Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Episode

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Panckoucke (1p. 255-256).
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ÉP

EPISODE (subst. masc.). Ce mot appartient proprement à la théorie de la tragédie & du poëme épique, & il désigne toute action qui, dans ces poëmes, est liée à l’action principale, mais qui pourroit s’en détacher, & qui ne lui appartient pas essentiellement. Il a passé du langage de la poésie dans celui des arts, & il y est employé dans le même sens ; mais les amateurs en sont plus d’usage que les artistes. Cette expression semble pourtant nécessaire à la théorie de l’art, & elle n’est pas sy nonyme du mot accessoires. On entend plus particulièrement pat les accessoires, des représentations d’objets inanimés qui servent à décorer la scène, à en marquer le lieu, à en fixer le temps (Voyez l’article ACCESSOIRES) ; & par épisodes, des représentations d’objets animés, des figures ou des grouppes qui sont liés au sujet principal, mais qu’on peut en détacher sans détruire ce sujet. Par exemple, dans le tableau de la prédication de Saint Paul par le Sueur, le jeune homme qui souffle le feu pour brûler les livres qui ont été apportés sur la place, est une figure épisodique, & le sujet pourroit subsister sans elle, puisque le peintre auroit pu prendre le moment où feu auroit été suffisamment allumé ; mais quoique cette figure ne soit pas absolument nécessaire à l’action, elle n’y est pas inutile, puisqu’elle contribue à marquer le zèle avec lequel on obéissoit à la prédication de l’apôtre.

Souvent le peintre introduit des épisodes pour lier les grouppes, pour étendre les masses d’ombres & de lumières, pour orner, pour enrichir son sujet : toutes ces intentions sont louables, & s’il parvient à les remplir, il a réussi dans la partie qu’on peut appeller d’apparat & de décoration ; mais s’il aspire à la gloire de réussir dans la partie du génie, qui seule constitue le grand artiste, il faut que toutes ces richesses, qu’il ajoute à son sujet, contribuent encore à en fortifier l’expression, & qu’on ne puisse en retrancher aucune sans affoiblir l’effet que son tableau doit produire sur l’ame des spectateurs.

Il est de l’essence de l’épisode de n’être pas absolument nécessaire à l’action principale ; mais il est défectueux, s’il n’y est pas lié, s’il est d’une expression qui la contrarie, s’il est bas lorsqu’elle est noble, s’il est ridicule lorsqu’elle est grave, s’il est comique lorsqu’elle est attendrissant, &c.

Comme il y a des poëmes épisodiques, il y a des tableaux qui pourroient mériter le même titre : tels sont ceux qui n’offrent pas une action nécessaire bien marquée, mais un concours d’épisodes ou d’actions qui sont au choix du peintre ; telles sont les représentations d’une caravanne, d’un marché, d’une place publique.

Il y a même des sujets qui sont en même temps historiques & épisodiques. Tel est celui de la manne donnée aux Israëlites dans le désert. Le sujet n’offre nécessairement que la figure de Moyse obtenant par ses prières une assistance miraculeuse, & un peuple affamé qui recueille la manne. Les différentes actions des Israëlites, dans cette circonstance, sont au choix du peintre : on peut voir, à l’article EXPRESSION, que le Poussin a fait ce choix en homme de génie, & que tous les episodes qu’il a rassemblés concourent à augmenter l’intérêt du sujet.

Le déluge universel est aussi un sujet épisodique. Une inondation totale, l’arche portée sur les eaux, des hommes & des animaux qui se noyent, voilà ce qui est offert par l’écriture : toutes les actions des infortunés, victimes de la vengeance céleste, sont épisodiques & au choix du peintre. Le Poussin est, de tous les artistes qui ont traité ce sujet, celui qui a le moins multiplié les épisodes, & qui en même temps l’a rendu de la manière la plus sublime. (Article de M. Levesque.)