux ennemis de l’état ; il n'est pas juste de se faire battre de ses propres armes, & d’employer pour fon fupplice m les infiruments de ; fa gloire. Je me coixeme donc » de faire favoir à ceux qui voudront fe ferait de 9 » mt% machines, qu’ils n*ont qn*^ me venir trou^ f » ver. Je promets de leur donner en même temps 91 mes machines & le fecret pour s*en fervir. L*un fage en t& aifé & les commodités agréables ». Le chevalier aflure enfuite avoir fait Texpérience de cette machine au-deflbps du pont rouse, en pré* ience d^une multitude de fpeaateurs de touts les ordres. Loiûs XIV fut lui-même témoin de cette merveille » &ce prince accorda à fbn auteur des lettres-patentes, qui lui permettoîent de faire conftniire & de vendre fa machine, à Texclufion de tous autres michaniciens. MM. d*£trées & de Sainte*Colombe font cités dans Touvrage du chevalier de Lanquer, comme des témoins capables de juger du mérite de fa découverte.

tA. Tabbé de la Chapelle qui, comme moi, a vu cet ouvrage, n’y a trouvé qu un^ pure annonce, fans aucunes traces de récompenfe accordée par ’Louis XIV, auquel une telle machine eût cependant paru fort précieufe.

Voici les termes mêmes des lettres-patentes du t% avril 1695, accordées au chevalier de Lanauer. « Louis 9 &c. notre bien amé, le fieur Ricnard j » Lanquer, chevalier de l’ordre de ChijA, & capitaine de chevaux légers, entretenu pendant la M paix pour le fervice du roi de Ponugal, nous a » trés’humblement remontré, que par £es foîns & n fon application il auroit inventé une machine qui » fe peut porter dans la poche, pour paffer fur les » eaux de quelque rivière ou lac que ce foit, un » foMat armé des armes ordinaires » ponant fur foi 9 de quoi tirer plnfieurs coups, & du pain de munition pour fa fubfiflance de huit jours, fans que 9 » dans ledit paflagelefdites armes & munitions de 3t guerre & de bouche foient endommagées par » Feau, de quoi ledit fleur Lanquer auroit fait Tépreuve en notre préfcnce fur la rivière de Seine ; 9 ce qui encore peut utilement fervir fur mer, & 9 fauver la vie aux paffagers & gens de marine, 9 en cas de naufrage, de même que la matière » dont elle efl compofée, à faire des bas, pantalons, cafaques, manteaux, bonnets, eouvertures de chevaux & mulets, tours de lit pour la » campagne & tentes impénétrables i Teau ainfi » qu’au froid, comme il nous a auffi fait voir ; m defquels effets étant pleinement fattsfàit & pers » fnadé, & defbant ne pas frufirer le ^public de » l’avantage qui peut revenir de la nratique de ces 9 chofes, non plus que l’expofant de Tuttlité par9 ticiilièfe qu’il a droit d*cn prétendre parle débit N A G E R.

» qa*il en pourra fbre, œ fpTA nefovroSt fans daii* I » ger de rendre fon fecrti conim, s^il n avott fur If ce nos lettres oéceâàires. A ces cavfes, voulant bt n vorahlement traiter kdit fienr de Lanquer, noue y> loi avons permis, & par ces préfentes fignées de « > notre main, permettons exclufivement à tout » autre de conffmire ou faire conflruire ladite ma «  9 chine, en tel nombre > & par tel » ouvriers quH i> avifera, &c. st.

Le même auteur foupçonne que Fair étoit la principale matière de fa compofition, & que les nabits dont il revêteit fon nageur, écoient faits de plume ou de duvet, objets que Veau ne pénétre pas. Mais, comme Tobferve eiK » re l’auteur du Scaphandre, une pointe, une aiguille, une épée % une balle de fufîl » &c7s pouvoient rendre fubitement inutile, dangereufe même, une telle machine à vent ; & les habits de duvet feroient dune éxêc ». tion tréscdificile & très-dispendieuse.