Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Tome 2/Pratique B

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B

BADIGEON. (subst. masc.) BADIGEONNER, (v. act.), Le badigeon est la couleur dont on se sert pour procurer aux vieux édifices on air de nouveauté, aux pierres noircies par le temps l’apparence de pierres fraîchement taillées. Voici comment il se compose. On prend un seau de chaux éteinte ; on y joint un demi-seau de sciûre de pierres, à laquelle on mêle plus ou moins d’ochre de rut, suivant le ton qu’on juge à propos de donner au badigeon. On détrempe le tout dans la quantité d’un seau d’eau, où l’on a fait fondre une livre d’alun de glace, & on badigeonne, c’est-à-dire, on enduit l’édifice avec cette composition à l’aide d’une grosse brosse. On peut suppléer à la sciure de pierres par de l’ochre de rut ou de l’ochre jaune. On peut aussi piler des éclats de pierres de Saint-Leu, & les réduire en une poudre que l’on passe au tamis. Il en résulte avec la chaux un ciment très-difficile à ronger par l’air.


BALLE. (subst. fém.) Instrument dont se servent les imprimeurs de livres pour prendre l’encre & en enduire les planches. Il est rond à-peu-près comme un ballon, & est armé d’une poignée. La partie qui prend le noir est de cuir. Les graveurs en bois doivent avoir des balles pour tirer eux-mêmes leurs épreuves : elles sont plus petites & plus légères que celles des imprimeurs. On en peut voir la forme, planche II de la gravure en bois, figure 42. La balle est, pour l’impression des livres & des planches en bois, ce qu’est le tampon pour l’impression des planches en cuivre.


BERCEAU. (subst. masc.) Instrument d’acier qui sert au graveur en manière noire, pour faire sur le cuivre le grain qu’exige ce genre. Le berceau a à-peu-près la forme d’un ciseau, mais il se termine à l’une des faces par un biseau, & à l’autre par des entailles perpendiculaires. C’est le côté du biseau qu’on aiguise. On le promène sur le cuivre en le berçant, & c’est de là qu’il a tiré son nom. On peut adapter au berceau des manches de différentes formes ; l’artiste choisit celle qui lui paroît la plus commode.


BILBOQUET. (subst. masc.) Instrument du doreur. C’est un petit morceau de bois, dont la surface est unie, & sur laquelle on a adapté de l’écarlate. Voyez l’article Dorure.



BISTRE. (subst. masc.) Couleur brune & un peu jaunâtre, dont les dessinateurs se servent pour faire le lavis. On s’en sert aussi pour peindre en miniature. Pour faire le bistre, on prend de la suie de cheminée, on la broye avec de l’urine d’enfant sur le porphyre, ou sur la sorte de pierre qu’on appelle écaille de mer, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement affinée ; on l’ôte de dessus la pierre pour la mettre dans un vaisseau de verre de large encolure, & on remue la matière avec une spatule de bois, après avoir rempli le vaisseau d’eau claire : on la laisse ensuite reposer pendant une demi-heure. Le plus gros tombe au fond du vaisseau, & l’on verse doucement la liqueur dans un autre vase, par inclinaison : ce qui reste au fond est le bistre le plus grossier que l’on jette. On fait de même de ce qui est dans le second vaisseau. On remet la liqueur dans un troisième, & on en tire le bistre le plus fin, après l’avoir laissé reposer pendant trois ou quatre jours. On doit procéder de la même manière pour faire toutes les couleurs dont on doit se servir au lavis, afin d’avoir des couleurs qui ne fassent point corps sur le papier, c’est-à-dire qui s’y étendent sans epaisseur ; car cette sorte de dessin ne souffre que des couleurs transparentes.

On prépare encore le bistre en faisant bouillir la suie de cheminée cinq ou six gros bouillons, avec de l’eau à discrétion, dans un chaudron exposé sur un grand feu. On la remue de temps en temps avec un petit bâton. Le bistre s’emploie comme l’encre de la Chine. (Ancienne Encyclopédie.)

Le meilleur bistre, & qui n’exige aucune préparation, est la liqueur brunâtre & onctueuse qui distille des tuyaux de poëles. Il s’emploie tel qu’il se recueille. Si l’on ne peut s’en procurer, il est toujours facile d’en composer par le second procédé que nous avons transcrit. Il n’y a pas d’inconvéniens à faire bouillir l’eau davantage jusqu’à ce qu’elle ait éprouvé une certaine réduction. Le bistre en sera d’une couleur plus profonde, & on sera toujours maître de la dégrader, en mettant plus ou moins d’eau dans le pinceau.


BLANC. Le blanc le plus commun est celui qu’on nomme Blanc de Rouen, ou de Bougival, plus ordinairement Blanc d’Espagne. Il est généralement cnnu par l’usage qu’on en fait pour nétoyer l’genterie ; il sert aussi à la peinture, du moins à celle en détrempe ; car il n’a pas assez de corps pour être employé à l’huile. Ce blanc est une terre ou marne blanche qui se fond très-facilement dans l’eau. Pour lui êter son gravier & la purifier, on la fait dissoudre dans de l’eau bien claire & on l’y laisse reposer, ce qui se fait sans aucune manipulation. On jette cette première eau qui est ordinairement claire & sale. On lave cette marne de nouveau, jusqu’à ce que l’eau devienne blanche comme du lait, & on verse cette eau blanche dans des vases bien nets. On l’y laisse reposer jusqu’à ce que l’eau devienne claire & que tout le blanc soit déposé au fond. Alors on décante l’eau, ayant soin de ne la pas agiter, pour qu’une partie du blanc ne se mêle pas de nouveau avec elle. On pétrit le dépôt quand, par un commencement de dessication, il est réduit en une consistance de pâte, & on le laisse sécher à l’air où il se durcit. On met la partie la plus fine en petits bâtons, & on moule en grosses masses le fond qui est toujours plus grossier. Toutes les terres qui servent à la peinture se lavent & s’épurent de la même manière.

Le Blanc de craie est à-peu-près de la même espèce, mais moins fin, & plus dur. On le nomme aussi blanc de Troies, parce qu’il s’en prépare beaucoup en cette ville : la craie est si commune en Champagne, que la plupart des maisons de la ville de Reims en sont bâties. On choisit pour faire le blanc, la craie dont les molécules sont les plus fines, & dont la substance est le moins mêlangée de grains pierreux. On le purifie comme le blanc d’Espagne : il a de même trop peu de corps pour être employé dans la peinture à l’huile.

On pourroit, dit l’auteur du Traité de la peinture au pastel, employer, au lieu du blanc de Troies, le Kaolin, terre blanche, qui, réuni avec le Petuntsé, compose la pâte de la porcelaine. Il y en a de vastes carrières dans le Limosin, près de Saint-Iriex, & dans le diocèse d’Uzès, non loin du Pont-Saint-Esprit en Languedoc. Cette substance n’éprouve aucune altération dans le feu. Tout me porte à croire, ajoute le même écrivain, qu’elle réussiroit beaucoup mieux que la poudre de marbre dans la peinture à fresque. Le kaolin, suivant M. Valmont de Bomare, est une terre composée, blanche, farineuse, graveleuse, brillante. Dans l’analyse qu’il a faite de celui de la Chine, il a reconnu que la partie farineuse est calcaire, que les paillettes brillantes sont du mica, que les parties graveleuses sont de petits crystaux de quarz, & que la partie empâtante qui sert de cément, est argilleuse. Il a trouvé quantité de terre semblable sur les couches de granit qui se voient aux villages du grand & du petit Hertrey, près d’Alençon, & il soupçonne que ce kaolin n’est que du mauvais granit détruit.


Il a recontré de semblable kaolin dans ses voyages en Bretagne, en Allemagne & en Suisse.

Le Blanc de plomb est celui qu’on emp1oie à l’huile ; il fait corps avec elle. Ce blanc est une sorte de rouille ou d’efflorescence du plomb qui le ronge à la longue, comme la rouille ronge le fer. Cependant si l’on ne pouvoit avoir d’autre blanc de plomb que celui qui se forme naturellement sur ce métal par l’acide de l’air, il seroit trop rare pour le grand usage que l’on en fait : mais l’art est parvenu à accélérer la marche de la nature, & l’on a trouvé deux manières artificielles de faire le blanc de plomb.

Dans la première, on réduit le plomb en lames minces que l’on trempe dans du vinaigre fort, & qu’on grate tous les jours pour enlever la rouille qui couvre sa surface. On répète cette opération jusqu’à ce que toute la substance du plomb se soit réduite en efflorescence.

Voici l’autre procédé, tel que le donne M. Watin, dans son Art du peintre, doreur, vernisseur. On coupe du plomb en lames fort minces qu’on pose sur des bois mis en travers dans un vase, au fond duquel on a versé de fort vinaigre à la hauteur de quatre à cinq doigts. On lute bien le vase, on le met sur un feu modéré, ou sur des cendres chaudes, Dans le travail en grand, au lieu de tenir le vase sur du feu, on le dépose pendant une dixaine de jours dans du fumier. Quand on découvre le pot, on trouve que ces lames sont devenues plus volumineuses qu’elles n’étoient, & qu’elles se sont couvertes d’espèces d’écailles blanches, dures & friables ; c’est ce qu’on appelle du blanc de plomb en écailles. Au milieu de ces feuillets, il reste quelquefois de petites lames de plomb qui ne sont pas entrées en efflorescence, & qu’on doit séparer comme inutiles. Quelquefois aussi les feuillets sont couverts d’une matière jaune & grasse qu’on doit ratisser avant que de les broyer. Cette matière jaune peut venir de lames de plomb qui n’étoient pas bien nettes à leur superficie quand on les a renfermées dans le vase.

Quand on veut que le blanc de plomb soit de la plus grande beauté, il faut le broyer à quatre reprises différentes sur le porphyre avec de l’eau claire & le plus promptement qu’il est possible. Plus il est broyé, plus il devient blanc. Il y a des personnes qui le broyent d’abord au vinaigre, & ensuite le lavent à l’eau ; mais la première manipulation est au moins inutile.

On le laisse ensuite sécher en trochisques, ou petits grains, dans un endroit où il ne soit pas exposé à la poussière. Si au lieu de le conserver en cet état, dans lequel il doit rester lorsqu’on le destine à la détrempe, on veut le mettre à l’huile, il faut, après l’avoir broyé pour la quatrième fois, y incorporer de l’huile d’œillets très-blanche, en battant le blanc à petits coups répétés, pour en faire sortir l’eau que l’huile remplace. On le rebroye ensuite très-fin par petites parties ; on le dépose dans un pot de terre vernissé, en mettant’un demipouce d’eau par-dessus le blanc pour qu’il se conserve & qu’il ne s’y forme pas de peau.

Le blanc de plomb préparé à l’eau est plus blanc & plus fin, que si on le broyoit tout de suite à l’huile. Le meilleur venoit autrefois de Venise ; cette branche de commerce a passé dans les mains des Anglois & des Hollandois. C’est de nous qu’ils achètent le vinaigre & souvent même le plomb, & ils nous revendent ensuite très-cher les matières premières que nous leur avons cédées à bon prix. Cependant la fabrique du blanc de plomb est simple & ne devroit pas être capable d’effrayer notre industrie : il nous seroit aisé d’établir des fabriques en concurrence avec ces nations rivales, & de partager avec elles, & même de leur enlever peut-être par l’infériorité du prix, un bénéfice dont elles se sont emparées.


Le Blanc de céruse n’est autre chose que le blanc de plomb mêlé avec de la craie ou de la marne. M. Warin ne pense pas qu’on réussît à faire de belle céruse avec la marne ou la craie que la France produit ; il les croit trop légères & trop friables, & incapables de donner à la céruse assez de consistance. Nous la recevons des Hollandois ; elle est lourde ; elle a beaucoup de corps, & notre craie qui en manque ne seroit pas capable de lui en procurer : il faut que celle des Hollandois tienne à cet égard da la nature des ochres. La céruse se distingue du blanc de plomb par sa couleur qui est moins blanche, & par son poids qui est plus foible à volume égal. Elle se mélange avec les autres couleurs, leur donne du corps, & les rend plus siccatives.

Ces blancs tirés du plomb ont de grands inconvéniens, dit l’auteur du traité de la peinture au pastel. Indépendamment des altérations qu’ils causent à la santé quand ils sont employés en grand, comme dans la peinture des bâtimens, ils ont, comme beaucoup d’autres chaux métalliques, le défaut de noircir dans des lieux exposés à des vapeurs capables revivifier leur principe de métallisation. L’huile même qui paroît les envelopper, n’est pas capable de les défendre contre ces malignes influences. En un infant la vapeur du foie de souffre fait pousser au brun le blanc de plomb le plus pur. C’est ce qui a engagé cet auteur à chercher des blancs qui n’eussent pas ce défaut, & il croit que le suivant rêpondroit à ses vues.



Blanc de régule d’antimoine. Il existe, dit-il, une autre chaux métallique toute préparée, & qu’on peut employer à l’huile, sans aucun des inconvéniens attachés aux préparations du plomb. C’est la neige ou fleurs argentines du régule d’antimoine. c’est-à-dire, la chaux de ce demi-métal sublimé par le feu. Cette neige, lorsqu’elle est recueillie avec soin, fournit un blanc superbe. Elle a tout le corps nécessaire à l’huile, & n’est point si, susceptible d’altération, quoique beaucoup d’autres chaux produites par ce demi-métal, soient très-sujettes à noircir, telles que le bésoard minéral, le précipité rouge, la metière perlée, & plusieurs autres. En général, les chaux métalliques obtenues par voie de sublimation, ne & génèrent point. On trouve de cette neige à Paris chez presque tous ceux dont la profession a quelque rapport à la chymie, tels que les maîres en pharmacie. Mais il faut choisir ; car elle n’est pas très-blanche ou très-pure chez quelques-uns. Suppose qu’on ne fût pas à portée de s’en procurer, voici comment on pourroit la faire.

« Mettez du régule d’antimoine, par exemple, une livre, dans un creuset dont l’ouverture soit un peu large. Que cette ouverture soit séparée du foyer par quelque corps intermédiaire, afin que la poussière du charbon ne puisse pénétrer dans le creuset. Assujettissez-le, pour cet effet, avec des tuileaux dans une situation inclinée ; enfin couvrez-le d’un autre creuset semblable, & faites rougir à blanc celui qui contient le régule. En très-peu de temps le couvercle se remplira de très-petites paillettes blanches & brillantes. qu’on peut ramasser en mettant un autre couvercle à la place du premier. C’est la neige dont il s’agit. Il faut continuer le feu, jusqu’à ce que tout le régule se soit converti de la sorte en flocons de neige ou de fuie blanche. On doit prendre garde qu’il ne s’agit pas d’antimoine crud, mais de régule d’antimoine. »

Voici encore un autre blanc que propose le même écrivain, dont l’ouvrage est rempli de recherches utiles à l’art. Il est à souhaiter que les artistes en vérifient l’utilité par des épreuves.


Blanc de fleurs de Zinc. On peut, continue-t-il, se servir aussi de ce que les alchimistes avoient nommé Pompholix, nihil album laine philosophique, en un mot, des fleurs de zinc. Les vapeurs les plus méphitiques, le feu même, ni le contact du foie de soufre ne leur causent pas la moindre altération. Je garantis en un mot les fleurs de zinc comme le meilleur blanc qu’on puisse employer à l’huile. Ces fleurs ne sont autre chose que le chaux de ce demi-métal, qu’on obtient aussi par sublimation, de la même manière, à-peu-près, que la neige du régule d’antimoine, & elle vaut encore mieux. Cette suie, du plus beau blanc, se forme quand on enflamme le zinc, & se rassemble dans le vase & contre les parois du couvercle. Mais il y a souvent des floccons jaunes ou gris : il faut choisir les fleurs les plus blanches, & même les purifier de la même manière que la craie, afin de précipiter au fond de l’eau toutes les parcelles du métal, qui, sans se convertir en chaux, se seroient élevées avec les fleurs. Au surplus, je dois prévenir qu’on ne doit pas faire ces fortes de sublimations dans un lieu trop fermé. La fumée en est suffocante comme la vapeur du charbon. Les fleurs de zinc ont même passé pour avoir de l’éméticité ; mais cet effet est assez douteux. Rien ne prouve du moins qu’elles, l’aient produit, quand on n’en a pas pris en substance, & jamais ceux qui les préparent ne se sont plaints d’en avoir été incommodés.

Les peintres à l’huile, ajoute notre auteur, trouveront peut-être que les blancs dont je viens de parler ne sèchent pas assez vîte, & voudront les gâter avec leur huile siccative. En ce cas, ce ne seroit pas la peine d’employer d’autre blanc que celui dont ils ont coutume de se servir, puisque cette huile est préparée avec des chaux de plomb, telles que le minium, le sel ou sucre de saturne, la litharge, ou même avec de la couperose blanche, qui n’est que du zinc dissout par l’acide vitriolique ; ce qui ne vaut pas mieux, attendu l’extrême disposition de l’acide vitriolique à se rembrunir. Ainsi tout cela reviendroit au même.

Le moyen d’avoir une huile qui séche bien, c’est de faire concentrer un peu celle de noix, en la faisant bouillir une heure au bain-marie. On peut encore en essayer d’autres. Je me contenterai d’indiquer celle de copahu : nette, limpide, odoriférante, cette huile m’a paru sécher très-vîte, même avec les couleurs les moins siccatives ; on pourroit y mêler un peu d’huile de noix ou de lin. Mais après tout, les blancs que je viens d’indiquer séchent en fort peu de temps, quoique, peut-être, un peu moins promptement qu’avec le secours de la litharge & de, autres préparations de saturne.

Blanc de chaux. Il est d’un grand usage pour la fresque. Il se fait avec de la chaux éreinte depuis un an, s’il est possible, ou depuis six mois au moins. Élle doit être restée à l’air pendant tout ce temps. On la délaye dans de l’eau pure, un la passe au ramis de crin, & on la laisse reposer dans un vase capable de contenir une assez grande quantité d’eau. On décante l’eau, & l’on conserve le blanc qui s’est déposé au


fond. Il faut le tenir à l’abri de la poussiere.

Blanc de marbre pour la fresque. On préfere en Italie le blanc de marbre de Carrare. On le pile, on le réduit en poudre très-fine, & on le mêle avec une plus ou moins grande quantité de blanc de chaux. Il est plus sage d’excéder dans la quantité de la chaux, que dans celle du marbre.

Blanc de coquilles d’œufs, excellent pour la fresque ; il peut servir aussi pour la gouache & la miniature, & l’on en seroit de bons pastels. Il faut rassembler une grande quantité de coquilles d’œufs, les nettoyer, les réduire en poudre, & les faire bouillit dans de l’eau avec un peu de chaux vive. On leur fait égoutter l’eau dans un tamis, on les lave encore à l’eau claire, on les pile encore une fois, on les relave, & on les fait égoutter de nouveau. Ces lavages doivent se réitérer jusqu’à ce que l’eau sorte aussi claire qu’au montent où on l’a versée. Alors on broye le blanc sur le porphyre, on le réduit en pâte très-fine, & on en fait de petits pains qu’on laisse sécher au soleil, ou à l’ombre, mais dans un lieu non fermé. Si on enfermoit ce blanc pendant qu’il auroit encore de l’humidité, il se corromproit, & exhaleroit une odeur insupportable.

Blanc de platre. Il se fait avec du plâtre bien battu, qu’un passe à un tamis très fin, & qu’on affine à force de le noyer dans l’eau. On en forme ensuite des pains qu’on laisse sécher ; on le délaye dans l’eau pour s’en servir, & on l’applique à plusieurs couches sur les ouvrages en bois destines à être dorés. M. Warin, homme du métier, ne parle pas de ce blanc dans son art du Doreur ; il prescrit d’employer pour cetteopération, le blanc d’Espagne ou de Bougival.

Blanc de roi, dans la langue des Peintres de bâtimens. est du blanc de plomb & de la céruse, mêlés en quantité égale, auxquels on ajoute un peu de bleu d’indigo.

Blanc des carmes : c’est le plus beau que l’on employe pour blanchir les murailles. Il faut, dit M. Watin, que nous suivrons dans tout ce qui concernera la peinture des bâtimens, avoir une grande quantité de la plus belle chaux qu’on puisse trouver, & la passer par un linge bien fin. On met cette chaux dans un baquet ou cuvier de bois, garni d’un robinet à la hauteur de l’espace qu’elle occupe. On remplit la cuve d’eau claire de fontaine, on bat bien la chaux avec de gros bâtons, & on la laisse reposer pendant vingt-quatre heures.

Alors on ouvre le robinet, on laisse couler l’eau qui a dû surnager la chaux de deux doigts quand elle est écoulée, on en remet de la nouvelle, & on renouvelle la même opération pendant plusieurs jours ; car plus la chaux est lavée, plus elle acquiert de blancheur.

Après avoir fait couler l’eau, on trouve la chaux en pâte. On en met une certaine quantité dans un pot de terre ; on y mêle un peu de bleu de Prusse ou d’indigo, pour soutenir le ton du blanc ; on la laisse détremper dans de la colle de gants, dans laquelle on met un peu d’alun, & avec une grosse brosse, on en donne cinq ou six couches sur la muraille. Il faut les étendre minces, & n’en pas appliquer de nouvelles, que la derniere ne soit extrêmement séche.

Enfin on prend une brosse de soie de sanglier, avec laquelle on frotte fortement la muraille. C’est ce qui donne le luisant qui en fait le prix, & que l’on prend quelque fois, au premier coup d’œil, quand l’ouvrage est bien fait, pour du marbre ou du stuc. On ne peut blanchir ainsi que des plâtres neufs ; ou du moins si l’on vouloit blanchir de vieux plâtres, il faudroit les gratter jusqu’au vif.

Blanc des Indes. On lit dans l’ancienne Encyclopédie, qu’on fait dans les Indes, un blanc encore plus pur que celui des Carmes, & dont le luisant a plus de vivacité. On mêle du sucre & du lait avec de la chaux vive, on enduit les murailles de ce mêlange, & on polit l’ouvrage avec des pierres d’agate. Cet enduit a, dit on, le poli de la glace, & le plus beau blanc des Carmes ne peut lui être comparé.

BLÉREAU. (subst. masc.) Sorte de pinceau dont on se sert pour fondre les couleurs. Il est utile aux graveurs à l’eau forte, pour nettoyer le vernis dont leur planche est couverte.

BLEU-CÉLESTE. On peut, dit l’auteur du Traité de la peinture au pastel, substituer à la cendre bleue, une préparation toute récente, & qui se rapproche beaucoup du ton de cette cendre. Il y a deux ou trois mois qu’un amateur qui peint en miniature, m’en fit passer un petit fragment, qu’il tenoit d’un peintre du Stadhouder à la Haye. La couleur en étoit bleu-céleste & très-amie de l’œil. Enfin le hasard m’en fit découvrir, il y a quelques jours, chez un marchand de couleurs. Il me le présenta sous le nom de bleu minéral, & me dit qu’il le tiroir de Hollande. La préparation dont il s’agit, est une espece de bleu de Prusse, mais dans lequel on a fait entrer, avec très-peu de vitriol de Mars, quelqu’autre chaux métallique & beaucoup d’alun : peut-être même n’y met-on pas de vitriol de Mars, l’acide marin du commerce contenant assez de fer. J’ai soumis cette composition aux plus fortes vapeurs du foie de souffre, en effervescence avec les acides minéraux, sans qu’elle


en ait reçu la moindre altération ; d’où l’on peut conclure qu’elle tiendra bien dans la détrempe, au pastel, & dans la peinture à l’huile.

En employant dans la composition du bleu de Prusse, (voyez l’article Bleu de Prusse) de la dissolution de régule d’antimoine, faite par l’eau régale sur la cendre chaude, au lieu d’y employer le vitriol verd, on aura ce bleu céleste. Il sera, du moins, à très-peu près semblable, & parfaitement solide, après avoir été bien lavé. Ce n’est pas de la chaux d’antimoine, qui par elle-même est fort blanche, que proviendra la couleur bleue ; c’est le fer contenu dans l’acide marin qui la fournira. Seulement la chaux d’antimoine adoucit, tempere, la couleur trop intense du fer. Elle ne donne point de bleu, quoique précipitée par la lessive prussienne, si l’on employe l’acide marin de Glauber : c’est qu’il ne contient pas de fer, comme l’acide marin du commerce. Celui-ci mêlé seul avec la lessive prussienne, devient d’un bleu profond. J’ai de même essayé la dissolution d’étain, celle de Bismuth, celle de zinc : toutes, avec le même acide, ont produit un bleu naissant ; mais celle du régule d’antimoine m’a paru réussir le mieux. Je n’ai point essayé celle du régule de Cobalt.

Au reste, j’ai vu des bleus de Prusse d’une couleur très-pâle ; mais ils étoient loin de ressembler au bleu céleste que je viens d’indiquer : ils avoient le ton sombre & violâtre qu’auroit le bleu de Prusse ordinaire, mêlé de beaucoup de craie ou de ceruse.

Bleu de Guesde ou de Pastel. On tire de le Guede, Guesde, ou Vouede, (Isatis Sativa), lorsqu’on l’a laissé fermenter, une couleur bleue, presqu’aussi bonne que celle de l’indigo.

Bleu de Montagne. C’est un minéral ou pierre fossile bleue tirant un peu sur le verd d’eau. Elle ressemble assez au lapis lazuil, mais avec cette différence qu’elle est plus tendre, plus légere & plus cassante, & que sa couleur ne ressiste pas de même au feu. Lorsqu’on fait usage du bleu de montagne dans la peinture, il est à craindre que par la suite la couleur n’en devienne verdâtre. Cette pierre se trouve en France, en Italie, en Allemagne, & surtout dans le Tirol. Elle se nomme en Allemand Berg-blau, & en latin Lapis Armenus, ou cœruleum montanum. On dit que celle qui vient d’Orient ne perd point sa couleur dans le feu. Le bleu de montagne contient beaucoup de cuivre : celui qui est léger en fournit moins que celui qui est pesant : le premier contient un peu de fer, suivant M. Cramer. On dit qu’on contrefait le bleu de montagne en Hollande, en faisant fondre du souffee & en y mêlant du verd-de-gris pulvérise. Pour employer le bleu de montagne dans la peinture, il faut le broyer, le laver ensuite, & en séparer les petites pierres qui y sont quelquefois mêlées. (Le Baron d’Holbac, dans l’ancienne Encyclopédie.)

Bleu de Prusse, est une matière utile pour la peinture On l’appelle bleu de Prusse, parce que c’est en Prusse que sa composition a été trouvée. Voyez, le premier volume de Miscellanea Berolinensia, 1710. Les Transactions Philosophiques en ont publié la composition dans les mois de Janvier & Février 1724. Depuis, M. Geoffroy, de la Faculté de Medecine de l’Académie des Sciences de Paris, en a donné la préparation dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1725.

La préparation du bleu de Prusse est une suite de plusieurs procédés difficiles. On a plusieurs raisons de croire que ce bleu vient du fer. On fait que les dissolutions de fer prennent dans l’eau une couleur bleue par la noix de galle. L’acier bien poli & échauffe à un feu modéré, prend une couleur bleue, & il paroît, par cette expérience, que cette couleur vient d’une substance grasse que le fer éléve à la surface du fer. On fait qu’il y a dans le fer une matiere bitumineuse, qui n’est pas parfaitement unie avec les autres principes, ou qui y est en trop grande quantité.

C’est ce bitume qui doit être la base du bleu que l’un veut faire : mais il est trop compacte ; il faut le subtiliser, or les alkalis sont les dissolvans naturels des bitumes.

Il y a apparence qu’on a essayé, pour faire le bleu de Prusse, plusieurs huiles végétales, & que ç’a été sans succès. On a aussi éprouvé les huiles animales ; & le sang de bœuf calciné & réduit en poudre, a rempli l’attente : pour l’alkali, on a employé le plus puissant, qui est celui du tartre.

Le bitume du fer est attaché à une terre métallique jaune ; cette terre altéroit la couleur bleue du bitume, quelque raréfié qu’il fût. On le transporte de dessus la terre jaune sur une terre blanche, qui est celle de l’alun, & alors la couleurbleue non-seulement n’est plus altérée par le fond qui la soutient ; mais de sombre & trop foncée qu’elle étoit, elle devient plus claire & plus vive.

Il faut observer que ce bitume qu’on veut avoir, on ne le cherche pas dans le fer en substance, mais dans du vitriol, où le fer est déja très-divisé.

Il y a donc trois liqueurs nécessaires pour faire le bleu de Prusse : une lessive de sang de bœuf calciné avec le sel alkali ; une dissolution de vitriol, & une dissolution d’alun.

De toutes ces opérations, il résulte une espéce de fécule d’une couleur de verd de montagne, & qui, par l’esprit de sel, devient dans l’instant d’une belle couleur bleue foncée ; & c’est-là le


bleu de Prusse. (M. Formey, Sécretaire de l’Académie de Berlin, dans l’ancienne Encyclopédie.)

M. Formey, dans l’article qu’on vient de lire, nous apprend les causes du bleu de Prusse, plutôt que la maniere de le faire. Il indique les substances qui le composent, sans nous en indiquer les doses, & nous instruire de la manipulation qu’elles exigent. L’auteur du Traité de la Peinture au pastel nous instruit avec autant de clarté que de précision, de ce que le Sécretaire de l’Académie de Berlin nous laissoit ignorer.

On fait dessecher sur le feu du sang de bœuf, ou tout autre ; on le réduit en poudre, on en mêle cinq ou six onces dans un creuset, avec autant de sel de tartre, ou même de potasse. On couvre le creuset seulement pour qu’il ne se remplisse pas de cendre. On fait rougir sur le feu, par dégrés, la matiere qu’il contient. Lorsqu’elle cette de fumer, on la verse toute brulante dans deux ou trois pintes d’eau chaude. On fait bouillir le tout à peu près jusqu’à la diminution de moitié ; on filtre l’eau dans un autre vase au travers d’un linge ; on fait bouillir le marc resté sur le filtre dans de nouvelle eau qu’on réunit ensuite à la première. Cette liqueur est la lessive prussienne : elle ne contient que de l’alkali chargé de la matière colorante. Pour en composer le bleu de Prusse ordinaire, on fait dissoudre dans de l’eau bouillante deux onces de vitriol verd, & trois ou quatre onces d’alun. Cette dissolution, versée par intervalles sur la lessive encore chaude, produit de l’effervescence. On agite le mêlange, & l’on y verse le reste de la dissolution. Le fer contenu dans le vitriol, & la terre de l’alun, quittent leur acide, saisissent la matière colorante, & se précipitent avec elle en fécule verdâtre. On versé toute la composition sur un linge. Les sels dissous dans la liqueur, passent avec elle au travers de ce filtre ; on recueille dans un vase la fecule restée sur le linge, on la délaye avec deux ou trois onces d’acide marin. Ce précipité devient sur le champ d’un bleu plus ou moins profond, suivant la quantité de l’alun. Quelques heures après, il faut l’arroser de beaucoup d’eau tiéde pour la bien dessaler.

Bleu pour le lavis. Pour suppléer à l’outremer, qui est d’un très-grand prix, & qui d’ailleurs a trop de corps pour être employé dans les dessins au lavis, on recueille en été une grande quantité de fleurs de bleuets qui viennent dans les bleds : on en épluche bien les feuilles en ôtant ce qui n’est pas bleu, puis on met dans de l’eau tiéde de la poudre d’alun bien subtil. On verse de cette eau imprégnée d’alun dans un mortier de marbre, on y jette les fleurs, & avec un pilon de marbre ou de bois, on pile jusqu’à ce que tout soit réduit de manière qu’on puisse aisément en exprimer tout le suc, On passe ce suc à travers une toile neuve, en faisant couler la liqueur dans un vase de verre, où l’on a mis auparavant de l’eau gommée, faite avec de la gomme arabique bien blanche. Remarquez qu’il ne faut guère mettre d’alun, pour conserver l’éclat de la couleur, qu’on obscurciroit si l’on en mettoit trop. On peut de même faire des couleurs de toutes les fleurs qui ont un grand éclat, en observant de les piler avec de l’eau d’alun qui empêche que la couleur ne change. Pour rendre ces couleurs portatives, on les fait sécher à l’ombre dans des vaisseaux de verre ou de fayence bien couverts. (M. Landois, dans l’ancienne Encyclopédie.)


BLOC (subst. masc.) Piéce de marbre encore brute, & dans laquelle le sculpteur taillera son ouvrage.


BŒTE à couleurs. Celle du peintre à l’huile est divisée en plusieurs compartimens, qui contiennent les vessies pleines de couleur, les couleurs sèches, les pinceaux, le quarré dans lequel on met l’huile dont on a besoin pour les nettoyer.

La boëte à couleurs du peintre en miniature proportionnée à l’étendue de ses travaux, est assez petite pour entrer commodément dans la poche ; & dans cette dimension, elle suffit à renfermer tous les ustensiles qui lui sont nécessaires, tels que des pinceaux de différentes grosseurs, des palettes, un assortiment de couleurs contenue dans de petites boëtes d’ivoire, & une petite fiole remplie d’eau gommée.

La boëte du peintre en pastel, qu’on appelle boëte aux pastels, est un quarré-long, peu profond, qui contient, sur un lit de son, des crayons de différentes nuances, couverts d’un lit de coton.


BOL D’ARMÉNIE, argile d’un rouge-brun, qui entre dans la composition de ce qu’on appelle assiette pour la dorure. Voyez l’article Dorure.


BORDURE (subst. fem.) Corps différemment orné & ordinairement doré, qui enchâsse les extrémités d’un tableau, d’un dessin, d’une estampe, & quelque fois d’un bas-relief. La bordure est utile pour terminer la composition d’un tableau, & fixer l’œil du spectateur dans la surface qu’elle circonscris.


BOUCHARDE (subst. fem.) Instrument des sculpteurs en marbre, armé de bon acier, & se terminant en forme de pointes de diamant, fortes & aigues. Il sert à percer le marbre. On frappe sur la boucharde avec la masse, ses pointes meurtrissent la pierre & la mettent en poudre. On jette de temps en temps de l’eau dans le


trou, pour empêcher que l’outil ne s’échauffe & ne perde sa trempe. En travaillant avec la boucharde, on la fait passer à travers un morceau de cuir percé, qui monte & descend aisément, & empêche qu’en frappant sur la boucharde, l’eau ne rejaillisse au visage de celui qui la tient.


BOUGIVAL. Le blanc de Bougival est le même que le blanc d’Espagne.


BOUTEROLLE (subst. fem.) instrument des graveurs en pierres fines. Les bouterolles sont des morceaux de fer ou de cuivre adaptés à une tige du même métal. On monte la tige sur l’arbre du touret, & la tête étant enduite de poudre d’émeril ou de diamant, use par le frottement la pierre qu’on lui présente. Il y a des bouterolles sphériques, plates, aigues, évidées, & qui prennent des noms différens en prenant différentes formes. On ne leur conserve celui de bouterolles que quand elles se terminent par une tête ronde en forme de champignon.


BRETER ou BRETELER. C’est modéler la terre ou tailler le marbre avec un instrument breté, soit ébauchoir ou ciseau ; c’est-à-dire, avec un instrument dont la partie tranchante est divine en espéces de dents. Cela produit un travail en quelque sorte égratigné, & ce travail qui paroît annoncer quelque négligence, est d’un fort bon goût quand il se trouve bien placé.


BRONZER, c’est appliquer la bronze sur des figures ou des ornemens de bois, de plâtre, &c. On peint d’abord le sujet avec du brun rouge d’Angleterre, broyé bien fin, & de l’huile de noix ou de l’huile grasse ; quand cette couche est séche, on en met une seconde semblable ; & celle-ci étant séche elle-même, on imbibe de vernis à la bronze un pinceau que l’on trempe dans de la bronze. Cette bronze est de l’or d’Allemagne, c’est-à-dire, de l’auripeau ou clinquant broyé : on l’appelle aussi or en coquille. On étend la bronze le plus également qu’il est possible. Au lieu d’or d’Allemagne, on peut employer de la bronze ordinaire, qui est un alliage de cuivre avec du léton ou de l’étain. Il y en a de différentes sortes qui ne différent que par la quantité d’étain qui a été fendu avec le cuivre. Voyez l’article Vernis à la bronze.


BROSSE (subst. fem.) Pour peindre à l’huile, on se sert plus communément de la brosse que du pinceau. La brosse ne se termine pas en pointe comme le pinceau, & est d’un poil plus ferme, plus gros & plus dur. Il résulte de ces différences qu’elle peint plus, largement & avec plus de fermeté. On choisit ordinairement le poil de cochon, & on a soin, de choisir les soies les plus droites. On les lie au bout d’un manche de bois qu’on nomme ante, ou hampe, & dont la grosseur est proportionnée à celle de la brosse.

On fait aussi des brosses qui se terminent en pointe ; elles sont destinées à la peinture en détrempe ou à fresque.

Celles qu’on appelle brosses à adoucir sont de poil de bléreau. Comme ce poil est ferme, délié & un peu courbe, il arrive que la brosse étant faite, ils s’écartent un peu par le bout, en sorte que le bout dont on se sert, est plus large, & par conséquent plus doux que le milieu. Cette douceur peut être augmentée par la longueur qu’on est maître de laisser aux poils. On peut se servir de ces sortes de brosse, en les passant légérement dans tors les sens sur l’ouvrage nouvellement peint à l’huile, pour abbattre les inégalités de la couleur, sans la traîner, la tourmenter, la changer de place. Comme cette brosse ne prend presque point de couleur par l’extrêmité de ses poils, on la nétoye sans la tremper dans l’huile, & en se contentant de la frotter légerement sur un linge.

Il y a de petites brosses qui se font avec un poil blanc qu’on appelle poil de poisson. Il est à peu près de la même nature que celui de bléreau, & il a encore plus de douceur. Ces brosses servent à noyer & adoucir toutes les teintes des couleurs à l’huile, & sont principalement d’usage dans la peinture en petit. On fait enfin des brosses avec d’autres poils, comme ceux des chiens ou d’autres animaux : elles ont toutes leur genre particulier d’utilité.


Maniere de faire les brosse. Pour faire les brosses, on choisit d’abord le poil le plus droit. Si c’est du poil de cochon, après en avoir coupé quelques petites barbes qui sont trop longues, on l’arrange dans une espèce de moule fait en cylindre on en cône, suivant qu’on veut faire les brosses plates ou pointues : on met par en bas la partie du poil effilée, & l’on prend bien garde que toutes les extrêmités du poil touchent le fond du moule. Ensuite on lie tout le paquet de poil à-peu-près de la longueur dont on veut faire la brosse, & l’ayant retiré du moule, on regarde s’il est bien arrangé : on le lie encore une fois plus proche des barbes, & l’on défait la première ligature.

Le poil étant ainsi arrêté en paquet, on fourre dans le milieu un manche ou bâton d’un bois assez tendre, comme de sapin ou de bois blanc, & plus menu que le paquet n’est gros. Ce manche doit être pointu par le bout, & taillé à quatre faces, avec quelques petites hoches. On doit prendre garde n’enfoncer le manche dans le poil qu’un


peu plus avant que le commencement de la ligature ; car s’il étoit enfoncé trop avant, la brosse ne seroit point assez garnie par le bas, & s’il ne l’étoie pas assez, le poil ne tiendroit pas sur le manche.

Pour lier le poil sur le manche, on commence par faire un nœud particulier à la ficelle dont on se sert. On tourne deux tours de ficelle autour du poil, & l’on en engage les deux bouts entre ces trous en les croisant. On serre ce nœud bien ferme, & sang qu’il soit besoin d’en faire un second, car’il ne sauroit se lâcher. On couche ensuite le long du poil le brin de la ficelle qui est engagé sous le second tour qui est vers le manche l’on tourne l’autre autour du poil tant qu’on le juge à propos, en serrant toujours, autant qu’il est possible, à chaque tour, & rangeant proprement les tours de la ficelle le plus près que l’on pourra les uns des autres. Avant que d’achever les trois derniers tours, on replie vers le bout de la brosse le brin qui étoit coulé le long du poil, & on lui fait faire une boucle. On continue de tortiller la ficelle par dessus ce brin relevé, jusqu’à l’endroit où l’on veut finir ; & l’on engage ce brin, après l’avoir coupé, dans la boucle formée par l’autre brin, tenant toujours le tour bien ferré. Enfin on tire le bout du brin qui est engagé & qui fait la boucle, en le faisant glisser entre le poil & les trois derniers tours de la ficelle qui sont passés par dessus, le brin nouvellement coupé le trouve engagé de façon qu’il ne peut plus se lâcher ni se défaire : à l’égard du brin de ficelle qui a fait la boucle, on le coupe au ras de la ficelle tortillée. Par ce moyen la brosse est bien liée, sans qu’aucun des bouts de la ficelle paroisse au dehors.

Les hoches ou entailles qu’on a faites au manche servent à y retenir le poil plus serré, principalement lorsque le bois est un peu tendre. Cependant si on se servoit des brosses en cet état, le poil échapperoit en fort peu de temps, parce que l’huile le seroit glisser. Ainsi lorsque la brosse est bien liée, un coupe le poil sur le manche un peu au-dessus du dernier tour de la ficelle, & l’on imbibe ce poil & toute la ficelle avec de bonne colle forte, bien chaude & médiocrement épaisse, Par ce moyen, le poil fait corps avec la ficelle & le bois du manche, sans que l’huile puisse l’en détacher, parce qu’elle ne pénetre pas la colle forte. Mais cette précaution ne suffiroit pas pour la peinture en détrempe ou à fresque ; car la brosse étant souvent dans l’eau, la colle se détremperoit, & si on faisoit sécher ces brosses, la ficelle se lâcheroit, le bois se resserreroit par l’excès de la sécheresse. Ainsi pour les brosses qui sont destinées à cet usage, au lieu de se servir de colle, il faut employer quelque couleur imprégnée d’une huile bien siccative. Cette couleur ne se détrempera point à l’eau ; & si en veut s’en servir pour la pointure à l’huile, l’huile même ne pourra l’altérer. Il faut avoir seulement l’attention de ne pas mettre trop de couleur broyée à l’huile sur les premiers tours de la ficelle, de peur que l’huile ne gagne la partie du poil qui doit servir à peindre ; car elle colleroit ensemble le faisceau de poils, & gâteroit la brosse. (Elémens de peinture pratique par de Piles).

BROYER. (v. act.) M. Watin, marchand de couleurs, est l’auteur que nous suivrons dans cet article qui appartient particulièrement à sa profession ; car les artistes ont coutume d’acheter la plupart de leurs couleurs toutes broyées.

On broye les couleurs sur une table de porphyre, ou de granit d’Orient, ou le plus souvent sur une pierre d’un grain très-serré, que les gens de l’art appellent écaille de mer : elle est plus dure que le granit, elle est susceptible d’un poli plus parfait. Il y en a de grises & de rouges ; il faut préférer celles de la première couleur. On peut aussi broyer sur un grès fort dur, qui devient propre à cet usage quand il a été bien imbibé d’huile ; mais les autres pierres qui viennent d’être indiquées méritent la préférence. Aucune pierre vendre ne peut servir à cette opération, puisqu’elle s’useroit elle-même, & que ses parties se mêlant avec les couleurs en détruiroient le caractère.

L’instrument dont un se sert pour écraser les couleurs sur la pierre, se nomme molette. La partie qui broye doit être plate & très-polie : son plan est rond. La partie que l’on tient à la main a la forme d’un cylindre à pointe émoussée. La molette peut être de la même substance que la pierre : mais tout caillou bien dur est propre à faire des molettes, pourvu que sa forme convienne à cette usage.

On pose les couleurs sur la pierre, on y mêle un peu d’eau, & on passe & repasse la molette par-dessus, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en une poudre très-fine. On humecte peu-à-peu les couleurs à mesi qu’on les broye, ce qui facilite cette manipulation. Il est à-peu-près inutile de dire que jusqu’à ce qu’elles soient assez fines, on les rassemble en tas à mesure que la molette les a dispersées. Quand elles sont assez broyées, on les partage en petits tas, à l’aide d’un entonnoir, sur un papier blanc & net, & on les laisse sécher dans un endroit où elles ne soient pas exposées à la poussière. Ces petits tas se nomment trochisques. Les couleurs en cet état, s’appellent couleurs broyées


à l’eau, & se conservent aisément. Quand on les veut employer, il ne s’agit plus que de les détremper, suivant l’usage qu’on en veut faire, soit à l’eau gommée, soit à l’eau imprégnée de colle, soit à l’huile.

Comme la pierre & la molette doivent toujours être très-propres, il faut les laver avec de l’eau, si c’est avec de l’eau qu’on a broyé. Quand la couleur résiste, & qu’il en reste dans les inégalités de la pierre, il faut l’écurer avec du sablon & de l’eau ; on broye ce sablon à la molette comme si c’étoit de la couleur. Il ne faut pas négliger cette précaution, quand on veut broyer une couleur différente de celle qu’on avoir broyée auparavant.

Lorsque l’on a broyé à l’huile, il faut nettoyer la pierre & la molette avec de la même huile sans couleur, ce qui se fait encore de la même manière que si l’on broyoit. Quand toute la couleur qui s’étoit attachée à la pierre & à la molette est bien délayée, on ôte l’huile, en se servant de mie de pain médiocrement tendre, sur laquelle on passe la molette ; & on renouvelle plusieurs fois la mie de pain, en appuyant fortement jusqu’à ce qu’elle se réduise en petits rouleaux. On ne cesse cette opération que lorsque l’huile est parfaitement enlevée.

Si l’on avoit eu la négligence de laisser sécher la couleur à l’huile sur la pierre, on seroit obligé de la récurer à différentes reprises avec du grès, du sablon, ou de l’eau seconde, & quand elle seroit bien nette, on finiroit par la laver avec de l’eau.

Ceux qui broyent souvent du blanc de plomb ont une pierre particulière qui ne sert qu’à cet usage, parce que cette couleur se ternit aisément par le moindre mêlange avec des couleurs différentes.

On doit broyer également & modérément les substances ; on doit les broyer séparément ; on ne doit enfin y mettre de liquide qu’autant qu’il est nécessaire pour les soumettre à la molette. Plus les couleurs sont broyées, mieux elles se mêlent & plus elles donnent à l’artiste de facilité à les employer.

On sent que la manière de broyer les couleurs à l’huile ou au vernis est la même que celle de les broyer à l’eau.

Pour ramasser les couleurs sur la pierre, on se sert d’une amassette, instrument mince & plat, qui est ordinairement de corne. On se sert du couteau à couleur pour ôter ce qui s’est attaché autour de la molette, ou ce qui s’est attaché à l’amassette ; mais on ne l’emploie pas à recueillir les couleurs étendues sur la pierre, parce que la lame s’useroit par le frottement, & que les parties d’acier qui se mêleroient aux couleurs, les gâteroient.

Quoique les peintres, du moins à Paris, achètent ordinairement la plupart des couleurs toutes broyées, il faut cependant qu’ils aient une pierre à broyer & une molette, parce qu’il y a des couleurs qui demandent à n’être broyées qu’à l’instant où l’on veut s’en servir ; telles sont la laque de Venise ; le stil de grain de Hollande, la terre verte de Vérone, le jaune de Naples, le massicot, &c.

BROYON. (subst. masc.) Instrument utile aux graveurs en bois pour tirer eux-mêmes les épreuves. Le broyon est pour eux ce que la molette est pour les peintres : il leur sert à broyer sur le marbre le noir d’impression. Sa forme est ronde & peut être comparée à celle d’une dame de tric-trac. Il est surmonté d’un manche qui part perpendiculairement du centre. On peut le voir représenté sur le marbre, à la planche II de la gravure en bois, figure 40.

BRUN-ROUGE. C’est de l’ochre de rut calciné. Il y a aussi du brun-rouge naturel, c’est-à-dire de l’ochre qui a été calciné en grand par la nature.

BRUNIR. (v. act.) Ce que les doreurs appellent brunir l’or, c’est le polir & le lisser fortement avec un caillou bien uni, & taillé en forme de dent de loup. On l’appelle pierre à


brunir. Il faut prendre garde de ne pas user l’or. C’est le bruni qui le rend brillant. Voyez l’article Dorure.

BRUNISSOIR. (subst. masc.) C’est, dans la gravure sur cuivre, un instrument qui a différentes formes & différens usages. De glands brunissoirs servent à donner au cuivre la dernière préparation nécessaire pour recevoir la gravure. De plus petits brunissoirs servent au graveur à matter des travaux trop profonds, à écraser de fausses tailles, à réparer des rayures accidentelles qui se sont faites sur le cuivre, à rendre à de certaines parties le poli qu’avoit détruit un ébarboir mal aiguisé & qui avoit du morfil. Voyez l’article Gravure.

Le brunissoir du doreur est une dent de loup, ou une pierre qui en a la forme.

BURIN. (subst. masc.) Instrument d’acier à l’usage du graveur en taille-douce Les burins différent en ce que les uns approchent plus du quarré parfait & les autres du lozange. Ces derniers sont le plus en usage, parce qu’ils creusent plus profondément la taille, lui donnent une plus belle couleur & plus de solidité. Voyez l’article Gravure au burin.