Encyclopédie méthodique/Economie politique/ALLEMAGNE

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Panckoucke (1p. 115-145).
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ALLEMAGNE. L’Allemagne a aujourd’hui pour bornes au nord l’Eyder & la mer Baltique ; au levant la Prusse polonoise, la Pologne, la Hongrie, l’Esclavonie & la Croatie ; au midi le golfe de Venise, l’Italie & l’Helvetie ; & au couchant, le Rhin, les Provinces-Unies & la mer du nord ou germanique : c’est la position que lui donne la carte de Mayer.

On met encore au nombre des provinces d’Allemagne le duché de Savoie, l’évêché de Bâle, le comté de Montbeillard, l’évêché de Chur ou de Coire, & l’archevêché de Besançon ; cependant le duché de Savoie & l’archevêché de Besançon ne font aujourd’hui partie d’aucun cercle, & ils n’ont point séance à la diète de l’empire. L’empire d’Allemagne a plus de 12 000 milles quarrés géographiques, en y comprenant non le duché de Savoie, mais la Silésie entière. Le roi de Prusse a séparé de l’empire la plus grande partie de la Silésie, qui lui a été cédée par le traité de Berlin de 1742, & confirmée ensuite par celui de Dresde en 1745, & celui d’Hubertsbourg de 1763 ; l’empire n’a cependant garanti la paix de Dresde qu’avec la clause, sauf les droits de l’empire (salvis juribus imperii).

Nous croyons devoir faire un article assez étendu sur cette grande région de l’europe, composée d’un grand nombre d’états, de villes libres & de princes souverains, qui reconnoissent un chef commun, & si singulière par la forme de son gouvernement.

Comme nous traiterons séparément des divers pays ou provinces, états ou principautés d’Allemagne, nous nous contenterons de considérer ici l’Allemagne & son systême politique en général, de faire connoître la forme de son gouvernement, de développer les intérêts des membres qui le composent, de donner une idée succinte de son droit public, de ses loix & de ses constitutions.

Une foule d’auteurs, rarement d’accord entre eux, ont essayé d’approfondir la constitution politique de l’Allemagne ; ce qu’ils disent manque de netteté, & nous tâcherons d’être plus clairs.

Afin de procéder avec ordre, nous ferons, 1o. un précis de l’histoire politique d’Allemagne ; nous parlerons, 2o. des différentes dénominations de l’empire d’Allemagne ; 3o. de sa population ; 4o. de la division des cercles ; 5o. des divers états de l’empire ; 6o. des princes d’Allemagne ; 7o. des prévôts, marquis, comtes de l’empire, & des villes impériales ; 8o. des électeurs ; 9o. de l’empereur, de son élection, de son couronnement, de ses titres & prérogatives, de son revenu ; 10o. des vicaires de l’empire ; 11o. de la diète de l’empire ; 12o. des impôts, de la matricule de l’empire & des mois romains ; 13o. de l’armée de l’empire ; 14o. des monnoies de l’empire ; 15o. du droit civil & du droit coutumier ; 16o. de la chancellerie impériale, du conseil privé, du conseil aulique & des autres tribunaux ; 17o. du corps catholique & du corps évangélique ; 18o. de la forme du gouvernement du corps germanique ; 19o. des loix fondamentales de l’empire ; 20o. des inconvéniens du corps germanique ; 21o. des rapports politiques de l’Allemagne.

Section première
Précis de l’histoire politique de l’Allemagne.

Durant les premiers siècles de l’ère chrétienne, l’Allemagne étoit partagée en différens petits états qui ne reconnoissoient point de chef commun. Après la chûte de l’empire d’occident, les suabes, les allemands, les francs, les frises, les saxons, les thuringiens & les bavarois ou boïens, formerent sept nations principales, qui exercèrent une sorte d’empire sur les autres. Les francs se rendirent maîtres des Gaules sous la conduite de leur roi Clovis, & soumirent à la fin les six peuples que je viens de nommer ; de sorte que sous Charlemagne, l’Allemagne ne formoit qu’un état, soumis à la monarchie des francs. Les peuples de l’Allemagne conserverent d’abord, par l’indulgence des vainqueurs, leurs loix & leurs ducs héréditaires : Charlemagne destitua ces ducs & mit à leur place des comtes & des commissaires royaux. (missos regios). Cependant il n’abolit pas l’usage antique des diètes ou assemblées de la Germanie ; il renouvella en sa faveur la dignité d’empereur romain, ou la rendit héréditaire dans sa maison, & il fut couronné l’an 810. Il ne transféra sa couronne à son fils Louis, qu’après avoir obtenu le consentement unanime des états. Son fils & son successeur, qui porta le nom de Louis Ier, partagea aussi l’empire entre ses fils, avec le consentement des états : ce partage causa de grands troubles, qui furent terminés par le traité de Verdun (en 843) ; & par ce traité, Louis le Germanique obtint l’Allemagne jusqu’aux bords du Rhin, & les trois villes de Spire, de Worms & de Mayence : c’est depuis cette époque que l’Allemagne forme un état séparé & indépendant. Le même prince acquit en 870 une partie du royaume de Lorraine ; & Louis le jeune, son fils, y joignit l’autre moitié en 879. Ce dernier avoit partagé la succession paternelle avec ses deux frères en l’année 876 ; Carloman eut le royaume de Bavière, Louis la France orientale, & Charles-le-gros l’Allemagne proprement dite (Allemannia), Charles-le-gros survéquit à ses frères, & non-seulement il hérita de leurs états, mais il joignit encore à la dignité impériale l’Italie & la France, & il réunit ainsi à sa couronne toutes les possessions de Charlemagne, qui composoient autrefois la monarchie des francs. Il étoit foible de corps & d’esprit ; on se plaignit beaucoup de sa mauvaise administration, & les états d’Allemagne le déposerent en 887. Arnould, fils naturel de son frere Carloman, élu roi d’Allemagne, défit les normands, qui ravageoient ses domaines, & il soumit les bohémiens avec le secours des huns. Les huns, qu’on avoit appellés dans l’empire, y firent par la suite beaucoup d’incursions. Louis l’enfant, fils d’Arnould, fut le dernier roi d’Allemagne de la ligne carlovingienne ; il mourut en 911.

Après la mort de ce prince, les états d’Allemagne proposèrent la Couronne à Otton de Saxe ; Otton l’ayant refusée, les états la donnèrent, d’un commun accord, à un seigneur franconien, nommé Conrad, descendant de la fille de Louis le Débonnaire. Celui-ci, assez généreux pour rendre justice au mérite de son ennemi Henri de Saxe, fils d’Otton, le recommanda en mourant aux états, qui le choisirent pour son successeur. C’est à cette époque que l’on place l’origine des duchés de Suabe, de Franconie & de Bavière. Otton, fils & successeur de Henri, recouvra Ia Lorraine, l’Italie & la dignité impériale, & soumit le Jutland & la Bohême. Henri II mourut en 1024, & la race masculine des rois & empereurs saxons s’éteignit. Les états élurent roi, près de Tribur, en pleine campagne, non loin du Rhin, Conrad II, surnommé le Salique ; les peuples d’Italie, qui dépendoient de l’empire germanique, lui accordèrent la dignité impériale. Il ajouta le royaume de Bourgogne à l’empire, il rendit la Pologne tributaire ; c’est sous son regne que l’Eider, d’après une convention avec le Danemarck, fut fixé de nouveau pour la limite de l’empire d’Allemagne. Henri III déposa trois papes, qui se disputoient le siège de Rome, & il en nomma un quatrieme à leur place. Dès ce moment, la vacance du saint-siège fut toujours notifiée à l’empereur ; & à chaque nouvelle élection, ce prince envoyoit à Rome un commissaire pour la diriger. La Hongrie, devenue tributaire de l’empire d’Allemagne, recouvra sa liberté durant les troubles qui agitèrent les règnes de Henri IV & de Henri V. Le premier fut excommunié par le pape, & ensuite déposé par les états ; le second s’empara de la succession de Mathilde, comme le plus proche héritier. Ce Prince conclut en 1122 à Worms, avec le pape Caliste II, un traité par lequel il renonça à l’investiture des dignités ecclésiastiques ; il ne se réserva que le pouvoir d’investir des droits régaliens & des biens séculiers. La race masculine des empereurs franconiens s’éteignit en 1125, à la mort de Henri V.

Le pape fit tomber le choix des états sur Lothaire, duc de Saxe, qui fut enfin reconnu empereur par toute l’Allemagne, après une guerre de dix années : il eut pour successeur Conrard de Hœnstauffen. L’empereur Frédéric I exerça encore son droit de seigneur suzerain sur la ville de Rome & sur le royaume d’Arles ; il obligea la Pologne de payer un tribut à l’empire, & de lui prêter serment de fidélité. Henri VI essaya vainement de rendre la couronne impériale héréditaire dans sa maison. Le pape s’arrogea beaucoup de pouvoir au milieu des disputes survenues entre Philippe & Otton IV ; ce fut aussi à cette époque qu’il affranchit la ville de Rome du domaine suprême des empereurs[1], & qu’il s’empara de toute la succession de Mathilde. L’autorité des empereurs d’Allemagne en Italie se perdit durant le règne du malheureux Frédéric II. Après la mort de Conrad IV, dernier empereur de la maison de Suabe, les états élurent Guillaume, comte de Holland, qui fut tué, & qui ne régna pas deux ans. Sa mort fut suivie d’un grand interrègne ; on élut, il est vrai, deux rois, Alphonse de Castille & Richard d’Angleterre ; mais on a raison de dire que l’Allemagne étoit sans rois, car Alphonse n’y alla jamais, & Richard n’y parut que deux fois, & pour très-peu de temps.

L’élection de Rodolphe de Habsbourg, faite en 1273 par un compromis des électeurs, tira l’Allemagne du cahos où l’avoit jetée le grand interrègne. Ce prince est la souche de tous les princes de la maison d’Autriche. L’électeur de Mayence élut également par compromis Adolphe, Comte de Nassau, successeur de Rodolphe : cependant ni ces deux rois des romains, ni Albert I d’Autriche ne reçurent la couronne impériale. Henri VII, Comte de Lützelbourg, fut couronné par des cardinaux munis de pleins pouvoirs ; Louis de Bavière le fut par le préfet de Rome, & ensuite par le pape, qu’il protégea d’abord, & qu’il abandonna bientôt. Il avoit pour compétiteurs à l’empire, Frédéric d’Autriche & le prince Charles de Bohême : ce dernier fut déclaré son successeur par le suffrage unanime des électeurs, & couronné empereur à Rome par les cardinaux, il fut aussi couronné roi d’Arles. C’est ce même Charles IV qui publia en 1356, à la diète de Nuremberg & à l’assemblée des électeurs à Metz, les sages réglemens concernant l’élection d’un roi des romains, qu’on observe même de nos jours, & qu’on trouve dans la Bulle d’or. Il fit élire, de son vivant, Venceslas, son fils, roi des romains. Tous ces Rois d’Allemagne demanderent la confirmation du pape, quoique par le recès de l’empire, de l’année 1338, cette formalité eût été déclarée inutile. Ni Venceslas, ni Robert le Palatin ne portèrent la couronne impériale ; on la donna à Sigismond, son successeur. Ce prince convoqua un concile à Constance en 1414, & un autre à Bâle en 1431 ; le premier de ces conciles déposa trois papes, & en mit un autre à leur place ; il condamna au feu Jean Hus & Jérôme de Prague ; le second délibéra sur les griefs de la nation germanique, & réforma quelques abus. Albert II d’Autriche régna peu de temps. Frédéric III d’Autriche, qui reçut la couronne d’Italie, ainsi que la couronne impériale, des mains du pape, signa en 1448, avec la cour de Rome, le Concordat de la nation germanique. Son fils Maximilien ayant été élu roi des romains avant la mort de son père, obtint du pape, sans aller à Rome, le titre d’empereur romain élu. C’est sous ce Prince que la diète de Worms rédigea la paix publique, & erigea la chambre impériale ; cette opération fut suivie de la division de l’empire en dix cercles, qui eut lieu en 1512. Charles V fut le premier empereur à qui on imposa une capitulation ; il jura de l’observer, & il prit aussi-tôt après son élection le titre d’empereur romain élu : il fit un voyage en Italie, & il reçut la couronne impériale des mains du pape. La guerre de religion & le traité qui la termina doivent être comptés parmi les événemens les plus remarquables du règne de ce Prince. En 1531 les électeurs élurent, de son vivant & à sa prière, Ferdinand I, son frère, roi des romains, qu’on obligea également de signer une capitulation ; il érigea le conseil aulique impérial. Son fils Maximilien II, ainsi que Rodolphe II, fils de celui-ci, furent élus rois des romains ; mais ce dernier eut la foiblesse de ne pas vouloir qu’on désignât son successeur. Après sa mort, la couronne impériale passa à son frère Mathias. La capitulation de ce prince porte, qu’à l’avenir les électeurs auront le droit d’élire un roi des romains, même contre le gré de l’empereur.

Le règne de Ferdinand II est célèbre par la guerre de trente ans. Son fils & son successeur Ferdinand III (élu roi des romains du vivant de son père) la termina en 1648, par le traité de Westphalie. Léopold son fils réunit les suffrages des électeurs, & il fut déclaré son successeur en 1658. La diète qu’il ouvrit à Ratisbonne en 1663, subsiste encore : la chambre impériale fut transférée de Spire à Wetzlar en 1689. Il accorda à Ernest Auguste, duc de Brunswick-Lunebourg, la neuvième dignité électorale, & il eut pour successeur son fils Joseph, roi des romains. Après la mort de l’empereur Joseph, la couronne impériale passa à Charles VI son frère, qui fit en 1713 un réglement appellé sanction pragmatique, touchant la succession de sa maison. Il mourut en 1740, sans héritier mâle. Ce ne fut qu’en 1742 que Charles VII, électeur de Bavière, fut élu empereur. Après sa mort, arrivée en 1745, François Ier, grand duc de Toscane & duc de Lorraine, obtint le trône impérial. Ce prince mourut en 1765, & laissa le trône à Joseph II, qui l’année précédente avoit été élu roi des romains d’une voix unanime.

Section IIe.
Des différentes dénominations de l’empire d’Allemagne.

Les allemands & les étrangers donnent à l’empire diverses dénominations ; on l’appelle l’empire (imperium) par excellence, & l’empire germanique (regnum germanicum). Le mot latin imperium désigne aujourd’hui l’empire germanique, & on ne l’applique à aucun autre état. Le nom de germanique ne s’emploie guères que dans la chancellerie de la cour impériale & dans celle de l’électeur de Mayence. Le nom françois Allemagne tire son origine du latin Allemannia ; le terme latin allemannia désignoit autrefois non-seulement la Suabe, mais quelquefois, dans un sens plus étendu, toute l’Allemagne. Celui d’empire romain, (imperium romanum) à proprement parler, n’appartient point à l’Allemagne, car l’empire romain & celui d’Allemagne, quoique unis dans le droit public, sont néanmoins séparés l’un de l’autre. Le nom de saint empire (sacrum imperium) est propre à ce dernier ; on le lui a donné, dit-on, parce que l’empereur est le défenseur & le protecteur du siège de Rome & de la chrétienté. Cependant l’épithète de saint a été attribuée à l’empire dès le temps des empereurs payens ; & Constantin le grand, en Orient, aussi bien que Charlemagne, en Occident, conservèrent cette dénomination. On appelle aussi l’Allemagne le saint empire romain (sacrum romanum imperium) l’empire romano-germanique (imperium romano-germanicum) l’empire romain de la nation germanique (sacrum imperium romano-germanicum). Les mots de nation germanique ou allemande ne sont usités que depuis l’époque où Charles VIII, roi de France, entreprit de se faire couronner en Italie.

Section IIIe.
De la population de l’empire d’Allemagne.

L’empire d’Allemagne est extrêmement peuplé ; on y compte vingt-quatre ou vingt-cinq millions d’hommes. Les armées nombreuses entretenues par la maison d’Autriche, par le roi de Prusse, l’électeur de Saxe, par ceux de Hanovre & de Bavière, par l’électeur Palatin, par ceux de Mayence, de Cologne & de Trêves, par la maison de Hesse, de Wirtemberg, par le duc de Brunswick & par les autres princes, états & villes libres de l’empire, & celle de l’empire, qui, sur le pied ordinaire, est d’environ quarante mille hommes, se recrutent avec une facilité incroyable. La maison d’Autriche sur-tout n’est point embarrassée pour ses recrues, car la Bohême, l’Autriche, la Carinthie, la Styrie, le Tyrol & les autres états héréditaires de l’empereur fourmillent d’habitans. Les autres princes trouvent pareillement moyen de compléter leurs troupes sans beaucoup de difficulté. Si l’on observe ensuite que la France & le roi de Sardaigne ont plusieurs régimens allemands, qui ne sont recrutés que de soldats de cette nation ; que d’ailleurs la Hollande, le Danemarck & d’autres puissances voisines recrutent sans cesse, en Allemagne, on conviendra que la population de ce pays est extraordinaire.

En jettant les yeux sur la carte, on voit que l’Allemagne est semée de villes & de villages ; ils se trouvent si près les uns des autres, que l’on conçoit à peine comment le territoire de chaque état suffit à la nourriture de ses habitans. Ceux qui ont étudié la géographie, se rappelleront que la carte de l’empire leur a coûté plus de peine que celle de tous les autres pays de l’Europe ensemble ; que cet embarras provient de la multitude des villes & des villages.

Une troisième preuve de la grande population de l’Allemagne, c’est que toutes les terres y sont mises en culture ; que, dans la plupart des provinces, on manque de terreins & non pas d’agriculteurs. Les forêts qu’on n’a pas encore abattues sont habitées ; on y trouve des villages ou des métairies de distance en distance, & des maisons isolées où les chasseurs & les marchands de bois font leur demeure ; en plusieurs endroits, dans les mines de Hartz en Saxe, par exemple ; il y a un nombre considérable d’hommes & de femmes qui habitent sous terre. J’ajouterai que des Colonies immenses sont sorties de l’Allemagne, & qu’aujourd’hui même un nombre incroyable d’allemands s’expatrient toutes les années ; qu’enfin il n’y a pas de grande ville commerçante dans toute l’Europe, où l’on ne trouve établis une foule de négocians & d’ouvriers allemands. Il y a lieu de croire que l’Allemagne est plus peuplée qu’aucun pays de l’Europe moderne.

Section IVe.
De la division des Cercles.

L’Allemagne se divise communément en neuf cercles, appellés keiss en allemand.

En allant d’occident en orient, on trouve les cercles de Souabe, de Bavière, d’Autriche ; au nord la haute-Saxe, la basse-Saxe, la Westphalie ; à l’occident la Franconie, les deux cercles du haut & du bas-Rhin.

Sous-divisions des cercles. 1o. Le cercle de la Souabe renferme un grand nombre de souverainetés ; les princes les plus puissans sont l’archiduc d’Autriche, qui y possède plusieurs seigneuries, dont l’assemblage forme ce qu’on appelle quelquefois l’Autriche antérieure, Vor osterreich, le duc de Wirtemberg & le marquis de Bade. On y trouve environ quinze comtes, trente villes impériales, dont les plus considérables sont Augsbourg, Ulm, Memmingen & Lindau, Kempten & Rothwill. Il y a aussi un grand nombre de souverains ecclésiastiques ; quelques-uns d’entr’eux ont le titre de princes, comme les évêques d’Augsbourg & de Constance, l’abbé de Kempten. Il y a aussi des abbés & des abbesses qui ont la souveraineté, de leurs terres.

II. Le cercle de Bavière comprend le duché de Bavière au midi du Danube, & le palatinat de Bavière au nord de ce fleuve ; (l’un & l’autre appartiennent à l’électeur de ce nom) le duché de Neubourg & d’autres états séculiers qui ne sont pas fort étendus. Il y a des souverains ecclésiastiques, comme l’archevêque de Saltzbourg, l’évêque de Chiemsée. On y trouve des abbayes qui sont états d’empire, & une ville impériale & libre qui est Ratisbonne, en : langue du pays Regenspürg.

III. Le cercle d’Autriche renferme l’archiduché d’Autriche, les duchés de Stirie, de Carinthie & de Carniole, la comté ou principauté du Tyrol ; diverses seigneuries qui ont le titre de principauté ; des souverainetés ecclésiastiques, comme les évêchés, de Brixen & de Trente : l’archevêque de Saltsbourg y a aussi plusieurs terres.

IV. Le cercle de haute Saxe contient la principauté d’Anhalt, le cercle électoral ou duché de Saxe, le marquisat de Misnie, le landgraviat de Thuringe, la Lusace, le Brandebourg, la Poméranie.

V. Le cercle de basse-Saxe renferme les états de Brunswick Hanower & Lunebourg, le duché de Magdebourg, la principauté d’Halberstad, le duché de Mecklembourg, celui de Brême, de Holstein, de Sleswick, le duché de Saxe-Lawembourg, l’évêché d’Hildesheim, & quatre villes impériales & libres, qui sont Hambourg, Lubeck, Brême & Gotzlar.

VI. Les états du cercle de Westphalie, sont les évêchés de Munster, de Liége, d’Osnabrug, de Paderborn, le duché de Westphalie propre, ceux de Clèves & de Juliers, les principautés d’Oostfrise, de Minden & de Ferden, plusieurs comtés comme ceux d’Oldembourg & de Delmenhorst, appartenans au roi de Dannemark, ceux de la Marck & de Ravensperg, & de la Lippe.

VII. Le cercle de Franconie comprend les évêchés de Bamberg, de Wurtsbourg & Aichstett, & les terres de l’ordre Teutonique, les marquisats d’Anspach, de Cullemback, le duché de Cobourg, la comté ou principauté d’Henneberg, six villes impériales, dont les principales sont Nuremberg & Francfort.

VIII. Les cercles du Rhin se croisent, & il est assez difficile de distinguer ce qui fait partie de l’un, de ce qui appartient à l’autre ; celui du haut Rhin renferme les états des comtes Palatins du Rhin, dont la maison est divisée en plusieurs branches, comme celle des deux-Ponts, celle de Birkenfeld & de Feldentz ; la Hesse divisée en deux principales parties, Hesse-Cassel & Hesse-Darmstad, les états des comtes de Nassau, le comté de Hanau, quelques autres souverainetés peu étendues, les évêchés de Spire & de Worms, les villes impériales de Spire, de Worms & de Wetzlar.

IX. On trouve dans le cercle électoral, du bas Rhin, quatre électorats, trois ecclésiastiques & un séculier, 1o. l’archevêché de Mayence, 2o. l’archevêché de Trèves, 3o. celui de Cologne. Le quatrième électeur, qui réside dans ce cercle est l’électeur Palatin, On y trouve aussi une ville impériale, qui est Cologne & quelques comtés.

On comptoit ci-devant un dixième cercle, celui de Bourgogne, qui renfermoit les Pays-Bas.

Il reste un grand pays dont le roi est un des électeurs, & qui sans être un cercle de l’empire, ne laisse pas d’en relever ; c’est la Bohême. On le divise en dix cercles. Voyez Bohême. Le marquisat de Moravie en est une dépendance ; autrefois la Silésie en faisoit partie.

Origine & cause de l’institution des cercles. L’institution des dix cercles, établis d’abord par Maximilien Ir., fut confirmée en 1521 à la diète de Worms, & en 1522 à celle de Nuremberg. On les incorpora, afin de maintenir la paix & la tranquillité intérieure, de prévenir tout acte de violence, de hâter les délibérations & les arrangemens nécessaires au bien commun de l’empire, de faciliter les contributions accordées en argent & en troupes, l’exécution des jugemens rendus par les tribunaux supérieurs contre les états, la nomination des assesseurs de la chambre impériale, afin d’empêcher les abus des péages, & du monnoyage, &c.

Remarques sur la division des cercles. Les cercles n’ont entre eux aucun rang déterminé ; les réglemens, les recès & les actes de l’empire les citent sans aucun ordre fixe ; cependant, si l’on suit le rang que prennent les assesseurs de la chambre impériale qui représente les cercles, ou si l’on s’en rapporte aux conventions particulières qu’ils ont formé entr’eux, ou à l’usage, on peut les placer dans l’ordre que voici : 1o. celui d’Autriche ; 2o. celui de Bourgogne[2] ; 3o. celui du Bas-Rhin ; 4o. celui de Franconie ; 5o. celui de Bavière ; 6o. celui de Suabe ; 7o. celui du haut Rhin ; 8o. celui de Westphalie ; 9o. celui de haute Saxe ; 10o. celui de Basse-Saxe.

La division des cercles est imparfaite ; 1o. tous les états & provinces de l’empire n’y sont point compris ; 2o. on n’a pas eu assez d’égard à la situation des provinces : par exemple, une partie des terres appartenantes au cercle d’Autriche, & d’autres dépendantes du cercle du Haut-Rhin, se trouve répandue en Suabe, & on auroit dû les incorporer à ce dernier cercle : un pareil mêlange se voit aussi dans les cercles de Westphalie, du haut & du bas-Rhin ; 3o. On comprend dans un cercle des états qui n’y possèdent aucune terre immédiate, & qui même n’en possèdent point ailleurs : c’est ainsi que jusqu’à présent la maison de la Tour & Taxis a fait partie du cercle du bas-Rhin sans y avoir de possession immédiate ; les comtes de Plate ont voix & séances aux assemblées du cercle de Westphalie comme comtes d’Hallermun, sans rien posséder dans ce comté, &c. Chaque cercle a la faculté de recevoir de nouveaux membres ; quelques-uns se sont accrus, d’autres ont diminué, particulièrement celui du haut-Rhin. Aucun état n’a le droit de se détacher de son cercle, mais on enfreint les règles.

À l’égard de la Religion, on divise les cercles en catholiques, savoir, ceux d’Autriche & de Bourgogne : en protestans, qui sont ceux de haute & de basse-Saxe ; tous les autres sont mi-partis.

Les princes convoquans (Kreis-Auffchreibendet fürst) de chaque cercle, fixent l’assemblée de leur cercle, la dirigent, reçoivent toutes les pièces sur les affaires qui ont rapport au cercle, les communiquent aux autres états, exécutent les jugemens des tribunaux supérieurs, rendus contre un état, &c. Les six cercles anciens ont chacun deux princes convoquans, l’un ecclésiastique, l’autre séculier ; les quatre autres n’en ont qu’un seul chacun ; celui-ci est en même temps directeur du cercle, tandis que des premiers, lorsqu’il y a deux princes convoqués, l’un d’eux fait les fonctions de directeur du cercle : il faut excepter néanmoins le cercle de Baviere, dont les deux princes convoquans sont aussi les directeurs. Selon les loix de l’empire chaque cercle doit avoir son colonel, (Kreis-oberster), qui autrefois portoit le nom de capitaine du cercle, (Kreis hauptmann) ; il obtint quelquefois le titre de général-feld-marschall, avec l’inspection des troupes & des affaires militaires du cercle ; cependant plusieurs n’ont jamais eu de colonel, dans d’autres il n’y en a plus ; & on n’en trouve aujourd’hui que dans les cercles de Franconie & du haut-Rhin. Chaque colonel doit avoir ses adjoints (Zuud nach geordnete.) Nous ne dirons rien des autres officiers subalternes des cercles.

Des assemblées des cercles. Les cercles s’assemblent pour délibérer sur le bien de l’empire & des cercles. Les assemblées sont universelles, lorsque les princes convoquans, les directeurs & même les adjoints de tous les cercles s’y rendent. C’est l’électeur de Mayence qui les convoque, mais elles se tiennent rarement, & il paroît qu’on veut les laisser tomber tout-à-fait. Les assemblées particulières ont lieu lorsque tous les membres & états d’un seul cercle s’assemblent, ou bien lorsqu’on assemble les députés de quelques-uns d’entr’eux choisis pour cela. Les cercles d’Autriche dépendent d’un seul chef ; il n’y a point d’assemblées particulières du cercle ; il n’y en a pas non plus dans les cercles de haute & basse-Saxe, à cause de quelques démêlés intérieurs. On nomme état du cercle, celui qui a voix & séance à l’assemblée du cercle. Les états d’un cercle, lorsqu’ils en a de plus ou moins considérables, se partagent en cinq bancs ; celui des princes ecclésiastiques & séculiers, celui des prélats, celui des comtes & barons, & celui des villes impériales : les électeurs siégent au banc des princes. Depuis 1691 les guerres avec la France ont souvent occasionné l’alliance des cercles antérieurs, situés le long du Rhin ; ils se réunissent alors pour veiller tous à la fois à leur défense mutuelle & à celle de l’empire.

Les cercles de Franconie, de Suabe & de Baviere, ont des assemblées particulières pour l’évaluation des monnoies. Elles sont appellées Müuz-probations-tages ; elles se tiennent alternativement à Nuremberg, Augsbourg & Ratisbonne, c’est l’évêque de Bamberg qui les convoque.

Section Ve
Des divers états de l’empire.

L’empire d’Allemagne est composé d’environ trois cens états libres & immédiats, qui sont plus ou moins grands, mais qui reconnoissent tous l’empereur pour chef commun : l’un de ces états porte le titre de royaume, les autres se nomment archevêchés, évêchés, abbayes, prévôtés, duchés, margraviats, principautés, landgraviats, (quelques-uns des landgraviats tels que la Hesse, ont le rang de principautés) comtés-princiers, comtés, seigneuries & villes impériales ; il y a aussi des districts nobles, des ganérbiats, (communes heredes, condomini), & des villages impériaux ou immédiats.

Ces divers états ont leur gouvernement particulier & ils jouissent de tous les droits appartenans à la souveraineté territoriale. Plusieurs d’entre eux ont sous leur jurisdiction d’autres archevêques, évêques, prélats, ducs, princes, comtes, barons, chevaliers & nobles. Les seigneurs territoriaux sont appellés membres immédiats du saint-empire romain, & leurs vassaux & sujets membres médiats.

Plusieurs de ces états libres appartiennent au même souverain ; il est des princes qui possédent un royaume étranger, & qui dépendent néanmoins de l’empire & de son chef, en qualité de membres immédiats du saint-empire ; tel est le roi d’Angleterre.

Des choses nécessaires pour être compté parmi les états de l’empire. Pour être compté parmi les états de l’empire, & pour être reçu dans le collège des princes ou comtes, il faut être possesseur d’une principauté, comté ou seigneurie immédiate ; se faire inscrire & aggréger à un cercle, & payer une taxe matriculaire selon le tarif que fixe la diète ; il faut en outre obtenir le consentement de l’empereur & des électeurs, celui du Collège & du banc, auquel on veut être admis. On y a quelquefois admis des princes qui ne possédoient aucun bien immédiat ; on exigeoit seulement d’eux une taxe convenable, avec la réserve néanmoins que cette grace ne deviendroit pas un usage, que l’état ainsi reçu se pourvoirait incessamment de biens immédiats, & qu’à ce défaut, le droit de séance & de suffrage ne passeroit pas à ses héritiers. Le droit de donner sa voix & de siéger à la diete de l’empire & aux diètes des cercles, est attaché au domaine & non à la personne. Il y a des princes, qui, sans avoir séance & suffrage particulier à la diète, & sans avoir part aux suffrages collectifs (ce qu’on appelle votum curiatum), ne laissent pas d’être états de l’empire, & jouissent également de toutes les prérogatives attachées à à cette qualité. Ils ne veulent point exercer leur droit, ou l’exercice en a été suspendu. Un état de l’empire n’est pas pour cela un état de l’un des cercles, & ainsi réciproquement.

La noblesse immédiate de l’empire n’est point comptée parmi les états de l’empire proprement dits, quoique ce corps, ainsi que les autres états, ait l’empereur pour chef.

Au reste, les nobles immédiats de l’empire jouissent, dans les terres immédiates qu’ils possèdent, des droits de la souveraineté. Toutes les capitulations des empereurs leur accordent ces droits. Mais comme ils tiennent plusieurs terres en fief des princes de l’empire, ils sont asservis aux obligations qui résultent du lien féodal. Ces nobles de l’empire se divisent en trois classes, celle de Franconie ; celle de Suabe & celle du Rhin. Chaque classe a ses loix & ses ordonnances particulières, son propre directeur, son capitaine, ses conseillers, son syndic, son secrétaire & ses autres officiers. On ignore l’époque précise de la réunion des nobles ; on croit communément qu’elle se fit en 1422, & que l’empereur Sigismond leur accorda, sur-tout à ceux de Suabe, les premiers privilèges. Ce corps s’est donné beaucoup de peine pour obtenir à la diète de l’empire trois suffrages communs, vota curiata ; les électeurs & les princes n’ont jamais voulu y consentir.

Les états de l’empire sont ou ecclésiastiques, ou séculiers. Les états ecclésiastiques sont ou Catholiques ou protestans : le seul évêché d’Osnabruck est possédé alternativement par un catholique & un protestant. Les souverains des états protestans sont tous luthériens, à l’exception de l’abbesse de Herford, qui est de la religion réformée. De plus, ils ont la qualité ou d’évêques, comme ceux d’Osnabruck & de Lubeck ; ou d’abbesses, comme celles de Quedlimbourg, &c. ou de princes, comme les deux évêques qu’on vient de citer, ou d’abbesses princières, comme celles de Quedlinbpurg, d’Herford, &c. Ils sont reçus par leur chapitre, mais à Osnabruck, à Lubeck & à Quedlimbourg ce droit d’élection n’appartient pas entierement aux chapitres. Ils n’ont besoin ni de la confirmation de l’empereur, (à moins qu’une observance particulière n’en autorise l’usage), ni de celui du pape ; ils ne reçoivent ni les ordres, ni le pallium ; ils ne prêtent aucun serment ; ils ne reconnoissent point de métropolitain, & ils ne sont pas soumis aux annates. Ils doivent seulement recevoir l’investiture des mains de l’empereur dans l’an & jour à compter de celui de leur élection. Ils prennent le titre d’évêque élu ou postulé ; ils jouissent d’ailleurs des mêmes titres que les catholiques, qui sont d’égale dignité. Ils peuvent se marier lorsque leur capitulation n’y forme aucun obstacle ; on les regarde, & ils se comportent comme des laïcs.

On trouve parmi les souverains ecclésiastiques catholiques des couvens, des archevêques, des évêques, des abbés, des prélats, des abbesses, des primats, (ce titre appartient à l’archevêque de Salzbourg & à l’évêque de Fulde), & des légats nés du saint-siége ; (c’est une dignité propre à l’électeur de Cologne, & aux archevêques de Salzbourg & de Prague) ; le grand maître de l’ordre Teutonique, deux grands commandeurs, & le grand-prieur de l’ordre de saint Jean de la langue allemande.

À l’égard de leur dignité séculière, ils sont électeurs, princes, abbés-princiers & non princiers, prélats & abbesses, & ils exercent la souveraineté territoriale dans toute son étendue. Ils sont électifs ainsi que les précédens. Les concordats de la nation germanique contiennent néanmoins quelques restrictions à cet égard. L’élection est confirmée ou par le pape, ou (dans les abbayes médiates) par l’évêque diocésain. Avant d’être consacrés ils doivent faire leur profession de foi, & prêter serment de fidélité au Pape. Ceux qui ont le droit de porter le pallium, achetent du Pape cette marque de distinction. Tout archevêque, évêque ou abbé nouvellement élu, paye au pape, sur les revenus des deux premières années, une somme assez considérable qu’on appelle les annates. Les archevêques dépendent immédiatement du pape. Leurs domaines sont nommés archevêchés (erzstiste) ; le territoire soumis à leur pouvoir spirituel province, & l’église qu’ils desservent, métropolitaine, l’archevêque a sous lui des évêques, qui sont appellés ses suffragans, & dont il est le métropolitain ; excepté les évêques de Bamberg, de Ratisbonne & de Passau, qui dépendent immédiatement du pape. On donne aux domaines des évêques le nom d’évêché (hochstister), à leurs églises celui de cathédrale, à leur territoire, quant au spirituel, celui de diocèse. Les abbés dépendent de leurs évêques diocésains, à moins qu’une abbaye n’ait été affranchie par le pape ; dans ce cas elle est appellée exempte. Les couvens sont nommés chapitres (stister). Plusieurs chapitres & couvens immédiats ont leurs avocats, patrons & protecteurs (Kastenvogte, schutzund schirm-herren). Enfin tous les princes ecclésiastiques de l’empire, les abbés & abbesses princières, ont coutume de donner en fief héréditaire les dignités de chambellan, sénéchal, échanson, maréchal, &c de leurs chapitres, à des familles de princes, de barons ou de nobles. Celles-ci les redonnent souvent comme arrière-fiefs à des familles inférieures.

Les états séculiers sont des électorats des principautés, des comtés, des baronnies & des villes impériales ; on les obtient par droit de succession, ou par donation de l’empereur & de l’empire, par une convention publique, par héritage, ou par des alliances. Ils ne passent qu’aux mâles, & le droit d’aînesse s’introduit insensiblement dans toutes les maisons de princes ou de comtes. Les cadets sont appellés seigneurs appanagés, ou mieux, seigneurs non-régnans ; ils reçoivent leur appanage en terres, ou, ce qui est plus ordinaire, en argent comptant.

L’observance oblige les souverains de l’empire à épouser leur égale, si-non la femme & les enfans ne sauroient participer au rang du père, & ces derniers sont incapables de succession. L’union d’un électeur ou d’un prince avec une comtesse, & celle d’un prince ou comte avec une noble d’une ancienne famille, n’est pas regardée comme une mésalliance.

Section VIe.
Des princes d’Allemagne.

Après les électeurs dont nous parlerons plus bas, on compte les princes de l’empire, c’est-à-dire les princes qui à la diète ont, dans le collège des princes, un suffrage appellé votum virile. Ils sont ecclésiastiques ou séculiers, d’ancienne ou de nouvelle création : (on nomme princes de nouvelle création ceux qui ont obtenu leur dignité depuis le règne de Ferdinand II.) Il y a parmi eux quelques prélats & des comtes princiers.

Les princes ecclésiastiques sont archevêques ou évêques, ou abbés & prévôts princiers, comme nous l’avons déjà dit ; le grand-maître de l’Ordre Teutonique & celui de S. Jean appartiennent à cette classe. Il y a parmi les princes séculiers un archiduc, des ducs, des comtes, des palatins, des margraves, des landgraves, des princes & comtes princiers.

Le collège des princes est divisé en trois bancs. Le banc ecclésiastique où siégent les princes ecclésiastiques avec les archiducs d’Autriche & les ducs de Bourgogne. La principauté d’Autriche alterne pour la première place avec Saltzbourg, suivant les jours de délibération. Les directoires des prélats de l’empire occupent le bas de ce banc. Les autres prélats de l’empire font partie du collège des princes, sans avoir séance sur le même banc. Le banc séculier est occupé par les princes séculiers & les directoires des comtes de l’empire ; les autres comtes de l’empire ont une place particulière au collège des princes. Enfin les évêques de Lubeck & d’Osnabruck, lorsque ce dernier est protestant, siègent sur un banc transversal.

Selon les constitutions, les princes ecclésiastiques qui ont voix & séance, sont les archevêques de Saltzbourg & de Besançon, (il y a longtemps que ce dernier ne va plus à la diète.) Le grand-maître de l’ordre teutonique, les évêques de Bamberg, Würtzbourg, Worms, Eichstatt, Spire, Strasbourg, Constance, Augsbourg, Hildesheim, Paderbon, Freysinguen, Ratisbonne, Passau, Trente, Brixen, Bâle, Munster, Osnabrück, Liège, Coire, Lubeck, Fulde ; l’abbé princier de Kempten, le prévôt princier d’Elwangen, le grand-maître de l’ordre de S. Jean, le prévôt princier de Bergtolsgaden, le prévôt princier de Weissenbourg, les abbés princiers de Prüm, Stavelo & Corvey. En tout 33. Voyez chacun de ces articles.

Les princes séculiers de l’empire ayant voix & séance au collège des princes, sont :

L’archiduc d’Autriche, les ducs de Bourgogne, Bavière & Magdebourg ; la maison Palatine-Lautern ; celle de Simmern & de Neubourg ; le duc de Bremen ; la maison palatine des Deux-Ponts ; celles de Veldenz & de Lautereck ; les ducs de Saxe-Weimar, Saxe-Eisenach, Saxe-Cobourg, Saxe-Gotha, Saxe-Altenbourg ; les margraves de Brandebourg-Culmbach & de Brandebourg-Onolzbach ; les ducs de Brunswic-Zell, Brunswic-Grübenhaguen, Brunswic-Calemberg, Brunswic-Wolfenbüttel ; le prince de Halberstadt, les ducs de la Poméranie-antérieure & de la Poméranie citérieure, de Verden, de Mecklenbourg-Shwerin, de Mecklenbourg-Gustrau, de Wurtemberg ; les landgraves de Hesse-Cassel & de Hesse Darmstatt ; les margraves de Bade-Bade, Bade-Durlach, Bade-Hochberg ; les ducs de Holstein-Glückstadt, Holstein-Gottrop, Saxe-Lavembourg ; le prince de Minden ; le duc de Savoie (qui n’exerce point son droit de suffrage) ; le landgrave de Leuchtenberg ; les princes d’Anhalt ; les comtes princiers de Henneberg ; les princes de Schwerin, de Camin, de Ratzebourg, de Hersfeld ; le comte princier de Montbeillard. Tel est le corps des anciens princes. Voyez chacun de ces articles.

Nouveaux princes. Les nouveaux princes introduits dans le collège sont le duc d’Aremberg ; les princes de Hohenzollern, de Lobkowitz, Salm, Dietrichstein, Nassau-Hadamar, Nassau-Dillenbourg, Auersberg, Oost-Frise ; Furstenberg, Schwarzenberg, Lichtenstein, Tour & Taxis, (son suffrage lui est contesté par les princes anciens) Schwartzbourg. En tout 61 princes séculiers. Voyez chacun de ces articles.

Le droit de préséance cause beaucoup de disputes parmi ces princes ; les maisons de Poméranie, de Mecklenbourg, de Würtemberg, de Hesse, de Bade & de Holstein-Glückstadt ont réglé leurs différends sur ce point : c’est pour cela qu’on les appelle maisons alternantes. On recueille les suffrages, en passant alternativement du banc ecclésiastique au banc séculier.

Les duchés de Juliers, de Clève & de Berg ont droit de siéger au collège des princes, cependant on ne recueille point leurs voix depuis l’an 1609. Les autres princes de nouvelle création n’ont pas obtenu jusqu’ici le droit de siéger au même collège ; plusieurs l’ont demandé. Les décrets d’une partie des collèges de l’empire, ou de tous les trois en ont donné l’expectative à quelques-uns, d’autres ont pour eux la recommandation de l’empereur.

Section VIIe.
Des prélats, abbés, prévôts & abbesses, & comtes de l’empire, des villes impériales.

Les prélats ou abbés, prévôts & abbesses ayant voix & séance à la diète, sont partagés en deux bancs, celui de Suabe & celui du Rhin. Chacun de ces bancs n’a qu’un suffrage, qu’on recueille alternativement avec celui des comtes.

Prélats & abbesses du banc de Suabe. Salmansweil, Weingarthen, Ochseuhausen, Elchingen, Yrsée, Ursperg, Kaysersheim, Roggenbourg, Roth, Weisenau, Schussenried, Marchthal, Petershauscn, le prévôt de Wettenhausen, l’abbé de Zwiefalten, de Gengenbach, de Hegbach, de Cutenzell, les abbesses de Rotenmunster, de Baind & de Neresheim.

Prélats & abbesses du banc du Rhin. Le commandeur de l’ordre teutonique de Coblence ; le prévôt d’Odenheim ; l’abbé de Werden, de Saint-Ulric & Afra d’Augsbourg, S. George d’Isny, Corneli-Munster, S. Emeran de Ratisbonne ; les abbesses princières d’Essen, de Buchau près de Federsée, de Quedlinbourg, de Hervorden, de Gernrode, de Nieder-Munster & d’Ober-Munster, de Ratisbonne ; l’abbesse de Bursscheid, de Gandersheim, de Thoren.

Ces deux collèges de prélats sont membres du corps catholique, quoique, dans celui du Rhin, il y ait trois abbesses princières protestantes.

Le collège de Suabe a un directeur & un condirecteur qui possèdent cette charge à vie, un syndic qui sert pour les deux collèges. Le prélat de Werden est directeur perpétuel du banc du Rhin.

Comtes de l’empire. Les comtes de l’empire ayant voix & séance à la diète, sont ou comtes, (c’est le plus grand nombre) ou landgraves, burgraves, wild & rheingraves, barons & seigneurs nobles. Dans les collèges des comtes, il y a encore plusieurs princes qui jusqu’à présent n’ont pu obtenir séance & voix particulière parmi les princes de l’empire.

Les comtes & seigneurs se partagent en quatre collèges ; chacun de ces collèges a une voie à la diète. Les comtes ou les envoyés qui représentent ces collèges, siègent sur le banc des princes séculiers, après les envoyés des princes. Le collège de Wetteravie alterne pour le rang avec celui de Suabe.

Collège des comtes de Wetteravie, dont tous les membres sont protestans. Les princes & comtés de Solms, d’Ysenbourg & de Stolberg ; les comtes de Witgenstein ; les Rheingraves ; les comtes de Linange-Hartenbourg, Linange-Westerbourg, Reuss, Schœnbourg, Ortenbourg ; (les comtes de Vartenberg en ont été exclus) Wied-Runckel à cause de Krichingen, Hanau, Nassau-Saarbrück, Usingen & Weilbourg, Waldeck & Schwartzbourg se sont séparés du banc ; Kœnigstein en faisoit autrefois partie. Voyez chacun de ces articles.

Collège des comtes de Suabe. Les possesseurs des comtés, landgraviats & seigneuries de Heiligenberg & Wenderberg ; Strasberg, Alschhausen, Oettingen, Montford, Helfenstein, Kletgau, Kœnigsegg, Waldbourg, Eberstein, Hohen-Geroldseck ; les comtés de Sugger pour leurs possessions dans le cercle de Suabe, Eglof, Boudorf, Thannhausen, Eglingen ; les comtes de Khevenhüller, Küffstein, Harrach, Sternberg, Neipperg, & le prince Colloredo. Voyez tous ces articles.

Le droit de suffrage de ces six derniers est attaché à leurs personnes, & non à leurs territoires. L’électeur palatin est aggrégé à ce collège, aussi bien que Würtemberg, à cause de Justingen ; Hohenembs en donne le droit à la maison d’Autriche, qui ne s’est pas encore fait aggréger. Tous les membres de ce collège sont de la religion catholique ; ils ne reçoivent point de protestans parmi eux.

Collège des comtes de Franconie. Hohenlohe, Castell, Wertheim, Erbach, Limbourg, Seinsheim, Rieneck, Wolfstein, Reichersberg, Wiesentheid, Windischgrœtz, Rosenberg, Stahrenberg, Wurmbrand, Giech, Grævenitz, Pückler. Voyez ces articles.

Le suffrage des sept derniers est personnel. Les membres protestans sont plus nombreux ce collège que les catholiques.

Collège de Westphalie. Les comtes de Sayn-Altenkirchen, Sayn-Hachenbourg, Wied-Schauenbourg, Oldenbourg, Delmenhorst, Lippe, Bentheim-Bentheim, Tecklenbourg, Bentheim-Steinfurt, Hoya, Virnebourg, Diepholz, Spiegelberg, Rittberg, Pyrmont, Gronsfeld, Reekheim, Anholt, Winnebourg-Beiltsein, Holzapfel, Blanckenheim, & Geroldstein, Wittem, Gehmen, Gymbord-Neustadt, Wickeradt, Mylendonck, Reichenstein, Schleiden, Herpen & Lommersom, Dyck, Soffenbourg, Hallermund, Rheineck. Voyez ces articles. Les membres protestans de ce collège sont en plus grand nombre que les catholiques.

Les collèges de Wetteravie, de Franconie & de Westphalie ont toujours été comptés parmi les membres du corps protestant, & celui de Suabe parmi les catholiques.

Chaque collège a son directoire particulier ; dans quelques-uns il y a des adjoints du directoire. Celui du collège de Wetteravie, ainsi que les quatre adjoints du directeur, changent ordinairement tous les ans. Trois de ces derniers sont choisis parmi les comtes de Wetteravie & du Rhin ; le quatrième se prend dans une des trois maisons de la haute Saxe, Schwartzbourg, Reuss & Schoenbourg. Le collège de Suabe a deux directeurs & 4 adjoints ; ils parviennent à cette dignité par élection, & la gardent à vie. Dans le collège de Franconie, le directoire alterne de trois en trois ans parmi tous ces membres, selon l’âge : on ne lui nomme d’adjoint qu’à la requête du directeur. Autrefois la dignité directoriale n’étoit attachée qu’aux cinq anciennes maisons d’Hohenlohe, Castell, Erbach, Wertheim & Limbourg. Les directeurs du collège de Westphalie parviennent à cette dignité par voie d’élection ; ils la gardent à vie, & n’ont point d’adjoints.

Des villes impériales. On appelle villes impériales celles qui, gouvernées par leur propre magistrat, relèvent immédiatement de l’empereur & de l’empire, & ont voix & séance à la diète. Elles y forment le troisième collège ; elles sont ou catholiques ou protestantes (le nombre de celles-ci est le plus considérable) ou mixtes ; une partie de la bourgeoisie, ou plutôt du sénat, de ces dernières, jouissoit du libre exercice de leur religion en 1624. Elles jouissent toutes de la souveraineté territoriale. Il y en a qui pourroient s’arroger le titre de république, mais elles ne le prennent jamais en style de chancellerie.

Quelques-unes reconnoissent encore le pouvoir des anciens juges & prévôts impériaux (Reichs-Wœgte und Reichs-Schultheissen) ; d’autres paient encore les anciennes contributions : la plupart en sont affranchies.

Le collège des villes impériales est divisé en deux bancs, celui du Rhin & celui de Suabe. En recueillant les voix, on commence par le premier, en allant alternativement du banc du Rhin à celui de Suabe.

Villes impériales du banc du Rhin. Cologne, Aix-la-Chapelle, Lubeck, Worms, Spire, Francfort sur le Mein, Goslar, Breme, Hambourg, Mulhausen ; & depuis 1769, Nordhausen, Dertmund, Friedberg, Wetzlar.

Villes impériales du banc de Suabe. Ratisbonne, Augsbourg, Nuremberg, Ulm, Eslingen, Rutlingen, Nœrdlingen, Rotenbourg sur le Tauber, Halle en Suabe, Rothweil, Uberlingen, Heilbroun, Schwæbisch-Gemund, Memmingen, Lindau, Dünkelsbül, Biberach, Ravensbourg, Shweinfurt, Kempten, Windsheim, Kaufbeuren, Weil, Wangen, Isny, Pfullendorf, Offenbourg, Leutkirchen, Wimpfen, Weissenbourg dans le Nordgau, Gieugen, Gengenbach, Zeil au Hammersbach, Buchhorn, Aalen, Buchan sur le Ferdsée & Bopfingen, Voyez ces articles.

Section VIIIe
Des électeurs.

L’empire germanique a toujours été un état électif ; & chaque chef de l’empire nouvellement élu est obligé de renoncer d’une manière solemnelle à tout acte qui tendroit à rendre l’empire héréditaire dans sa maison.

Trois archevêques immédiats & six princes immédiats de l’empire ont le droit d’élire, au nom de tout l’empire, un chef ; on les appelle électeurs. On ne sçait pas précisément quelle fut l’origine de leur droit d’élection. Quelques auteurs croient en découvrir les premières traces du temps de Charlemagne ; d’autres la placent en l’an 996 ; d’autres prétendent qu’après l’extinction des rois des romains de la maison de Hohenstausen, lors de l’élection d’Alphonse & de Richard, on comptoit déjà sept électeurs, qui nommoient l’empereur depuis un temps immémorial. Charles IV a confirmé, par la bulle d’or, les droits & les privilèges des électeurs, qui se trouvoient alors au nombre de sept. Aujourd’hui il y en a neuf ; comme on vient de le dire, les archevêques de Mayence, de Trêves & de Cologne ; le roi de Bohême, le duc régnant de Bavière, le duc de Saxe, l’aîné de la ligne Albertine ; le Margrave de Brandebourg, chef de la branche ainée ; le comte Palatin du Rhin, chef de la branche Rudolphine l’aînée, & le duc de Brunswick-Luneboug, l’aîné de la ligne d’Hanovre. Voyez chacun de ces articles.

Prérogatives des électeurs. Nous avons déjà parlé du droit exclusif qu’ils ont de nommer le chef de l’empire ; nous allons rapporter quelques autres de leurs prérogatives. Depuis l’an 1711, l’empereur donne aux électeurs ecclésiastiques le titre de révérendissime & de neveu ; aux électeurs séculiers celui de sérénissime & d’oncle. Les électeurs séculiers portent le titre d’altesse électorale sérénissime (Cherfürssel-Durchlancht), & les ecclésiastiques qui ne sont point nés princes, celui d’altesse électorale (Cherfürssel-Guaden). Dans les adresses, on appelle révérendissimes (hochwürdigster) les électeurs ecclésiastiques ; & sérénissimes (durchlauchtigster) les séculiers.

Quoique par une ancienne coutume les électeurs ecclésiastiques prennent le titre d’archevêque avant celui d’électeur, & les séculiers celui de duc & celui de margrave, ou de comté palatin avant celui de duc-électeur, la dignité électorale est néanmoins au-dessus de toutes les autres. Chacun des électeurs prend aussi le titre de l’archi-office dont il est revêtu avant celui d’électeur.

Ils ne paient rien lorsqu’ils reçoivent l’investiture de leurs fiefs. Ils peuvent envoyer à l’empereur plusieurs ministres du premier rang. L’empereur doit aussi-tôt après son élection confirmer leurs privilèges & leur dignité ; il ne peut rien régler sans leur concours au sujet de la guerre, de la paix, des alliances, non plus que dans les affaires qui concernent la sûreté de l’empire, & qui sont relatives à l’administration publique de l’état ; car les électeurs sont, aux termes de la capitulation, les conseillers intimes de l’empereur. C’est aussi de leur consentement ou à leur requisition, que sa majesté impériale convoque une diète. Chaque électeur présente deux assesseurs pour la chambre impériale, outre les cinquante présentés par l’empereur ; ces derniers même cèdent le pas à ceux qui sont présentés par les électeurs.

Les états électoraux jouissent du droit illimité de non-appeller (de non appellando). Ils ont entr’eux une alliance particulière, qui fut conclue en 1638, & renouvellée en 1721. Ils peuvent s’assembler & délibérer, tant sur leurs besoins réciproques que sur ceux de l’empire : ces assemblées sont connues sous le nom de jours électoraux (churfürsten-tage). On se rend coupable envers eux du crime de lèse-majesté.

Ce qui constitue proprement l’électorat, est indivisible, & passe de droit à l’aîné : aujourd’hui l’aîné est également héritier unique de toutes les autres possessions de son père. La capitulation accorde aux envoyés des électeurs le pas sur les princes de l’empire en personne : les princes se plaignent de cet article, ainsi que de beaucoup d’autres. Les électeurs cèdent le pas au roi, & leurs envoyés aux envoyés des têtes couronnées ; cependant eux & leurs représentans reçoivent de toutes les puissances étrangères presque tous les honneurs royaux, & ils n’admettent point la préséance des cardinaux, du nonce du pape, ni des républiques. Les rois donnent le titre de frère, aux électeurs laïques, & même à un électeur ecclésiastique, s’il est né prince. Enfin, les électeurs sont majeurs à dix-huit ans accomplis.

Des archi-offices & des prérogatives particulières attachées aux électorats. I. L’électeur de Mayence est archi-chancelier de l’empire en Germanie. Il dirige, en cette qualité, le collège électoral, dont il est quelquefois appellé le doyen. Il notifie la mort de l’empereur aux autres électeurs, convoque la diète d’élection, reçoit le serment & les suffrages, proclame l’empereur, & le sacre, lorsque le couronnement se fait dans son diocèse. Il alterne avec l’archevêque de Cologne, lorsque le lieu du couronnement n’est pas situé dans le diocèse de l’un ou de l’autre : il a le directoire général à la diète de l’empire. L’empereur s’engage à ne point le troubler, ni le restreindre dans l’exercice de ces deux fonctions d’archi-chancelier & de directeur de l’empire, à ne point l’empêcher de porter au collège électoral ou aux trois collèges assemblés, une matière quelconque, concernant le bien public de l’empire, ou les griefs de quelques états, &c. C’est à lui que les envoyés des états de l’empire & des puissances étrangères remettent leurs lettres de créance. Il nomme le vice-chancelier, lequel lui prête serment aussi bien qu’à l’empereur ; il nomme encore tous les employés de la chancellerie de l’empire, qui sont soumis à sa jurisdiction : il a l’inspection sur les archives impériales. Il visite, au nom de l’empereur, le conseil aulique impérial ; il exerce un droit de protection sur tout ce qui est relatif aux postes ; ses conseillers ont leurs franchises aux postes impériales. L’empereur l’appelle son cher neveu, électeur & conseiller : nous ne dirons rien de ses autres prérogatives.

II. L’électeur de Trêves est archi-chancelier du saint empire romain dans les Gaules & dans le royaume d’Arles : titre qui est aujourd’hui sans fonction. Il donne la première voix aux diètes d’élection, & il précède toujours l’électeur de Cologne ; il reçoit le serment de l’électeur de Mayence. Dans tous les autres cas il alterne pour le rang avec l’électeur de Cologne.

III. L’électeur de Cologne est archi-chancelier du saint empire romain en Italie : vain titre qui ne donne plus aucun pouvoir. Il a le second suffrage à la diète d’élection ; & lorsque le couronnement se fait à Aix-la-Chapelle ou dans son diocèse, il est seul chargé du sacre : lorsqu’il se fait dans une ville qui n’est point située dans son diocèse ni dans celui de Mayence, il alterne avec l’électeur de Mayence.

IV. Le roi & électeur de Bohème est archi-échanson de l’empire ; il n’en porte ni le titre ni les armes. Il présente en cette qualité, au nouvel empereur, une coupe remplie d’eau & de vin ; cette coupe, qui doit être du poids de douze marcs, est donnée ensuite, ainsi que le cheval, au vicaire de l’archi-échanson. Il a le pas devant tous les autres électeurs laïques ; il suit immédiatement l’empereur dans les grandes cérémonies ; il est alors suivi de l’impératrice, des électeurs de Mayence & de Cologne : il a la troisième voix au collège électoral. Depuis 1714 le vicaire du roi de Bohême est le comte d’Althan, descendant de la branche du comte Michel Jean, ci-devant premier écuyer de l’empereur ; on le nomme échanson héréditaire, & en cette qualité il porte une coupe dans ses armes.

V. L’électeur de Bavière est archi-sénéchal ou archimaître-d’hôtel du saint empire romain ; il en prend le titre ; & c’est pour cela qu’on trouve un globe impérial dans ses armes. Lors du couronnement il porte le globe impérial ; il pose sur la table de l’empereur quatre plats d’argent de douze marcs chacun, & il sert le premier mets ; il a rang après l’électeur de Bohême. Son vicaire est le comte de Wahlbourg, qui a le globe impérial dans ses armes. Les maisons Palatine & de Bavière étoient convenues, dès l’année 1329, d’exercer leurs fonctions électorales alternativement, mais le droit exclusif de la maison Palatine fut confirmé par la bulle d’or (en 1356). L’électeur Frédéric ayant été mis au banc de l’empire en 1623, à l’occasion des troubles de Bohême, la dignité électorale fut transférée au duc de Bavière Maximilien : le traité de Westphalie ratifia ce changement. L’électeur de Bavière fut mis à son tour au banc de l’empire en 1706, & l’électeur Palatin recouvra ses prérogatives, & entr’autres son archi-office ; mais le premier, après qu’il eut été réintégré par le traité de Bade, le réclama.

VI. L’électeur de Saxe est archi-maréchal du saint empire ; c’est pour cela qu’il porte deux épées en sautoir dans ses armes. Il est vicaire de l’empire dans les provinces qui suivent le droit saxon, & dans d’autres annexés à ce vicariat. Ce droit tient à la qualité de comte Palatin, attachée aux terres électorales de Saxe. À la diète & dans les grandes cérémonies, il porte devant l’empereur l’épée impériale. On voit une multitude de cérémonies bisarres lors du couronnement de l’empereur ; & parmi ces singularités bisarres, il ne faut pas oublier que l’électeur de Saxe court à cheval sur un monceau d’avoine, & qu’il en remplit une mesure d’argent. L’électeur de Mayence lui envoie les billets de citation pour l’assembleé des états de l’empire ; l’électeur de Saxe les remet aussi-tôt à son maréchal héréditaire, qu’il charge des arrangemens usités en cette occasion ; il fait assigner aux électeurs ou à leurs envoyés des logemens dans les lieux où se tient la diète : il règle tout ce qui est relatif à la police & à la fourniture des vivres, & il exerce la jurisdiction civile & criminelle sur les domestiques des états ou de leurs envoyés. Si le siège de Mayence est vacant, l’électeur de Saxe exerce le directoire à la diète[3] : enfin il exerce un droit de protection sur la ville impériale de Mülhausen, ainsi que sur les trompettes, dans tout l’empire. Son maréchal héréditaire est le comte de Pappenheim, qui, à raison de cet office, a dans ses armes les deux épées impériales. En cas d’extinction de la maison de Pappenheim, les comtes de Calenberg-Muska ont la survivance de cet office héréditaire.

VII. L’électeur de Brandebourg est archi-chambellan du saint empire : il en prend le titre, & porte en cette qualité, devant l’empereur, le sceptre impérial, qui décore ses armes. Il présente de l’eau dans un bassin d’argent à l’empereur, lorsque celui-ci veut laver ses mains. Il peut disposer de ses fiefs & de ses états, comme de biens allodiaux, établir à son gré de nouveaux péages, & des moulins sur tous les fleuves. Son chambellan hérédiraire est le prince de Hohenzellorn, qui porte dans ses armes deux sceptres d’or en sautoir au milieu d’un écusson rouge, & un sceptre d’or placé sur un casque d’or couronné.

VIII. L’électeur Palatin étoit autrefois archi-sénéchal ; il obtint, par le traité de Westphalie, l’office d’archi-trésorier, dont il conserve le titre ; la couronne impériale décore ses armes. Le vicariat causa de grandes disputes entre la maison Palatine & celle de Bavière : nous avons déjà dit comment elles furent terminées. L’électeur Palatin distribue, lors du couronnement de l’empereur, des monnoies d’or & d’argent parmi le peuple, & porte la couronne impériale. Ce prince a le droit bisarre de protéger les chaudronniers dans une partie de l’Allemagne ; il protège également l’ordre de Saint-Jean. Il peut ennoblir & accorder le titre de comte ; le droit de Wildfangiat lui donne la faculté de réduire en servage & de soumettre à l’acquittement d’une redevance, appellée fahe-groschen, dans les lieux où ce droit est établi, tous les bâtards & tous les étrangers sans aveu qui n’ont pas eu de maître depuis un an & un jour. Les comtes de Sinzendorf sont trésoriers héréditaires depuis l’an 1653 : ils ont la couronne impériale dans leurs armes.

IX. L’électeur de Brunswick-Lunebourg-Hanovre obtint l’office d’archi-trésorier en 1706, lorsque l’électeur de Bavière fut mis au banc de l’empire, & que l’électeur Palatin recouvra l’office d’archi-sénéchal. Il continue de prendre le titre d’archi-trésorier, jusqu’à ce qu’on ait érigé un nouvel archi-office. La maison de Hanovre jouit de l’alternative dans l’évêché d’Osnabruck, & de quelques autres droits & privilèges. La neuvième dignité électorale lui fut accordée en 1692, par l’empereur Léopold, pour la récompenser des services importans qu’elle avoit rendus à l’empire ; mais son admission au collège électoral ne put avoir lieu qu’en 1708.

Section IXe.
De l’empereur, de son élection, de son couronnement,
de ses prérogatives, de son revenu, &c
.

La vacance du trône impérial doit être annoncée aux électeurs par celui de Mayence, dans l’espace d’un mois ; il leur envoie des députés, ou il leur adresse des lettres-patentes, & il leur prescrit de s’assembler. L’élection se fait à Francfort sur le Mein, trois mois après. L’absence d’un électeur n’empêche pas l’élection, pourvu qu’il y ait été légalement appellé. Si les électeurs ne comparaissent pas en personne, ils envoient des ambassadeurs, au nombre de deux ou trois, munis d’un plein pouvoir. Après quelques délibérations préliminaires sur la capitulation & sur d’autres objets concernant l’empire, & lorsqu’on a fait sortir de la ville tous les ministres étrangers & tous les étrangers qui ne sont pas de la suite de quelque électeur ou ambassadeur électoral, on procède à l’élection de la manière suivante : Les électeurs, en habits électoraux, ou le premier ambassadeur de ceux qui sont absens, montent à cheval, & se rendent de la maison-de-ville à l’église de saint Barthelemi, où l’on chante la messe ; les électeurs ou leurs représentans prêtent ensuite serment de ne rien recevoir des candidats, & de donner leur suffrage au plus digne ; de là ils entrent au conclave. Les suffrages sont recueillis par l’électeur de Mayence selon le rang des électeurs. Le sien est reçu par l’électeur de Saxe ; les électeurs peuvent sc donner à eux-mêmes leur suffrage : la pluralité des voix décide. Le prince sur qui le choix est tombé, ou bien son ambassadeur, jure & signe incontinent la capitulation ; l’élection est alors rendue publique dans l’église. Le nouvel empe- reur, s’il est absent, est obligé de donner, des réversales pour l’observanee de la capitulation, & de jurer lui-même avant son couronnement qu’il s’y conformera. Dans cet intervalle, il est obligé d’abandonner les rênes du gouvernement aux vicaires de l’empire. Chaque électeur reçoit une copie authentique de la capitulation, signée de l’empereur élu ou de son ambassadeur, & munie du sceau du premier. Le collège électoral remet au nouvel empereur l’acte de son élection ; s’il est absent, cet acte lui est apporté par un prince avec une lettre de notification. L’empereur fixe ensuite le jour du couronnement.

Couronnement de l’empereur. La bulle d’or désigne pour cette cérémonie la ville d’Aix-la-Chapelle ; mais depuis très-long-temps elle se fait dans la ville d’élection, & celle d’Aix-la-Chapelle est obligée de se contenter de lettres réversales qui maintiennent son droit[4] : cette ville a la garde d’une partie des ornemens impériaux (Clenodia) ; l’autre partie est à Nuremberg : il faut que la plupart aient servi à Charlemagne. On les transporte au lieu du couronnement après des lettres réversales, qui en assurent la restitution : on y remarque la couronne d’or, le sceptre d’argent, le globe d’or impérial, deux anneaux, trois épées, un évangile, &c.

Le jour du couronnement arrivé, les électeurs séculiers & les ambassadeurs des absens, à cheval & portant les ornemens impériaux, accompagnent l’empereur jusqu’à la porte de l’église, où les trois électeurs ecclésiastiques viennent le recevoir. Pendant la messe, le nouvel empereur prête le serment ordinaire au sacre des têtes couronnées ; il promet en particulier de ne pas manquer au respect dû au pape & à l’église. Ensuite il est oint sept fois par l’électeur de Mayence ou par celui de Cologne, & couvert des ornemens & vêtemens impériaux ; il reçoit la couronne & prête serment pour la troisième fois ; après quoi il crée des chevaliers, & se fait recevoir chanoine de sainte Marie d’Aix-la-Chapelle. Toutes ces cérémonies finies, l’empereur accompagné des électeurs, retourne à l’hôtel-de-ville à pied, où il dîne seul, les électeurs faisant les fonctions de leurs archi-offices, dont nous avons parlé.

On n’a encore placé sur le trône impérial que des princes de la religion catholique romaine ; cependant les princes protestans n’en sont point exclus, puisqu’en Allemagne les protestans jouissent des mêmes droits que les catholiques.

Titres & prérogatives de l’empereur. Le chef de l’empire est revêtu de l’autorité que cette qualité lui donne, dès l’instant de son élection, & il prend dès-lors le titre d’empereur romain élu : ce titre est d’un usage constant depuis Maximilien I. L’empire de Rome ayant été uni à celui d’Allemagne par l’empereur Otton le grand, tous les empereurs jusqu’à Charles V reçurent la couronne impériale à Rome, & ils prenoient simplement le titre d’empereurs des romains : mais après ce prince, les empereurs n’allèrent plus recevoir la couronne des mains du pape ; ils n’en gardèrent pas moins le titre d’empereurs romains ; ils y ajoutèrent seulement le mot élus. Aussi-tôt après l’élection, dès que l’empereur est couronné, il envoie une ambassade au pape pour l’assurer de sa révérence filiale, (observantia & reverentia) ; le terme d’obédience autrefois très-essentiel n’est plus en usage. Au reste l’empire de Rome, si l’on en excepte vingt-un fiefs de l’empire situés dans l’état ecclésiastique, est aujourd’hui un titre sans domaine.

Les empereurs sont en même-temps rois d’Italie ou de Lombardie. Ce royaume s’étend des limites du duché de Savoie & de la Suisse, jusqu’à l’état de l’église ; l’empereur Otton en réunit une portion par ses conquêtes à l’empire germanique, & il acquit l’autre par alliance (pour ce qui regardoit les terres allodiales) ; cependant les rois & les empereurs romains n’en ont jamais porté ni le titre, ni les armes[5] ; & depuis Charles V, ils ne se sont plus fait couronner rois d’Italie. Le pouvoir de l’empereur en Italie a fort diminué ; cependant ii y exerce encore les droits régaliens suivans : il y donne des titres de noblesse, & il accorde aux terres & aux sujets différens privilèges.

Les membres d’Italie, tant immédiats que médiats, sont obligés de comparoître devant le conseil aulique en ce qui regarde leurs personnes ou leurs terres. S’ils désobéissent, ou s’ils sont d’intelligence avec les ennemis du corps germanique, on les met au banc de l’empire, & ils encourent la confiscation de leurs biens : quelques-uns d’entr’eux ne veulent pas reconnoître la jurisdiction impériale.

L’empereur & l’empire ont encore plusieurs fiefs en Italie, qu’on divise à la cour impériale, en fiefs lombards, au nombre de treize, savoir ; les duchés de Milan, de Mantoue & de Montferrat, toutes les principautés de Gonzague & celle de Mirandole, &c. En fiefs liguriens, au nombre de 19, dont les principaux appartiennent aux princes Doria ; en fiefs Bononiens, au nombre de vingt, possédés par les ducs de Modène, de Ferrare, les princes de Spinola, Doria, &c. ; en fiefs de Toscane, au nombre de dix, parmi lesquels sont le grand duché de Toscane, de Piombino, de Soramo, de Comacchio, &c. ; en fiefs de Tirnisane, au nombre de onze, parmi lesquels sont les principautés de Massa, de Malaspina, &c.

Les membres de cet état sont obligés de fournir certaines contributions en temps de guerre, mais ils les fournissent rarement à moins qu’on ne les y contraigne. Le principal revenu que l’empereur tire de l’Italie en temps de paix, consiste en emphythéoses, épices, &c. & sur-tout dans les impôts du duché de Mantoue, qu’il posséde au nom de l’empire. L’empereur ne peut rien statuer en Italie, sans le concours des électeurs, princes & autres états de l’Allemagne.

Tout ce que nous venons de dire est tiré des anciennes loix du corps germanique. Les conventions particulières entre la maison d’Autriche, la France & l’Espagne, y ont apporté beaucoup de changemens. Nous dirons, aux articles Mantoue, Milanès, et Toscane, à quel titre la maison d’Autriche exerce la souveraineté sur ces trois pays.

Le titre est : N. par la grace de Dieu, empereur romain élu, toujours auguste, roi de Germanie. Les titres de ses états héréditaires viennent ensuite. Le titre que les états de l’empire lui donnent est : sérénissime, très-puissant, très-invincible empereur romain, roi de Germanie, très-clément empereur & seigneur. Les armes de l’empereur & de l’empire sont un aigle noir à deux têtes, aîles déployées au champ d’or, ayant au-dessus de la tête une couronne impériale. L’empereur y ajoute les armes de ses pays héréditaires.

Du vivant même de l’empereur, les électeurs nomment quelquefois son successeur, qui est appellé roi des romains. Les cérémonies de l’élection & du couronnement du roi des romains sont les mêmes que celles d’un empereur : en qualité de tête couronnée, il reçoit le titre de majesté, celui de toujours auguste, & de roi de Germanie. Ses armes sont un aigle à une tête. S’il devient empereur, il date les années de son règne, non du jour où il s’assied sur le trône impérial, mais de celui de son élection.

Les puissances étrangères accordent la préséance à l’empereur. Il est regardé comme le premier prince de l’Europe ; & ses ambassadeurs ont le pas devant ceux des autres princes. Il est en outre appellé l’avocat & le chef temporel de la Chrétienté. Il jouit de plusieurs droits comme chef de l’empire d’Allemagne.

Son pouvoir, relativement à l’administration de l’empire, est restreint & fixé par la capitulation & par les autres loix de l’empire, ainsi que par l’observance.

Les droits que l’empereur exerce seul, sans le concours des états de l’empire, sont nommés réservats ou réserves ; son pouvoir à cet égard est encore très-limité : les réserves ne doivent point être contraires aux droits des états.

Si l’on en croit les publicistes allemands, les droits de l’empereur, par rapport aux affaires ecclésiastiques, sont : 1o. de protéger le siège de Rome, le pape & l’église chrétienne, en qualité d’avocat de la chrétienté : 2o. celui de renouveller les loix de l’empire concernant les affaires de religion, sans toutefois y changer quelque chose, ni en introduire de nouvelles ; 3o. le droit de confirmation sur les bénéfices ecclésiastiques : 4o. celui d’envoyer des commissaires aux élections des archevêques, évêques & prélats : ces commissaires veillent à ce que l’élection se fasse dans l’ordre, mais il ne peuvent y assister eux-mêmes : 5o. celui des premières prières (jus primariarum precum) ; ce droit l’autorise à présenter dans toutes les abbayes & chapitres de l’empire, soit médiats ou immédiats, catholiques ou protestans, une fois, pendant son règne, un candidat au premier bénéfice vacant. L’empereur exerce ce droit dans les abbayes & chapitres immédiats où il exerçoit avant le traité de Westphalie ; mais à l’égard des médiats, il ne l’a conservé que dans ceux où il l’exerçoit le premier janvier 1624. Ceux qui sont munis d’une pareille présentation, doivent être préférés lorsqu’ils en demandent l’exécution dans l’espace d’un mois, à compter de la vacance du bénéfice. 6o. L’empereur a aussi la faculté d’accorder des lettres (panis briefe), d’après lesquelles les abbayes & couvens sont obligés de nourrir & d’entretenir celui qui en est porteur, &c. : j’omets ici plusieurs autres droits moins importans.

Je vais parler des réservats de l’empereur en matière civile : il peut distribuer des graces aux états de l’empire, à d’autres personnes & communautés immédiates, c’est-à-dire, qu’il a le droit de créer des gentilshommes, des nobles, des chevaliers, des seigneurs nobles, des barons, des comtes, des comtes-princiers, des princes, &c. de donner à leurs terres des titres plus éminens ; d’accorder des dignités, des emplois, des armoiries, &c. ; il donne aussi des priviléges, de non appellando, de non evocando, electionis foris, des austregues ; il confirme les universités, & il leur permet de conférer des grades académiques ; il accorde aux villes, villages & églises, le droit de foire & de marché, le droit d’asyle (jus asyli) ; à des particuliers celui d’adopter, de prendre le nom de leurs terres. De plus, il est le maître de réhabiliter, de donner des lettres de répit, de sauvegarde, de bénéfice d’âge, de légitimer, de confirmer les conventions & transactions des états de l’empire, de relever les membres de l’empire d’un serment forcé, & de les autoriser à porter l’affaire contestée devant le juge compétent ; il donne l’investiture de tous les fiefs de l’empire, & il prononce en matière de fief. Il possède la surintendance des postes ; les princes de la Tour & Taxis en reçoivent la direction générale, comme un fief de l’empereur & de l’empire. Plusieurs états de l’empire ordonnent à leur gré les postes particulières de leurs territoires.

À l’égard des membres médiats de l’empire, l’empereur possède également le droit de leur accorder des grades, des titres, des armoiries & des priviléges, pourvu toutefois que ces graces ne portent pas atteinte à la supériorité territoriale des états. Ce droit regarde encore l’impression des livres, l’exercice des arts nouvellement inven- tés, &c. Si des puissances étrangères attaquent ou menacent le corps germanique en général, l’empereur a le droit de se mettre sur la défensive, & de se servir de toutes les ressources qui ne sont pas préjudiciables au bien de l’empire ; il accorde aussi aux puissances étrangères la permission de faire des enrôlemens dans les territoires de l’empire avec le consentement du seigneur territorial.

Les droits que l’empereur exerce en commun avec les électeurs, sont relatifs à la guerre, aux traités de paix & d’alliance, aux aliénations & engagemens de terres de l’empire, au recouvrement de celles qui en ont été détachées ; en un mot à tout ce qui a rapport à la sûreté & à la splendeur du corps germanique. L’empereur ne doit rien conclure touchant ces matières sans le consentement des électeurs : les petits princes de l’empire se plaignent beaucoup de cette prérogative des électeurs.

L’empereur jouit en commun, avec les électeurs & d’autres états, de quelques prérogatives ; telles sont le droit d’établir des péages, de les hausser, de proroger & d’abolir ceux qui n’ont été accordés que pour un certain temps, de donner le droit d’étape, celui de battre monnoie, &c. à des membres médiats de l’empire.

L’empereur n’a point le pouvoir, sans le consentement du corps entier des états de l’Allemagne, de mettre au banc de l’empire un de ses membres ; d’aliéner ou d’hypothéquer les terres de l’empire, d’ordonner des loix nouvelles, de corriger ou d’éclaircir les anciennes ; de faire des alliances, de déclarer la guerre ou d’en diriger les opérations ; de lever des troupes, de conclure la paix, d’ordonner des contributions, de fixer le titre des monnoies, de construire des forteresses, de prononcer en matière de religion, quand ces objets regardent l’empire en général.

L’empire, en reconnoissant l’empereur pour son chef, ne renonce ni à sa liberté, ni à l’autorité que chacun de ses membres a chez soi. On a vu plus d’une fois des princes d’empire faire la guerre à l’empereur Charles V, c’est-à-dire, l’un des plus puissans princes qui ait porté la couronne impériale, manqua d’être fait prisonnier à Inspruck par l’électeur Maurice de Saxe. De nos jours on a vu l’empereur aux prises avec un membre de l’empire. Chacun d’eux reste maître chez soi. Ils sont seulement tenus à certains devoirs envers le corps & son chef, comme de fournir une certaine quantité de troupes, de contribuer aux frais nécessaires pour leur entretien.

Revenus de l’empereur. Anciennement les empereurs jouissaient de gros revenus ; ils les tiroient de plusieurs provinces considérables, qui dépendoient d’eux immédiatement, ou des redevances que divers états de l’empire & différens couvens étoient obligés de leur payer ; ils avoient en outre le produit, ou du moins le dixième de tous les péages, des mines, des salines, & des bénéfices qu’on faisoit sur les monnoies. Du temps de Frédéric I, ces revenus montoient à près de soixante talens d’or : sous Rodolphe I ils n’alloient plus qu’à vingt. Le besoin les avoit forcé d’aliéner & d’engager aux états de l’empire une partie de ces revenus ; & par une piété mal entendue, ils avoient donné l’autre aux abbayes ou aux couvens. L’empereur Henri IV se plaignit de la modicité des revenus qui lui restoient.

Aujourd’hui les revenus fixes de l’empire se bornent à une contribution modique de quelques villes impériales ; la plupart ont racheté cette redevance, ou elle a passe à divers titres, soit à des états de l’empire, ou même à des particuliers, & ce qui en revient aujourd’hui au trésor impérial, peut monter à douze mille, tout-au-plus à vingt mille florins. Charles VI & son successeur Charles VII, tâchèrent, mais en vain, de rétablir la capitation, que les juifs payoient autrefois. Parmi les revenus casuels, on compte les taxes du conseil aulique impérial, qui néanmoins sont assignées à tel ou tel emploi ; les dons gratuits de quelques-uns des états de l’empire, ou de quelques collèges des états en particulier, & ceux de la noblesse immédiate. Lorsque l’empereur Charles VII fut chassé de ses états héréditaires, on lui accorda, d’une seule fois, cinquante mois romains. Pour rétablir le revenu de l’empereur, la capitulation veut, que les fiefs d’un produit considérable, confisqués, ou devenus caducs, soient incorporés au domaine de l’empire, & qu’ils servent à ses besoins ainsi qu’à ceux de l’empereur. Le comté de Hoenembs, devenu vacant en 1760, se trouva dans ce cas ; mais on ne suivit pas le règlement dont je parle. L’empereur promet encore, par la capitulation, de rendre à l’empire, & de faire servir à ses besoins les contributions des villes & autres rentes aliénées à des particuliers. Mais on ne songe pas plus à l’exécution de cet article, qu’à l’exécution du précédent.

L’empire n’a point encore fixé de ville pour la résidence de l’empereur ; la capitulation porte seulement, qu’il résidera toujours en Allemagne, à moins que les circonstances des temps ne s’y opposent. Il choisit communément la capitale de ses pays héréditaires : les empereurs de la maison d’Autriche ont tous fait la leur à Vienne.

Section Xe.
Des vicaires de l’empire.

Lorsque le trône impérial est vacant, lorsque l’empereur est mineur, lorsqu’il fait une longue absence, ou enfin lorsqu’il est empêché par d’autres causes d’administrer lui-même l’empire, la bulle d’or lui donne pour substituts les électeurs Palatins & de Saxe : on les nomme vicaires de l’empire {provisores imperii). Le vicariat du premier s’étend le long du Rhin, en Suabe & dans le droit franconique, (expression sur le sens de laquelle on dispute beaucoup) ; le vicariat de Saxe comprend toutes les terres, où l’on suivoit le droit saxon lors de la rédaction de la bulle d’or.

La dignité électorale palatine ayant passé aux ducs de Bavière, par le traité de Westphalie, & l’empire en ayant créé une nouvelle pour la maison Palatine, il s’éleva entre les deux maisons une dispute fort vive au sujet du vicariat. Par un accommodement secret, conclu en 1724, les deux électeurs convinrent d’exercer le vicariat en commun, ce qui arriva effectivement lors de l’inter-règne de 1740, 1741 & 1742. Les états n’agréerent pas cet arrangement, & la capitulation de l’empereur François I, renvoya l’affaire à la diète, qui confirma enfin, en 1752, la convention faite entre ces deux maisons l’an 1745, d’exercer le vicariat alternativement. Aujourd’hui que la maison Palatine réunit l’électorat palatin & celui de Bavière, cette discussion n’intéresse plus.

Quelques états de l’empire, l’autriche, par exemple, ne reconnoissënt point la jurisdiction du Vicariat. Mayence a fait en 1658, à cet égard, un traité particulier avec l’électeur Palatin.

Le pouvoir des vicaires dure jusqu’à ce que le nouvel empereur ait fait le serment solemnel d’observer sa capitulation, ou jusqu’à ce qu’il soit de retour, ou qu’il se soit chargé du gouvernement. Ils établissent une régence du vicariat, qui fait les fonctions du conseil aulique de l’empereur, & ils expédient en leur nom les décrets de la chambre impériale ; ils présentent aux bénéfices ecclésiastiques & prébendes ; ils perçoivent les revenus de l’empire ; ils convoquent aux besoins la diète ; donnent l’investiture des fiefs de l’empire, sans qu’il soit besoin de les recevoir de nouveau de l’empereur, excepté néanmoins les fiefs princiers, & ceux qu’on appelle communément fahulehen, (fiefs d’étendard) qu’il est nécessaire de recevoir au pied du trône impérial.

Section XIe.
De la Diète de l’Empire.

L’empereur n’est que le chef de l’empire, ainsi que nous l’avons dit ; il n’est pas le maître de prononcer sur les intérêts du corps germanique. Les affaires importantes qui regardent tous les confédérés, se traitent à la diète. On a vu plus haut qu’on appelle états de l’empire tous les membres immédiats qui ont voix & séance à la diète, soit séparément, soit comme faisant partie d’un collège.

La diète est convoquée par l’empereur, qui après quelques délibérations avec les électeurs, en fixe le temps & le lieu ; elle doit toujours se tenir en Allemagne. Lorsque la diète se dissout ; les loix obligent l’empereur d’en convoquer une au moins tous les dix ans. Si l’on suivoit un ancien privilège que possédoit Nuremberg, la diète s’assembleroit dans cette ville : celle d’aujourd’hui se tient à Ratisbonne depuis 1663, & elle a été perpétuée jusqu’ici sans nouvelle convocation ; elle n’a été transférée que deux fois, & seulement pour quelques années ; à Augsbourg en 1713 à cause de la peste ; & à Francfort en 1742 par Charles VII.

La convocation se fait par des lettres patentes imprimées, adressées à chaque état, six mois avant le terme indiqué ; elles contiennent en abrégé les articles principaux, qui seront mis en délibération. L’empereur comparoît en personne, ou par un premier commissaire, qui est prince de l’empire ; on donne communément à ce commissaire un adjoint, qui est pour l’ordinaire jurisconsulte & membre du conseil aulique. Les princes peuvent aussi comparoître ou en personne ou par des envoyés. Un même envoyé peut être l’organe de plusieurs suffrages. L’électeur de Mayence a le directoire général de la diète, ses envoyés présentent leurs lettres de créance au premier commissaire, qui en donne avis aux états. Les autres envoyés présentent les leurs tant à l’électeur de Mayence ou à ses envoyés, qu’au premier commissaire de l’empereur.

Les états de l’empire se partagent dans leurs délibérations en trois colleges, savoir celui des électeurs, celui des princes, où siègent aussi les prélats, comtes & seigneurs, & celui des villes impériales. On donne aux deux premiers le nom de colleges supérieurs. Chaque college délibère séparément, & les colleges ne se réunissent que pour entendre l’avis de l’empereur & pour confronter les décrets des deux colleges supérieurs avec celui des villes impériales. La pluralité des voix décidé dans chacun des trois colleges ; cette règle néanmoins souffre des exceptions : on ne la suit pas lorsqu’on traite des matières de religion, ou des affaires qui regardent l’empire & les états en général, & où tous les états sont considérés comme faisant un seul corps ; ou lorsque les états catholiques (corpus catholicam), & les états protestans (corpus evangelicum S. evangelicorum) sont divisés. Si les trois colleges sont d’accord, l’on dresse conformément à l’avis commun un résultat que l’on appelle bon plaisir de l’empire (Reichs-Gutachten), & qui est présenté à l’empereur ou à son premier commissaire. S’il n’y a que deux colleges d’accord, ces deux colleges dressent leur résultat, & le troisieme dresse le sien séparément ; l’un & l’autre sont présentés à la commission impériale. Si l’empereur approuve le bon plaisir de l’empire, ou le résultat des deux colleges, l’on en forme un résultat de l’empire (Reichs-Schluss) qui dès-lors a force de loi. Les résultats de l’empire rédigés à la fin de la diète, sont appellés Recès de l’empire (Reichs-Abschiede).

Section XIIe.
Des impôts, de la matricule de l’Empire & des
mois romains
.

L’empereur ne peut ordonner la levée d’une contribution ou d’un impôt sans le consentement des états. Ces impôts sont ordinaires ou extraordinaires. Les premiers comprennent les taxes matriculaires, que chaque état paye pour l’entretien de la chambre impériale. Selon le résultat de l’empire de 1720, elles devroient rapporter annuellement 105,600 rixdales ; mais les non-valeurs & les diminutions réduisent aujourd’hui la matricule à 39,395 rixdales 15 kr ; quoique les membres immédiats de l’empire payent ce contigent d’une manière fort inexacte, on n’a pas laissé de percevoir en 1768, la somme de 103,198 rixdales.

On appelle taxes extraordinaires celles que les états accordent dans les cas imprévus ; par exemple, pour l’entretien de l’empereur, de l’armée de l’empire, des fortifications de Philisbourg, &c. Cette derniere contribution porte le nom de mois romains ; on l’appelle ainsi parce que autrefois les empereurs alloient à Rome recevoir la couronne impériale des mains du pape. Les états fournissoient & entretenoient autour de sa personne pendant ce voyage un certain nombre de gens armés, pendant six mois, à moins qu’ils n’aimassent mieux payer par mois douze florins pour un cavalier, & quatre pour un fantasin. On a conservé la même évaluation, & l’on a dressé une matricule qui fixe le taux de chaque état. Un mois romain produit à-peu-près cinquante mille florins.

Section XIIIe.
De l’armée de l’Empire.

Il n’appartient qu’à la diète générale, c’est-à-dire à l’empereur & aux états réunis de faire la paix & la guerre, ainsi que nous l’avons observé. Lorsque l’empire est ménacé, où qu’il y règne des troubles dangéreux, la diète prend la résolution de faire la guerre ; elle s’occupe ensuite des moyens qu’il faudra mettre en usage pour la conduire avec succès ; & elle délibére ordinairement sur les questions suivantes ; 1o. de quelle manière on assemblera l’armée de l’empire ; 2o. comment on la pourvoira de vivres & d’autres munitions ; 3o. quelle artillerie on lui donnera ; 4o. combien on levera d’argent pour les frais de la guerre ; 5o. si on formera une caisse générale pour les opérations de la guerre ; ou bien si les cercles auront chacun leur caisse particulière ; 6o. quel remède on apportera aux désordres commis par les soldats ; 7o. sur quel pied on réglera les marches, les charrois & les quartiers d’hyver ; 8o. de quelle manière on disposera du commandement de l’armée ; 9o. de quelle manière un cercle pourra le mieux seconder les opérations de l’autre, & venir à son secours en cas de besoin, &c.

Les ennemis n’attendent pas que chacun de ces points soit tranquillement discuté ; ces sortes de délibérations sont si lentes ; il y règne une si grande diversité d’opinions & d’intérêts, que les entreprises militaires de l’empire, ont rarement du succès, & qu’il en a souvent coûté des provinces à l’Allemagne. L’empire d’ailleurs est une machine trop composée, pour faire des conquêtes, & il est trop facile aux ennemis d’en déranger les ressorts.

Autrefois la plus grande difficulté étoit d’assembler les troupes de l’empire. Cette matière a fait pendant long-temps l’objet des principales délibérations de la diète ; mais enfin il a été résolu en 1687, de tenir constamment sur pied une armée de 40000 hommes, parmi lesquels il doit y avoir dix mille cavaliers. On a assigné à chaque cercle, le nombre de troupes qu’il doit fournir selon ses facultés & sa position.

Cavaliers. Fantassins.

Le cercle électoral entretient 6000 2707

Le cercle de haute-Saxe 1321 2707

Le cercle de la haute-Autriche 2521 5507

Le cercle de Bourgogne 1321 2707

le cercle de Franconie 980 1901

Le cercle de Bavière 800 1493

Le cercle de Suabe 1321 2707

Le cercle du haut-Rhin 491 2853

Le cercle de Westphalie 1321 2707

Le cercle de la basse-Saxe 1321 2707

11997 27996

Total 39993 hommes.

Dans le cas de nécessité on augmente ce nombre. En 1703, lors de la guerre pour la succession d’Espagne, on le tripla, & l’empire eut cent vingt mille hommes à sa solde. Chaque cercle fait la répartition de son contingent sur tous les princes & sur toutes les villes impériales qui en font partie. Quoique l’armée de l’empire soit de quarante mille hommes, quoiqu’il soit aisé de la doubler, vu la grande population de l’Allemagne, il ne faut pas croire cependant qu’elle soit bien formidable. 1o. Les cercles n’entretiennent pas exactement le nombre d’hommes qu’ils doivent fournir. 2o. Les troupes ordinaires des cercles sont très-mauvaises ; elles ne valent pas mieux que des miliciens. 3o. Ces soldats rassemblés de tous les coins de l’Allemagne, ne sont jamais ni bien exercés, ni bien aguerris. 4o. Les armes que chaque cercle en particulier donne aux troupes qu’il envoie, diffèrent les unes des autres autant que l’exercice militaire. 5o. L’artillerie, les bagages, les munitions, se trouvent presque toujours incomplets, & le général est très-embarrassé. Il faut ajouter encore qu’elle n’est jamais au taux fixé, dès qu’il s’agit d’agir ; & quand même on trouve moyen de la rassembler, elle ne commence ordinairement la campagne, que lorsque les autres troupes sont prêtes à entrer en quartier d’hyver ; c’est ce qu’on a vu sous le règne de Charles VI, & qui fit dire à de mauvais plaisans, que l’empereur prenoit le titre de semper Augustus, parce que ses armées ne paroissoient en campagne qu’au mois d’août. En un mot il y a des princes membres de l’empire, qui sont très-puissans par eux-mêmes ; mais les forces de l’empire ne sont que fort médiocres.

Les empereurs menoient autrefois l’armée de l’empire à la guerre ; plusieurs l’ont commandée dans ces derniers temps ; mais on a trouvé bon de créer deux maréchaux du Saint empire, qui sont toujours de service, & dont l’un est catholique & l’autre protestant. L’empire entretient en outre un général de la cavalerie, un grand maître de l’artillerie & deux lieutenans généraux. On a vu des hommes du premier mérite parmi les maréchaux de l’empire, tels que le prince Eugène, le prince d’Anhalt, le duc de Wirtemberg, &c. Il y a aussi un conseil de guerre, dont les membres doivent être en partie catholiques, & en partie protestans. L’armée prête serment à l’empereur & à l’empire ; mais l’empereur n’a pas droit, sans le consentement exprès des électeurs & des autres princes, de conduire hors de l’Allemagne, ces troupes levées pour la défense du corps germanique.

Places fortes. L’empire n’a que deux places fortes qui ont été construites sur les bords du Rhin, pour servir de rempart contre les invasions des françois ; Kehl & Philisbourg. La première n’est qu’une bicoque située en face de Strasbourg, qui ne sauroit faire aucune résistance, & qui n’a soutenu en 1733 qu’un siège de quelques jours. Philisbourg est plus redoutable ; sa prise coûta très-cher aux françois en 1735. On rendroit cette ville une des plus fortes de l’Europe, si tout l’argent qu’on exige chaque année des états, étoit payé avec exactitude, & employé avec fidélité.

Section XIV.
Monnoies de l’Empire.

Le droit de battre monnoie appartenoit dans le principe à l’empereur seul ; les électeurs en jouissent en vertu de la bulle d’or. Les loix de l’empire l’accordent en général aux états qui possèdent des mines en propre, avec la restriction néanmoins de ne frapper en espèces, que le produit de leurs mines. La plupart des princes, quelques prélats & abbesses, plusieurs anciens comtes, barons & villes impériales jouissent de ce droit, ou par d’anciennes concessions ou par une possession immémoriale.

L’empereur s’oblige par la capitulation à ne donner à personne le droit de battre monnoie, sans le consentement des électeurs, & sans avoir pesé les avis & les observations du cercle, dans lequel l’état qui le demande est situé.

L’empereur & les électeurs possèdent le droit de battre monnoie sans restriction ; ils frappent des pièces d’or & d’argent ; quelques états de l’empire ont un privilège aussi étendu en vertu d’une permission expresse ; d’autres ne l’ont que pour des pièces d’argent, ou pour le billon ; d’autres sont restreints à de certaines espèces de monnoies, d’autres à une certaine quantité proportionnée à leurs besoins. Plusieurs états de l’empire n’exercent point cette espèce de droit, ou l’exercent fort rarement, à cause des dépenses qu’il exige.

Il n’est pas libre à l’état qui a le droit de battre monnoie, d’établir à son gré des villes de monnoie : les loix veulent qu’il n’y en ait que trois ou quatre dans chaque cercle, à moins qu’un état n’ait des mines en propre. Il n’est point permis de vendre ou de donner à ferme le droit de battre monnoie, non plus que d’en partager le profit avec le directeur de la monnoie. Tout état doit fournir la matière & la battre lui même ; les différens cercles doivent tenir chaque année une ou deux assemblées relatives aux monnoies. L’empereur promet par sa capitulation de veiller à ce que cet article soit ponctuellement exécuté dans tous les cercles.

L’empire d’Allemagne n’a point de monnoie générale qui soit frappée au coin de l’empereur ; celles qu’on voit sous cette empreinte sont, ou des pièces particulières de l’empereur, battues pour avoir cours dans ses états, ou elles ont été frappées dans les villes impériales.

Il y a long-temps qu’on n’observe plus le réglement général concernant les monnoies de l’empire, reçu à la diète d’Augsbourg en 1509. En 1667 les électeurs de Saxe & de Brandebourg convinrent à Zinna de conserver le titre de la rixdale selon l’évaluation de 1559, mais de monnoyer le marc fin (qu’on avoit monnoyé jusques-là à raison de 9 dalers 2 grosches) à raison de 10 dalers & 1/2 en grosches, & autres pièces de moindre valeur. Le duc de Brunswick adopta le titre convenu à Zinna ; les cercles de Franconie, de Bavière, & de Suabe paroissent aussi l’avoir adopté.

En 1690 les électeurs de Saxe, de Brandebourg & le duc de Brunsvick-Luneborg firent une nouvelle convention, en vertu de laquelle le marc fin de Cologne devoit être monnoyé à raison de 10 dalers en pièces de 2/3, de 1/3 & de 5/6, à raison de 10 dalers 9 grosches en pièces de 2 grosches, & à raison de 13 dalers, en pièces de 6 phennings ; c’est ce qu’on appelle le titre de Leipzig. En 1753 l’Autriche & la Bavière firent un autre réglement, qu’on nomme le titre de convention : ces deux puissances dirent qu’il étoit impossible de conserver le titre de Leipzig, à cause de la trop grande disproportion entre l’argent & l’or, ou de le mettre en exécution sans un dommage considérable, & sans l’entière consommation de l’argent ; & elles établirent le pair de 14, tout au plus de 14 & 11/72 marcs d’argent pour un marc d’or ; elles convinrent de monoyer le marc d’argent de Cologne depuis le daler jusqu’au grosche, à raison de 20 flor. & le marc de Cologne d’or fin, à raison de 283 florins 5 creutzers, 3 & 47/72 ph. Le ducat se trouve évalué par-là à 4 flor. 10 creuzets.

Il paroît que tous les princes de l’empire violent ce réglement, car les ducats du roi de Prusse ne sont qu’à 18-karats.

Ceux de Bavière & de Wirtemberg, de même que tous les autres, ont altéré le titre fixé, les uns plus, les autres moins, soit dans les espèces d’or, soit dans celles d’argent.

Il n’y a que les hollandois qui n’aient pas encore violé ces loix, car leurs ducats sont à 23 karats & demi ; aussi portent-ils cette inscription : mon. fœd. cussa ad légem imp., qui signifie : moneta fœderis cussa ad legem imperii ; en françois, monnoie des Provinces-Unies, fabriquées selon les loix de l’empire.

La reine d’Hongrie a rendu une ordonnance qui défend aux orfèvres, d’acheter des matières d’or ou d’argent de qui que ce soit ; & quand ils en ont besoin, ils s’adressent au directeur de la monnoie, qui est en même temps essayeur.

Section XVe.
Du droit civil & du droit coutumier de l’empire.

Les divers états qui composent l’empire d’Allemagne, ont leurs coutumes & leurs loix particulières, presque toutes formées sur le droit romain. Le droit romain est le droit commun de l’Allemagne, & il a jetté des racines plus profondes que par-tout ailleurs, à cause de la majesté de l’empire romain, qu’on tâche de faire rejaillir sur le corps germanique.

Les anciens germains avoient peu de loix, car Tacite dit que les mœurs étoient plus puissantes parmi eux que les loix ne l’étoient ailleurs[6] ; leurs successeurs au contraire sont accablés par la multitude des loix. Il y a deux sortes de droit civil en Allemagne ; le droit saxon & le droit des francs.

Le premier est le plus célèbre. À l’exemple des saxons, les peuples de Lusace, de Silésie, de Brandebourg, de Brunswick, de Lunebourg & de Hesse, l’ont adopté : hors de l’empire même, il est observé par les polonais & les habitans de la Lithuanie.

On l’a observé long-temps sans qu’il fut écrit. La plupart des auteurs d’Allemagne le trouvèrent si analogue au génie de leur nation, qu’ils contribuèrent à le répandre.

Eccard de Repichan, habile jurisconsulte, en rédigea trois livres en latin ; son ouvrage, qui porte le nom de Landrecht ou droit du pays, fut autorisé par l’empereur Othon I, & cet empereur ordonna de continuer la suite de ce travail ; cette suite fut nommée Meichbild. D’habiles jurisconsultes en ont fait plusieurs commentaires ; ce qui a fait dire dans le pays, que ces coutumes sont le droit romain, écrit en langue saxonne.

Les saxons ne consultent le droit romain que dans les cas omis par le droit de Saxe ; mais, ainsi que les autres peuples d’Allemagne qui ont adopté ce droit saxon, ils l’abandonnent dans plusieurs cas où il est contraire au droit romain.

On suit le droit des anciens francs dans les cercles du Rhin, de Suabe & de Franconie, c’est-à-dire, dans toutes les terres & provinces où le droit saxon n’est point en usage.

La chambre impériale & le conseil aulique jugent selon le droit romain, au défaut des constitutions impériales & des coutumes particulières qui forment le droit municipal de l’empire. Nul membre de la chambre impériale, nul membre du conseil aulique n’entre en exercice qu’après s’être obligé par serment de juger selon cette règle.

Lorsqu’il n’y a pas de loix positives, on suit en Allemagne le droit coutumier ; on l’appelle, dans la langue du pays, das reichs hertommen ; ce qui veux dire, la pratique du saint empire. On sçait que le droit coutumier n’est autre chose qu’une règle venue jusqu’à nous par tradition, & que nous suivons dans la décision des affaires qui n’ont point été réglées par quelques loix positives. Au reste, il faut qu’une coutume soit bien solidement & authentiquement prouvée, si on veut s’en prévaloir en Allemagne. Les archives sont les meilleurs guides dans des routes si incertaines ; on y voit les routes qu’on a prises, les décisions qu’on a adoptées, avec les motifs qui ont déterminé la coutume.

Un homme qui jouit depuis long-temps d’une grande réputation parmi les publicistes allemands & les savans de l’Europe, Léibnitz, a desiré la réforme de la jurisprudence d’Allemagne. » Les loix romaines » (dit-il) & les loix canoniques en sont le fondement ; mais combien s’y trouve-t-il de choses obscures, embarrassantes, inutiles ? Comment déterminer ce qui est reçu, ce qui ne l’est pas, & ce qui a été abrogé ? Les coutumes suivies dans certaines provinces n’ont pas ces inconvéniens, mais elles ne sont pas toujours conformes à l’équité ; elles ne renferment pas tous les cas, & elles en abandonnent la décision à la passion, à la cupidité & à l’imprudence du juge «

Section XVIe.
De la cour & chancellerie impériale, du conseil privé,

du conseil aulique impérial, & des autres tribunaux

de l’empire
.

Autrefois les empereurs parcouraient leurs do- maines, afin d’y rendre la justice. Ils trouvoient pour cela, dans presque toutes les provinces, des châteaux (palatia) en allemand, pfalzen : on en érigea aussi dans quelques villes, appellées delà pfalzstadte. Cet usage est aboli depuis fort long-temps.

La cour & la chancellerie impériale comprennent, 1o, les archi-offices de l’empire, qui tous sont remplis par les électeurs. Tous les électeurs ont des archi-offices, ou devroient en avoir ; mais comme ils ne sont pas toujours à portée d’en remplir les fonctions en personne, les jours d’élection, de couronnement, & quelquefois aux diètes, les archi-officiers ont chacun leurs vicaires, qui, chez les électeurs séculiers, sont appelés officiers héréditaires (erb-œmter), & qui remplacent les archi-officiers.

2o. Les offices ou charges de cour, dont le nombre, le rang, les fonctions & les appointemens dépendent de l’empereur. Comme le vice-chancelier de l’empire, nommé par l’électeur de Mayence, se tient constamment à la cour impériale, l’empereur n’a pas de chancelier particulier.

Les affaires qui sont du ressort de la cour impériale, ou qui y sont portées, sont décidées par le conseil privé, ou par le conseil aulique impérial, dont nous parlerons tout-à-l’heure ; celles que juge l’empereur sont expédiées par la chancellerie impériale, dont tous les membres, savoir, le vice-chancelier de l’empire, les conseillers auliques ou secrétaires intimes, les référendaires pour les expéditions en langue allemande & latine, & autres officiers, sont nommés par l’électeur de Mayence, comme archi-chancelier de l’empire & ils sont soumis à sa jurisdiction. On n’emploie, dans cette chancellerie, que les langues allemande & latine. Les archives de l’empire sont également sous la direction de l’électeur de Mayence.

Les cours de justice sont ou inférieures ou supérieures. On compte, parmi les premières, le conseil provincial de Suabe, qui a sa résidence dans les trois villes impériales, Ravensbourg, Wangen, Isny, & dans le bourg d’Altdorf, 2o. le conseil provincial ou burgraviat de Nuremberg ; il dépend des margraves d’Anspach, & il se tient à Anspach : il y en a beaucoup d’autres.

Le premier des tribunaux inférieurs est le conseil aulique de Rothweil, qui dépend de l’empereur seul. On appelle de ces sièges aux tribunaux supérieurs, dont le pouvoir s’étend ordinairement sur tous les états de l’empire, tant immédiats que médiats (excepté ceux de Bohême, d’Autriche, de Bourgogne & de Lorraine) de même que sur toutes les causes qu’il s’agit de juger en dernier ressort.

Selon la règle, les membres immédiats & médiats de l’empire ne comparoissent devant les tribunaux supérieurs que dans les causes d’appel ; il y a cependant des affaires qui peuvent y être portées en première instance. Chaque demandeur a la liberté de choisir celui des tribunaux qu’il aime le mieux ; mais une cause, une fois pendante dans une de ces cours, ne peut plus être évoquée à une autre. L’exécution de la sentence prononcée contre les membres médiats de l’empire, est conférée au seigneur territorial ; & lorsqu’elle regarde les membres immédiats, au colonel, ou (ce qui est plus usité de nos jours) au prince convoquant du cercle dans lequel cet état est situé.

Les deux cours supérieures de l’empire sont, 1o. le conseil aulique ; il suit la cour impériale, & dépend de l’empereur seul qui adresse ses avis à ce juge suprême dans les matières importantes. Ce conseil est composé d’un président, du vice-chancelier de l’empire, du vice-président, d’un certain nombre de conseillers, parmi lesquels six doivent être protestans ; de deux secrétaires & du fiscal de l’empire : il faut y ajouter les agens.

Les conseillers auliques sont divisés en deux bancs ; le banc des seigneurs (herren-banck) & le banc des savans (gelchrten-banck). Les appointemens des premiers ne sont pour l’ordinaire que de deux mille six cens florins ; ceux des seconds sont de quatre mille florins. Ils jouissent tous de plusieurs privilèges & immunités. L’ordonnance du conseil a été publiée par l’empereur Ferdinand III, en 1654.

2o. La chambre impériale, dont les assesseurs sont nommés par l’empereur & par les états ; ces derniers sont seuls chargés de l’entretien de ce tribunal : il siège à Wetzlar. Il a fait d’inutiles tentatives en 1751, pour être transféré à Francfort sur le Mein. Il est composé d’un juge, qui est toujours à la nomination de l’empereur seul ; de deux présidens, l’un catholique, & l’autre protestant, & d’un certain nombre d’assesseurs ; ils sont aujourd’hui dix-sept, neuf catholiques & huit protestans : le traité de Westphalie fixe ce nombre à cinquante ; & un résultat de l’empire de 1720, le réduit à vingt-cinq. Il y a aussi un fiscal ou procureur, un avocat du fisc, trente procureurs & un certain nombre d’avocats. La chambre impériale a sa chancellerie particulière, & un trésorier pour la perception des sommes destinées à son entretien. L’ordonnance de la chambre impériale fut rédigée en 1495, & corrigée plusieurs fois, surtout en 1555.

Section XVIIe.
Du corps catholique & du corps évangélique.

Il y a trois religions qui dominent dans l’empire, mais on n’y distingue que le corps catholique & le corps évangélique. Tous les états catholiques font cause commune pour veiller aux intérêts de la religion romaine, tandis que les luthériens & les calvinistes se réunissent pour travailler, d’un cormmun accord, au maintien & à l’avancement de la religion protestante.

Ceux de l’église romaine s’assemblent sous la direction de l’électeur de Mayence ; ces assemblées ou conférences ont été fort rares. Depuis la réformation jusqu’à nos jours, les catholiques ont toujours été les plus puissans en Allemagne, & ils ont tâché sans cesse d’empiéter sur les droits & privilèges des protestans : il ne falloit pas beaucoup de conférences sur cela, & chaque prince catholique travailloit en particulier à ce but. Mais les états protestans, plus foibles par eux-mêmes, & perpétuellement attaqués par les autres, se sont vus dans la nécessité de se concerter fort souvent sur les moyens les plus propres à prévenir les coups qu’on avoit dessein de leur porter. Voilà pourquoi le corps évangélique est si connu dans l’empire ; & c’est aussi la raison qui nous oblige d’en parler en cet endroit.

La maison de Saxe est chargée de la direction du corps évangélique. Lorsque l’électeur Frédéric-Auguste de Saxe abandonna la secte luthérienne pour occuper le trône de Pologne, les protestans se trouvèrent dans un étrange embarras. Il n’étoit pas convenable de laisser à la tête de leur corps un prince catholique, qui pouvoit avoir adopté les idées de persécution, suites ordinaires de l’apostasie. D’un autre côté, on ne vouloit pas perdre une puissance aussi considérable que la Saxe, & on craignoit de la voir passer dans le parti opposé ; ce qui eut donné une force plus grande aux catholiques. Cette dernière raison l’emporta, & la maison de Saxe conserva la direction du corps évangélique, à des conditions qui lui furent prescrites, & auxquelles elle s’engagea solemnellement.

Le corps évangélique n’est plus si foible, depuis que les maisons de Brandebourg, de Hanovre, de Hesse, de Brunsvick & autres, ont acquis tant de puissance ; mais il n’en est pas moins vrai que le clergé catholique est aussi puissant en Allemagne qu’ailleurs ; qu’il a des revenus immenses, & que les archevêques, les évêques & quelques abbés y sont princes-souverains. Les ecclésiastiques protestans, au contraire, n’ont ni pouvoir, ni titre, ni richesses, ni autorité : ils sont partout soumis au pouvoir temporel, & on ne leur a pas même laissé les perspectives de dignité ou de fortune, qui excitent l’émulation.

Les états ecclésiastiques catholiques exercent la jurisdiction spirituelle sur leurs sujets de la même religion, non comme états de l’empire, mais en qualité d’archevêques, d’évêques, &c. Ils dépendent du pape, & les règles qu’ils suivent sont prescrites par le droit canonique. Les états catholiques séculiers, au contraire, en suivant le même droit, abandonnent la jurisdiction spirituelle, sur leurs sujets ecclésiastiques ou laïques de leur église, au pape, à ses nonces ou aux archevêques & évêques, dans le diocèse desquels ils sont situés, selon que les règles du droit canonique désignent le ressort de l’affaire en litige. Le lecteur sent que ceci n’est plus vrai pour l’Autriche, depuis les sages loix de l’empereur actuel. Plusieurs princes laïques d’Allemagne jouissent, en vertu de leur avocatie, sur les couvens immédiats de leur domination, de divers droits en matière spirituelle, à titre d’avocatie (kaftenvegtey) ou à titre de patronage.

Les publicistes, aussi bien que les états de l’empire eux-mêmes, varient beaucoup à l’égard de la jurisdiction spirituelle que les seigneurs catholiques ecclésiastiques ou séculiers ont droit d’exercer sur leurs sujets protestans ; ce qui donne lieu à beaucoup de plaintes de la part de ces derniers.

Toute jurisdiction ecclésiastique du pape & du clergé catholique, sur les états protestans & leurs sujets, demeure suspendue jusqu’à la réunion des deux communions : comme on ne peut plus espérer cette réunion, la jurisdiction du pape & du clergé catholique est, par cela-même, entièrement abolie.

Ainsi ces états sont entièrement libres & indépendans en matière de religion, à moins que les loix de l’empire ne renferment quelque restriction à cet égard. Chacun d’eux peut régler suivant son bon plaisir, dans son territoire, tout ce qui est relatif aux affaires ecclésiastiques, à moins qu’il n’en ait perdu le droit par quelque convention passée avec les états de la province ou avec ses sujets.

C’est à cause de ces conventions particulières que les divers états protestans se conduisent en ce point d’une manière si différente. Nous ne pouvons dire ici que des choses générales. Le seigneur territorial se réserve communément la décision de toutes les affaires importantes ; il nomme ou confirme, transpose, avance, dépose ou punit les desservans d’églises ou d’écoles ; il fait des réglemens concernant les temples, ordonne les jours de fêtes, de jeûne & de pénitence, établit des collèges, qui règlent en son nom tout ce qui a rapport au culte extérieur.

Les états protestans confient ordinairement l’exercice de leur jurisdiction ecclésiastique à un collège appellé consistoire ; il y a dans ces consistoires des membres ecclésiastiques & des membres séculiers : son autorité est plus ou moins étendue, suivant que le seigneur territorial le juge à propos. Dans beaucoup d’endroits il y a de plus des synodes & des conseils ecclésiastiques. Les desservans d’églises & d’écoles sont nommés, ou par le seigneur territorial, ou par les consistoires, ou par les anciens de l’église, ou par ceux qui ont le droit de patronage, ou même par le corps des paroissiens. Parmi les ecclésiastiques protestans, ceux qui ont des dignités plus éminentes, & qui sont préposés aux autres, sont appellés inspecteurs prélats, ou surintendans, & quelquefois surintendans généraux.

Le pouvoir des états protestans, sur leurs sujets catholiques, est le même que celui des états catholiques sur leurs sujets protestans. Il est convenu que ceux qui avoient l’exercice public de la religion catholique en l’année 1624, reconnoîtront la jurisdiction spirituelle des évêques qui l’exerçoient en la même année ; ainsi ceux qui n’ont eu que l’exercice privé de leur culte, ou qui ne sont tolérés que par une grace spéciale, dépendent uniquement de leur seigneur temporel, lequel cependant ne sçauroit leur prescrire des choses contraires aux principes fondamentaux de leur église. Il n’est point permis aux états protestans de renvoyer les moines d’un couvent situé dans leur territoire, & de les remplacer par des moines d’un autre ordre à moins que les premiers ne soient entièrement éteints ; & même alors le couvent ne peut être rempli que par des moines crées avant la réforme.

Enfin il a été convenu entre les protestans, que si un état luthérien embrassoit la communion calviniste, ou s’il acquéroit une province vouée à cette communion & vice versa, il laisseroit jouir librement ses sujets de l’exercice de leur religion & de tout ce qui en dépend ; que si une communauté adoptoit d’elle-même le culte de son seigneur territorial, l’exercice public lui seroit accordé, mais à ses propres frais & sans préjudice des autres.

Les conseillers de consistoire, surintendans & professeurs de théologie & de philosophie, doivent professer la religion qui étoit en usage dans le pays lors de la paix de Westphalie.

Section XVIIIe
De la forme du gouvernement du corps germanique.

Si l’on examine le corps germanique selon les principes d’Aristote, on ne peut le ranger sous aucune de ses quatre classes ou formes de gouvernement. Pour donner une idée de sa constitution, on peut dire : le saint empire romain est gouverné par un sénat de souverains, tous de la nation allemande, qui s’assemblent pour prendre d’un commun accord les résolutions nécessaires au bien de la patrie, & qui réunissent leurs forces pour la défendre. Le prince qui préside à ce sénat est choisi parmi ses membres. Il obtient, par son élection, le titre d’empereur, avec la première dignité de l’empire, il représente la majesté de tout le corps germanique, & en cette qualité on lui accorde toutes les marques extérieures du plus profond respect ; mais il est obligé de gouverner selon les loix fondamentales du pays, & les conditions qui lui ont été prescrites ; & il ne peut rien entreprendre sans le consentement de ce même sénat, dont il n’est que le premier membre.

Quelques politiques regardent l’empereur comme un simulacre de prince, & ils le comparent au doge de Venise : cette opinion est fort exagérée. Ceux qui se sont appliqués à l’histoire d’Allemagne, sçavent combien les empereurs ont toujours eu de crédit & d’autorité dans l’empire, sur-tout depuis que la couronne impériale est portée par la maison d’Autriche. Quoique cette autorité ait été poussée souvent au-delà de ses justes limites, il est sûr que les loix mêmes accordent beaucoup de pouvoir à l’empereur, comme on peut le voir par la bulle d’or, & par toutes les autres constitutions fondamentales. Voyez bulle d’or, &c. Nous nous contenterons d’observer ici que le pouvoir & l’autorité de l’empereur sont plus grands à mesure que le prince qui occupe cette dignité est plus ou moins puissant par lui-même.

En parlant des électeurs, de l’empereur & de la diète, nous avons dit de quelle manière procède le corps germanique dans les affaires qui intéressent l’empire ; nous ajouterons ici qu’il est composé de pièces de rapport qui doivent en affoiblir la constitution, par la difficulté d’y maintetenir l’harmonie. On verra, dans les différens articles des états de l’empire, qu’ici la puissance souveraine est héréditaire, que là elle est élective ; que dans quelques-uns le pouvoir du prince est absolu, & que dans d’autres il est limité par des capitulations & par la loi ; que les villes libres ont un sénat composé des principaux citoyens, & que l’élection en est confiée aux sénateurs mêmes ; qu’ailleurs le gouvernement est aristocratique ; que ce sont les tribus qui élisent les sénateurs, qu’elles peuvent absoudre ou flétrir, & qu’ainsi elles constituent une véritable démocratie.

Le gouvernement en général ne peut être regardé comme aristocratique. Un pareil gouvernement suppose un sénat fixe & permanent, dont l’autorité souveraine délibère sans opposition sur tout ce qui concerne la république, & qui confie à des officiers subalternes & à des magistrats l’exécution de ses ordres & de ses délibérations. La chambre impériale & le conseil aulique ne sont qu’une image imparfaite de ce sénat souverain : on n’y porte que les affaires par appel ; ainsi ce tribunal resteroit sans fonction, si les parties jugées étoient satisfaites du premier arrêt. Les diètes ne doivent point être regardées comme un sénat permanent & absolu, quoique tout s’y décide à la pluralité des voix. L’Angleterre & la Suède ont leurs parlemens, où les affaires sont réglées par les suffrages des députés des provinces, sans que le gouvernement prenne le nom d’aristocratique. Les biens de chaque sénateur, dans l’aristocratie, dépendent absolument des loix & du sénat, qui peut en prendre une portion pour les besoins de l’état : en Allemagne tous les états ensemble n’ont point de droit sur les biens des particuliers.

On a souvent discuté si l’Allemagne pouvoit être mise dans la classe des monarchies. La question ne peut se décider qu’en distinguant deux espèces de monarchies ; dans les unes, le monarque est absolu, & dans les autres, son pouvoir est limité par la loi. Il est certain que l’exercice de la puissance impériale est réglée par des capitulations, & que l’empereur n’a pas plus de pouvoir sur les princes, qu’un canton suisse n’en a sur les autres. Les états, en lui prêtant serment de fidélité, se réservent leur indépendance & leurs privilèges. Les jurisconsultes dont nous avons parlé plus haut, soutiennent que l’empereur n’est qu’un magistrat, chargé de titres pompeux & stériles, & que la souveraineté réside dans les états. Il faut convenir que dans la capitulation que l’empereur jure d’observer, les électeurs lui prescrivent ce qu’il doit faire, & qu’ils se réservent le droit de lui désobéir, s’il viole ses engagemens. Cette capitulation prouve simplement que sa puissance n’est pas absolue, & qu’il est des cas où la désobéissance ne peut être regardée comme criminelle. Le chef de l’empire ne déroge point au droit de souveraineté, lorsqu’il s’engage à observer les loix fondamentales, à demander le conseil des états dans les affaires publiques, à ne point changer les législations, à n’introduire aucune nouveauté dans le culte, à ne faire ni la paix ni la guerre sans le consentement de la nation. C’est en conséquence de ces engagemens que les états de l’empire promettent de sacrifier leur fortune, & leurs vies pour la cause commune.

La puissance impériale est beaucoup moins étendue que dans les monarchies, où la puissance du monarque est restreinte par la loi ; dans celles-ci, les premiers de l’état lui doivent compte de leurs actions, & il ne peut être cité à aucun tribunal ; il lève des tributs & des armées, &, par la raison ou sous le prétexte du bien public, il peut soumettre la fortune de ses sujets à ses volontés, pour soutenir des guerres justes ou d’ambition. L’empereur d’Allemagne ne jouit point de ces privilèges ; ses intérêts sont absolument distingués de ceux des états. Les princes qui composent le corps germanique, font des alliances avec les autres puissances sans sa participation ; & lorsqu’ils se croient lésés, ils lui déclarent la guerre. Il y a encore une autre différence dans les prérogatives de l’empereur ; un monarque peut disposer des forces de l’état, il est général né de ses armées, il en dirige à son gré les opérations ; il est l’ame & l’esprit qui font mouvoir tout le corps. L’empereur, quoique chef d’une nation nombreuse, n’a pas le même privilège ; c’est avec ses propres revenus qu’il soutient l’éclat de sa dignité ; il n’y a point de trésor public ; les états ne lui entretiennent point d’armées ; chaque prince dispose à son gré de ses troupes & du revenu de sa souveraineté. Lorsqu’il est pressé par des guerres, il est obligé de mendier des secours d’hommes & d’argent, que souvent on lui refuse, ou qu’on lui fournit avec épargne. Il est une autre espèce de servitude qui le met au-dessous des rois ; une ancienne coutume, confirmée par la Bulle d’or, assujétissoit l’empereur, dans de certains cas, à comparoître devant le comte Palatin, pour rendre compte de ses actions. Les trois électeurs ecclésiastiques citèrent Albert I à ce tribunal ; mais il étoit trop puissant pour obéir : au lieu de répondre, il prit les armes contre ses accusateurs : c’est le seul exemple que l’histoire nous fournisse de l’exercice de cette loi.

Quelques écrivains allemands ont prétendu que leur gouvernement étoit populaire, & qu’eux seuls jouissoient du droit de citoyens, qui consiste à être admis dans les délibérations, & à donner sa voix dans les affaires publiques. Il faut avouer que c’est une étrange démocratie. La constitution politique d’Allemagne n’a aucun trait de conformité avec les républiques populaires de l’ancienne Grèce ; & ce gouvernement, qui n’est formé sur aucun modèle, n’en servira jamais à d’autres. C’est un corps monstrueux qu’on ne peut réformer sans le détruire ; ses membres sont trop inégaux pour en faire un tout régulier ; c’est une confédération de peuples libres, semblable à celle qui étoit entre les romains & les latins. Les Allemands, sous leur empereur, ressemblent encore aux grecs, qui se réunissent sous Agamemnon, pour venger, contre Troie, l’injure de Ménélas.

Section XIXe.
Des loix fondamentales de l’empire.

Les loix fondamentales de l’empire sont ou écrites ou coutumières. À l’égard de celles qui sont écrites, on peut dire, avec les plus habiles jurisconsultes, que ce sont des conventions faites entre l’empereur & les états de l’empire, par lesquelles on régla la forme & le systême de la république, soit en entier, soit en partie. Ce qu’on appelle, dans la jurisprudence, l’interprétation authentique des loix fondamentales, n’appartient qu’à l’empereur & aux états de l’empire conjointement.

Bulle d’or. La première de ces loix fondamentales est appellé la bulle d’or ; elle tire cette dénomination du grand sceau d’or aux armes impériales, qui y est attaché. Elle fut publiée en 1356, sous le règne de l’empereur Charles IV, à la diète de Nuremberg & à celle de Metz ; elle contient plusieurs réglemens sur la manière d’élire l’empereur & de le couronner ; elle fixe les droits des électeurs ; elle règle la cour de l’empereur, elle établit les officiers du palais, & détermine leurs fonctions. L’original de cette loi, écrite en langue latine & en caractère gothique, est conservé comme un monument très-précieux, dans la ville de Francfort sur le Mein, où se fait ordinairement l’élection de l’empereur. Toutes les cérémonies qu’elle prescrit, & dont quelques-unes sont assez bisarres, s’observent encore aujourd’hui fort exactement. Il y a néanmoins des articles qu’on ne suit plus ; tels sont, par exemple, ceux qui désignent le cortège que les princes doivent fournir aux électeurs ou à leurs ambassadeurs, lorsqu’ils se rendent à la diète d’élection d’un nouvel empereur ; ceux qui ont pour objet les guerres particulières entre les états de l’empire, & divers autres. Voyez bulle d’or.

Paix publique. L’empereur Maximilien I, voulut détruire ces guerres particulières qui désoloient l’Allemagne, & il fit publier, du consentement des états de l’empire, l’an 1495, à la diète de Worms, une sanction pragmatique, qui a été nommée la paix publique, ou perpétuelle, & reconnue pour une loi fondamentale de l’empire : elle contient sur-tout les articles suivans :

1o. Nul membre de l’empire ne déclarera la guerre à un autre, ne l’attaquera, ne le pillera, ne le fera prisonnier, ne le dépossèdera de ses domaines : chacun d’eux se soumettra aux décisions de la justice.

2o. Chacun accordera un passage libre sur son territoire aux sujets des autres ; nul n’exercera des violences contre eux.

3o. Personne ne séduira les sujets d’autrui, ne les soulèvera contre leurs seigneurs, ne protègera ceux qui se sont enfuis pour crime.

4o. Les états arrêteront les vagabonds & les gens sans aveu.

5o. Personne n’aidera les infracteurs de la paix publique ; mais, au contraire, chaque état sera tenu de prêter main-forte, pour faire exécuter contr’eux les sentences prononcées.

6o. Les infracteurs de la paix publique seront mis au ban de l’empire, ou condamnés à une amende de deux mille marcs d’or.

Paix de Westphalie. Le traité de Westphalie doit être envisagé comme une loi fondamentale de l’empire, d’abord, parce qu’il a été reconnu pour tel, & ensuite, parce qu’il a changé la face entière de l’Allemagne, & lui a donné la forme de gouvernement qu’on y voit aujourd’hui. La guerre de trente ans avoit ravagé toutes les provinces de l’empire : on vint à bout de terminer les démêlés des puissances belligérantes dans deux congrès, dont l’un fut tenu à Munster, & l’autre à Osnabruck. Ces deux traités, qui produisirent cette double paix de Westphalie, si fameuse dans l’histoire, sont les fondemens de la tranquillité germanique. Les parties contractantes, pour ce qui regardoit la pacification intérieure de l’Allemagne, furent, d’un côté, l’empereur & les états catholiques de l’empire, & de l’autre, la Suède & les états protestans. La France & ses alliés réglèrent ensuite les conditions de leur accommodement avec l’empereur & l’empire. La paix avec la Suède fut conclue, le 6 août 1648, & avec la France le 14 octobre de la même année.

On dressa deux traités, l’un à Munster, & l’autre à Osnabruck. Ces deux pièces fameuses se trouvent dans tous les recueils ; la nature & les bornes de cet article ne nous permettent pas de donner un extrait de tous les articles qu’elles contiennent. La paix de Westphalie a toujours été prise pour base des autres traités, qui se sont faits entre les princes de l’Europe ; elle détermine, d’une manière fort claire & fort nette, les droits & les prérogatives de chaque état de l’Allemagne en particulier, & tous ceux qui s’occupent des sciences politiques, doivent la méditer avec soin. Nous en parlerons, ailleurs avec plus d’étendue. Voyez l’art. Traités.

Capitulations impériales. Les capitulations impériales doivent encore être regardées comme autant de loix fondamentales de l’empire. À l’époque même des empereurs carlovingiens, les princes de l’Allemagne faisoient promettre à ces empereurs de maintenir les droits des peuples, & de l’église, mais ces engagemens étoient vagues, & rarement écrits. Ce ne fut qu’à l’élection de Charles-Quint, qu’on pensa à traiter cette affaire d’une manière plus sérieuse, & qu’on rédigea par écrit les conditions auxquelles on donna la couronne impériale. L’instrument dressé à ce sujet étoit divisé en deux chapitres, qu’on appelloit alors en mauvais latin capitula ; de là vient la dénomination plus barbare encore de capitulatio. Les électeurs ont obtenu, depuis le droit exclusif de dresser, dans une conférence qu’ils tiennent avant sélection, une capitulation convenable aux besoins & à l’état actuel de l’Allemagne, ainsi que de la faire accepter & ratifier solemnellement par le nouveau chef de l’empire. Les autres princes & états de l’Allemagne, qui envient aux électeurs cette prérogative importante, ont employé toutes sortes de moyens afin de la partager avec eux ; s’appercevant de l’inutilité de leurs efforts, ils ont proposé de faire une capitulation perpétuelle, qui put servir à toutes les élections d’un nouvel empereur. Cette proposition a eu des partisans ; mais comme les électeurs, qui se trouvent en possession du droit, réunissent un plus grand dégré de crédit & de puissance, il est probable qu’ils garderont leur privilège. D’ailleurs, la vicissitude des choses humaines, empêche de prévoir toutes les révolutions qui peuvent arriver à un empire ; & il est plus expédient pour l’Allemagne, de laisser aux électeurs la liberté de retrancher ou d’ajouter certaines conditions qui paroissent superflues ou nécessaires au bien de la patrie.

La capitulation est donc un accord que les électeurs font avec un empereur élu, qui s’oblige par serment à ne gouverner l’empire que selon les règles & les maximes qui lui sont prescrites. Il faut remarquer que le texte, ou la lettre de cette convention, dit positivement & en termes formels, que l’empereur s’engage, par manière de pacte ou de contrat, à observer les conditions stipulées, & que chaque article commence presque toujours par ces mots : Nous devons aussi & nous voulons agir de telle ou telle manière, dans tel ou tel cas, &c. Ceux qui voudront s’instruire davantage sur cette matière, peuvent lire la traduction françoise que M. le baron de Sponh a donnée de la capitulation de l’empereur Charles VII ; il y a joint des notes très-judicieuscs, & très-instructives. Voyez Capitulation.

Recès ou décrets de la diète de l’empire. Les recès ou décrets de la diète de l’empire sont mis aussi au nombre des loix fondamentales. Le nom allemand[7] qu’on leur donne, signifie proprement acte de congé de la diète ; il y eut des temps où cette assemblée n’étoit pas permanente. On convoquoit alors une diète quand le besoin l’exigeoit ; on y faisoit les loix ; & après qu’on les avoit publiées, les états se séparoient. Aujourd’hui, la diète subsistant depuis l’année 1654, elle forme, sur tous les objets qui se présentent, des décrets qu’on appelle aussi de l’ancien nom de recès ; ces décrets sont des loix, & en obtiennent d’abord toute la vigueur. Il n’est pas besoin de remarquer que tous les états de l’empire concourent à cette partie de la législation.

On trouve plusieurs recueils de ces décrets de la diète ; mais aucun de ces recueils anciens ou modernes n’est exact & authentique. Il seroit à souhaiter que l’électeur de Mayence (qui, en qualité d’archi-chancelier de l’empire, est dépositaire de la chancellerie), voulût en former une collection complette, & la publier ; cet ouvrage seroit d’autant plus utile, que, selon les constitutions de l’empire, un décret ne peut être imprimé ou réputé authentique, s’il n’a pas été confronté avec l’exemplaire de Mayence, lequel est muni de la signature de l’électeur & du sceau impérial.

Ordonnances de la chambre impériale & du conseil aulique. Les ordonnances de la chambre impériale & du conseil aulique, ont été données à ces tribunaux par l’empereur & par l’empire, pour leur servir de règle dans le jugement des causes portées devant eux. On les met encore au rang des loix fondamentales de l’empire ; & on les trouve en entier dans un ouvrage qui a pour titre : Schmanseus corpus juris publici. Ce livre, offre le recueil le plus complet qui ait paru jusqu’ici de toutes les constitutions de l’empire. Il est d’une utilité infinie à tous ceux qui s’appliquent à ce genre d’étude. Les pièces originales qu’il renferme, sont écrites en langue allemande ou latine.

Paix de religion. La paix appellée de religion, est le traité fait à Ausbourg en 1555, qui permet la liberté de conscience en Allemagne, & défend aux deux partis de se nuire. Voici les principaux articles de ce traité.

1o. Les états protestans jouiront d’une entière sûreté par rapport à leur religion, & seront rétablis dans la possession des biens d’église, qui leur ont été enlevés.

2o. Si un évêque ou prélat veut changer de religion, & embrasser celle des protestans, il sera permis au chapitre d’en élire un autre à sa place.

3o. La jurisdiction ecclésiastique est abolie dans tous les pays protestans.

4o. Il sera libre aux sujets qui embrassent une religion différente de celle de leur prince, d’établir leur domicile ailleurs, en payant le dixième de leurs biens, & les autres droits usités en cas d’émigration.

5o. Les violateurs de cette paix seront soumis aux mêmes peines que ceux qui enfreignent la paix publique.

6o. Un décret particulier pourvoit à la sureté des sujets protestans, qui vivent sous la domination d’un prince catholique.

Lorsque la paix de religion fut conclue, l’empire jouit de quelque tranquillité ; mais la guerre de trente ans, qui commença avec le dix-septième siècle, avoit sur-tout pour objet les différends survenus pour cause de religion. Des puissances étrangères s’en mêlèrent, & le sort des armes fût tantôt favorable, & tantôt funeste aux états protestans. Le traité de Westphalie, qui termina ces troubles, confirma la paix de religion ; il déclara expressément : 1o. Que ceux qui faisoient profession de la religion réformée, seroient compris dans les priviléges accordés aux protestans luthériens, & qu’ils jouiroient des mêmes droits & de la même liberté.

2o. Qu’à l’égard des biens & des fondations ecclésiastiques, les choses seroient laissées dans l’état où elles se trouvoient le premier janvier 1614 : c’est ce qu’on appelle l’année de règle.

3o. Que si un prélat ou ecclésiastique protestant embrassoit la religion catholique, il perdroit sa dignité & ses revenus.

Les traités de paix de Riswick, de Bade, de Vienne, &c. ont confirmé de nouveau chacun de ces articles.

Section XXe.
Desav antages & des inconvéniens du corps germanique.

L’empire d’Allemagne est un corps politique, composé de plusieurs membres, qui se réunissent tous pour concourir, chacun selon ses facultés, à leur conservation commune, à leur repos, à leur félicité. Rien n’est plus raisonnable que ce but ; & malgré les inconvéniens dont nous parlerons tout-à-l’heure, rien ne convenoit peut-être mieux que ce systême à la situation, & au caractère de la nation allemande. En effet, lors- que le corps germanique se forma, & plusieurs siécles après, aucun dés princes de l’Allemagne n’étoit assez puissant pour se soutenir par lui-même contre les entreprises des puissances étrangères ; il étoit sage de créer une ligue, par laquelle chacun de ces princes acquéroit des alliés perpétuels, & les trouvoit toujours prêts à le secourir au besoin. Si aujourd’hui même on considère l’empire avec attention, on verra qu’aucun des électeurs ne pourroit soutenir une guerre longue & opiniâtre contre une des autres grandes puissances de l’Europe ; sur-tout s’il ne possédoit d’autres pays que ceux de son électorat, ou que ceux de ses ancêtres à l’époque de la formation de l’empire. Cet état de modicité, pour ne pas dire de foiblesses, des princes d’Allemagne, a été la principale cause de cette longue & tranquille durée du systême de l’empire. Mais si quelques-uns d’entr’eux augmentent trop leurs domaines & leurs forces, l’édifice politique croulera, parqu’il cessera de reposer sur les mêmes fondemens. Croit-on que la maison d’Autriche, ou celle de Brandebourg, doivent espérer de puissans secours d’un corps, dont peut-être un jour l’une ou l’autre ne voudra plus faire partie ?

Lorsqu’il n’y avoit en Allemagne qu’une seule grande puissance qui dominoit pour ainsi dire, toutes les autres, il n’en résulta aucun mal. Les petits princes s’attachèrent à cette formidable maison, qui de son côté ménagea les membres de l’empire, & qui les gagna tantôt par des menaces, tantôt par des bienfaits. C’est ainsi que la plupart des maisons souveraines de l’empire, doivent leur fortune à celle de Hapsbourg. Cette maison les entraînoit dans toutes ses vues & dans toutes les guerres qu’elle entreprenoit pour son agrandissement : si elle combloit de biens quelques particuliers, la totalité de l’empire, il est vrai, souffroit des querelles de l’Autriche. Ces maux cependant : n’étoient pas assez sensibles pour rompre le lien commun, & l’union subsista toujours, mais elle s’évanouira peut-être s’il s’élève en Allemagne une seconde puissance, capable de contrebalancer la première ? Il y a lieu de croire que tôt ou tard ces puissances deviendront rivales ; que chacune tâchera de se former un parti ; que les princes allemands, par des vues de passion ou d’intérêts, se diviseront pour suivre la fortune de l’un ou de l’autre ; qu’une guerre intestine désolera jhtestijîè désó.- : l’empire, que les voisins s’en mêleront, & que le systême général sera bouleversé.

Quoique les petites nations soient en général mieux gouvernées que les grandes, le progrès du faste a tellement corrompu les petits princes d’Allemagne, qu’il est difficile de soutenir aujourd’hui que leurs sujets sont plus heureux que ceux des souverains puissans.

Les avantages du corps germanique sont compensés par beaucoup de maux politiques, qui le consument au-dedans. Le défaut d’harmonie avec le souverain, est le germe de sa langueur & de son dépérissement. Il est impossible, en physique, que plusieurs parties réunies forment un seul corps, la même impossibilité se rencontre dans les corps politiques : quand il y a plusieurs princes qui président au destin d’un état, on ne voit jamais plier leurs forces sous une même volonté ; cette union parfaite ne se trouve que dans les monarchies & dans les républiques, où le pouvoir suprême est concentré dans une seule ville, comme dans Rome, Sparte, Athènes & Venise : les jalousies divisent & détruisent les gouvernemens composés de plusieurs états égaux en pouvoir. Il faut que le gouvernement soit uniforme pour en assurer la prospérité. Ainsi le plus grand vice du gouvernement de l’empire, est de n’être ni monarchique, ni puissance fédérative ; l’empereur est sans cesse attentif à étendre ses prérogatives, & les autres princes veillent sans cesse pour les restreindre. Les villes impériales devenues riches par leur commerce, excitent la cupidité des princes indigens, qui ne peuvent se dissimuler que c’est la liberté qui fait germer les richesses & l’industrie : la noblesse, fière de son origine, accable de mépris le peuple qui se croit par son opulence aussi respectable qu’elle. La jalousie sème encore la division entre les princes séculiers & les princes ecclésiastiques ; les premiers voient avec indignation les ministres de l’autel jouir du droit de préséance, quoiqu’ils soient bien inférieurs en naissance, & qu’ils ne puissent transmettre leur grandeur à leur famille ; de leur côté, les princes ecclésiastiques se plaignent sans cesse des séculiers, qui ont usurpé une portion de leurs revenus : enfin on voit par-tout des opprimés & des oppresseurs.

Le prétexte de la religion fomente des haines mutuelles, & divise des cœurs qu’elle se proposoit d’unir ; le clergé catholique a été privé par les princes protestans de quelques-uns des domaines qu’il possédoit. Les prêtres dépouillés d’une partie de leurs biens, ne sont pas disposés à aimer les ravisseurs ; le plus grand vice de ce gouvernement est le droit accordé à différens états de l’empire de faire des alliances avec leurs voisins ; c’est ouvrir une entrée aux étrangers ; c’est rompre l’union naturelle pour en faire une adoption nouvelle ; c’est confier au sort des armes la décision des querelles, qui ne doivent être discutées qu’au tribunal des loix.

Voici d’autres causes de la foiblesse du corps germanique. L’obscurité des loix, les écrits sur le droit public de l’Allemagne, sont sans nombre ; & il y a peu d’allemands qui connoissent la constitution de leur patrie. Les membres de l’empire se font tous représenter dans l’assemblée nationale, au-lieu qu’ils y siégeoient autrefois eux-mêmes. L’esprit militaire, qui est devenu général, a diminué l’application aux affaires, & affoibli le patriotisme. Il n’y pas de prince qui n’ait monté la magnificence de sa cour sur un ton plus grand que ses moyens ; & qui ne se permette les véxations les plus criantes pour soutenir ce faste insensé. Rien ne contribue à la décadence de l’empire, autant que l’agrandissement démesuré de quelques-uns de ses membres. Ces souverains, devenus trop puissans, détachent leur intérêt particulier de l’intérêt général. Cette désunion mutuelle fait que, dans les dangers communs, chaque province reste abandonnée à elle-même. Elle est obligée de plier sous la loi du plus fort quel qu’il soit ; &, si l’on n’y prend garde, la constitution allemande pourra bien dégénérer en esclavage ou en tyrannie. L’Allemagne seroit deux fois plus puissante, si elle n’avoit qu’un seul monarque ; & la forme actuelle de son gouvernement ne permet pas d’espérer que jamais ses membres fassent, en faveur du corps, tous les efforts possibles. Les inconvéniens de tout gouvernement composé, sont d’autant plus considérables, que le nombre des confédérés est plus grand, & qu’il y a moins de proportion de rang & de puissance entre les états qui le forment. De là les lenteurs à concourir au bien général, lenteurs souvent aussi funestes que des infidélités ; de là les jalousies, & le choc des intérêts particuliers.

L’Europe doit s’applaudir de ces vices de constitution, sans lesquels l’Allemagne pourroit se flatter de lui donner des loix, ou au moins la tenir dans de continuelles frayeurs.

Section XXIe.
Des rapports politiques de l’Allemagne.

La puissance d’un état ou d’une confédération, est relative à celle de ses voisins ; l’Allemagne contiguë à la Turquie d’Europe, a pour remparts la Stirie, la Hongrie &la Croatie. Les ottomans, considérables par leur nombre, ne sont point des ennemis dangereux. Peu aguerris, & mal disciplinés, ils n’ont que l’impétuosité du courage, qui s’éteint à mesure qu’ils pénétrent dans les pays froids. La stérilité de la Servie & de la Bulgarie, leur refuse les subsistances nécessaires à de nombreuses armées ; l’Allemagne ne leur a jamais opposé que le quart de ses forces, & des troupes de rebut, mal payées, mal disciplinées. La terreur qu’inspiroit le nom Turc, étoit un effet de la politique autrichienne, qui exagéroit leurs forces pour tirer de plus fortes contributions : la religion a encore contribué à nourrir ce préjugé ; les prêtres & les moines ont tonné dans la tribune sacrée, pour armer l’Europe contre ces peuples infidèles. L’Allemagne n’a rien à redouter de l’Italie gouvernée par différens princes, qui ne peuvent porter la guerre au dehors. La Pologne démembrée & déchirée par des factions, ne figure plus parmi les puissances de l’Europe. Elle n’a ni la force ni l’ambition de faire des conquêtes. Le Dannemack, attentif à conserver ses possessions, ne peut nuire à l’empire, & a besoin de son secours, contre la Suède. L’Angleterre, satisfaite d’être la dominatrice des mers, n’est jalouse que d’étendre ses possessions en Asie & dans le nouvel hémisphère. Les hollandois, nés au milieu des eaux, ont tourné leur ambition du côté de l’Inde. La Suède, sous ses rois conquérans, a enlevé plusieurs provinces d’Allemagne ; mais cette puissance manque d’hommes & d’argent pour soutenir une longue guerre ; c’est un débordement qui se dissipe dans les campagnes qu’il inonde. La France est le seul état qui puisse attaquer avec succès l’Allemagne ; mais la nature a fixé ses bornes, & l’expérience lui a appris qu’elle ne peut les franchir impunément.

Après cette vue générale des rapports politiques de l’Allemagne, nous allons entrer dans des détails plus particuliers.

Rapports de l’empire avec l’empereur. Ceux des princes de l’empire qui ont une grande cour & de vastes domaines, veulent un chef foible ; au-lieu que les princes foibles sont charmés d’avoir un Empereur puissant. Il n’est pas difficile d’expliquer cette différence. Lorsque les forces de l’empereur ne sont pas considérables, l’autorité du collège électoral s’accroît, la voix des grands princes a plus de prépondérance à la diète, & ils agissent plus librement chez eux. D’un autre côté, l’empereur le plus foible peut toujours contenir, dans les bornes du respect & de la dépendance, les petits états du corps germanique. Ceux-ci ont appris qu’ils doivent plier sous l’autorité impériale ; & ils montrent par raison, ou par habitude, une soumission à laquelle ils ne sauroient se soustraire. Leur objet principal est d’avoir un chef assez puissant pour les protéger contre tous les étrangers qui voudroient envahir leurs états, ou les dépouiller de quelques-unes de leurs prérogatives. D’ailleurs, plus ce chef est grand, & plus il a de moyens de leur accorder des bienfaits, d’élever leurs maisons, d’y attacher de nouvelles dignités, de leur donner des fiefs vacans, ou des emplois honorables & lucratifs dans ses armées.

Les princes d’Allemagne s’occupent aussi de la conservation de toutes les provinces de l’empire. La perte d’une seule affoiblit la puissance du corps entier : quand on consulte l’histoire, & cette partie du droit public qui traite des limites anciennes & modernes du saint-empire, on est étonné de voir combien il a perdu de pays depuis quelques siècles. Il est sûr qu’il doit la plupart de ces pertes aux guerres particulières des empereurs, dans lesquelles l’empire a été malheureusement engagé, & sur-tout à la rivalité des maisons d’Autriche & de Bourbon. Cette observation seule prouve assez que l’état de neutralité est convenable à l’empire ; en effet le corps germanique ne peut jamais rien gagner en se mêlant de querelles étrangères, & il risque toujours de perdre beaucoup. Chaque nouvel empereur promet, de la manière la plus solemnelle, de faire tous les efforts possibles pour reconquérir & rejoindre à l’empire ce qui en a été démembré ; mais, pour peu que l’on réfléchisse à la puissance des couronnes voisines, au peu de forces du corps germanique, à la diversité des intérêts de ses membres, à la forme de son gouvernement, à la lenteur de ses opérations & à mille autres inconvéniens, on verra que ces réunions doivent être mises au rang des projets imaginaires.

L’empire perd des terres ou des provinces d’une autre manière, que l’on nomme l’exemption. Un prince de l’empire (ou même un étranger) acquiert une terre, un pays, ou une province d’Allemagne ; il prend alors à la diète la place de celui qui passe sous son obéissance ; & il paie les contributions que celui-ci devoit payer ; ou bien il ne paie aucune de ces contributions ; il envisage le pays dont il s’est rendu maître comme une conquête absolue, & l’ancien propriétaire comme un vassal. Ces sortes d’exemptions se font à différens titres, par héritage, par les fiefs de l’empire, par une prescription immémoriale, par une soumission volontaire de celui qui est exempté, par les concessions impériales ; & enfin, à l’égard des puissances étrangères, par voie de conquête. C’est ainsi que la France a soustrait à l’empire la ville de Strasbourg, l’Alsace, les Trois-Évêchés & d’autres provinces. On trouve, dans plusieurs auteurs allemands, la liste des pays qui sont tombés au pouvoir d’un autre prince par l’un de ces titres ; mais elle est trop longue, & nous ne la transcrirons pas. La manière la plus dangereuse, c’est lorsqu’un état obtient l’exemption par les concessions impériales qui n’ont aucune borne. On en a vu des exemples fréquens depuis que la maison d’Autriche est revêtue de la dignité impériale. Les empereurs se sont accordé ces sortes de privilèges à eux-mêmes, & ils ont affranchi une grande partie de leurs états, des contributions & des autres charges de l’empire. On a remarqué que cette maison détachoit insensiblement ses propres provinces du lien général de l’empire, dans le même temps qu’elle faisoit semblant de réunir ce qui en avoit été démembré par les étrangers. On a cru devoir arrêter cet abus ; & c’est l’objet de l’article III de la capitulation de l’empereur Joseph, & de l’article VI de celle de Charles VI.

Les empereurs de la maison d’Autriche ont été, à certains égards, les maîtres absolus du corps germanique, & la France seule les a empêché de rendre héréditaire le trône impérial ; ils intriguoient dans les cours des princes d’Allemagne, & ils obtenoient tout ce qu’ils vouloient. Si ces princes n’étoient pas sujets, ils étoient si dévoués à ses volontés & si accoutumés à défendre la maison d’Autriche, que cette maison affermissoit son empire en Allemagne dans toutes les guerres. Lorsqu’elle s’éteignit, la France eut la force & l’adresse de porter l’électeur de Bavière à l’empire ; mais cette opération utile n’a pas eu de suite, la couronne impériale a passé à la maison de Lorraine substituée à celle d’Autriche.

Rapports de l’empire avec la cour de Rome. Les papes n’ont jamais pu obtenir le droit de disposer des évêchés, & les chapitres ont toujours conservé le privilège d’élire leurs évêques. Les empereurs investissoient autrefois ces nouveaux évêques, per annulum & baculum ; Rome négocia si bien, que l’empereur lui céda ce droit d’investiture l’an 1122. Cependant, comme les évêques d’Allemagne sont en même-temps princes, & qu’ils assistent à la diète, ils reçoivent de l’empereur l’investiture de leur dignité temporelle ; le pape les met seulement en possession du pouvoir spirituel & de tous les droits qui y sont attachés. Mais les archevêques, ainsi que quelques évêques, sont contraints d’aller chercher à Rome le Pallium[8] ou manteau épiscopal, sans lequel ils ne peuvent exercer les fonctions de l’épiscopat.

Les allemands se plaignoient si fort des exactions du saint-siège, que l’empereur Frédéric III crut devoir les diminuer ; il fit avec le pape Nicolas V, en 1148, la fameuse convention appelée concordat de la nation germanique, qui a été reçue comme une loi fondamentale de l’empire, mais dont les états protestans ont été déclarés libres & exempts par la paix de religion, & par celle de Westphalie.

D’après ce concordat, 1o. les bénéfices ecclésiastiques à Rome, & à deux journées à l’entour, sont demeurés à la disposition du saint-siège.

2o. Dans les chapitres d’Allemagne, l’élection canonique a lieu, & le pape ne se réserve que la confirmation.

3o, Le pape & les évêques disposent alternativement des petits bénéfices.

4o. Le pape donne les bénéfices qui viennent à vaquer dans les mois de janvier, mars, mai, juillet, septembre & novembre, que l’on nomme menses papales.

5o. Les évêques disposent de tout ce qui vient à vaquer dans les autres six mois, que l’on appelle menses épiscopales. On a observé que Ja cour de Rome s’est réservée les mois qui ont trente un jours.

6o, On donne une somme d’argent au pape pour les annates ou revenus de la première année que le saint-siège tirait auparavant de tous les revenus ecclésiastiques qui vaquoient.

Au reste, on porte de jour en jour des atteintes au concordat germanique, & les réformes de l’empereur actuel serviront peut-être de règle aux autres princes catholiques d’Allemagne.

Rapports de l’empire avec le Portugal. Le Portugal n’a aucune relation directe avec le corps germanique. Ce royaume, situé à l’extrêmité de l’Europe, est si éloigné de l’Allemagne qu’il n’y fait aucun commerce par terre. Le commerce maritime qui se fait entre le Portugal & les villes anséatiques, est trop peu considérable pour en parler ici. En un mot, l’empire n’a d’autres liaisons avec cette couronne, que celles qui naissent du système général de toutes les puissances européennes.

Rapports de l’empire avec l’Espagne. L’Espagne fixoit toute l’attention du corps germanique, à l’époque où son trône étoit occupé par des princes de la maison d’Autriche. Charles II, dernier roi d’Espagne de la ligne autrichienne, mourut en 1700. Philippe, duc d’Anjou, de la maison de Bourbon, & Charles, archiduc d’Autriche, réclamoient l’un & l’autre cette succession ; la guerre éclata bientôt entre ces deux princes & leurs alliés ; elle mit presque toute l’Europe en combustion, & l’empire s’en mêla. En 1713, la paix fut signée à Utrecht ; Charles VI y fut reconnu empereur, & Philippe V roi d’Espagne. L’Allemagne fut ainsi délivrée de toutes les querelles que lui attiroit l’Espagne ; les grands seigneurs espagnols ont perdu peu à peu l’influence qu’ils avoient autrefois à Vienne, & sur les affaires de l’empire. Cependant, comme il y a encore plusieurs états en Italie qui faisoient partie de la succession d’Espagne, & qui étoient fiefs de l’empire, on n’a jamais pu déterminer d’une manière assez précise, les droits & les possessions de chaque compétiteur. Les descendans de Philippe V forment toujours quelque nouvelle prétention sur les provinces d’Italie, & ces prétentions sont toujours contestées par la maison d’Autriche ou par celle de Lorraine. Ces deux puissances se sont souvent battues en Italie : l’empire a été entraîné, directement ou indirectement dans la querelle, & il seroit à souhaiter pour son repos qu’un traité solemnel terminât eette dispute.

Rapport de l’empire avec la France. La France est celle de toutes les puissances que l’empire doit craindre & ménager le plus. Les écrivains d’Allemagne accusent cette couronne de chercher à établir sa domination le long du Rhin ; ils disent que cet aggrandissement ne peut se faire qu’aux dépens de l’Allemagne, qui y perdroit des sommes considérables ; que le corps germanique doit réunir toutes ses forces, pour empêcher la France de s’étendre davantage, & laisser au moins les choses dans l’état où elles sont aujourd’hui. Cet article forme l’objet le plus important de la politique de l’empire ; car lorsqu’il s’agit de sa propre conservation, on ne doit épargner ni les négociations ni les armes.

Quelques docteurs allemands, plus recommandables par leur savoir que par leur jugement & leur pénétration, ont fait envisager la couronne de France & le grand-turc, comme les deux ennemis naturels du nom germain. Ils ont inculqué ce principe à la jeunesse ; &, comme les préjugés de l’école se détruisent difficilement, cette assertion est devenue proverbe, & la maison d’Autriche a eu soin de l’entretenir. Rien cependant ne paroît plus faux ; la France est éclairée aujourd’hui sur ses véritables intérêts ; elle ne songe qu’à entretenir l’équilibre, & elle vient d’en donner une belle preuve dans son traité avec l’Angleterre. Les princes d’Allemagne ne savent pas toutes les obligations qu’ils ont à la France ; ils ont été trop heureux de rencontrer une puissance assez formidable pour occuper la maison d’Autriche. Il y a long-temps que la liberté germanique ne seroit plus, si la maison de Hapsbourg n’avoit pas trouvé un contre-poids dans celle de Bourbon. Qu’on se souvienne comment Charles-Quint & tous les empereurs dont la puissance a été excessive, traitoient les plus grands princes de l’Allemagne. À mesure que ces empereurs portoient quelque coup funeste à la France, ils prenoient un ton plus fier en Allemagne ; & il paroît sûr que les princes germains ne seroient aujourd’hui que de simples vassaux, si la France n’eut été la protectrice indirecte de leurs prérogatives. Combien de fois n’a-t-elle pas assisté la maison de Bavière, soit pour lui faire obtenir justice sur ses prétentions, soit pour la mettre à l’abri des desseins qu’on avoit contre elle ? N’est-elle pas devenue l’allié naturel de la Bavière ? Plusieurs autres états de l’Allemagne ne sont-ils pas dans le même cas ? Toute guerre d’ailleurs que l’empire entreprend contre cette couronne, expose une grande étendue de pays, & nommément ceux de l’électeur Palatin & de l’électeur de Trêves. Qui est-ce qui dédommage ces princes des maux que leurs états ne peuvent manquer de souffrir ? L’empire doit donc avoir toutes sortes de ménagemens pour le roi de France, & éviter, autant qu’il est possible, la guerre avec lui.

Rapports de l’empire avec les cantons Suisses. Les Treize-Cantons Suisses sont de bons & tranquilles voisins ; leur pays sert de rempart à l’empire. Ils peuvent être d’une grande utilité au corps germanique, & il n’y a pas d’apparence qu’ils songent jamais à lui nuire. Ainsi il convient d’entretenir avec ces républicains une sincère amitié.

Rapports de l’empire avec l’Italie. L’Italie a des intérêts fort compliqués avec l’Allemagne. Charlemagne rétablit l’empire d’Occident ; le pape Léon V le proclama empereur du consentement des grands & du peuple romain, & il le couronna à Rome l’an 800. Les empereurs d’Orient même le reconnurent en cette qualité. Presque toute l’Italie faisoit alors partie de ce nouvel empire, dont le siège étoit fixé à Aix-la-Chapelle. Rome même en dépendoit, & les empereurs exerçoient les actes les plus solemnels de leur autorité en Italie. L’histoire nous apprend de quelle manière ces provinces furent démembrées & tombèrent en différentes mains. Vers le milieu du dixième siècle, l’empereur Othon I, surnommé le Grand, commença par rendre Berenger, roi d’Italie, féudataire de l’empire germanique ; mais ce roi étant devenu rebelle, Othon le dépouilla de ses états ; il accepta la couronne impériale qui lui fut offerte par le pape & par le peuple romain, & se fit couronner à Rome, en 962 par Jean XII ; il soumit ainsi le royaume d’Italie à l’Allemagne, & l’annexa à l’empire. Il paroît qu’Othon conquit l’Italie pour l’empire, & non pour sa propre maison ; 1o, parce que cette conquête se fit par les armées de l’empire ; 2o. parce que Bérenger en reçut d’investiture à la diète de l’empire ; 3o. parce que les empereurs qui succéderent, se firent tous couronner à Rome, & y amenèrent avec eux les troupes de l’empire. Il n’est pas difficile aux publicistes de prouver que lempire germanique a des droits de souveraineté sur l’Italie, soit qu’on la regarde comme une partie de l’ancien empire d’Occident, fondé par Charlemagne, soit qu’on veuille l’envisager comme un royaume annexé par Othon I à l’empire d’Allemagne ; mais il ne faut suivre ici d’autres règles que les traités & les conventions reçues.

C’est sur-tout à l’époque d’Othon premier qu’on doit rapporter l’origine des droits seigneuriaux, en vertu desquels plusieurs états de l’Italie relèvent encore de l’empire, tandis que d’autres provinces en ont été entiérement détachées ; cette contrée a presque toujours servi de théatre à la guerre, & ses différentes provinces ont passé successivement à plusieurs maîtres. Lors des troubles & des querelles entre les guelfes & les gibelins, les liens se relâchèrent ; mais l’empire n’a jamais renoncé à ses droits ; &, s’il avoit de la force, il essayeroit vraisemblablement de les faire valoir. Notre dessein n’est pas de dire les révolutions qui sont arrivées à chaque état de l’Italie en particulier ; nous observerons que les auteurs d’Allemagne regardent la plus grande partie du Milanez, le grand-duché de Toscane, le territoire de Luques, les duchés de Parme & de Plaisance, les duchés de Modène & de Reggio, le duché de Mantoue & de Montferrat, les feuda Laugharum, le Piémont, le marquisat de Final & divers autres pays, comme des fiefs de l’empire. Les princes qui les ont possédés, n’ont pas tous été également exacts à en prendre l’investiture, & ils ont quelquefois prétendu se soustraire au lien féodal.

On voulut établir, vers la fin du siècle dernier, un collège parriculier pour examiner cette matière, & rétablir l’activité des fiefs de l’empire en Italie. Depuis ce temps, les empereurs ont promis la même chose dans leurs capitulations ; mais les troubles continuels & les malheurs de la guerre en ont empêché l’exécution.

Au reste, si les princes & les états de l’Italie appartiennent à l’empire, ils n’en sont pas membres ; ils n’ont ni voix ni séance à la diète. Le duc de Savoie y a donné son suffrage, mais parce que son duché faisoit autrefois partie de la Bourgogne. Ce duc a la prérogative néanmoins d’être vicaire perpétuel du Saint-Empire dans toute l’Italie.

Lorsque l’empire est attaqué, on tire ce qu’on peut des états d’Italie pour le contingent des contributions qu’ils doivent payer ; & c’est-là l’objet des principales négociations qui ont lieu entre l’empire & les princes d’Italie.

Les droits de l’empire sur l’Italie, & la situation où se trouvent aujourd’hui ses différentes provinces, offrent un vaste champ pour des disputes, des guerres & des traités. Il n’est pas besoin d’observer que l’Allemagne desire beaucoup de voir ses droits maintenus en Italie, & d’y conserver un équilibre de pouvoir, qui empêche une si belle contrée de tomber dans les mains d’un seul prince ; elle prévoit qu’un seul homme, maître d’une si grande étendue de pays, annulleroit toutes les anciennes prétentions de l’empire.

Rapports de l’empire avec l’Angleterre.

L’Angleterre auroit fort peu de choses à démêler avec l’Allemagne, si le prince qui occupe le trône de la Grande-Bretagne, n’étoit pas électeur de l’empire. D’après cette circonstance, on confond les intérêts de la nation angloise avec ceux de la maison de Hanovre. Les forces de l’une sont obligées de soutenir les vues de l’autre. Nous ne parlerons pas ici des liaisons qui subsistent depuis long-temps entre la cour de Londres & celle de Vienne. Il paroît que le corps germanique est médiocrement intéressé aux révolutions qui peuvent arriver au commerce, à la navigation & à la puissance maritime des anglois, & que le maintien du systême de l’empire trouble davantage ceux-ci ; parce que la maison d’Autriche pouvant devenir trop puissante, voudroit avoir un commerce maritime dans les colonies. Les secours que les princes d’Allemagne & l’Angleterre peuvent se fournir mutuellement sont peu considérables, si on les envisage d’une manière directe. Mais il y a des cas où ils peuvent se rendre des services réciproques très-importans. C’est 1o. lorsque l’empire est engagé dans une guerre avec la France, ou avec quelqu’autre grande puissance : l’Angleterre devient alors son allié naturel, elle est intéressée à sa conservation, elle peut lui donner des troupes & de l’argent, & sur-tout faire une puissante diversion en sa faveur par le moyen de ses forces navales. D’un autre côté, quand la Grande-Bretagne fait la guerre dans le continent, elle peut attendre une assistance réelle de la part des princes germains, qui ayant dans leurs états une multitude d’hommes propres à la guerre, sont bien aises de conclure, avec la cour de Londres, des traités de subsides, & d’échanger leurs troupes contre les trésors des Anglois. On vient même de voir l’Angleterre acheter en Allemagne des troupes qu’elle a envoyées en Amérique : cette opération a été inutile ; mais elle peut la répéter un jour, & en tirer des soldats qu’elle enverroit au Canada & peut-être aux Indes.

Rapports de l’empire avec la Hollande. Les Provinces-unies ont été presque de tout temps fidèles amies & alliées de l’empire, & elles ont payé chèrement les troupes auxiliaires que les princes allemands leur ont fournies. Le systême de paix, si utile à la Hollande, paroît aussi convenir à tous égards à l’Allemagne ; & le corps germanique doit faire tous ses efforts pour vivre en bonne intelligence avec cette république. Le voisinage, & le commerce doivent l’y déterminer.

Rapport de l’empire avec la Pologne. La Pologne est aujourd’hui une puissance peu redoutable ; outre qu’elle a perdu une grande partie de ses domaines ; ce mélange du gouvernement monarchique & républicain, rend toujours une nation peu propre aux conquêtes. L’empire étoit intéressé à ce qu’on ne démembrât pas ce royaume ; sa foiblesse ne lui a pas permis de s’y opposer ; il pourra le regretter un jour. Il faudroit qu’il pût du moins toujours faire tomber la couronne de Pologne sur un prince polonois ; il faudroit qu’il pût du moins empêcher la Russie, la Prusse & l’Autriche d’y augmenter leur influence ; mais il n’en viendra point à bout.

Rapport de l’empire avec les puissances du nord.

Les puissances du nord n’ont presque rien de commun avec l’empire. Les rois de Dannemarck & de Suède sont à la vérité membres du corps germanique ; l’un à cause du Holstein, & l’autre à cause de la Poméranie ; mais les intérêts qu’ils ont à ménager à cet égard, sont aujourd’hui peu considérables. Ces deux puissances sont obligées souvent de suivre la fortune de l’empire ; mais elles ne peuvent pas donner le mouvement aux affaires de ce vaste corps. La Russie, qui ne semble pas avoir de liaison directe avec l’empire, en a pourtant qui doivent fixer l’attention du corps germanique. On a vu plusieurs fois des armées russes dans l’empire contre la teneur expresse de ses constitutions fondamentales. Les patriotes allemands n’ont vu qu’en tremblant ces troupes russes ; & ils se sont souvenus combien il étoit dangereux de montrer un chemin vers les contrées méridionales, à un peuple nombreux.

Rapports de l’empire avec la Turquie. La Porte a fait trembler plus d’une fois l’Allemagne, sur-tout lorsque ses armées assiégèrent Vienne. Il fut un temps où le corps germanique la redoutoit plus encore que la France. Aujourd’hui le grand-seigneur a bien de la peine à garder ses états ; il est à craindre qu’on ne le chasse bientôt en Asie. La Transilvanie & la Hongrie servent de barrières à l’empire contre les turcs, depuis que ces provinces appartiennent à la maison d’Autriche.

Nous finirons cet article par des observations qui intéressent le corps germanique d’une manière plus immédiate. Les princes de l’empire doivent :

I. Borner la puissance de l’empereur, afin que ce monarque, qui ne doit être que le chef de l’empire, n’en devienne par le maître.

II. Empêcher que les princes les plus puissans n’oppriment les plus foibles, & que le systême général ne soit pas détruit par la prépondérance d’un seul ou de quelques-uns. L’empereur emploiera avec plaisir son autorité pour cet effet, parce qu’en conservant l’égalité entre les états particuliers, il dominera toujours le corps.

III. Éviter les querelles que la différence des religions produit, & dont l’empereur profite. L’union entre les catholiques & les protestans est nécessaire à tout le corps germanique, & leur division peut causer sa ruine.

IV. Faire des alliances utiles ; j’entends des alliances du corps germanique : car il devroit être expressément défendu aux membres de faire des alliances particulières, qui tendent presque toujours à les détacher de l’intérêt général, ou à leur donner des armes contre l’empire.

  1. Ce n’est guères que du traité fait vers 1278. entre Nicolas II & Rodolphe de Habsbourg, ou même de l’accord que fit Charles IV en 1355 avant son couronnement à Rome, qu’on doit dater l’affranchissement de cette ville du domaine suprême des empereurs. Le premier traité se trouve dans Cenni, monumenta dominationis pontificiœ tom. 11. Rodolphe avoit fait ratifier sa cession par les électeurs & princes de l’empire. Sur le second, voyez la Dissertation couronnée en 1764 par l’académie de Berlin, touchant l’époque de la souveraineté des papes.
  2. Nous avons déjà dit que ce cercle de Bourgogne n’existe plus.
  3. Cette question est encore indécise, parce que les électeurs de Trêves & de Cologne s’opposent au directoire saxon comme premiers en rang au collège électoral ; toutes les fois que le cas s’est présenté, les séances de la diète ont été interrompues.
  4. Voyez l’article Aix-la-Chapelle.
  5. Voyez les articles Lombardie & Milanès.
  6. Plus ibi boni mores valent, quam alibi bonæ leges, Tacit. de Moribus Germanorum.
  7. Reichs abschied.
  8. Le pallium est tissu de laine de deux agneaux choisis parmi ceux que nourrissent les religieuses de sainte Agnès à Rome : on les bénit sur l’autel, le 31 janvier. Les prix d’achat & de transport montent à plus de vingt-cinq mille écus d’Allemagne ; &, pour comble de malheur, cette dépense est renouvellée a chaque élection d’un nouvel archevêque,