Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Pratique Lettre H

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HOQUETTE. (Oibfl :. fetn. ) Inftrument de fer , à l’ufage des fculpieurs en marbre. HUILE. Peiktuh.’e à Vhulle. La méthode de peindre e/i détrempant les couleurs à l’huile . eft une invention des modernes. Elle eft aujourd’hui plus pratiquée que toutes les autres ,. ce qu’elle doit aux avantages réels qu’elle a fur to’js les autres procédés. Ces avantages font îa délicatefle & la beauté de l’exécutiou, l’union & le mélange des teintes, la vivacité des couleurs , la force & la vigueur de l’ef :et , la faeilité qu’elle ofTrî de produire des ouvrages qui peuvent fe rouler & le tranfporter aii’ement, enfin ia réfiftanceà l’eau qui ne peut la détremper. Elle donne le temps néccflaire povir empâter j adoucir, finir même , fil’onveut, jufuu’à l’excès ; elle offre la commodité de retrancher oi : changer tout ce qui ne platt pas, fans qu’on foit obligé d’effacer entièrement ce qui eft déjà fait. Enfin on peut employer, cette manière de peindre pour les compofnions les plus colloffales & pour les ouvrages de la plus petite proportion. La peintuie à l’huile pourroit paffer pour la plus parfaite des manières de peindre, li elle n’avoir pas quelques défavantages qu’il ne faut pas dillimulcr : c’efi : que quelques unes de fes couleurs fe terniiTent parla fuite du temps, que d’autres BoircitTent , & que les carnations prennent un ton roux-jaunâtre qui en altère la vérité. Ce dernier défaut doit être attribué à l’huile avec laquelle on détrempe les couleurs, &en eft peut-être inféparabie. Cependant fi l’on refléchit fur Ses inconvér.iens qui accompagnent les autres genres de peinture , on trouvera peut-être que celle à l’huile conferve encore la fupériorité. La plus grande commodité qui l’accompsgne , c’efl qu’elle permet de voir l’effet à mefuie que l’on travaille, tiarce que les cooi’eurs ne changent point en fechant. Ainfi l’on peut faifir dans le moment la vérité de la nature avec une telle précifion , qu’il ne fembie pas que l’on puiffc rien dtfirer de plus. Comme l’effet que l’huile produit fur les teintes eft conna , il faut le prévenir en l’employant dans la plus petite q, :antits qu’il eft polTibie , & fuppk’ant à l’huile de noix par celle d’afpic qui rend les couleu/s plus maniablei & : plus coulantes, & qui s’évapore proniptement. Entre les inconvéniens de !a/W2fiire iz rkuile , il en eft un que tout le monde a pu remarquer : c’aft qu’elle donne aux couleurs un iuifant qui cnipcàe de voir commodément les tableaux quand ils font pofés en face du jour : il faut qu’ih reçoivent la lumière de biais. Les huiles qu’elle employé font celle de lin , mais feulement pour l’impreffion , celle de noix, celiede pavot blanc, qu’on appellehuiie d’œillet ou d’oliette, &, comme nous venons de le dire, celle d’afpic.

Mais il y a des couleurs qui, broyées avec ce» huiles ^ ne lèchent que très difficilement, ou même jamais. On a d’abord remédîéà cet inconvénient en mêlant avec ces couleurs un peu de couperofe blanche , féchée fur une platine de fer , & broyée à l’huile : mais la couperofe a plufieurs inconvénicns. Celui dont on a été le plus frappé, c’eft qu’elle eft un fe ! , & l’on a craint avec raifon que i’humidité ne la fit dil— • foudre , & qu’en fechant , elle ne laiflat fur ia furface du tab.eau une efpéce de farine caDabied’en ternir la beauté. C’eft ce qui a tait chercher un autre ficcatif , & l’on a trouvé celui qu’on nomme kalle grajfe.

On ne fait ulage de cette huile que pour les couleurs difficiles à fecher, telles q ;ie l’outremer , la Jacque , les ftiis de grain , les noirs de charbon , & furtout les noirs d’os 3c d’ivoire , qui exigent un peu plus de ficcatif que les autres couleurs. Sans cet intermédiaire, ils fercient plufieurs années à ficher. Quand on rompt ces couleurs avec du blanc de plomb, comme ce blanc eft lui-même fort ficcatif, il faut mettre moins d’hui.e graffe. On peut obferver en paf- {ant,-que toutes les couleurs feclient beaucoup plus vite en été qu’en hiver.

On peint à l’huiie litr le bo !5, la toile, Is taffetas, le cuivre^ les murailles. Pourconnoîtrela manière deprépaçer ces différcn e ; farraces propre» à recevoir la peinture , v.o) ez l’art. I ?jpressios. Toutes les couleurs qu’on employé p ?: r !s Frefque font bonnes poi ’j. jreLn’iire à Phuile ,. excepté le blanc dr rhaux , le bianc decoquillesd’œvifs, iv la poudre de marbre.

On fait aL ?l’i ui’age da blanc de pîomh-, du majjijnt jaune’ Se du maffc-ot blara , àsVorpin jaune & de ï’o-rpin rouge Ces deux dernières couleurs doii-ent être employées pures ; on ne peut les rompre avec d’autres , parce qu’elles les gâent & les noircifTent. Quelque fois on lescalcine pour leur ô er leur mauvaife qualité ;, mais dans cette opération , il faut bien fe gar^Jer c’enrefpirer la vapeur qui eft mortelle. On peut dire en général uu’il eft fage de rcjetter abfolumeacles orpins : ils peuvent ce venir tuneites a l’artiste qui les employe, & au tableau pour lequel il en fait usage.

On se sert aussi du cinnabre ou vermillon qui ne subsiste guère à l’air.

De la lacque fine qui a le même inconvénient.

Des cendres bleues & des cendres vertes bonnes uniquement pour le paysage.

Du bleu de Prusse qui devient un peu verd avec le temps.

Du noir de fumée calciné, qu’on peut employer seulement dans les draperies noires.

Du noir d’os & du noir d’ivoire : suivant Pline, ce fut Apelle qui inventa le dernier.

Des fils de grain que les peintres sages rejettent, parce qu’ils sont sujets à changer, & même à s’évanouir presqu’entierement.

De la terre d’ombre qui est une très-mauvaise couleur, sujette à pousser, de même que le minium, ou mine de plomb d’un rouge orangé.

Le carmin seroit d’un excellent usage, mais il a peu de corps, & est fort cher.

L’outremer est plus cher encore : cependant on ne peut se dispenser de l’employer, surtout dans les carnations fines, telles que celles des femmes & des enfans, quand on veut faire des ouvrages qui soient de durée.

L’azur ou l’émail noircit à l’huile.

Le bleu d’Inde a beaucoup de corps avec le blanc ; mais il se décharge beaucoup en séchant. Il faut avoir soin de le coucher un peu épais, & d’y mettre peu d’huile. Pour lui assurer de la durée, il faut le glacer à l’outremer. On ne le fait entrer que dans des ciels & : des draperies.

Le verd-de-gris est d’une belle couleur, mais sa beauté est perfide : pour peu qu’il en entre dans l’impression d’une toile, il est capable de tout gâter. Il devient noir peu de temps après avoir été employé. On le calcine quelque fois pour le rendre plus durable ; mais quelque moyen qu’on employe pour le purifier, il reste toujours dangereux pour les autres couleurs, & ne peut être employé que seul. Il ne faut jamais s’en permettre l’usage que pour en mêler en fort petite quantité avec les noirs, qu’il a la faculté de rendre très-siccatifs ; & l’on doit avoir grande attention de ne pas se servir, pour les autres couleurs, des pinceaux avec lesquels on a employé le verd-de-gris.

Quelques peintres se fervent d’un noir particulier pour retoucher leurs ouvrages à l’huile, & pour donner beaucoup de force dans les bruns. Cette couleur est le bitume de Judée, qu’on appelle afphalte, & que, par corruption, les artistes nomment spalte. Un peu écrasé, il se fond aisément dans l’huile sur le feu ; il est d’un noir roussâtre tirant sur le minime ; il se glace facilement & est fort doux à la vue, mais il ne séche jamais, à moins qu’il ne soit mêlé avec un fort siccatif ; aussi peut-on, après l’avoir préparé, le conserver pendant plusieurs années pour s’en sevir au besoin. On peut y mêler, pour siccatif, un peu de verd de gris.

Les principaux instrumens de la peinture à l’huile sont le chevalet, la boéte à couleurs, les brosses, les pinceaux, la palette, le couteau à couleur, l’appuie-main. Voyez ces mots à leur ordre alphabétique.

EXPLICATION
des Planches qui concernent la peinture à l’huile.
PLANCHE I.

Vignette. Elle represente un attelier dans lequel on a tâché de réunir plusieurs genres de peinture.

La figure 1 représente le peintre d’histoire. a, son marche-pied. b, grande boëte à couleurs. c, pierre à broyer les couleurs.

La figure 2 représente le peintre de portraits. d, sa boëte à couleurs.

La figure 3 repréfente un peintre occupé à réduire un tableau dont il veut faire une copie. e, le tableau qui lui sert de modèle. f, la toile sur laquelle il a tracé, dans une plus petite proportion, autant de quarreaux qu’il en a fait sur celui qu’il se propose de réduire.

La figure 4 représente le peintre de portraits en miniature.

On apperçoît dans le fond de l’attelier deux figures antiques, un globe, une équerre, & des livres, qui sont autant de choses utiles au peintre, & qui désignent l’étude de l’antique, l’histoire, la géographie, & l’architecture.

Bas de la planche. Fig. 1. Appuie-main.

2. 3 & 4. Couteaux de différentes formes.

5 & 5 . Brosses.

6. Bléreau dont on fe fert pour fondre les couleurs.

7. 8 & 9. Pinceaux.

10. 11 & 12. Palettes de différentes formes.

PLANCHE II.

Fig. 1. Boëte à couleurs.

2. Coupe de cette boëte.

3. Son plan.

4. Boëte de fer blanc pour contenir les pinceaux & les vessies. a, le pincelier. b, quarré pour mettre les vessies. c, quarré dans lequel on met l’huile d’olive pour détremper les pinceaux.

5. Coupe du pincelier.

6. Coupe du quarré qui sert à faire tremper les pinceaux.

7. Autre boëte de fer blanc pour mettre les couleurs en poudre.

8. Vessie contenant une couleur broyée.

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PLANCHE II T.

Fig. I. Grand édiafaud à roulettes pnr les grand- ! tableaux.

Grande échelle avec fon banc pour le 

même ufîge.

. Petit marche-pied.

, Ro.iiciies de l’échafauJ , fij. i. j. Banc qui s’accroche aux echelens de la fig. X.

PLANCHE IV.

Fig. T, Chevalet d.int la barre fe monte fans chevilles , par le moyen du refibrc 5 , qui appuie fur les dentures.

. Le n’.ont^nt de ce chevalet qui fert à retenir les toilrs à volonté, à hauteur convenable.

?.. Toile tendue fur un chaflis commun. 

. Goda-miché double, pour contenir l’huile grafle & : l’huile d’œ'llet.

. Code-michéfimple, pour contenir l’huile £r3ffe.

PLANCHE V.

Fig. I. Vue d’angle du chevalet repréfenté iig. %. de la planche précédente. a. Cheville qui empêche la queue de remuer. . Plan du reflbrt,

. Chappe du même reffbrt , avec les dentures. . Toile tendue fur un chalïïs à clef. PLANCHE VI.

Fig. I. CheN alet vu de face & qui fe plie du fens que l’on veut.

. Vue perlpeftive du même chevalet. . Partie du même chevalet vu par derrière, avec emmanchemens.

. Profil du même chevalet,

. Appuiermain.

. Chevalet ordinaire.

. Partie da même çhevslet vu par derrière, . Chevilles.

t). Barre pour pofer les toiles qu’on peint, jo. Pierre à broyer les padels. II. Boëte au paltej.

Huile. Peinture à l’huile. Le Comte de Caylus , en faifant des recherches pour recouvrer la peinture encauftique des anciens, a été conduit par les expériences à propofer une nouvelle manière de peindre à huile. Quoique nous ne fâchions pas qu’aucun artifte l’ait niife en pratique , nous croyons cependant devoir la configner dans ce didionnaire. L’attachement naturel aux habitudes qu’on a contraftées, peut faire négliger longtemps des découvertes , dont on i^r| forcé 49ns la fufte dç reconnoitjre les ava^n-HU I

taçês. Les idées nouvelles peuvent être quelque fois comparées à des l’cni-înces qui reftent enl’e-» veiies fous la terre, germent enfin, lèvent, profpérent & produifent des fruits. On peindra à l’eau, dit le Come de Cavîus ^ fur une toile à crad, avec dei couleurs ordinaires, en obfervcnt cependant de ne faire u !bge que de celles que l’on employé communément dans la peinture a rkuUe. Lorl’qi’.e les couleurs feront ftchees ,on huniedera le tableau parderr’. cre avec de l’huile de pavot , appellce d’olietre, qui jaunit moins que les autres huiles. Perfonne n’ignore combien l’huile s’étend faci- • lement, & combien il eft aifé de la di(l :ribi.er égaleiT^ent partout , (bit avec le pinçrau , foit avec toute autre chofe qui piiilTe en faire la fonction. L’huile pénétrera la couleur , f-’ra corps avec elle, 5« : rendra, lorfqu’elle fera féchee , le tableau aulFi folide que s’il avoir été peint avec des couleurs broyces à l’/»i»75. Cette efpece de peinture peut avoir l’avantage défaire un tableau fans aucuns luifans , parce qu’ils ne viennent ordinairement que de l’e^cès deï’huiU : les tableaux peints de cette manière feront auili moins fujets à changer, en raifon de la jufte proportion qui fe trouvera entre l’huile 8c I5»couleuri.

On pourroit, au lieu à’ huile , employer un vernis blanc-gras ficcatif. On pourroit aulïï pratiquer cette peinture fur le papier comme fur la toile. Au relie ce fera aux artifles à juger des avantages ou des défavantages de cette petite nouveauté ; dans les arts, une expérience vaut’ mieux qu’une conjeclure.

Nous croyons que, par ce procédé, on ne pourroit manquer de perdre quelques uns des’ avantages que h peinture à l’iuiih a fur la àét trempe , & qui tiennent à la manœuvre de ce genre. Il s’agiroit de lavoir fi les avantages de la nouvelle découverte l’emponeroient fur les inconvéniens qu’elle entraîneroit avec elle. Il en efl un qui femble très-grave : comment employeroit-on les couleurs dont on ne peut faire ufage qu’à l’aide d’un ficcatif ? Les rejetteroit-on ?

mais elles paroilfent néceffaires, & quand 

on pourroit s’en paflér à la rigueur, ce feroit dépouiller l’art de l’une de les richeffes. Frotteroit-on le derrière ^e la toile d’une huile ou d’un vernis capable de faire fécher ces couleurs ? Mais les autres couleurs , qui font ficcatives par elles-mêmes , deviendroient trop féches , & le tableau s’écailleroit, Appellons-enà l’expérieBca avec l’inventeur.

Huile. Manière de peindre à Vhuile les eftampes en. taille-douce. Quand on employé de belles eftampes à cet ulage , on peut dire que ce fecret eft celai de les gâter. Les habiles graveurs ont employé tout leur art à rendre leurs eftampes auffi agréables «ju’elies puiflepr l’êirp-j

tout ce qu’on y ajoute les dégrade , en empêchant de bien voir les favans travaux qu’ils ont pris tant de peine à établir.

Cependant , comme il efb des gens qui aiment mieux les dift’érentes fortes d’enluminure, que la plus belle gravure , parce qu’ils n’entendent rien aux beautés de cet art, & que les couleurs ont pour tous les yeux un charme naturel , nous nerefuferons pas de donner ici le moyen de les fatisfaire. Nous ne ferons que tranfcrire ce qui je trouve fur ce fujet dans la dernière édition des Elimens de Peinture pratique. Cette méthode pourroit être pratiquée <ur des eftampps d’animaux , de plantes ou d’autres objets à’hiftoire raturellc , dont on voudroit marquer les couleurs. ^

On col !e l’eftampe fur un chafTis de bois, après l’avoir humedée d’eau , ccmme fi l’on vouloir faire un chaflis de papier. Lorfqu’elle eft féche , il faut la vernir par derrière avec de l’huile de térébenthine ou avec du vernis ordinaire pour les tableaux, ou av-ec le vernis dont la compofition eft ci-après. Puis il fsut avoir des couleurs broyéesavec de l’huile de noix , & le ; appliquer à plat & fans ombrer fur le revers dï chaque partie de l’eftampe , telles que les ca-nations , les cheveux , les draper^ies , &c. faifint à peu près les mélanges ; comme du blanc & un peu de vermillon pour les carnations , i]n peu de rouge aux joues & aux lèvres , &c. On couche ces couleurs à plat , parce que les tailles de la gravure fuffilént pour vendre l’effet des demi-teintes & des ombres. Lorfque vous aurez couclié, comme on vient de le dire , toutes les couleurs fur le dos de l’eftampe , vous la vernirez du côté de l’imprefOon avec un vernis blanc, & la hiiflercz fe^^her. Si elle ne vous paroît pas affez luilante ou tranfparente , vernilfez-la encore une fois. Mais avant que de la laiflér entièrement fécher , fi vous avez deffein , pour rendre l’ouvrage encore plus barbare , d’y ajouter de l’or ou de l’argent moulu en quelques endroits, vous détremperez de l’or en coquilles avec de l’eau gommée, & vous l’y appliquerez -un peu épais, autrement l’or venant à fecher, fe retireroit par petits points : au lieu que fi l’or ou l’argent eft en bonne confiftanïo , vous en admirerez la beauté fur le vernis. Le tout étant bien fec , & l’eftampe étant encore fur fon même chaflis, fi vous appréhendez qu’elle ne fe cafle ou ne fe déchire par la fuite , il faut avoir un carton de la même grandeur que l’eftampe, ik l’y coller fans l’ôter du chafîis jufqu’à ce qu’elle foir bien féche. Alors vous pouvez la retirer & la - mettre dans une bordure.

Vernis pour préparer les tailles-douces avant de les peindre à Chuile. Ce vernis fe fait fans feu. Mettez dans un vafe de terre ou de fayence un /quarteron de térébenthine ; autant d’huile d’af-H U I

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pîc , & la hauteur d’un doigt d’efprit de vin dans un verre. Délayez lamatiete avec un pinceau de la groffeur du pouce , & le plus doux que vous pourrez trouver, jufqu’à ce qu’elle foir épaifTe comme une glaire d’œuf. Alors votre eftampe étant montée fur fon chalFis , & couchée à plat , vous la iVotrerez par derrière, en étendant le , vernis le plus promptement qu’il fe pourra ; vous la retournerez du côté de la gravure , en ferez autant, & la laifferez fécher. Jii le vernis eft- longtemps à fécher , mettez par-deffus une couche d’efprit de vin.

Autre manière mieux détaillée. Prenez des eftampesen taille-douce , dont les figures foienc un peu grandes : celles qui font gravées en manière noire font trèi-propres à cet ul’age. Humectez légèrement l’eftampe par derrière avec une éponge très propre &t imbibée d’eau bien claire , collez-la promptement fur un challis de bois avec de la colle de farine, & laiffez-la fecher. Prenez enfuitedu vernis ordinaire , & : mclez-y trois fois autant d’huile de térébenthine ; taites-lechauftér un peu furies cendres chaudes, & Tayant bien remué avec une brofîe do poil de porc, Cûuchez-en également partout ftir le derrière de votre eftampe. S’il fe trouve quelques endroits où le vernis n’ait point pénétra, mettez y une goutte de la même huile & pafTez y enfuite la broffe. Deux ou trois heures après, donnez encore une couche de votre vernis pur ik fans addition d’huile , & expofez votre chaffis au fuleil ou dans un lieu chaud. Réitérez vos couches juîiqu’à ce que l’image foit claire & tranfparente comme du verre blanc , & laiffez-la fécher jufqu’à ce que le vernis ne prenne plus au doigr. Alors vous obferverez quel eft l’envers de l’eftampe pour y appliquer vos couleurs en la manière fuivante.

Prenez de la couleur de cheveux & mettez-en partout où il y a de la chevelure ; mais prenez garde de déborder : il vaut mieux laiffer ouelques cheveux échappés fur le vifage fans y mettre de cette couleur. Après cela faites la teinte des joues avec la couleur qui y eft propre. Pour agir plus fnrement, oppofez une feuille de papier blanc à l’endroit où vous voulez appliquer v’os couleurs , afin de mieux voir l’effet &. le degré de !a teinte que vous voulez mettre : puis leblanc des yeux , le rond de ia prunelle , les fourcijs les lèvres, &c. Compofez enfuite de la couleur femblable aux carnations des figures que vous voulez faire, & couchez- en partout fur le vifage fans autre attention que de ne pas frotter en couchant cette couleur, de peur d’effacer celle qui y eft déjà , & de gâter ce qui eft fair. Oblervcz la même chofe à l’égard du refte du corps où il fe trouve de la couleur de chair à mettre. Pour les draperies & autres acceffoires , il n’y a qu’à les reconnoître Se leur donner tout uniment les 6^6

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couleurs qui leur conviennent , ayant foin qu’elles foientbien broyées avec de l’huile de noix ou de lin. Les tailles de l’eftampe , comme on l’a dit , feront d’elles-mêmes l’effet dîs ombres Tous les teintes que vous y aurez appliquées. Voici les couleurs qui conviennent le mieux à cette forte de travail.

Pour les draperies d’écarlate, on prend du beau vermillon , avec un peu de laque tine & : de mine orangée.

Pour la coi ;leur de cerife , du vermillon avec un.peu de blanc de plomb.

Pour la couleur de feu, du vermillon & du fiil-de-grain.

Pour le jaune , du beau maflicot doré & pâle, avec du jaune de Naples.

Pour l’aurore claire , comme les rayons du foleil, les gloires. Sic. de l’ochre jaune , du vermillon & : du blanc , le tout à volonté. Pour le noir , on ne fe fert pas de noir pur ; mais on le repréfente avec du gris compolé de noir de charbon de faule , ou du noir d’os brûles , mêié avec du blanc de plomb : c’efr ainfi qu’on rend toutes les étoffes noires de foie ou autres.

Pour les fonds & les rochers, on prend du blanc mêlé avec du noir d’os. Les fabriques , les mafurèi fe reprélentent aulll avec le même gris plus ou moins foncé.

Les lointains , payfagcs & terraffes fe font de différentes manières. Quand les arbres font dans le lointain , on prend un peu de bleu ou de cendres vertes, avec un peu d’ochre jaune, & quelque fois un peu de laque pour les troncs les moins éloignés. Pour les branchages des plans avancés, on fe fert du verd-de-mer fait avec du lVil-de-graii ;i , des cendres bleues & du blanc , plus ou moins. Pour les terraffes, ofi prend quelque fois du rouge-brun , de l’ochre jaune & du noir d’os.

Pour les toits & couvertures de maifons , on jnêle du gris & du rouge à diicretion. Les nuéesfe repréfentent i". avec du blanc & du vermillon, fl elles doivent être rougeâtres. Si elles doivent être claires , on y mec plus de blanc , particulièrement lorfqu’elles approchent davantage du folei !. Les nuées ordinaires fe font avec du charbon de faule , du blanc & tant fyit peu de rouge.

Les eaux fe font avec des cendres vertes & bleues ; en quelques endroits avec du blanc. La couleur de chair fe fait pour les hommes avec du blanc , de l’ochre jaune Se un peu de rouge-brun : pour ceux qui ont le teint bafané, avec du blanc , de l’ochre jaune , du brun-rouge & un peu de vermillon. Pour les femmes & les enfans , on prend du blanc de plomb , du vermillon , de la lacque fine , Se un peu de mine orangée , le tout àvolonté.

four les cheveux, on fe fert de blanc & d’ochre jaune pour les blonds, & de blanc mêié avec du noir d’os pour les brunx. Le violet fe fait avec du bleu & de la laque fine. Le verd avec du verd-de-gris & du maflicot , ou bien avec des cendres bleues & du ftilde-gr. ain . il s’éclaircit avec le blanc,- fi on le veut plus verd, il faut y mettre plus de ftil-degrain , & pour le rendre plus éclatant , il y faut plus de malFicot jaune.

( Telles font les couleurs qu’indique l’auteur que nous avons cité.PluIieurs fonr peu fiilides ou tendent à noircir, ce qui efl : afiez indifFérens pour ces fortes de chefs-d’œuvre. Cependant (i l’on coloroit de cette manière des morceaux d’hifi :oire naturelle qui mcritaffent d’être confervés , il faudroit eniplo)er des enlumineurs qui ne fuffent pas fans intelligence de la peinture, &■ choifir les couleurs les moins altérables indiquées dans les diftérens articles de ce dictionnaire qui concernent ces matériaux de l’art.) L’ouvrage étant achevé, vous pourrez, pour en conferver les couleurs, le vernir avec un des vernis dont onfe fert pour les tableaux à l’huile. Pour peindre fur le papier comme à V huile. Prenez un jaune d’œuf bien réparé du blanc : délayez-1% avec deux fois plein la moitié de fa coquille d’eau claire ; battez bien ce mélange, & mettez en un peu dans toutes les couleurs dont vous voulez vous fervir pour peindre fur l’eftampe.

HunE. ( fubfl :. fém.) Les peintres font ufage de differen ;es fortes d’huiles , Toit pour broyer les couleurs , foit pour les employer au bout du pinceau.

L.’ huile de Un ell plus facile à fe dégrailTer que les autres , & plus prompte à ftcher. On la tire par expreffion des graines de lin. 11 faut la choifir claire, nette, amereau goût. Plus elle a cette qualité , îk plus elle eft ficcative , mieux elle fe cuit & moins elle efl : fujette àfegerfer. Lameilleure vient de Hollande : celle qui vient de Lille efl fouvent mêlée d’huile de navette. Pour rendre l’huile de lin aulïï blanche que l’huile d’œillet,il faut la mettre dans une cuvette de plomb expofée pendant ui» été au foleil ; on y jette du blanc de çerufe & du talc calciné : ce mélange attire les parties graffes au fond & éclaircit Thuile. Au refle , comme cette huile eu plusgraffe que celle de noix, on ne l’employé que dans les impreffions.

L’huile de noix dont fe fervent nosartifles efî celle qu’on obtient par une féconde expreffion des noix : elle l’emporte fur l’huile de lin par fa blancheur, mais elle eft moins ficcative. On s’en fert pour broyer & détremper le» couleurs claires , telles que le blanc & le gris, que l’huile délia terniroit un peu. Il faut la choilir blanche

feTentSnt b’en fon fruit , tant au g jftt qu’à l’odjorat.

’L'huile J’aillet ou ffoUette eft celle qui pro-TÎent , par expreflion , de la femence du pavot noir pile. Ilfautia choifirplus claire que l’huile d’oliye 8c fans laveur ni odeur. C’eft la plus blanche de toutes les huiles ; auffi l’employer-on pour broyer & détremper le blanc de plomb , lorfqu’on veut de beaux blancs.

L !’ huile grajfe, ou ficcatlve , efl : le plus puiffant desliccaiifs. Elle le prépare en mettant une demi- once de litharge, autant de cerufe calcinée, autant de terre d’ombre, & autant de talc ou de pierre à Jeius : en tout deux onces de inatiere pour une livre d’huile de lin , qu’on fait bouillir à feu doux & égal , de peur que l’huile C^e ncirciffe. Quand elle moufTe , il faut l’écuçier ; lorfque l’écume commence à le raréfier & ^ k devenir touffe , l’huile efl ; fuffilkmment cuite §c dégraîfTée. Les matières qui le trouvent alors dénaturées en partie , laiflent un marc ou ledi- •pient dans lequel fe trouve une portion de la partie muqueufe de l’huile , qui s’eft combinée ■^vec les ingrédicns fous une forme emplaftique. On lailTe enfuite repofer l’huile ainfi defféchée l8f préparée , parcc__que , dans les intervalles du ïepos , elle dépote toujours un peu & devient plus claire. Plus elle elV ancienne , meilleure «lie efl :.

Au refte, comme l’ebferve M, de Machy, liabile chymifte , Thuile qu’on appelle grajfe ne pouvoit recevoir une dénomination plus contraire à fa nature ; car loin de rendre l’huile de lin plus graffe par ropératicn qu’on lui fait futir pour la rendre ficcative , on la dégraifTe au contraire. Mais on efTayeroit envain de lui faire perdre le nsm qu’elle porte dans les boutiques & ians les at :eliers,& qui eflconfacré par l’ufage : il fuffit d’avertir que ce nom n’exprime pas une idée phyfique,

Obfervons que vingf-quatre heures après qu.e Vhuile nommée grajfe efl : dégfaiffée , il doit fe former à fa furface une pellicule : fl elle ne fc forme pas, c’eft la preuve qu’il y a encore de tihumidité , qu’elle n’eft pas affez defféchée & qu’elle n’a pas acquis affcz dn CDrps. {^Extrait de l’,arc du peintre par M. T^atin. ) L’auteur du Traité de la peinture au paftel remarque que VhuilegraJJe étant compofee avec des chaux de plomb , tend à fe rembrunir & à brunir les couleurs. Si on y fait entrer de U couperofe blanche , elle a le même défaut , parce que fiette couperofe efl : du zing diffout par l’acide vitriolique. Il propofe de faire concentrer l’huile de noix, en la faifant bouillir une îieure au bain-marie. Il propofe auffi i’huile de Copahu , qui efl : nette, limpide, & lui a paru (eçher très-vite. Il penfe qu’ony pourroit mêler Ueanst^y . Tome IL

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un peti tPhuite de noix ou de lîn. ï ! feroit à Cou~ hairer que des arf.ifl :es miffent en expérience le* diftërentes vues de cet auteur.

L’huile d’afpic. C7eft une huile effentîelle de lavande. La meilleure eft celle que Pomet dit être fournie par une lavatLde fauvage fort commune en Languedoc. Mais , fuivant un mémoire du chymifte Geoffroi , inlcrédans les Mémoires dei’ Académie des Sciences , année 171 j , Vhuile d’afpic ordinaire efl : falflfiée. Tantôt elle 6ft faite d’efprit de vin dans lequel on met communément trois quarts d’huile effentielle ; tantôt ce n’eft que de l’huile effentîelle de térébenthine, parfumée d’une trop petite quantité de véritable huile d’afpic. M. Valmcnt de Boraare indique un moyen facile de découvrir la fraude. Si l’on jette dans de l’eau communel’^ :^iZe ;ri2//’ic ;mêlée avec de l’efprit de vin, ce dernier fe mêle avec l’eau , S : l’huile fumage. Pour connoître cellR qui eft mêlée avec de l’huile de térébenthine, ou quelqu’autre huile , il faut en brûler un pea dans une cuiller de métal : fi elle eft pure , elle donne une flamme fubtile , une fumée d’une odeur qui n’eft pas défagréable & en petit& quantité : au lieu que c’eft tout le contraire lorPqu’elle eft falflfiée. Les peintres à l’huile fe fervent de l’Azii/e if’ci//7ic pour retoucher plus aifément leurs ouvrages. Elle eft propre aufll à enlever la craffe des tableaux & à les nettoyer ; mai» il faut prendre garde qu’elle n’enlevé les couleurs. C’eft de cette huile que les peintres ea émail font ufage.

Huile de térébenthine. Elle eft extraite de la réiine du mélefe ,^u fapin , ou du térébinthe qui croît dans l’île de Chypre : c’eft de ce derniee arbre qu’elle a tiré fon nom. Elle eft fort bonne à retoucher les tableaux ,• on s’en fertavec fuccèî pour la mêler avec l’outremer & les émaux ; elle donne la facilité de les étendre , & s’évapore auflitôt. U ne faut pas mêler beaucoup d’autre huile avec celle-ci ; cela ne ferviroit qu’à la faire jaunir.

Huile à broyer les couleurs qui doivent être. expoféis à l’air. Prenez deux onces de maftic en iarmes , bien chaires > Se broyez-les avec de l’huile de lin. Verfez ce mélange dans un pot de terre verniffé que vous mettr-ej fur le feu : vous y ferez fondre peu-à-peu le maftic , remuant , toujours la matière ; puis vous laifferez refroidir cette huile , 8c regarderez fl le maftic eft fondu & bien incorporé avec l’huile. Alors vous vous en fervirez pour broyer les couleurs que vous employerez à des ouvrages qui doivent être es-» pofés aux injures du temps.

A la recette de Vhuile graffe que nous avons, extrai’e du livre de M Watîn^ nous croyons de^ voir en joindre d’autres qui nous font faurnief O O Q Q

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par le nouvel éditeur des Elémens de peinture pratique.

Faites cuire dans un pot de terre de l’huile de noix avec le dixième ou tout au plus le huitième de litharge. Il faut la faire cuire doucement , de peur qu’elle ne noirciffe , & qu’elle ne fe répande en bouillant trop fort. Pour éviter cet inconvénient, on ne remplit le pot qu’à moitié. Quand elle commence à s’épaiirir, on l’àte de deffuslefeu, & on la bat bien avec une fpatule de bois, en y verfant un peu d’eau. Auffirôt tju’olle eft re’pofée , on peut en faire ufage. Quelques perlbnnes croyent la dégraiiTer tk la rendre plus coulante, en y jettant un oignon coupé en plufieurs morceaux, ou une tranche de pain lorfqu’elle efl fur !e feu. On peut faire encore de ?hdleficcative d’une autre.maniere. On prend de l’émaii ou de l’azur en poudre , & on le fait bouillir dans de l’huile de noix. Au bout de quelque temps, on retire le vaiiTeau du feu , & on laifie repoier le tout. Le deffus de cette huilefert à mêler avec le blanc & à le détremper : on s’en lert auiïi pour les autres couleurs qu’on veut conferver pures & éclatantes.

Autre huile grajp :. Délayez dans un demîfeptier d’huile de lin & un demi rerre d’eau , gros comme la moitié d’un œiif de couperole blanche •, ajoutez-y autant de litharge d’or & autant démine rouge , & enfin gros comme une petite noix de blanc de plomb broyé à l’huile. Faites bouillir le tout lentement pendant une heure Si demie. Lorfque la liqueur ’éra devenue rouge , tirez le vaifleau du feu , & laifTez-le repoier. Pour bien dépurer l’huile , vous la verferez peu-à-peu, & par inclinaifon , dans un autre vaifTeau. Il y a des perlbnnes qui , au lieu de coupeiofe , mettent même quantité de terre d’ombre pulvérifée.

Autre. On peut faire de Vhuile graffe ou ficcatiye, en trèi-peu de temps. Il ne tant que bien H U I

broyer de la litharge d’or avec de l’huîle de noix : On fait bouillir le tout furie feu l’efpace d’uii demi-quart d’heure , & l’huils graffe eft bonns à employer. Sur une pinte d’huile, il faut une livre de litharge.

Buile à retoucher. Elle offre le moyen de retoucher en peignant à l’huile Se de peindre partie par partie. La recette en a été communiquée à M. Watelet par M. Le Prince , peintre habile. Prenez de l’huile d’œillet bien choifie ; battez la dans une bouteille avec de l’eau bien claire, puis laifTez-la expofée au foleil : elle fe clarifie & devient blanche & pure. Lorfque vous voulez repeindre ou retoucher une partie, fans repeindre le tout, prenez de cette huile fur votre palette ; mettez-y une portion de falive qui ne foit pas mêlée d’aliraens. Barrez , ou remuez en rend avec une broffe propre , lufqu’à ce que ce mélange ait la confiftance d’une efpece de pommada. Frottez alors pendant quelque temps la place que vous voulez repeindre -, puis effuyez avec la paume de la main ou les doigts bien propres, & : peignez. Si vous voulez que ce que vous retouchez foit encore bon à peindre le lendemain ,ou même le fur-lendemain , mêlez plus d’huile que de falive dans des proportions que vous indiquera l’expérience.

M. Watelet, à la fuite de cette note trouvée d»ns fes papiers , parle d’une autre haiie à retoucher que vend, dit-il , le fleur Hoflrol , & qui lui paroi : d’un ufsge encore plus sûr & plus facile. Il foupçonne qu’elle n’eiT qu’un mélange defei de Saturne ik d’huiie d’œillet clarifiée, le tout réduit en confîllance de ponimsdc. Il affure qu’il en a fait plufieurs fois l’expérience avec fuccès ; mai ? ce qiii eft capable d’inlpirer encore plus de confiance que les eflais d’un am’ateur, c’efr qu’il ajoute que M- van Spaendonck, célèbre par fes tableaux de fleurs , s’en ferc habituellement.