Encyclopédie méthodique/Arts et métiers mécaniques/Préface
Qu’il nous ſoit donc permis de faire précéder ce que nous avons à dire de notre travail, par ce qui a été ſi bien énoncé au sujet de l’Art & des Arts mécaniques dans l’ancienne Encyclopédie.
C’est l’induſtrie de l’homme, appliquée aux productions de la nature ou par les beſoins, ou par ſon luxe, ou par ſon amuſement, ou par la curioſité, &c. qui a donné naiſſance aux Sciences & aux Arts ; & ces points de réunion de nos différentes réflexions ont reçu les dénominations de Science et & d’Art, selon la nature de leurs objets formels, comme diſent les Logiciens. Si l’objet s’exécute, la collection & la diſposition technique des règles selon leſquelles il s’exécute, s’appellent Art. Si l’objet est contemplé ſeulement ſous différentes faces, la collection & la disposition technique des observations relatives à cet objet s’appellent Sciences ; ainsi la Métaphyſique est une science, & la Morale est un art. Il eſt en de même de la théologie & de la pyrotechnie.
Il eſt évident par tout ce qui précède que tout art a ſa ſpéculation & ſa pratique ; ſa ſpéculation, qui n’eſt autre choſe que la connoiſſance inopérative des règles de l’art ; ſa pratique, qui n’eſt que l’uſage habituel & non réfléchi des mêmes règles. Il eſt difficile, pour ne pas dire impoſſible, de pouſſer loin la pratique ſans la ſpéculation, & réciproquement de bien poſſéder la ſpéculatiôn ſans la pratique. Il y a dans tout art un grand nombre de circonſtances relatives à la matière, aux inſtruments & à la manœure, que l’uſage ſeul nous apprend. C’eſt à la pratique à préſenter les difficultés & à donner les phénomènes, & c’eſt à la ſpéculation à expliquer les phénomènes & à lever les difficultés : d’où il ſ’enſuit qu’il n’y a qu’un Artiſte ſachant raiſonner, qui puiſſe bien parler de ſon art.
En examinant les productions des arts, on ſ’eſt apperçu que les unes étoient plus l’ouvrage de l’eſprit que de la main, & qu’au contraire d’autres étoient plus l’ouvrage de la main que de l’eſprit. Telle eſt en partie l’origine de la prééminence que l’on a accordée à certains arts ſur d’autres, & de la diſtribution qu’en a faite des arts en arts libéraux & en arts mécaniques. Cette diſtinction, quoique bien fondée, a produit un mauvais effets en aviliſſant des gens très-eſtimables & très-utiles, & en fortifiant en nous, je ne ſais quelle pareſſe naturelle, qui ne nous portoit déjà que trop à croire que donner, une application confiante & ſuivie à des eſpériences & à des Objets particuliers, ſenſibles & matériels, c’étoit déroger à la dignité de l’eſprit humain ; & que de pratiquer ou même d’étudier les arts mécaniques, c’étoit ſ’abaiſſer à des choſes dont la recherche eſt laborieuſe, la méditation ignoble, l’expoſition difficile, le commerce déſhonorant, le nombre inépuisable, & la valeur minutielle : Minui majeſtatem mentis humana, ſi inexperimentis & rebus particularibus, &c. Bac. nov. org. Préjugé qui Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/13 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/14 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/15 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/16 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/17 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/18 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/19 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/20 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/21