Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Equitation/Mors (équitation)

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Panckoucke (1p. 220-224).

MORS. L’équitation, ou l’art de monter 8c de drcfler les chevaux i eft aujourd’hui une fcience d’obfervation ik de connoifTances, dont la partie la plus délicate eft fans doute la manière d’emboucher les chevaux. Le fens du toucher étant le feul nécefiairc pour les conduire, ii faut avoir une connoiflance parfaite de la conformation des parties de la bouche du cheval, , cet organe fi fin & fi délicat, dont la perfeébon eft même un défaut ; des effets méchaniques du mors, belle & fimple machine qui entretient, pour ainfi dire V un commerce de (en" ttment entre la bouche ék llanimal & la main de fon maître. C eft par le moyen du frein que la main du cavalier interroge le cheval, & qu’ils fe communiquent réciproquement leurs penfées ; fi l’éperon rend les mouvements plus vifs, le mors les rend plus précis, avertit l’animal 6c le détermine j c’eft avec ce levier iju’on le maintient dans la crainte Sc dans la foumii]ion, & qu’on le captive fans l’avilir. Ainfi le mors étant l’inftrument principal dans l’art de l’équitation, j’ai penfé qu’il feroit avaniageux de chercher par la théorie.la loi de l’équilibre qui exifte entre la puifl’ance du cavalier & la réfiftance de l’animal fuivant une direâion quelconque ; abftra6tion faite des effets qui dépendent de phifieurs caufes morales & qui feront toujours indéterminées, telles que celles qui proviennent de la volonté & des partions de l’animal. Ces rapports de forces & d’équilibre entre l’animal & fon maître étant fondés fur les lois de la méchanique, pourront s’appliquer aux autres pofitions refpeâives de ces <leux êtres ; mais il feroit bien néceffaire que ceux qui ont un grand ufage de l’équitation, & qui foîît dévoués par état à 1 enfeignement & à la direâion des manèges, fuftènt aitez géomètres pour faire cette application ; alors ils auroient bientôt détruit en eux ce préjugé, que l’art de conduire & de d relier les chevaux n’exige point d’autres connoiiTances que celles que procure un grand exercice ou une fimple pratique. Si on attache peu de mérite à cet objet, quoiqu’il foit plus efientiel qu^on ne penfe ^ on conviendra da moins que j’aS le premier appliqué les mathématiques à un art qui en paroiflbic p<ni fufceptible » & donné une théorie qui tend à perfeâîonner cet art fi utile, fi important, fi n^’ccffaire à l’agrément, à rutiliié, à la confervation de la vie des hommes, puifqu’on le fait entrer en tous lieux 6i de tous les temps dans le plan d’éducation de la jeune noblefle. PROBLÊME.

Trouver la loiqultxiflc entre laIbOKCH produite par la main du cavalier au moyen des rênes qui agijjint Jur le mors ^fiùvant une dircSlion quelconque pour gouverner un cheval, & l’eFFORT qui en réfulte fur la bouche de cet animal, afin qu*ily ait toujours équilibre entre ces deux puijfances, & en confié’ quence, trouver aujft les efforts qui en réfultent fuivant les direBions horifontales & verticales. • Soit C R I ( >î^. lo ♦ 20), la direâion de la branche du mors ou h-ein fiiivant la longueur CT de la fête de l’animal : on peut regarnir cette bran che C I du mors comme un levier de la féconde efpéce, dont le point d*appuî I eft à la pointe de Tœil, où eA attachée la tétiére de la bride, & le Eoint Roîi fe fiait l’effort produit fur les barres de i bouche du cheval à l’endroit du banquet vis-àvis la boffette où eft fixée Tembouchure du mors R D R qui eft reçue dans la bouche de l’animal, cet effort, dis^je, que fait Tanimal pour réfifier i la main du cavalier ; je le nomme P, parce qu’on peut le repréfenter ()Î2. ao) par un poids attaché au bout d’un fil qui paife fur une poulie L*, & dont l’autre extrémité efi attachée en un point R du banquet fuivant une direâion perpendiculaire i la branche du mors ; G F la direâion de la rêne attachée à Tanneau ou bouton C qui efi à l’autre extrémité de la branche : enfin la puiflTance ou la force qu’emploie le cavalier— pour refiler à l’animal, je la nomme F : on fuppofe la main appliquée en un point quelconque F de la rêne.

I^ Je prends une partie C A fur la direflion de h rêne pour repréfenter la force F de la maki du cavalier, que je déconuofe en deux autres ; Fune K A parallèle à la direâion C I du levier ou de la branche du mors*, & qui eft détruite » & l’autre K C perpendiculaire a la direâion de la même branche I C, que je nomme/, & qui eft la feule quifafle effort fur ce levier pour mre équilibre à la réfiftance que la main du cavalier fait fur la bouche du cheval en un point R, que je regarde comme un fardeau P qu’il faut élever. Je —fuppofe (^fi^. I £* 2) le bras de levier R C = a, qui eft le bas des branches ou latplus grande partie de la branche du mors drouis le bouron jufqu’au banquet : celui R I ir 3 qui eft rêell ou la plus petite partie de la branche depuii le banquet jufqu à la pointe de Tocil ; enfin l’angle F C T que fait la rêne avec la branche du mors que je nomme m ; le rayon ou fin us total étant fuppofé r, on aC A : C K :  : fin. : m : lK : éJ^h

211

  • :  : P :

fondre F = Piejq7j., ^^^_

M O R

F : /=Fx5îli^ ; &IC :

b

/ s= P X r ; comparant ces deux valeurs de h

—7 X

a « . Du point c {fig* 1) je mène deux lignes CV, CH, Tunevenicale & l’autre horifontale, & je dccompofe encore la force C A ou F en deux autres, l’une O A verticale que je. nomme V, & l’autre O C horifontale que je nomme H, & j’appelle n l’angle F C H que fait la direâion de la rêne de la bride avec l’horifon ; on a C A : O A :  : r : fin.ji :  : F : V = Fx~*8cCA : C 0 :  : r : cof. r « 

« :  : F : H= F X — ^ ; mettant pour F fa valeur

trouvée cî-deffus, on aura enfin V = P’^ ^J^JJ ^ fin. « ^ __ —^ b cof » n i » r ^

r— — • & H = p X. V— ; en confequence de la première formule on tire l’analogie fuivante, â "^ b

F : P :  : r : — — x fin. iw, c’eft-à-dîre iV que la force du cavalier eft à la réfiftance de l’animal, comme le finus total eft au quotient fait de la longueur total de la branche du mors divrfée par fa plus petite partie, muhtplié par le finus de 1 angle que fait la direâion de la rêne avec la branche du mors. Enfuite des deux autres formules, on tire la proportion fuivante : V : "H :  : fin. n : fin. m, c’eftà-dire, 2^ aue la force verticale qui tend à élever la tête de 1 animal, eft à la force horifontale qui tend à le faire reculer, comme le finus de l’angle que fait la direâion de la rêne avec l’horifon, eft au finus de l’angle que fait la direâion de là rêne avec la branche du mors.’

  • Voilà la loi générale & purement méchanique

qui extfte entre ces différentes forces ou puiflances ; mais il-faur obferver que le cheval étant fubordonué au cavalier, & celui ci devant faire plus on moins d’eiTorts fuivant les circonftances, pour réfifter à la force d un^animal qui, malgré la connoitTance qu’il a du fentiment de fes forces, doit être confidèré comme fans volonté, « puifque c’eft » une créature qui renonce à fon être pour n’exifn ter que pa^^ la volonté d’un autre, qui fent autant qu’on defire & ne rend qu’autant qu’on ly veut n ; c’eft pourquoi il faut confidérer aufii l’effort P de l’animal comme confiant ou donné par l’expérience, & ht force F de l’homme qui lui fait équilibre comme variable ; en confequence, je fuppofe donc cet effort P de l’animal conftamment d’une livre poids, & enfuite de dix livres, par exemple, pour former les deux tables ci-jointes. Je prends ( /^. 19 6 » ao) pour longueur des deux branches du levier, ou les deux parties delà branche du mors, la partie R C depuis le bouton jufqu’au banquet uu bas de branche, de 3 pouces & demi= : a ; & la partie RI depuis le banque^ jiifqu*à la poîiite de l’œil, de 2 pouces rs& ; ea* forte que la longueur tot^e de la branche efl dans ce cas de 5 pouces & demi » ce qui donne a : h :  : 7 : 4 ; mais il faut fçavoir que Texoérience a appris que fi on augmente ou diminue la longueur a du bas de branche d’une quantité f » il faut alors au contraire diminuer ou augmenter la longueur h de l’œil de la moitié de la même quantité, c^eft*à^dire

? ie fi ori fait G R sssa zÈiq^on aura RI = : ^ iq :

^ ^, ce qui donne cette loi générale pour le bras de levier, CR : RI :  : tf± : j : t-rpiq ; ces deux Ipngueurs moyenne de a pouces & 3 1 pouces des deux parties ^ la branche prifes entre beaucoup d’autres, & ce rapport ^général & confiant entre les deux parties dé la branche du mors, m’em été données par M. Lerminier, éperonnier du roi, oui joint a l’invention de beaucoup d’objets relatif a fon état & au principe raifonné de fon art, la plus grande perfeâion dans la pratique. On remarquera que la bfanche da mors eft toujours un levier de la féconde efpéce t dont le poids P eft placé en R entre le point d’appui I & la puifiànce F, & quelle que foit fa forme angulaire, droitç ou courbe, il produit toujours le même dFet. Si on donne enfuite difierientes valeurs à l’angle f C H =r /i, que hit la difeâion de la râne avec l’horifi >n depuis zéro jufqu’à 90 dejré$, » c’eft-Mire, der puis la utuation horiiontale juiqu’à la pofition Ver. ticale, on aura dans ces deux tables des rapports entre les quatre forces P, F, Y, H, fuivant les trois pofitions ou direâîons diflirentes des branches du mors ou dç la longueur djB la tête du chefval avec une ligne horifontale ; fçavoir celle I C en avant {fig. 21) & dont l’obliquité avec l’hor rifon eft de 4f degrés, ce oui donne pour ce cas, m ss 45* — /2 ; enfiiite ccllç I B {fie. aa) ou le nez à terre & la plus naturelle » dont Pobtiquité avec l’horifon eft de 90^ » ce qui donne m = : • 90® —r— « ; enfin celle ID {fig.iji) en arriére, & don ; la dij^âion avec Thorifon eft « u$ de ^ j* ^ ce M o R

qui donne m S5 1 3 j^ —- « ff.

Les deux pofitions où le nez du cheval eft eii avant ou en arriére incliné de 45^, ont été choifics ainfi, comme étant une direâion moyenne entre toutes les autres que}peut affeâerTanimal. En forfe que c’eft pour plus de généralité qu’on a donné ces trois jpofittons différentes à la tête du cheval ; car la foûtipn droite ou perpendiculaire à l’horifon {fie^ 22) eft la plus ordinaire que donne la nature, Se l’angle n que fait la direâion de la rêne avec Thor rifon eft toujours à-peu-près de 45 degrés.. La fig » %£^ qui maraue huit dinérentes inclinaifons delà rêne avec rhoâfon, eft conforme à la table des rapports.

La loi qui exifte entre les 4 forces P, F, V, H ; repréfentées par les nombres de la table ci* jointe » eft fondée » comme on voit, fur les vrais principes de la ftatique ou de l’équilibre, & purement fliathématiques ; par conféqnentla feule chofe que je me fois permiie dans l’examen de cette queftion, a » été feulement la connoififance de la réuftance de, l’animal,.qi ; (f j’ai foppofée équivalente J^ un^idf donné, qu’on peut toujours connoitre par l’expérience y QC par conféquent fervir de bafe ou d’onità de mçfure comme immédiatement donnée pir 1^ nature. Enfin je me propofe encore par la foite de f » orter mes vues fur d* « utrçs objets intéreflkns de ’équîtation.

liota^ Je dois dire qyie j*at été excité à travailler fur cette matière par M. le Baron de BDhan, meftre^ f^e-camp de cavalerie, par M. le chevalier de Vive • ÏPoy, capitaine de cavalerie, 8(. fur-tout^ par M ; le chevalier d’Auvergne, colonel de cayalerie, commandant Téquitation ^ l’école royale militaire » auteur de plufieurs mémoires excellents, & qui joint aux qualités dignes de ff naiftapce, beaucoup de connoiflânces, même en matière abftraite ; ce$ deux deriiiers font de célèbres ècuyers (de ce^ établifiTement roval ^connus de |0p ; ç la f ranp^ ^ & m^mp che^B ràrangerj^ TABLE DES RAPPORTS. Figure 3. Figure 4. Figure 5. Lorfque ladireAiôn de la Lorfque la direâion de Lorfque la direâion de tête eft verticale, c’eft-àla tête eft oblique à rhorila tête eft oblique à Thoridire. > qu’elle fait un angle fon, en faifant un angle fon, en faifant un angle de 90 degrés avec Thoride 45 degrés. de 45 degrés. fon ou la terre. • Le nez à terre. Le nez en avant. Le nez en amefe. Ang.FC Rèfidan Force Force Force 1 1 H que &it ce de Ta du vertihorifonla rèneavec l’hori nimal. Cavalier. cale. taie. • fon, ou le

nomb. n de degrés P F V H F liv. V H F V H deg. L poids. liv. liV. liv. liv. Hv. liv. liv. Kv. N=o 0, 363

0, 363 0, 514 0, 860 0, 0 0, 04 0, 860 O.ÎM

0, 5 M N=20 0.387 0, 13a 0, 363 0, 294 0, 401 0, 137 0, 376 Nrrrio 0, 420 0, 220 0, 363 1.405 0, 702 I, 216 0.377 0, 206 0, 325 N=40 0, 476 0, 305 0, 363 4, ^7^ 2, 681 3 » 19s 0, 365 0, 234 0, 280 N— 45 0, 514 0, 363 0, 363 00 00 00 0, 363 ^•2.57 0, 257g N=éo 0, 7^5 0, 630 0, 363 -1, 403 -X, 216 •1, 206 0, 371 0, 316 o,.i87l N^90 00 00 s. g. 0, 5 M 0, 514

0. ÏM 0, 514

N=, 3S

0, 514 -0, 363 -o, s’63 •0, 363 0, 363 00 00 00 ç » f— vr ^’ilivres liv. onc. liv. onc. liv. onc liv. onc. liv. onc «  lîv.onc. liv. onc. liv. bnc. liv. onc. N=io lO 3 10

3 10 1 ^

{ ; ï a

5 ^ N=ao lO 3 M I 5 3 10 8 9 2 14 4 i I 6 3 12 N=30 lO 4 3 i ^ 3 10 14 i ^-c’ 12 2 3 12 2 I 3 4 N=40 lO 4 121 3 xo 41 11 26 12 ^K’î 3 10 2 6 2 12 ^n^ lO $ * % 10 3 10 Infini. Infini. Infini. 5 10 2 9 2 9 N=6o lO Infini. ^ 5 3 10 14 i • 12 1 •a i 3 11 3 5 i’14 N=oo

! • 

Infini. Indéter -5 2

5 a 5 * 5 a Infini.

N— lîS lO 5 ** •3 10 -3 10 p ■" -3 10 Infini. Infini. Infini. Par la table ci-deflus, on voit par exemple pour le cas le plus naturel, —ou le ne^ à tcru, qv » fi Tangle n que fait la direâion de la rêne avec Thorifon çfi de 30 degrés, qu*on fnppofe l’eflort P de 10 fivrcs poids, on aura F de 4 livres 3 onces, V de a livres 3 onces, & H de 3 livres 10 onces, ou P : F : V : H :  : 50 : 21 : n : 18, c’efl adiré, que Tefiort de ranimai fur fon mors étant repréfenté par 50, celui du cavalier qui lui fait équilibre le fera par ai i la’force verticale qui tend à élever la tête par 1 1, & celle horifontale qui tend à faire reculer Tanimal par 18. Enfin lorfque l’angle que fait la rénc avec rhorîfon eft de 45 degrés, & que Tobliquité de la tête de ranimai fait auffi un angle demi*droît avec Thorifon, mais e ni}^à terre ^ on aura P : F : V ; H : 1 50 : 18 : 13 : 13. environ ; on trouvera delà même manière d’autres rapports pour d’autres cas comme la table l’indique, & fuivant les différentes valeurs quen donnera à celle d^ b^ n ^m^Sc celle que rexpérîcnce aura donnée pour P. ( M. Dez, profeflcur de mathématiques à l’école royale militaire).