Encyclopédie méthodique/Arts et métiers mécaniques/Cuisinier

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Panckoucke (2p. 73-113).

CUISINIER-TRAITEUR, (Art du)
PÂTISSIER-RÔTISSEUR.

NOUS ne prétendons pas faire un traité complet de cet art, ou de ces arts simples dans leurs principes, mais infini dans leurs détails, & aussi variés que les goûts & les caprices des nations & des particuliers, & que les essais des officiers de bouche.

Contentons-nous d’en donner une légère connoissance, & après avoir exposé ce qui concerne les communautés qui les exercent, & tracé l’explication de quelques planches relatives au travail du pâtissier, nous exposons sommairement dans une table générale alphabétique, commune à ces trois branches de l’art de préparer les comestibles, un nombre suffisant de procédés, avec leur vocabulaire, leur théorie & leur pratique.

La cuisine, cet art de flatter le goût, ce luxe, j’allois dire cette luxure de bonne chère dont on fait tant de cas, est ce qu’on nomme dans le monde, la cuisine par excellence. Montagne la définit plus brièvement la science de la gueule ; & M. de la Mothe le Vayer, la gastrologie. Tous ces termes désignent proprement le secret réduit en méthode savante, de faire manger au-delà du nécessaire ; car la cuisine des gens sobres où pauvres, ne signifie que l’art ; le plus commun d'apprêter les mets pour satisfaite aux besoins de la vie.

Le laitage, le miel, les fruits de la terre, les légumes assaisonnés de sel, les pains cuits sous la cendre, furent la nourriture des premiers peuples du monde. Ils usoient sans autre raffinement de ces bienfaits de la nature, & ils n’en étoient que plus forts, plus robustes, & moins exposés aux maladies. Les viandes bouillies, grillées, rôties, ou les poissons cuits dans l’eau, succédèrent ; on en prit avec modération, la santé n’en souffrit point, la tempérance régnoit encore, l’appétit seul régloit le temps & le nombre des repas.

Mais cette tempérance ne fut pas de longue durée ; l’habitude de manger toujours les mêmes choses, & à peu près apprêtées de la même matière, enfanta le dégoût ; le dégoût fit naître la curiosité, la curiosité fit faire des expériences, l’expérience amena la sensualité ; l’homme goûta, essaya, diversifia, choisit, & parvint à se faire un art de l’action la plus simple & la plus naturelle.

Les Asiatiques, plus voluptueux que les autres peuples, employèrent les premiers, dans la préparation de leurs mets, toutes les productions de leurs climats ; le commerce porta ces productions chez leurs voisins, l’homme courant après les richesses n’en aima la jouissance que pour fournir à sa volupté ; & pour changer une bonne & simple nourriture en d’autres plus abondantes, plus variées, plus sensuellement apprêtées, & par conséquent plus nuisibles à la santé : c’est ainsi que la délicatesse des tables passa de l’Asie aux autres peuples de la terre. Les Perses communiquèrent aux Grecs cette branche de luxe, à laquelle les sages législateurs de Lacédémone s’opposèrent toujours avec vigueur.

Les Romains devenus riches & puissans, secouèrent le joug de leurs anciennes loix, quittèrent leur vie frugale, & goûtèrent l’art de la bonne chère : Tunc coquus (dit Tite-Live, l. xxxix.) vilissimunt antiquis mancipium, æstimatione & usu, in pretio esse ; & quod ministerium fuerat, ars haberi cæpta : vix tamen illa, quæ tunc conspiciebantur, semina erans futuræ luxuriæ. Ce n’étoit-là que de légers commencemens de la sensualité de la table, qu’ils poussèrent bientôt au plus haut période de dépense & de corruption. Il faut lire dans Sénèque le portrait qu’il en fait ; je dis dans Sénèque, parce que sa sévérité, ou sa bile si l’on veut, nous apprend bien des choses sur cette matière, que des esprits plus indulgens pour les défauts de leur siècle, passent ordinairement sous silence. On ne voyoit, nous dit-il, que des Sibarites couchés mollement sur leurs lits, contemplant la magnificence de leurs tables, satisfaisant leurs oreilles des concerts les plus harmonieux, leur vue des spectacles les plus charmans, leur odorat des parfums les plus exquis, & leur palais des viandes les plus délicates. Mollibus, lenibusque fomentis totum lacessitur corpus & ne nares interim cessent, odoribus variis inficitur locus ipse, in quo luxuriæ parentatur. En effet, c’est des Romains que vient l’usage de la multiplicité des services & l’établissement de ces domestiques qu’on nomme échansons, maîtres-d’hôtel, écuyers-tranchans, &c. Mais leurs cuisiniers sur-tout étoient des gens importans, recherchés, considérés, gagés à proportion de leur mérite, c’est-à -dire, de leur prééminence dans cet art flatteur & pernicieux, qui bien loin de conserver la vie, produit une source intarissable de maux. Il y avoit à Rome tel artiste en cuisine, à qui l’on payoit quatre talens par année, qui font au calcul du docteur Bernard 864 livres sterling, environ 19 000 livres de notre monnoie. Antoine fut si content d’un de ses cuisiniers, dans un repas donné à la Reine Cléopâtre, qu’il lui accorda une ville pour récompense.

Ces gens-là aiguisoient l’appétit de leurs maîtres par le nombre, la force, la diversité des ragoûts, & ils avoient étendu cette diversité jusqu’à faire changer de figure à tous les morceaux qu’ils vouloient apprêter ; ils imitoient les poissons qu’on desiroit & qu’on ne pouvoit pas avoir, en donnant à d’autres poissons le même goût & la même forme que ceux que le climat ou la saison refusoit à la gourmandise. Le cuisinier de Trimalcion composoit même de cette manière, avec de la chair de poisson, des animaux différens, des pigeons ramiers, des tourterelles, des poulardes, &c. Athénée parle d’un cochon à demi-rôti, préparé par un cuisinier qui avoit eu l’adresse de le vuider & de le farcir sans l’éventrer.

Du temps d’Auguste, les Siciliens l’emportèrent sur les autres dans l’excellence de cet art trompeur ; c’est pourquoi il n’y avoit point à Rome de table délicate qui ne fût servie par des gens de cette nation :


Non Siculœ dapes
Dulcem elaborabunt saporem.

dit Horace. Apicius, qui vivoit sous Trajan, avoit trouvé le secret de conserver les huitres fraîches ; Il en envoya d’Italie à ce prince pendant qu’il étoit au pays des Parthes, & elles étoient encore très-saines quand elles arrivèrent : aussi le nom d’Apicius longs-temps affecté à divers ragoûts, fit une espèce de secte parmi les gourmands de Rome. Il ne faut point douter que le nom de quelque voluptueux de cette capitale, mieux placé à la suite d’un ragoût qu’à ìa tête d’un livre, ne s’immortalise plus sûrement par son cuisinier que par son imprimeur.

Les Italiens ont hérité les premiers des débris de la cuisine romaine ; ce sont eux qui ont fait connoître aux François la bonne chère, dont plusieurs de nos rois tentèrent de réprimer l’excès par des édits ; mais enfin elle triompha des loix sous le règne de Henri II ; alors les cuisiniers de delà les monts, vinrent s’établir en France, & c’est une des moindres obligations que nous ayons à cette foule d’Italiens corrompus, qui servirent à la cour Catherine de Médicis.

J’ai vu, dit Montagne, parmi nous, un de ces artistes qui avoit servi le cardinal Caraffe : il me fit un discours de cette science de gueule avec une gravité & contenance magistrale, comme s’il eût parlé de quelque grand point de théologie ; il me déchiffra les différences d’appétit, celui qu’on a à jeun, & celui qu’on a après le second & tiers service ; les moyens tantôt de lui plaire, tantôt de l’éveiller & piquer ; la police des sauces, premièrement en général, & puis particularisant les qualités des ingrédiens & leurs effets, les différences des salades selon leur besoin, la façon de les orner & embellir pour les rendre encore plus plaisantes à la vue : ensuite il entra en matière sur l’ordre du service, plein de belles & importantes considérations, & tout cela enflé de riches & magnifiques paroles, & de celles-là même qu’on emploie à traiter du gouvernement d’un empire. Il m’est souvenu de mon homme :

Hoc salsum est, hoc adustum est, hoc lautum est parùm :
Illud rectè ; iterùm sic memento. Ter. Adelph.

« Cela est trop salé ; ceci est brûlé ; cela n’est pas assez relevé ; ceci est fort bien apprêté, souvenez-vous de le faire de même une autre fois.»

Les François saisissant les faveurs qui doivent dominer dans chaque ragoût, surpassèrent bientôt leurs maîtres, & les firent oublier : dès-lors comme s’ils s’étoient défiés d’eux-mêmes sur les choses importantes, il semble qu’ils n’ont rien trouvé de si flatteur que de voir le goût de leur cuisine l’emporter sur celui des autres royaumes opulens, & régner sans concurrence du septentrion au midi.

Il est vrai cependant que grâces aux mœurs & à la corruption générale, tous les pays riches ont des Lucullus qui concourent par leur exemple à perpétuer l’amour de la bonne chère. On s’accorde assez à défigurer de cent manières différentes les mets que donne la nature, lesquels par ce moyen perdent leur bonne qualité, & sont, si on peut le dire, autant de poisons flatteurs préparés pour détruire le tempéramment, & pour abréger le cours de la vie.

Ainsi la cuisine simple d’ans les premiers âges du monde, devenue plus composée & plus ranffiée de siècle en siècle, tantôt dans un lieu, tantôt dans l’autre, est actuellement une étude, une science des plus pénibles, sur laquelle nous voyons paroître sans cesse de nouveaux traités, sous les noms de Cuisinier François, Cuisinier royal, Cuisinier moderne, Dons de Cornus, Ecole des officiers de bouche, & beaucoup d’autres qui, changeant perpétuellement de méthode, prouvent assez qu’il est impossible de réduire à un ordre fixe, ce que le caprice des hommes & le dérèglement de leur goût recherchent, inventent, imaginent, pour masquer les alimens.

Il faut pourtant convenir que nous devons à l’art de la cuisine beaucoup de préparations d’une grande utilité, & qui méritent l’examén des Physiciens. De ces préparations, les unes se rapportent à la conservation des alimens, & d’autres à les rendre de plus facile digestion.

La conservation des alimens est un point très-important. Indépendamment de la disette dont les régions les plus fertiles sont quelquefois affligées, les voyages de long cours exigent nécessairement cette conservation. La méthode pour y parvenir est la même par rapport aux alimens du règne végétal, comme à l’égard des alimens du règne animal. Cette méthode dépend de l’addition, ou de la soustraction de quelques parties qui tendent à empêcher la corruption ; & ce dernier moyen de conserver les alimens tirés des animaux, est le plus simple. Il consiste dans la dessication qui s’opère à feu lent & doux, & dans les pays chauds à la chaleur du soleil. C’est, par exemple, de cette dernière manière qu’on fait dessecher les poissons qui servent ensuite de nourriture.

On peut aussi soustraire aux sucs des animaux toute leur humidité superflue, & la leur rendre à propos ; puisqu’ils sont mucilage, ils peuvent éprouver cette vicissitude : de-là vient l’invention des gelées & des tablettes de viande, qui souffrent le transport des voyages de long cours ; mais comme ces tablettes ne sont pas sans addition, elles appartiennent plus particulièrement à l’espèce de conservation qui est très-ordinaire, & qui se fait par l’addition de quelque corps étranger, capable d’éloigner la putréfaction par lui-même : c’est ce que produisent le sel marin & le sel commun. Les acides végétaux, le vinaigre, les sucs de verjus, de citron, de limon, &c. sont encore propres à cet effet, parce qu’ils resserrent les solides des animaux sur lesquels on les emploie, & rendent leur union plus intime & moins dissoluble.

On conserve aussi les viandes tirées des animaux par des sels volatils atténués par la déflagration des végétaux, & par des sels acides volatils mêlés intimement avec une huile fort atténuée ; tels sont les alimens fumés : mais cette préparation est composée de la dessiccation qui en fait une grande partie. Cependant il est certain que l’huile qui sort de la fumée, & ces sels très-subtils prenant la place de l’eau qui s’évapore du corps de la viande, doivent la rendre beaucoup moins altérable. L’expérience le démontre tous les jours, car les viandes & les poissons que l’on prépare de cette façon se gardent davantage que par toute autre méthode.

Il est plusieurs autres manières de conserver les alimens ; mais comme elles sont fondées sur les mêmes principes, je ne m’y dois pas arrêter. Ainsi en cuisant les viandes, soit qu’on les fasse bouillir, ou rôtir, on les conserve toujours mieux qu’autrement, parce qu’on retranche beaucoup de leur mucilage. On peut aussi conserver pendant quelque temps les parties des animaux & les végétaux, sous la graisse, sous l’huile, sous les sucs dépurés, qui empêchent leur fermentation ou leur pourriture en les défendant de l’air extérieur. Enfin les aromatiques, tels que le poivre, les épices, sont des conservatifs d’autant plus usités, qu’ils donnent ordinairement une saveur agréable aux alimens : cependant il est rare que le sel n’entre pas pour beaucoup dans cette préparation. Ajoutons que la dessiccation concourt toujours ou presque toujours avec les aromatiques, pour les alimens qu’on veut long-temps conserver.

Dans ce qui concerne l’art de rendre les alimens des deux règnes plus faciles à digérer, la première règle en usage est une préparation de feu préalable & forte, sur-tout à l’égard des viandes, parce que les fibres de la chair crue adhèrent trop fortement ensemble pour que l’estomac des hommes puisse les séparer, & que le mucilage qui les joint, a besoin d’une atténuation considérable, afin d’être plus soluble & de digestion plus aisée. C’est pourquoi on emploie l’ébullition dans quelque liquide, comme dans l’eau, dans l’huile, dans le vin, &c. ou l’action d’un feu sec qui les rôtit & les cuit dans leur suc intérieur.

L’addition des différentes substances qu’on joint à cette première préparation, concourt encore à faciliter la digestion, ou à servir de correctif. L’assaisonnement le plus ordinaire pour faciliter la digestion, est le sel, qui en petite dose irrite légèrement l’estomac, augmente son action & la sécrétion des liqueurs. Tout correctif consiste à donner aux alimens le caractère d’altération contraire à leur excès particulier.

Mais à l’égard de la science de la gueule, si cultivée, qui ne s’exerce qu’à réveiller l’appétit par l’apprêt déguisé des alimens, comme j’ai dit ci-dessus ce qu’on devoit penser de ces sortes de recherches expérimentales de sensualité, je me contente d’ajouter ici, que quelqu’agréables que puissent être les ragoûts préparés par le luxe en tout pays, suivant les caprices de la gastrologie, il est certain que ces ragoûts sont plutôt des espèces de poisons, que des aliments utiles & propres à la conservation de la santé. On trouvera dans l’Essai sur les alimens, par M. Lorry, célèbre médecin de la faculté de Paris, une judicieuse théorie physiologique sur cette matière.

Comme dans les apprêts de la cuisine on doit consulter au moins autant la santé que le goût des convives, il n’est pas indifférent de commencer par donner ici quelques aphorismes que M. Cheyne, médecin Anglois, établit dans son Essai sur la manière de conserver la santé. Il fait consister le mérite des alimens dans une digestion facile. C’est d’après ce principe qu’il en déduit ainsi leurs divers degrés de bonté.

1°. Les animaux & les végétaux qui viennent le plus promptement en maturité, sont d’une digestion plus facile que ceux qui sont plus long-temps à se former.

2°. Ceux qui sont plus petits dans leur espèce, sont moins difficiles à digérer que les grands,

3°. Ceux qui sont d’une substance sèche, charnue & fibreuse, sont plus digestibles que ceux qui sont huileux, gras & visqueux.

4°. Ceux qui ont une substance blanche, plus que ceux qui ont une couleur vive.

5°. Ceux qui sont d’un goût doux & agréable, plus que ceux qui ont un goût fort piquant & aromatique.

6°. Les animaux terrestres plus que les poissons.

7°, Les animaux qui vivent de végétaux & d’autres alimens légers, plus que ceux qui se nourrissent de chair ou d’alimens durs & pesants.

8°. Toute la volaille engraissée, le bétail nourri dans l’étable, & même les végétaux hâtifs ou venus artificiellement sur couche, tendent plus à la putréfaction, & par conséquent sont moins propres à la nourriture de l’homme que ceux qui sont nourris & élevés d’une manière naturelle.

Nous distinguerons encore, avec l’Auteur des Dons de Cornus, la cuisine ancienne & la cuisine moderne. Ce qu’on entend par la cuisine ancienne est un apprêt fort composé, & très-recherché des alimens que les François aiment, mise en vogue par toute l’Europe, & qu’on suivoit presque généralement il y a trente à quarante ans. La cuisine moderne établie sur l’ancienne, avec moins d’appareil & moins d’embarras, quoiqu’avec autant de variété, est plus simple, plus propre, plus délicate, & peut-être encore plus savante.

L’ancienne cuisine étoit fort compliquée & d’un détail infini ; la cuisine moderne est un espèce de chimie.

La science de l’habile cuisinier consiste à décomposer & à quintessencier les viandes, à en tirer des sucs nourrissants, et pourtant légers ; à les mêler & les confondre ensemble, de façon que rien ne domine & que tout se fasse sentir ; enfin à les rendre si homogènes,

que de leurs diverses saveurs il ne résulte qu’un goût fin & piquant, & une harmonie de tous les goûts réunis ensemble. Tel est le fin du métier & le grand-œuvre en fait de cuisine.

Il faut de plus, qu’un bon cuisinier connoiste exactement les propriétés de tout ce qu’il emploie pour pouvoir corriger ou perfectionner les alimens que la nature nous présente tout bruts ; qu’il ait avec cela la tête faine, le goût sur, & le palais délicat, pour combiner habilement & les ingrédiens & les doses. L’assaissonnement est recueil des médiocres cuisiniers, & la partie de leur travail qui demande le plus d’attention. Le sel, le poivre, & les autres épices doivent être ménagés & dispensés par une main légère que l’intelligence conduise.

Ajoutons aux qualités d’un bon cuisinier l’adresse de la main pour opérer proprement, & ce qu’un ancien recommande, une étude très-assidue du goût de son maître.


Namque coquus domini debet habere gulam.

Martial.

Aujourd’hui en France, dans les bonnes tables, l’on boit peu de vin, & l’on exige que l’assaisonnement des mets soit presque insensible ; l’on en a proscrit les épices, le sucre, le safran, &c. ; on demande peu de plats, mais fins & délicats, peu de ragoûts & beaucoup de hors-d’œuvre. Les cuisiniers de certaines grandes maisons servent par semestres, & ne boivent pas de vin de peur de se biaser le goût.

Dans quelques cuisines de Paris, on a introduit, par économie, le digesteur ou la marmite de Papin. Cette marmite est hermétiquement fermée ; par son moyen on tire en peu de temps & à peu de frais, le suc des os mêmes, & l’on réduit en gelée les nerfs. Mais l’usage de cette marmite pourroit être dangereux si elle étoit entièrement de cuivre jaune, c’est pourquoi l’on conseille de l’étamer, ou plutôt de la doubler avec une lame d’argent fin, comme on le pratique dans la platerie angloise de nouvelle invention, dont nous parlerons dans la suite des arts de ce Dictionnaire.

Ce digesteur de Papin, disons-nous, est une sorte de vaisseau, dans lequel on met de la viande avec au-tant d’eau qu’il en faut pour le remplir exactement ; après quoi on le ferme à vis avec un couvercle, de manière que l’air extérieur ne puisse s’y communiquer ; mettant ensuite cette machine sur deux ou trois charbons rouges, ou même l’exposant simplement à l’action d’un petit feu de lampe, la viande en six ou huit minutes se trouve réduite en une pulpe, ou plutôt en une liqueur parfaite ; & poussant un peu le feu ou seulement en le laissant agir tel qu’il est, quelques minutes de plus, les os les plus durs se transforment en pulpe ou en gelée. On attribue cet effet à l’exactitude avec laquelle cette machine est fermée ; comme elle ne permet ni l’entrée ni la sortie de l’air, les secousses occasionnées par la dilatation & les oscillations de l’air renfermé dans la chair, sont uniformes & très-vigoureuses ; celles de l’air qui en est sorti, jointes à celui qui étoit dans le vase autour de la viande dans le temps qu’on l’a fermé, sont aussi très-fortes ; & plus il est échauffé, plus sa raréfaction empêchée par les parois qui ne cèdent point, le fait réagir en manière de pilon sur la matière résistante contenue ; moyennant quoi la dissolution s’en fait & s’achève, tout se trouve converti en un fluide qui paroit homogène, & en un mélange de particules aqueuses, salines, huileuses, & autres si intimement adhérentes, qu’elles ne sont presque plus separables. Quand ce mélange est chaud, il ressemble à une liqueur & à une gelée ; lorsqu’il est froid, sa consistance est proportionnée à la quantité de : viande ou d’os que l’eau a dissous.

De la Batterie de Cuisine.

On entend par batterie de cuisine, tous les ustensiles qui peuvent servir à la cuisine, soit de fer, soit de cuivre, de potain, & autres métaux & matières. Dans une signification moins étendue, ce mot s’entend seulement des ustensiles de cuivre, comme chaudrons, chaudières, tourtières, fontaines, marmites, cuillers grandes ou petites, coquemars, poissonnières & autres semblables. Ce mot vient de celui de battre parce que tous ces ouvrages sont battus au marteau.

C’est une vérité reconnue depuis long-temps & amplement démontrée par plusieurs habiles médecins, que les ustensiles, tant de cuivre ordinaire que de cuivre jaune, dont on se sert pour faire la cuisine, sont extrêmement mal-sains & nuisibles.

Le verd-de-gris, que malgré tous les soins on ne sauroit éviter, est un poison fort & certain, lequel s’il ne donne pas la mort sur le champ, cause cependant peu à peu, & par la suite, des indispositions & des maladies qui abrègent la vie de l’homme.

Par cette raison on a mûrement pensé aux moyens de prévenir des suites si fâcheuses, & toujours inséparables de l’usage des ustensiles de cuivre, & on a jugé nécessaire dans certains endroits de les abolir entièrement.

Pour les remplacer nous avons une quantité suffisante de fer, qui non-seulement est un métal également propre à cet usage, mais dont plusieurs nations ont déjà commencé à se servir fort avantageusement.

Le fer, au surplus, est extrêmement salutaire au corps humain. La rouille de ce métal ne cause aucun mal ; les ustensiles qu’on en fabrique pourront être étamés aussi facilement que ceux de cuivre.

Dans leur usage, on n’a pas besoin non plus d’une si grande quantité de charbon & de bois, ce qui ne laisse pas de faire un objet pour ceux qui sont attentifs à l’économie & à l’épargne dans leur maison.

La différence enfin qu’il y a entre le prix du cuivre St celui du fer, doit procurer une épargne considérable dans l’achat de ces meubles indispensables.

M. Wex, secrétaire du Duc de Saxe-Gotha, ayant obtenu un privilège exclusif pour l’étamage des ustensiles de fer, jugea à propos d’annoncer son secret. Voici un abrégé du contenu de l’ouvrage qu’il a donné sur ce sujet.

Il commence par prouver, ce qui n’est plus guère contesté, que les ustensiles de cuivre sont dangereux pour la santé, à cause du verd-de-gris qui s’en détache pour l’ordinaire. Il remarque en même-temps que la manière commune d’étamer les ustensiles n’est pas moins nuisible que le cuivre même, parce qu’on y mêle le plomb avec l’étain. Pour remédier à cet inconvénient, il a imaginé un sel alkali avec lequel on peut fixer le plus fin étain d’Angleterre sur les ustensiles de fer battu, sans poix, sans colophane & sans sel ammoniac, & même sans qu’il soit nécessaire de le passer par le feu, ou de le racler ; de sorte que toutes les fois que l’on veut rétamer ces ustensiles de fer, on le peut faire avec le même sel alkali. L’auteur prétend qu’on ne peut pas se dispenser d’étamer les ustensiles de fer non plus que ceux de cuivre, parce que, dit-il, dès qu’on y cuit quelque chose d’acide ou même de l’eau pure, il s’y attache un tartre qui change un peu la couleur des mets. Il prouve que les différentes manières d’étamer qu’on a imaginées, pour prévenir les inconvénients de la méthode ordinaire & de celle que les Turcs emploient, sont très-nuisibles.

Il ajoute que son sel alkali est très-bon pour l’estomac, qu’on peut le prendre contre les fièvres malignes, qu’il est moins coûteux & plus durable que l’étamage ordinaire. Il assure que quiconque achetera une casserole de sa fabrique, n’aura jamais besoin d’en acheter une autre. Il offre de vendre de ce sel alkali à qui en voudra, à 40 liv. la livre. Tous les chaudronniers peuvent étamer avec ce sel alkali, sans se lervir de leurs outils ordinaires, sans racler ni passer par le feu. Il n’y a d’autres préparations que de laver les ustensiles avec du sable & de l’eau. On peut aussi s’en servir pour l’étamage des ustensiles de fer fondu. Il ne faut qu’une demi-once de ce sel pour étamer une assez grande casserole avec l’étain le plus fin d’Angleterre.

Nous avons dit qu’on a imaginé de doubler les ustensiles,St vases de cuivre avec des lames d’argent : on a aussi, depuis peu, trouvé le moyen de les recouvrir avec des lames de fer ; procédés que nous détaillerons dans la suite de ce Dictionnaire.

Traiteur, ; cuisinier public qui donne à manger chez lui, & qui tient salles & maisons propres à faire noces & festins.

Il y a à Paris une communauté de maîtres queux-cuisiniers-portes-chapes & traiteurs.

Les statuts de cette communauté sont du règne de Henri IV, du mois de mars 1599, confirmés par Louis XIII en décembre 1612, par Louis XIV en juin 1645 & en août 1663, registrées en Parlement le 19 janvier 1664.

Il y a dans cette communauté quatre jurés, dont deux sont élus tous les ans le 15 octobre ; mais pour l’être, il faut avoir été administrateur de la confrérie & bâtonnier d’icelle. Ils sont tenus de faire leur rapport dans les vingt-quatre heures des contraventions & abus. Les visites sont réglées à quatre par an, & les bacheliers n’en payent point. Il y a aussi quatre administrateurs de la confrérie, sous l’invocation de la Nativité de la sainte Vierge, dont deux sont élus tous les ans le 8 septembre. Ils sont tenus de se trouver tous les dimanches à la messe d’icelle, tenir registre de ceux qui ont rendu le pain béni & payé la confrérie. Après la reddition de leurs comptes, au lieu de festins ils payent pour ladite confrérie 75 livres.

Les maîtres, les veuves & les compagnons, payent tous les ans vingt sous chacun pour les droit de ladite confrérie ; de plus, les maîtres & les veuves doivent le jour de la fête fournir un cierge de deux livres, à peine d’amende. Il est dû à ladite confrérie sept sous six deniers par chaque noce & festin entrepris par les maîtres au maîtresses.

L’apprentissage est de trois ans. Chaque maître ne peut avoir qu’un apprenti, encore faut-il que ledit maître soit établi, qu’il ne soit au service, gages & appointemens de qui que ce soit, car en ce cas, les brevets seroient nuls, & ledit maître condamné en 200 livres d’amende.

Les veuves jouissent des mêmes privilèges que leur mari.

Nul apprenti ne peut être reçu maître qu’il n’ait fait à ses dépens le chef-d’œuvre ordonné par les jurés. Ce chef-d’œuvre se fait en la maison de l’un d’eux alternativement, en présence des anciens bacheliers & maîtres administrateurs de la confrérie.

Les fils de maîtres sont exempts du chef-d’œuvre et de l’expérience, pourvu qu’ils aient servi leur père, ou l’un desdits maîtres, pendant deux ans.

L’aspirant à la maîtrise est dispensé de l’apprentissage lorsqu’il est muni d’un certificat, comme il a été employé sur les états des maisons de Sa Majesté, Reines, Princes & Princesses, ou de service de trois années dans une maison bien montée.

Aucuns maîtres ne peuvent prendre une enseigne pareille à celle de leur confrère ou approchante d’icelle, ni entreprendre les uns sur les autres pour ies marchés, à peine de 200 livres d’amende.

Par arrêt du Parlement du 19 janvier 1746, il est fait défenses aux traiteurs d’employer dans leurs festins des viandes piquées de lard fin, si elles ne font pas achetées des rôtisseurs ; peuvent seulement, lesdits traiteurs, larder de gros lard les volailies & gibiers qu’ils emploient dans leurs ragoûts, dans lesquels ils ne peuvent employer que la volaille ou gibier, soit jeune ou vieux, qu’ils ont acheté chez les rôtisseurs.

La patronne des maîtres cuisiniers traiteurs, est la Nativité de la sainte Vierge aux saints Innocens.

Par édit du mois d’août 1775, les cuisiniers-traiteurs-rôtisseurs sont réunis dans une seule & même communauté, & leurs droits de réception sont fixés à 600 livres.

Pâtissier.

Le Pâtissier est celui qui fait & vend de la pâtisserie.

On distingue dans la pâtisserie les pâtes ordinaires & les pâtes feuilletées.

La pâte ordinaire se fait avec de la farine, de l’eau, du beurre & du sel délayés ensemble.

La pâte feuilletée ne diffère de cette première qu’en çe qu’au lieu de délayer tous les ingrédiens à-la-fois, on commence d’abord par délayer avec l’eau la farine & le sel, & par donner même une certaine consistance à la pâte avant d’y mettre le beurre. On ne met le beurre qu’en le tournant plusieurs fois avec la pâte, c’est-à-dire, en le travaillant à diverses reprises sur le tour à pâte, par le moyen d’un rouleau de bois destiné à cet usage.

Le tour à pâte n’est autre chose qu’une forte table gui a des bords de trois côtés.

Si l’on veut, par exemple, faire un pâté de quatre ou cinq livres de viande ; on prend le quart d’un boisseau de farine, une once de sel, & cinq quarterons de beurre.

On met la farine, sur le tour à pâte en forme de cercle ; on y ajoute le beurre, le sel, & la quantité d’eau suffisante pour délayer le tout ensemble. On pétrit bien tous ces ingrédiens ; & quand on s’apperçoit que la pâte est réduite à une certaine consistance, on la tourne trois fois, c’est-à-dire, qu’on la change trois fois de place sur le tour en la prenant avec la paume de la main.

La pâte étant faite, on prépare la viande ; on la bat fortement sur un hachoir ; on la larde ; on en fait ensuite un rond de quatre doigts d’épaisseur ; on scie à demi la surface de la viande ; & c’est cette surface qui doit porter sur le fond du pâté.

Pour dresser le pâté, on prend une feuille de papier, on la frotte avec du beurre, & on la met sur une planche ; on coupe la moitié de la pâte qui a été faite pour former le fond du pâté ; on la moule c’est-à-dire, qu’on en forme une espèce de boule qu’on applatit ensuite avec le rouleau jusqu’à ce qu’elle soit réduite à l’épaisseur d’un pouce environ ; pour lors on l’étend sur la feuille de papier ; après quoi on renverse la viande sur & au milieu du fond ; on achève d’assaisonner la viande, et on la couvre de plusieurs bardes de lard bien minces ; on prend ensuite le reste de la pâte pour faire le dessus du pâté ; on la moule & on l’arrondit avec le rouleau, comme on a fait pour le fond ; mais on observe de faire le dessus plus mince & moins grand que le dessous.

Après ces différentes opérations, on mouille l’excèdent de la pâte du dessous, qui n’est point occupé par la viande, & on applique le dessus sur la viande ; ensuite on fait joindre du dessous avec le bord du dessus, ce qui forme la hauteur & la circonférence du pâté ; après quoi on le mouille en entier, & on y forme un rebord en le pinçant tout autour avec les doigts.

Le pâté étant dressé, on y met un faux couvercle de pâte feuilletée, sur lequel on fait tel dessin qu’on veut, soit avec la pointe du couteau, ou avec divers instrumens de fer-blanc propres à cet usage ; on fait auffi un destin tout autour du pâté ; on le dore avec un œuf bien battu, & on le met au four, où il doit rester environ deux heures, plus ou moins, suivant sa grosseur.

La communauté des Pâtissiers-Oublayeurs & faiseurs de pain à cacheter, est une des plus anciennes de celles qui sont établies à Paris. Elle existoit sous Philippe I, qui régnoit en 1060, & fut confirmée par Philippe V, Charles VI, VII & VIII, en janvier 1321, septembre 1330, octobre 1400 & 1480. C’est des statuts de ce temps que les 34 articles de ceux donnés par Charles IX en 1566, registrés le 10 février 1567, conformément & en conséquence de l’ordonnance d’Orléans, ont été tirés, même augmentés de nouveau ; lesquels ont été confirmés par Henri III, par lettres-patentes du mois de mai 1576 ; par Henri IV, par celles du mois de juin 1594, & autres de juillet 1598 ; par Louis XIII, par celles de février & octobre 1612 ; par Louis XIV, par celles du mois de mai 1653, les susdits trente-quatre articles augmentés de dix autres suivant les lettres-patentes du même Roi, du 18 Juin 1707, registrées en parlement le 2 décembre suivant. Enfin, en conséquence de la déclaration du roi Louis XV, du 17 septembre 1723, au sujet du droit de confirmation & avènement à la couronne, ils ont obtenu un arrêt du conseil du mois de septembre 1741.

Il y a dans cette communauté un syndic receveur qui s’élit tous les ans, & pris à tour de rôle du nombre de ceux qui ont passé les charges. Il peut être continué.

Il y a quatre jurés, dont deux sont élus tous les ans ; ils sont deux ans en charge, & pour une fois seulement.

Le comptable est ou le syndic receveur, ou l’un des quatre jurés, au choix des anciens, suivant l’arrêt du conseil du 18 juin 1749.

Il y a environ 200 maîtres établis à Paris.

L’apprentissage est de cinq ans. Trois mois d’absence contre la volonté du maître, cassent & annulent le brevet, quelque temps que l’apprenti ait déjà servi, à l’exception de ceux qui s’engagent, dont le temps est suspendu.

Le maître ne peut avoir plus de deux apprentis à-la-fois ; il est obligé d’avertir les jurés de la présentation desdits apprentis, même de faire enregistrer leur brevet au bureau, un mois au plus tard après la passation d’iceux ; & ne peut avoir aucun Alloué.

Les jurés sont tenus de se trouver tous les premiers vendredis de chaque mois au bureau.

Les garçons ou compagnons doivent demeurer chez les maîtres tout le temps dont ils sont convenus, & ne peuvent même sortir qu’après l’an expiré, suivant la déclaration du Roi, du mois de mai 1653, registrée le 10 juin suivant ; elle fait aussi défense aux autres maîtres & veuves de les prendre à leur service que le premier n’y consente.

Les compagnons ne peuvent sortir de chez leurs maîtres sans l’avoir averti quinze jours devant, à peine de payer la dépense par eux faite au logis de leur dernier maître pendant leur service.

Sont obligés les compagnons, suivant l’arrêt du 2 septembre 1750, de prendre un certificat de leur maître, portant permission de pouvoir travailler ailleurs, & de le faire aussitôt viser par le comptable de ladite communauté, même, tous les quinze jours, s’ils n’étoient point placés ; & à faute par le compagnon de ne vouloir pas prendre le maître que le concierge ou clerc leur présente, ils seront forcés de vider la ville et les fauxbougs, & il est même permis de les emprisonner.

Les compagnons ne peuvent travailler à la journée s’ils ne sont maîtres, mariés & en chambre, & non autrement, à peine de prison & d’amende.

Les compagnons ne peuvent, sans le susdit certificat, être reçus dans les cabarets, & par ceux qui tiennent chambres garnies. Défenses leur sont faites de s’assembler & attrouper, à peine de prison, suivant les réglemens de 1739, lu, publié, & affiché ; de débaucher aucun apprenti ou serviteur de chez leur maître ; & il leur est enjoint d’être toujours munis d’un certificat lorsqu’ils ne seront point placés, à peine de prison.

Il y a dans cette communauté un concierge & un clerc chargés des fonctions ordinaires à ces sortes d’officiers ; principalement pour distribuer des garçons aux maîtres, qui ne les peuvent prendre que de leurs mains, avec un certificat visé.

Le chef-d’œuvre est d’obligation à tout aspirant à la maîtrise, soit fils de maîtres, apprentis, ou maîtres de lettres.

Ce chef-d’œuvre consiste, pour la pâtisserie, en cinq plats, faits & cuits en un seul jour à la direction des jurés ; & pour l’oublayerie, en cinq cents de grandes oublayes ou oublies, trois cents de supplications, & deux cents d’étriers, qu’il peut faire un autre jour, mais dont il faut qu’il prépare la pâte lui-même.

Les fils de maîtres & les maîtres sans qualité ne font qu’une expérience.

Le chef-d’œuvre & l’expérience sont à la discrétion des jurés.

Il leur a été permis par un arrêt du conseil du 18 juin 1745, de recevoir par année deux maîtres sans qualité pendant dix ans ; mais cela n’a plus eu lieu depuis le 18 juin 1755.

Les veuves jouissent des mêmes droits que leur défunt mari, excepté celui de faire des apprentis.

Les jurés ont droit de visite sur le pain à chanter en quelque lieu qu’il ait été fait : il ne peut même, soit grand ou petit, être exposé en vente qu’ils ne l’aient vu en visite. Ils ont aussi le droit de visite sur les fromages de brie, œufs & beurre, & les maîtres peuvent lotir concurremment avec les fruitiers orangers.

Les maîtres peuvent acheter sur le carreau de la halle & de la première main, le lard dont ils ont besoin, pour l’assaisonner à leur manière ; & à la vallée ils achètent du forain et de la première main, toutes sortes de volailles & gibier, qu’ils peuvent même étaler sur l’appui de leurs boutiques & en dehors. Ils peuvent mesurer leur blé, & le plus beau, à cause de la fabrique du pain à chanter.

L’article dix-neuf de leurs statuts porte que le plus beau blé n’est pas trop bon pour faire pain à chanter messe, & à communier, où le corps de Notre-Seigneur est célébré.

Les pâtissiers ne travaillent pas onze jours de l’année ; savoir, Pâques, Pentecôte, Fête-Dieu, Assomption, S. Michel, la Toussaints, Noël, la Nativité de Notre-Dame, l’Ascension, la Conception, l’Annonciation.

Les maîtres pâtissiers ne sont sujets à aucuns droits de visite pour les poids & balances dont ils se servent, suivant l’arrêt du 6 avril 1751.

Enfin, de cette communauté ont été créés les corps des communautés des marchands de vin rôtisseurs-traiteurs, pain-d’épiciers ; puisque par les articles 24, 25 et 26 de leurs statuts, ils faisoient toutes noces & banquets, y faisoient la pâtisserie, volaille, viande & gibier, vendoient le pain d’épice & du vin, tant à asseoir, qu’en pot & en détail.

Les pâtissiers ont de plus, à l’exclusion de tous autres, le droit de fabriquer seuls tout ce qui concerne les sers, comme les oublies, gauffres, cornets, sans y omettre le plaisir des Dames, en vertu de leur titres d’oublieurs & faiseurs de pain à chanter : ainsi jugé par arrêt du 16 juiliet 1749.

Il est défendu aux maîtres de vendre aucunes pièces de pâtisseries mal conditionnées & réchauffées ; il n’appartient qu’aux pâtissiers de faire toutes les pièces de four pour les festins, noces, &c. qui se donnent dans la ville & fauxbourgs de Paris.

Il est encore défendu aux pâtissiers d’aller au devant des marchands & laboureurs pour acheter leurs grains, ni d’en acheter ailleurs que sur les ports ; il leur est enfin défendu d’acheter plus que six septiers de blé & autant de farine ; à peine de confiscation du surplus.

Il y a dix pâtissiers privilégiés du Roi, suivans la Cour, lesquels ne peuvent faire d’apprentis, & dont les enfans n’ont aucune qualité.

Le doyen de la communauté des maîtres pâtissiers s'élit suivant l’ancienneté de réception à la jurande, sans avoir égard à l’ancienneté de maîtrise, selon la sentence d’homologation du 14 juillet 1751.

Leur patron est S. Michel, dont la confrairie est érigée en la chapelle royale de S. Michel, enclos du palais. Les maîtres pâtissiers sont en possession du chœur dès avant le règne de Philippe IV, qui étoit Roi en 1288, suivant leurs lettres-patentes ; mais comme cette chapelle est tombée en ruine, ils sont à présent leur confrairie en la basse Sainte-Çhapelle au palais. Ils ont un chapelain.

Nous avons dit que par l’édit du mois d'août 1776, la communauté des pâtissiers est réunie à celles des traiteurs & des rôtisseurs, & que leurs droits de réception sont fixés à 600 livres.

Rôtisseurs.

Rôtisseur, ou celui qui fait rôtir la viande : ce terme ne se dit guère présentement que du marchand qui habille, larde & pique les viandes de lait, le gibier & la volaille pour les vendre en blanc, c’est-à-dire crues, ou pour les débiter cuites après les avoir fait rôtir à leurs âtres ou cheminées.

L’art du rôtisseur, tout simple qu’il est, a eu ses révolutions & ses progrès.

Les hommes ont été long-temps à apprendre à se servir du feu pour cuire, leurs alimens d’une façon convenable. Ils exposèrent d’abord la chair des animaux, & les poissons dont ils faisoient leur nourriture à l’ardeur du soleil ; ensuite ils les firent sécher à la fumée, où ils les boucannoient, suivant la pratique encore subsistante de plusieurs nations sauvages. On a vu des peuples qui n’avoient trouvé d’autrés moyens de faire cuire les chairs des animaux, qu’en leur insérant des pierres ardentes dans le corps ; ou ils les mettoient dans des auges remplies d’eau qu’ils échauffoient en y jettant successivement des pierres rougies au feu : ils se procuroient par-là une cuisson lente & imparfaite de leurs alimens. Ils cherchèrent alors des vaisseaux plus commodes pour chauffer l’eau, & par sa chaleur cuire leurs mets. Mais ils n’imaginèrent d’abord que des vases de bois, & pour les empêcher de brûler ils les revêtirent de terre grasse, ce qui donna naissance à l’art de la poterie, dont ils tirèrent, ensuite un meilleur parti. Ce ne fut que dans la succession des temps qu’ils trouvèrent l’art de vernir leurs ustensiles, & de faire des vaisseaux de fer, de cuivre, & d’autre métal.

La communauté des rôtisseurs n’est pas une des moins anciennes de Paris ; on en peut juger au style de leurs premiers statuts, qui portent pour titre : Ordonnance au métier des Oyers & maîtres Rôtisseurs. La qualité d’oyers, qui signifie vendeurs d’oies, sert à appuyer l’opinion que quelques auteurs ont du goût que les anciens habitans de Paris avoient pour cette sorte de viande, qui a donné le nom à la rue aux oies, autrement dite aux ours, dans laquelle anciennement demeuroient la plus grande partie des rôtisseurs ou oyers : on en voit encore un bon nombre de boutiques.

Cette communauté s’est distinguée par les soins qu’elle a eus de faire confirmer ses statuts & réglemens depuis les lettres-patentes de Louis XII, données à Paris au mois de mars 1509, qui contiennent leurs anciennes ordonnances, qui les confirment, &, en tant que besoin seroit, les renouvellent ; elle en conserve de presque tous les autres Rois ses successeurs, jusqu’à Louis XV. Elle en a de François I en 1526 ; de Henri II en 1549 ; de François II en 1559 ; de Henri III en 1575 ; de Henri IV en 1594 ; de Louis XIII en 1620 ; de Louis XIV en avril 1691, 1694 & 1709 ; enfin, de Louis XV en juin 1744, registrées en Parlement le 19 janvier 1747. Ces lettres sont autant de confirmation de ces statuts qui contiennent 35 articles.

Pour avoir soin des affaires de la communauté & la gouverner, il y a quatre jurés qui ne peuvent être nommés qu’ils n’aient six ans de maîtrise accomplis & de boutique ouverte. On en élit deux chaque année en présence du Procureur du Roi du châtelet, de sorte qu’ils ne le sont que deux ans.

A cette élection, & autres assemblées pour affaires de la communauté, sont mandés tous les anciens jurés ensemble, douze modernes & douze jeunes maîtres qui sont pris alternativement, & chacun à leur tour suivant l’ordre du tableau, à peine de nullité, & de 30 livres d’amende contre les jurés en charge, & de 4 livres contre ceux qui s-en absentent sans cause légitime ; à celle pour la reddition des comptes de jurande, il y a deux modernes & deux jeunes témoins ; à celle pour réception à là maîtrise, tous les anciens seulement.

Il est permis aux jurés de faire des visites dans les maisons des privilégiés de domicile, ou de ceux du prévôt de l’hôtel, sans prendre d’eux aucun droit. Ces jurés ont seuls la faculté de visiter, à l’exclusion de tous autres, toutes espèces de volailles & gibiers, les agneaux, les chevreaux & cochons de lait, aussi-tôt l’arrivée du marchand forain sur le carreau de la vallée, & d’y saisir les marchandises défectueuses.

Suivant la sentence de police, du 4 janvier 1746, les jurés sont obligés de se trouver les premiers vendredis de chaque mois de l’année, & quand il se trouve une fête ledit jour, le vendredi suivant, depuis, huit heures du matin jusqu’à midi, pour y signer avec le notaire de la communauté les brevets & transports de brevets, & les enregistrer.

On ne peut obliger un apprenti qu’à 12 ans accomplis, ni pour moins de quatre ans. Le droit de chaque brevet pour la communauté, est de 15 livres. L’apprenti doit déclarer à son maître d’apprentissage s’il est marié ; ou s’il vient à se marier dans le cours dudit apprentissage, il est pareillement tenu d’en avertir son maître, pour, dans l’un & l’autre cas, en être fait mention sur le brevet d’apprentissage, à peine de nullité : sous pareille peine il ne peut s’absenter six semaines de chez son maître, ni s’engager au service des maîtres traiteurs, pâtissiers, cabaretiers ou aubergistes, à moins qu’il ne soit maître de ladite communauté.

Pour parvenir à la maîtrise, il doit servir les maîtres pendant six ans comme compagnon.

Les Compagnons ne peuvent pareillement servir les susdits maîtres pâtissiers, &c. sous peine de privation de compagnonage, & d’être admis à la maîtrise.

Pour parvenir à la maîtrise, outre l’apprentissage & le compagnonage, il faut avoir fait chef-d’œuvre en présence de jurés, avoir préalablement été conduit au bureau, pour être le brevet visité par les jurés & anciens ; avoir payé 500 livres au profit de la communauté, 4 livres à chaque juré & au présentateur, & 2 livres à chaque ancien.

Les fils de mairies qui sont exempts de l’apprentissagë & du chef-d’œuvre, ne paient à la communauté que 50 livres, & à chaque juré & au présentateur que 20 sous.

Les fils nés avant la maîtrise de leurs pères, ne paient que les trois quarts de ce qu’il en doit coûter aux apprentis de ville, après néanmoins avoir fait apprentissage l’espace de trois ans, & servi les maîtres comme compagnons pendant deux ans seulement. Par an il ne peut être reçu que six aspirans apprentis, excepté les fils de maîtres nés avant ou après la maîtrise de leurs pères, qui peuvent y être reçus en tel nombre qu’ils soient ; mais ils ne peuvent ouvrir boutique avant dix-huit ans accomplis. Ceux qui n’ont point de qualité, sont exclus de la maîtrise. Pour ouverture de boutique le droit est de 30 livres par chaque maître, & de 2 livres dix sous par an par chaque boutique ouverte, conformément à l’arrêt du conseil du 19 juin 1745.

Chaque maître ne peut avoir qu’un apprenti, si ce n’est un second deux ans avant l’expiration du premier brevet. Il peut avoir plusieurs compagnons, mais il lui est défendu de débaucher ceux engagés chez les autres maîtres. Il ne peut prêter son nom directement ni indirectement à qui que ce soit, & sous quelque prétexte que ce puisse être pour exercer ledit métier. Il ne peut acheter des marchands forains, ni lotir sur le carreau de la vallée, aucunes marchandises du dit métier, s’il n’a boutique ou échope, qu’il lui est néanmoins défendu d’avoir sur ledit carreau ou ailleurs où ledit marché pourroit être par la suite établi ou transporté, ainsi que d’en avoir plus d’une. Défenses de s’associer dans les marchés, les uns avec les autres, d’adresser ou se faire adresser en droiture aucune desdites marchandises ; d’aller ou d’envoyer au devant des voitures ; d’en enlever ou faire enlever aucune à leur arrivée & avant les heures précises ; savoir, les mercredis & samedis, en hiver, ayant neuf heures, du matin, & en été avant huit heures, depuis pâques jusqu’au premier octobre, & les autres jours de la semaine avant cinq heures du matin, & de s’en fournir ailleurs que sur ledit carreau. Il leur est aussi défendu, de même qu’à tous autres gens de bouche, de se servir de facteurs ou autres personnes pour faire lesdits achats des forains. Ils ont seuls le droit exclusif de faire rôtir toute espèce de viande ; celui d’acheter, à l’exclusion des maîtres charcuitiers, le lard frais & salé pour leur usage. Les maîtres de la communauté, les privilégiés & les forains ne peuvent colporter ou faire colporter aucune marchandise dudit métier pour en offrir la vente à qui que ce soit. Ceux qui sont rôtisseurs & traiteurs peuvent exercer l’une & l’autre profession, sans pour ce pouvoir tenir deux boutiques ; Défenses d’appeller le bourgeois près de la boutique d’un autre ; de garder chez eux plus d’un jour de la viande cuite pour la vendre.

Il est enjoint aux marchands forains, dès qu’ils seront entrés dans les anciennes bornes & limites de Paris, savoir, Choisy, Longjumeau, Louvres, Anguien & autres lieux de pareille distance aux environs d’icelle, d’y amener directement leurs marchandises de volailles, gibiers, &c. sur le carreau de la vallée, pour y être exposées en vente. Défense d’en vendre & débiter dans les marchés desdits lieux limités, ni de faire aucuns entrepôts, magasins ou vente dans les villages circonvoisins & au dedans des limites, même à Paris dans les hôtelleries ou autres endroits. Ils ne peuvent continuer leur vente les jours de marché passé deux heures après midi, & les autres à dix heures du matin ; ils sont avertis desdites heures par le son d’une cloche.

Il leur est défendu d’exposer en vente aucunes pièces de volaille & gibier déguisées ; à cet effet, de les écrêter, dégraisser, ni vuider, excepté les lapins dits clapiers, dont ils doivent couper l’extrémités des deux oreilles, pour les distinguer de ceux de garenne ; pareillement les canards paillés ou appellans, à qui ils doivent couper la gorge pour les reconnoître d’avec les sauvages, à peine de saisie & d’amende ; de commettre d’autres qu’eux mêmes pour vendre leurs marchandises sur ledit carreau de la vallée ; de les augmenter quand le prix en aura été fait ; & aux maîtres & privilégiés rôtisseurs de surenchérir, &c. de les remporter faute de les avoir vendus, même d’en acheter d’un autre, pour les vendre & conduire dans leur pays.

Défenses à tous maîtres traiteurs, aux privilégiés traiteurs de l’hôtel, aux rôtisseurs des lieux privilégiés, aux cabaretiers, aubergistes & gargotiers, d’àcheter ou faire acheter des forains sur le carreau de la vallée ou ailleurs, aucunes pièces de volailles, avec injonction de s’en fournir uniquement des maîtres rôtisseurs en boutique.

Défenses aux rôtisseurs privilégiés du prévôt de l’hôtel, de louer leurs privilèges à telles personnes que ce puisse être.

Les veuves de maîtres comme dans les autres communautés.

N. B . Les heures ci-devant indiquées ont été prescrites aux rôtisseurs, pour laisser aux bourgeois & maitres-d’hôtel une heure de préférence pour l’achât desdites marchandises.

Les amendes encourues pour contravention aux statuts & autres cas concernant la communauté, doivent être appliquées à la nourriture & soulagement des pauvres maîtres, & de ceux que leur grand âge empêche de gagner leur vie dans l’exercice dudit métier.

Leur patronne est l’Assomption de k sainte Vierge, dont la confrérie est aux cordeliers.

Nous répétons que par l’édit du mois d’août 1776, la communauté des maîtres rôtisseurs est réunie à celles des traiteurs & des pâtissiers, & que leurs droits de réception sont fixés à 600 livres.

Explication des planches de l’Art du Pâtissier.

Planche I. La vignette représente la boutique d’un pâtissier.

Fig. 1, un ouvrier qui pétrit.

Fig. 2, autre qui forme un pâté.

Fig. 3, jeune homme qùi fouette des blancs d’œufs pour les biscuits.

Fig. 4, autre qui enfourne.

Fig. 5, garçons employés à des ouvrages de pâtisserie.

Fig. 6, cheminée où l’on voit une chaudière sur le feu, servant à faire les échaudés & à d’autres usages.

Fig. 7, le coffre à farine, dont la table est amovible & sert à former la pâtisserie.

Fig. 8, billot.

Fig. 9, ouvrier tenant une manne remplie d’échaudés.

Bas de la planche.

Fig. 1, plafond de tôle ou de cuivre sur lequel on passe les menues pâtisseries pour les mettre au four.

Fig. 2, tourtière vue par dedans.

Fig. 3, tourtière vue de profil.

Fig. 4, couvercle de tourtière vu en dessus.

Fig. 5, tourtière.

Fig. 6, mortier de marbre blanc, a, le billot du mortier.

Fig. 7, pilon de buis.

Fig. 8, bassine de cuivre pour battre les blancs d’œufs & les amalgamer avec la pâte dont on fait le biscuit, b, c, spatule pour amalgamer la pâte des biscuits avec les blancs d’œufs.

Fig. 9, poêle à confitures.

Fig. 10, verge pour fouetter les blancs d’œufs.

Fig. 11, tour à pâte sur lequel on pétrit. d, la table, e, tas de farine. f, morceau de pâte sur lequel le rouleau a passé. g, rouleau de buis. h, pot d’étain nommé mouilloir.

Fig. 12, petit pinceau nommé doroir.

Fig. 13, hache pour fendre le bois.

Fig. 14, gratte-pâte.

Fig. 15, ratissoire pour nettoyer la table du tour à pâte.

Fig. 16, hachoir pour hacher les viandes qu’on emploie dans les pâtisseries.

Fig. 17, couperet.

Fig. 18, tamis pour passer les jus & coulis.

Planche II, fig. 1, 2, 3, 4, moules de fer-blanc pour exécuter des pièces en pâte de gâteau d’amande, ou en pâte de biscuits ; les parties a, a, a, a, indiquent les cellules ou canaux du moule dans lesquels on coule la pâte préparée. Ces cellules ont un fond & deux rebords ; c’est dans ces moules que les pièces qu’on y a coulées se mettent cuire au four.

Fig. 5, le profil, ou coupe transversale d’un des canaux du moule, prise sur la ligne c, d, de la fig. 4. e, le fond. f, f, ses rebords. C’est toujours le fond e qui donne à l’objet qui en sort la figure la plus conforme à la chose qu’on a voulu représenter.

Fig. 6, 7 & 8, sont des pièces de gâteau d’amande ou de pâte de biscuit qu’on a représentées sorties de leur moule. Les parties a, a, a, a, sont vides ; & les parties b, b, b, sont les objets en pâte qui étoient contenues dans les cellules ou canaux du moule.

Les pâtissiers qui sont assortis, ont des moules variés à l’infini ; ils peuvent exécuter des arbres, des animaux, des figures, des bâtimens, &c. mais comme la difficulté de rendre tous ces objets dépend de h perfection du moule & de l’art du fer-blantier qui les fait, il arrive toujours que la connoissance du dessin & de l’archítecture étant rarement du ressort de la fer-blanterie, ces moules sont de mauvais goût & de mauvaises proportions, & les figures qui en sortent ridiculement dessinées. Ce que les pâtissiers exécutent le mieux dans ce genre, sont les lettres initiales d’un nom, comme une M, une F, une L, &c. des cœurs, des étoiles ; ainsi on s’est contenté, en donnant les fig. 6, 7 & 8, d’indiquer ce que l’on pourroit faire dans les différens genres avec de bons moules.

Fig. 9, petite tourtière pour les pâtés au jus. g, son profil.

Fig. 10, tourtière ronde goudronnée, h, son profil.

Fig. 11, 12, 13, 14, moules à biscuits de différens prix. C’est dans ces moules que les biscuits se mettent au four.

Fig. 15, moule de fer-blanc nommé bastion, pour exécuter une pièce en pâte de gâteau d’amande, ou en pâte de biscuit.

Fig. 16, le bastion sorti de son moule.

Fig. 17, moule de bonnet de turc.

Fig. 18, bonnet de turc sorti de moule, fait en pâte de biscuit ou en gâteau d’amande.

Fig. 19, gauffrier ouvert.

Fig. 20, gauffrier fermé.

Fig. 21, coupe-pâte de fer-blanc en forme de cœur.

Fig. 22, autre coupe-pâte de fer-blanc.

Fig. 23, le même vu en dessus.

Fig. 24, pelle à enfourner les menues pâtisseries. Le manche est de bois & la pelle de fer.

Fig. 25, fourgon ; c’est un crochet de fer qui sert à ranger le feu dans le four ; le manche est de bois.

Fig. 26 & 27, pelles de bois de différentes grandeurs, pour enfourner les pains à bénir.

Fig. 28, écouvillon ; c’est une espèce d’assemblage de vieilles cordes effilées & de vieux chiffons emmanchés au bout d’un bâton, servant à nettoyer le four.

TABLE générale & alphabétique concernant les Arts du Cuisinier-Traiteur, Pâtissier-Rôtisseur.

Abaisse ; c’est la pâte, qui fait le dessus & le dessous d’une pièce de four.

Il y a de trois sortes de pâte, bise, fine, & feuilletée. Nous en parlerons au mot Pâte.

Abattis ; on désigne par ce nom les extrémités des volailles, comme têtes, cous, pieds, foies, gésiers. On en fait des tourtes, des fricassées, des potages.

Ache ; cette plante est le persil de Macédoine, dont le goût & l’odeur sont aromatiques.

Agneau ; on sert de cet animal la tête, le poitrine,les pieds, les quartiers.

Les issues d’agneau, sont la tête, le foie, le cœur, le mou, & les pieds. On coupe ces issues par morceaux ; on les blanchit un moment à l’eau bouillante ; on les fait cuire doucement dans du bouillon avec un peu de beurre, de sel & de poivre ; & on leur fait une sauce avec des jaunes d’œufs délayés avec du lait ; quand la sauce a été liée sur le feu, on y met un peu de verjus.

On frit la cervelle après l’avoir bien saupoudrée de mie de pain.

On peut faire une entrée avec la tête & les pieds ; les pieds sur-tout sont excellens, si on en ôte les grands os, qu’on en remplisse le dedans d’une farce grasse de blanc de volaille, de perdrix, de riz, avec truffes, champignons, moëlle, lard blanchi & haché, fines herbes, sel, poivre, clous de gérofle, crème & jaunes d’œufs.

On partage l’agneau par quartiers, & on le met à la broche ; c’est un bon rôti.

Aïl ; plante bulbeuse, chaude, acre, & d’un goût très-fort. Ses feuilles tendres s’emploient quelquefois dans les ragoûts & dans les fournitures de salades.

Ailerons, ou Bouts d’ailes ; on les épluche, on en coupe le petit bout ; on les accommode en tourte, avec un coulis clair, de veau & jambon ; on en fait des terrines à la purée verte.

Albran, ou Halbran ; jeune canard privé ou sauvage : on le sert ordinairement en ragoût avec un coulis brun.

Alose ; poisson de mer, qui souvent remonte dans les rivières où il s’engraisse. On cuit l’alose au court-bouillon ; & on la sert à sec avec son écaille, assaisonnée de persil ; ou étuvée, ou rôtie, soit sur le gril, soit à la broche.

Alouette ; ce petit oiseau est d’un goût délicat : on le sert en ragoût, en tourte, rôti, en salmi, en caisse, au gratin.

Aloyau ; pièce de bœuf prise le long des vertèbres au haut bout du dos de l’animal : on le sert, soit rôti, soit à la braise, piqué de lard, & assaisonné d’épices & de fines herbes, soit aux cardes, anchois, à la chicorée, aux concombres, soit coupé par tranche dans son jus, avec une sauce de câpres, anchois, champignons, &c.

Amandes ; c’est une semence renfermée dans une écorce dure & ligneuse. Il y a des amandes douces & des amandes amères. On les met en dragées ; on les fait entrer dans des crèmes, dans des biscuits, dans des massepains, & dans beaucoup de sortes de sucreries & de pâtisseries.

Par exemple, pour faire des biscuits d’amandes à la Dauphine, on prend un quarteron d’amandes, moitié douces & moitié amères ; on les pile avec du sucre à la quantité d’une livre, avec un peu de blanc d’œuf pour les empêcher de tourner à l’huile ; on en fait une pâte maniable, & on l’arrange en petits biscuits sur du papier ; on les fait cuire ensuite ; on les couvre d’une glace blanche, que l’on fait recuire à un feu doux dans le four.

Pour obtenir le lait d’amandes, il faut échauder quatre onces d’amandes douces, les peler, les piler, les arroser de temps à autre d’un peu de lait, passer ensuite ce mélange dans, un tamis fin ; faire bouillir une pinte de lait, qu’on réduit à chopine, sur lequel on jette le lait d’amandes avec quatre onces de sucre & un peu d’eau de fleurs d’orange ; enfin, on fait prendre seulement un bouillon & l’on passe au tamis.

L’amandé est une boisson que l’on peut faire de la manière suivante. Pelez des amandes douces ; faites bouillir légèrement dans de l’eau une demi-poignée Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/93 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/94 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/95 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/96 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/97 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/98 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/99 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/100 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/101 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/102 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/103 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/104 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/105 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/106 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/107 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/108 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/109 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/110 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/111 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/112 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/113 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/114 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/115 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/116 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/117 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/118 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/119 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/120 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T02.djvu/121 comme les autres poissons, à la hussarde ; on ôte la peau de la truite ; on met dans le corps du beurre & des fines herbes, avec un bon assaisonnement ; on fait ensuite mariner & griller ; & on y ajoute une rémoulade.

Turbot ; excellent poisson de mer. Pour le manger à la Sainte-Menehould ; faites-le cuire à moitié dans du vin blanc & du lait, avec fines herbes, sel, beurre, coriandre ; dressez, panez, faites prendre couleur au four, & ajoutez une sauce à l’anchois.

Veau ; petit de la vache, dont la chair s’apprête de mille manières.

La cervelle de veau, cuite à l’italienne, s’apprête avec de bons assaisonnemens, & coupée par morceaux comme des noix, qu’on trempe dans des œufs battus, qu’on couvre avec la mie de pain bien fine, & qu’on fait cuire ensuite, soit au four, soit à la poêle : on y ajoute du jus de citron.

Vermichel ; c’est une pâte de la même composition que celle de la semoule, qu’on mange en potage, sur lequel on râpe, si l’on veut, du fromage de Parmesan.

Videlle ; petit instrument de métal, composé d’une petite roulette & d’un manche, dont les pâtissiers se servent pour couper leur pâte en longs filets, pour couvrir, & servir d’ornemens à diverses pièces de four.

Water-zootje ; c’est une manière de préparer le poisson d’eau douce, fort usitée en Hollande & dans le reste des Pays-Bas. Elle consiste à bien nettoyer le poisson que l’on fend par le ventre pour le vuider, & à qui on ôte ses écailles ; on fait ensuite des entailles en différens endroits du poisson ; après quoi on lui fait faire quelques légers bouillons dans de l’eau, dans laquelle on a mis du sel, afin d’emporter la matière visqueuse. Alors on remet ce poisson ainsi nettoyé, dans une nouvelle eau, avec du sel & de la racine de persil, ce qui donne un bon goût au poisson, & sert à consolider sa chair ; quand il est suffisamment cuit, on le sert dans un plat avec l’eau dans laquelle il a bouilli ; & sans autre apprêt, on le mange avec des tartines de beurre. C’est sur-tout les perches & les brochetons qui sont les poissons les plus propres à être préparés de cette manière. C’est un ragoût, très-sain, & que l’on permet aux malades. Le nom hollandois signifie cuisson à l’eau.

Zestes ; petits morceaux de la pelure de différens fruits, comme citrons, bigarades, qu’on emploie dans les assaisonnemens.