Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Enfumé

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Panckoucke (1p. 252).

ENFUMÉ, noirci par la fumée & par le temps. On dit d’un vieux tableau dont on ne distingue plus le travail ni les objets, & que le tems a couvert d’une saleté noire & épaisse, qu’il est enfumé. On trouve des amateurs qui n’estiment les tableaux qu’autant qu’une forte couche de fumée leur donne un extérieur vénerable d’antiquité. Si le temps a respecté une partie lumineuse qui tranche fortement avec la profonde obscurité de tout le reste, ils supposent dans ce qu’on ne voit plus tout le charme d’une beauté mystérieuse, & admirent d’autant plus ces ténèbres qu’elles sont plus épaisses. Ils ne manquent jamais d’être servis suivant leur goût, & trouvent toujours des charlatans prêts à leur offrir & à leur vendre fort cher des tableaux récens qu’ils ont eu soin d’enfumer. On enfume aussi des dessins nouvellement copiés, ou faits par des artistes vivans & quelquefois par des élèves, pour leur donner l’apparence d’anciens originaux. Comme on connoît toujours l’âge des estampes, on a soin au contraire de les laver ou de bien nettoyer la fumée dont elles peuvent être couvertes, pour leur donner l’apparence d’une belle conservation. On ne prend cette peine que pour les amateurs, car les artistes au contraire aiment assez que les estampes soient légèrement enfumées, c’est-à-dire qu’elles ayent contracté une demi-teinte rousâtre, parce que ce ton détruit l’opposition tranchante du noir de la gravure avec la blancheur du papier (L.)