Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Ébauche

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Panckoucke (1p. 206-207).

É B

ÉBAUCHE, (sust. fém.) ce terme n’est pas synonyme d’esquisse. L’esquisse est la première pensée du tableau, exprimée d’une manière plus ou moins terminée, & jettée sur un papier ou sur une toile séparée. Les figures, les accessoires, le site, l’effet y sont indiqués ; mais rien n’y est rendu, rien n’y est arrêté. C’est pour le peintre ce que seroit le plan d’un ouvrage pour un écrivain. L’ébauche est le premier travail du tableau même : elle doit être couverte dans la suite par d’autres travaux ; mais cependant elle doit subsister, & même, si elle est savamment faite, les couleurs en doivent servir & concourir à l’effet de celles qui les couvriront, sur-tout dans les ombres qui doivent toujours être légères de couleur. Par conséquent dès l’ébauche, les formes doivent être arrêtées, sans quoi elle ne serviroit pas, puisqu’il faudroit l’effacer par les couches supérieures ; elle seroit même nuisible, car les couleurs du dessous percent avec le tems. Il est donc utile de prévoir, en établissant les teintes de l’ébauche, celles qu’on mettra par dessus.

Tous les peintres ne suivent pas la même méthode dans leurs ébauche. Il y en a de qui l’ébauche offre déjà, mais d’une teinte plus foible, l’effet qu’ils se proposent de produire dans le fini. D’autres ne font qu’un léger lavis de couleur, & leur tableau ébauches ne présente qu’une grisaille. Rubens pensoit, en ébauchant, à tirer parti, non-seulement de son ébauche mais même des tons de l’impression de la toile.

Suivant Lairesse, la meilleure méthode, quand il doit y avoir du paysage dans le tableau, est de commencer l’ébauche par le fond, parce que c’est d’après la clarté ou l’obscurité du ciel qu’il faut disposer toutes les autres parties & régler toutes les teintes des objets.

Mais si ce sont des figures ou d’autres grands objets qui forment la principale partie du tableau, il croit qu’alors il faut commencer par l’endroit où doit être employée la plus grande force. Il recommande, pour ne pas faire un travail inutile, d’observer dès l’ébauche la perspective aerienne, & de disposer les couleurs & les teintes de maniere qu’en regardant le tableau à un certain éloignement, il y ait déjà un parfait accord dans l’ensemble. Il juge avec raison que cette méthode procurera beaucoup de facilité pour la suite du travail.

Il blâme sur-tout les peintres qui ne suivent que le caprice dans le choix de la partie du tableau par laquelle ils commencent leur ébauche ; qui, si leur imaginaion est flattée de la représentation d’un vase d’or, commenceront par ce vase, pour passer, ensuite sans un dessein bien déterminé & bien réfléchi, à une draperie bleue, puis à une draperie rouge, &c. Il trouve le même inconvénient à peindre d’abord & à terminer entièrement le nud, pour passer ensuite aux draperies & à tous les accessoires. Les ouvrages, commencés par cette méthode vicieuse, n’offrent, suivant lui, qu’une incohérence qui embarrasse plus l’artiste que s’il n’avoit sous ses yeux qu’une toile imprimée. Mais quand la disposition, le coloris, l’entente générale ont été bien observés dans la première couche de couleurs qui forme l’ébauche, quand tout y a été le produit de la réflexion sur l’ouvrage qui doit suivre, l’artiste peut s’appliquer avec goût à, la meilleure manière de finir ce qu’il a si bien indiqué.

On se sert aussi du mot ébauche dans la sculpture & la gravure. On dit ébaucher une statue, un bas-relief, une planche : mais on dit plus volontiers esquisser un dessin, quoique les premiers travaux par lesquels on établit les formes intérieures & le clair-obscur répondent à ceux de l’ébaucheen peinture, puisqu’un dessin terminé est en effet un tableau d’une seule couleur, un camayeu. (Article de M. Levesque).