Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Arrondir

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ARRONDIR, (subst. masc.) Arrondir un objet, qu’on représente, par l’illusion de la Peinture, sur une surface plate, ce n’est pas seulement le faire paroitre de relief, c’est dégrader tellement la couleur par l’effet du clair-obscur, que la rondeur se fasse sentir aussi parfaitement que la réalité l’offre, & sur-tout en donnant bien à connoître la nature de la substance qu’on fait paroitre arrondie. En effet, le métal, la pierre, les étoffes s’arrondissent par des effets différens de ceux que produisent, par exemple, un bras ou une jambe bien arrondis. Les reflets sur-tout different en raison des matières sur lesquelles tombe la lumière. C’est par des demi-teintes & des nuances de tons successivement dégradés que s’opère ce prodige ; il suppose la parfaite intelligence du clair-obscur ; mais il demande aussi de la patience & du soin. Les Peintres qui se font un mérite particulier de terminer, en peignant d’une manière précieuse, mettent le temps & l’attention nécessaires à ces dégradations.

Les Artistes prompts & animés se croyent autorisés à employer moins de patience, parce qu’ilr ont ordinairement plus de génie ; ils sont portés à penser qu’on doit les entendre à demimot, & souvent en effet ils sont compris comme les hommes d’esprit qui suppriment quelques intermédiaires dans leurs idées ou dans leurs expressions ; mais la similitude n’est cependant pas complette. L’homme d’esprit qui parle vivement emploie ou supprime des mots qui ne sont que des signes, & y supplée par le geste, par l’accent ou par des réticences marquées. Le Peintre présente des objets visibles, immobiles, qui doivent offrir aux regards des formes réelles & sur-tout le relief, sans lequel il n’est point d’illusion dans la Peinture. Cependant on tolère par convention quelques défauts de rondeur, pourvu que l’ Artiste en dédommage par d’autres perfections de l’Art. D’ailleurs, dans les ouvrages de grande dimension, qui sont destinés à être vus à des distances plus éloignées que les petits tableaux, il est nécessaire que la dégradation de demi-teintes, de jours & d’ombres soit nuancée moins finement. Aussi ces sortes de représentations exigent-elles que le spectateur se place au point d’où elles doivent produire leur effet ; & comme les hommes peu instruits ou peu attentifs sont raremert susceptibles de ce soin, il est assez rare qu’à l’égard


de l’arrondissement des parties, le jugement qu’on porte soit bien juste.

Je crois pouvoir me borner à cette explication, en recommandant aux jeunes Artistes de ne pas se fier à l’intelligence de ceux qui doivent regarder leurs ouvrages, & d’arrondir sur-tout avec soin les objets dans lesquelles cette rondeur est une beauté ou une qualité distinctive.