Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Héros

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Panckoucke (1p. 411).
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HÉROS (subst. masc.) On appelle héros ou demi-dieux ces hommes de la haute antiquité que l’on croyoit enfans des dieux, ou qui ont été déifiés, ou qui ont vécu enfin dans les siècles qu’on nomme héroïques. On comprend en général dans le nombre des héros tous les hommes qui ont vécu jusqu’au siège de Troye. Homère leur donne une force bien supérieure à celle


des hommes de son temps. « Le fils de Tydée prit, dit-il, une pierre, masse énorme, que deux hommes tels qu’ils sont aujourd’hui ne pourroient soulever : seul, il la lança facilement. » Homère n’est pas moins le maître des artistes que des poëtes : l’idée qu’il nous donne des héros, l’artiste doit l’exprimer. Leur nature doit être au-dessus de l’humanité & approcher de celle des Dieux. Dans leur jeunesse ils ne sont pas tout à fait des Apollons, mais ils ressemblent à l’Antinoüs ; dans la force de l’âge ils ne sont pas des Jupiter Olympien, mais on reconnoît qu’ils ne peuvent céder qu’à Jupiter ; audacieux comme Diomède, ils attaqueroient même le Dieu Mars : leur vieillesse majestueuse n’offre aucun signe de décrépitude, on voit qu’elle est encore loin de la destruction ; elle n’a plus la vivacité de la jeunesse, ni la force de l’âge viril, mais elle a l’empire de la sagesse. Dans tous les âges, leurs formes sont grandes ; l’artiste a négligé dans toutes les parties ces petites formes qui annoncent à l’homme sa foiblesse. Leur maintien est simple, car le fort n’a besoin d’aucune affectation. Ils ont la taille haute, & par conséquent la tête petite ; car l’artiste donnât-il à ses figures une hauteur gigantesque, elles seroient courtes si elles avouent de grosses têtes. L’Hercule Farnèse est grand, non parce qu’il est collossal, mais parce que sa tête est petite ; on peut faire un nain collossal. L’expression se peint sur les traits des héros sans les trop altérer : leur colère ne dégénère point en fureur ; la douleur extrême ne dégrade pas entièrement leur beauté, parce que leur ame vigoureuse sait résister à la plus violente douleur. Le Laocoon souffre, mais il est encore beau : il ne s’écrie pas comme le Stoïcien que la douleur n’est point un mal ; mais il sent le mal, & il en est presque vainqueur. S’il ne présentoit qu’un visage hideux, si la souffrance dégradoit entièrement la beauté noble de ses traits, il intéresseroit moins : ce ne seroit plus un héros souffrant ; ce seroit un esclave à la torture. (Article de M. Levesque.)