Encyclopédie méthodique/Manufactures, arts et métiers/Plan

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PLAN DE CET OUVRAGE,

Et Ordre dans lequel il doit être lu, pour prendre de chaque objet en particulier, une connoissance aussi étendue que la nature de l’entreprise le comporte.

NOUS avons indiqué dans notre Prospectus la division générale & particulière des matières, 1o. par la nature, la simplicité, le premier & le plus commun usage des objets, & la suite de ceux que le luxe, la molesse & le goût ont fait ajouter ou substituer aux précédents ; 2o. par la succession des opérations, depuis la première action de la nature, jusqu’au dernier période de l’Art.

Nous avons dit que, entre les quatre grandes parties que nous nous sommes proposé de traiter, les matières de toutes les étoffes, les étoffes de toutes les espèces, & la suite de tous les procédés qui les concernent, occupent le premier rang ; les peaux & cuirs le second ; la teinture & l’impression sur les unes & les autres, le troisième ; les huiles & savons, le dernier.

Chacun de ces grands objets est susceptible de divisions particulières ; le premier sur-tout en exige un si grand nombre, il est tellement distingué des autres, qu’il nous a paru devoir former lui seul un Dictionnaire, dont les diverses parties doivent être considérées comme réunies sous quelques titres généraux, offrant autant de traités complets, qui ont pour objet l’emploi des matières propres à l’habillement des hommes, & souvent appliqués à leurs meubles ; c’est d’après le plan de ces traités collectifs, qu’on peut s’en faire un de lecture, qui mette dans les idées, un ordre & une netteté également utiles & satisfaisantes.

DIVISIONS GÉNÉRALES.
Première Division.
MANUFACTURES D’ÉTOFFES.
Matières végétales, animales, mixtes.
CHANVRE, LIN, COTON, LAINE, POIL, SOIE.
Premier Traité.

Ce premier traité, sous le nom de chaque chose, indiquera la manière dont se cultivent les matières indigènes, & celle dont on met parmi nous, dans le commerce, les matières exotiques, avec la suite des opérations que subissent ces matières, entre les mains de qui qu’elles se trouvent, jusqu’à ce qu’elles arrivent entre celles du fabricant.

Ainsi, aux mots Chanvre & Lin, on trouvera la culture de ces plantes, & les premières préparations qu’elles subissent entre les mains qui les recueillent.

Au mot Laine, on traitera des diverses qualités de cette production, des moyens de tes obtenir, & ainsi du reste ; complettant chacun de ces premiers traités, par l’historique des lieux qui fournissent les matières, & par des vues sur le commerce qui en résulte.

e. Traité.

Les opérations auxquelles sont assujetties les matières indiquées, dès qu’elles sont une fois entrées dans le commerce, & avant leur emploi dans les manufactures, composeront le second traité, pour lequel il faudra lire les articles Peignage, Cardage, Filature, Retordage ; chacun de ces articles développera, non-seulement les procédés & leurs variétés, suivant la nature ou la destination des matières, mais encore les outils, ustensiles nécessaires pour opérer, & les nouvelles inventions dans chaque partie. La Corderie, la Sparterie, doivent être considérées comme suite nécessaire de ce second traité, par l’emploi qu’elles font des matières, en même-tems qu’elles leur donnent les premières préparations.

e. Traité.

L’emploi des matières déjà préparées, & leur conversion en étoffes, formant l’objet des manufactures, conduit à de nouveaux traités ; mais la multiplicité des opérations & des résultats, nécessite de nouvelles divisions. Nous les prendrons dans la nature des matières mêmes, en commençant toujours par les végétales ; ainsi l’emploi du chanvre, du lin & du coton réduits en fils, quelqu’espèce d’étoffe qu’il en résulte, sera la matière du troisième traité, sous les mots Toile & Toilerie. Ce traité divisé en deux parties, comprendra sous la première, indiquée par le mot toile, tous les tissus unis ou figurés, purs ou mélangés de chanvre & de lin, depuis la toile d’emballage, jusqu’à la toile à voiles, depuis celle-ci jusqu’à la batiste & au linon. La seconde, sous la dénomination de toilerie, renfermera, depuis la mousseline jusqu’au velours de coton, toutes les toiles ou étoffes pures ou mélangées de cette matière, blanches, en couleurs teintes, rayées ou à carreaux.

Ainsi, ce traité offrira la dénomination de chaque espèce, la fabrication de toutes, & les opérations particulières, qui, distinguant telle espèce de toute autre, la caractèrisent spécialement.

Le mot Blanchissage, fait suite à ce traité, ainsi que l’art ou métier de la Lingere, qui s’exerce sur la toile.

e. Traité.

L’emploi des matières animales, de la laine & du poil, de quelqu’espèce que fait l’un & l’autre, & en quelque genre d’étoffe que ce puisse être, formera le quatrième traité, divisé en deux parties principales ; la première renfermant les étoffes drapées de toutes les sortes, & la seconde les étoffes rases ou séches de la même matière : division géralement reçue & indiquée par la dénomination de grosse draperie & de petite draperie ; voyez les mots Drap, Draperie, sous lesquels on trouvera, comme aux toiles, la suite de la dénomination de chaque espèce, leur fabrication, & de plus les apprêts particuliers à chacune, & les apprêts François & Anglois sur les étoffes rases. Voyez pour la suite de ce traité, le mot Frise, & encore celui Blanchissage, sous lequel est réuni le blanchiment des étoffes de laine.

Les Arts ou métiers du Tailleur, du Tapissier, Matelassier, du Crinier, Brossier, peuvent être rapportés à la suite de ce quatrième traité.

Ve. Traité.

La description & le résultat des opérations du feutrage, dont les matières sont toujours la laine & le poil, composeront ce traité, lié au précédent, quant à la nature des matières ; voyez Chapeau, Chapelerie.

e. Traité.

L’emploi des matières considérées comme mixtes, de ce qu’elles semblent participer du règne végétal, de la soie enfin, sera le sujet du sixième traité, sous les mots Soie & Soierie, où l’on trouvera tout ce qui concerne cette partie, depuis l’éducation du ver qui fournit la soie, jusqu’à la fabrication des étoffes de cette matière, dont les diverses préparations, absolument différentes de celles du Chanvre, du Lin, du Coton, de la Laine, ne pouvoient, comme elles, se réunir sous les mots Peignage, Filature, &c. La suite des dénominations de chaque espèce d’étoffes, distinguées principalement en unies, façonnées, brochées & veloutées, sera accompagnée des opérations particulières à chacune.

La Gaze & le Marli, dont le travail ne ressemble à celui d’aucune autre étoffe, & qui, pour cette raison, sera décrit sous leur mot propre, doivent se rapporter à la suite de ce traité, par la similitude des matières. Les Arts & les métiers qui s’exercent sur les étoffes de soie, ou qui les ont pour objets directs, tel que le Dessinateur D’Étoffes, d’une part, & de l’autre la Couturière, font également suite à ce sixième traité.

e. Traité.

La Passementerie, qui emploie toutes les matières précédentes, renferme dans sa dénomination prise en grand, une telle multiplicité d’objets, qu’il faut nécessairement en diviser la masse sous plusieurs noms, offrant autant de traités à réunir à leur centre commun.

Nous donnerons donc aux mots Passementerie, Passementier, la fabrication de toutes les choses soumises à l’opération du retors, celle des agrémens où on les emploie, celle des franges & des effilés qui y tiennent, de toutes les sortes de cordons, lacets, &c., à la jate, au boisseau, au crochet, à la main, à la planchette ; des galons de livrée, & autres dont le métier approche de celui des franges ; enfin, par extension, le travail du Boutonnier-Passementier, celui du Plumassier, du Fleuriste artificiel & du Découpeur d’étoffes, qui l’un & l’autre employent les mêmes outils.

La Broderie, la Rubanerie, les Dentelles, Blondes & Points, décrites en particulier sous leur nom propre, seront autant de grandes parties à réunir au domaine de la Passementerie ; le métier du Boursier, faiseur de parasol, &c., l’art de la marchande de Modes, seront le complément de ce septième traité.

e. Traité.

La Boneterie, fournira, sous ce mot, l’objet de ce traité ; elle s’exerce sur des matières dont la diversité présente trois divisions naturelles. L’une comprend les bas, les bonnets & tous les tissus à mailles, faits à l’aiguille ou au métier, en fils de chanvre, de lin, de coton, purs ou mélangés ; l’autre, ceux d’estame ou laine peignée, & ceux en laine cardée, ou boneterie drapée, tout laine, ou mélangée de poil ou de soie ; la troisième, les tissus quelconques, à mailles, de pure soie.

e. Traité.

Deux parties principales composeront le neuvième traité ; la première renfermera la description des opérations relatives à la fabrication des Tapis de la Savonnerie, de ceux de Turquie, &c. La seconde offrira les résultats de toutes les opérations, & l’exposé des procédés qu’entraîne la fabrication des Tapisseries de haute & basse lisse, des Gobelins & autres.

Souvent les mécaniques, outils & ustensiles, sont les mêmes pour les opérations semblables sur des matières différentes ; souvent aussi ils ne se ressemblent en rien, ou ils ne diffèrent qu’en des parties qui sont à noter, ou ils tendent tellement à se rapprocher, qu’un coup d’œil suffit pour acquérir le tact de la similitude & de la disparité des uns avec les autres. Suivant les cas, ils se trouveront, après avoir été indiqués dans le texte, renvoyés à l’explication des planches qui suivra constamment chaque partie à laquelle ces planches sont relatives, ou ils seront traités sous leur mot propre ; telles les Lisses, les Cannettes, les Navettes, les Peignes, &c. dont la fabrication fait autant d’Arts distincts, ou bien leur courte description devra s’adapter & se trouvera jointe à celle du procédé qui s’opère par leur moyen.

On donnera aussi au mot Ourdissage les idées générales de cette opération ; mais dans tous les cas où l’on se trouvera obligé de traiter séparément quelque partie que ce soit, des renvois exacts indiqueront toujours à quoi elle appartiendra, & où l’on devra la rapporter. Nous serons aussi concis qu’il est possible de l’être, sans nuire à la clarté qu’exige une suite de procédés liés sans interruption ; & pour ne rien laisser à desirer, quant à la méthode qui donne tant de facilité dans l’acquisition des connoissances par les relations qu’elle établit entr’elles, nous ferons de chaque traité des divisons ou sommaires présentant au premier coup d’œil le nombre & l’enchaînement des objets dont on doit voir la description.

Autant les matières dont on vient de parler se lient entr’elles, autant même elles sont susceptibles d’un mélange facile, utile, agréable, autant elles sont disparates avec les matières des autres parties que nous avons à traiter, si ce n’est celle de la teinture, également applicable sur les étoffes de toutes les sortes comme sur les peaux & cuirs de toutes les espèces.

La multiplicité des procédés renfermés dans la suite des traités qu’on vient d’annoncer, leur rapport, leur enchaînement, leur liaison, tout confirme le dessein d’en faire un corps aussi séparé des autres, qu’il est complet en soi.

Ainsi, le dictionnaire des manufactures d’étoffes, dans lequel sont compris tous les objets précédemment indiqués, sera terminé par une table alphabétique qui contiendra la suite de tous les termes d’objets ou d’opérations, sur lesquels il n’y aura point de dissertation, & qui ne seront susceptibles que d’une simple définition & de renvois à la matière & au sujet auxquels ils pourront appartenir.

De cette manière, le texte sera dégagé, la marche rapide, & tout ce qui est vraiment curieux ou utile, soit dans l’historique, soit dans la théorie ou la pratique des manufactures, se trouvera renfermé sous le plus petit nombre possible de mots, les seuls nécessaires pour que les choses ne soient point confondues.

Les mêmes raisons de précision & de clarté, déterminent à ne point trop multiplier les renvois du texte aux planches. Un texte continuellement coupé, rend les descriptions traînantes, difficiles à lire, & il en devient rebutant ; mais nous donnerons à leur explication, l’intelligence la plus complette de ces planches.

e DIVISION GÉNÉRALE.
PEAUX et CUIRS, TEINTURE et IMPRESSION, HUILE et SAVONS.
Premier Traité Collectif.
Peaux & Cuirs.

Un apperçu historique sur l’usage des Peaux & Cuirs, commencera cette partie : laquelle, quoique moins étendue que la précédente, en est en même temps si indépendante, qu’elle doit pour l’agrément des curieux, & pour la commodité des artistes, en être séparée : nous diviserons la matière en autant de grandes parties déjà connues sous les noms de Tannerie, Hongroirie, Maroquinerie, Corroyerie, Chamoiserie, Mégisserie, Parcheminerie, & nous ferons suivre l’indication & la description des procédés usités dans ces diverses parties des manufactures, par celles de tous les Arts & Métiers qui résultent de l’emploi quelconque de l’une de ces matières, à quelque préparation qu’elle ait été assujettie, à quelque opération qu’elle ait été soumise, tels que ceux du Pelletier-Foureur, du Peaussier-Culotier, Gantier, Chagrinier, Boyaudier, Ceinturonier, Sellier-Bourrelier, & faiseur de fouets, Cordonnier & Bottier, Relieur, & par extension le Blanc de Baleine & les Colles.

e  Traité.
Teinture & Impression.

Depuis long-temps nous sentons le vuide de cette partie, l’une des plus brillantes & qui par-là même est devenue l’un des arts les plus utiles. Nous nous en sommes occupés avec enthousiasme : le prix dont nous rédigeâmes le programe, & dont nous fîmes juge l’Académie des Sciences en 1775, sur l’analyse de l’indigo ; notre lettre du 23 Août 1780, à M. de Couronne, secrétaire principal de l’Académie de Rouen, & dont on trouve un extrait dans le Journal de Physique, Janvier 1781 ; les remarques répandues dans notre Art du fabricant de velours de coton ; d’autres ouvrages particuliers ou publics, prouvent également & notre ardeur pour le progrès de ce bel art & notre désespoir qu’aucun travail n’y ait répondu, & que cette partie, dans un siècle où l’on se vante de tant de lumières, où la Physique & la Chymie ont fait tant de progrès, reste neuve à traiter.

Nous avons l’art de la teinture en laine de M. Hellot, celui de la teinture en soie de M. Maquer ; & nous devons beaucoup à ces Savans pour la peine qu’ils ont bien voulu prendre de rédiger, d’une manière claire & intelligible, la pratique des atteliers de ce genre ; c’est avoir fixé l’état des connoissances, & en avoir répandu l’usage ; c’est avoir mis les Savans & les Artistes mêmes sur la voie de les étendre. Nous avons travaillé dans le même esprit, & fait tous nos efforts pour donner le même degré d’utilité aux procédés de teinture & d’impression sur les matières végétales, lesquels sont une partie essentielle de l’art du fabricant de velours de coton.

Mais tous ces ouvrages ne sont que des arts ; nous n’avons toujours point de traité de teinture ; toujours & par-tout l’ouvrier marche à tâtons ; personne encore n’a allumé le flambeau qui doit l’éclairer. M. le Fileur d’Apligny a fait jaillir quelques étincelles sur la moindre de ses parties ; M. de la Follie seul [1], a montré des vues plus étendues. Qu’on lise son mémoire (Journal de Physique, Novembre 1774) ce sont du moins de brillants éclairs, qui doivent beaucoup ajouter à nos regrets de l’avoir perdu si-tôt.

Nous sommes loin de prétendre jetter un nouveau jour sur la partie de la teinture ; peut être même ne le tenterons nous pas dans cet ouvrage ; mais si quelques vigoureux athlete avoit le courage, & se sentoit la force d’entrer dans la carrière, & qu’il desirât que son travail formât un portique à l’humble édifice que je me propose d’élever, la place que j’assigne à la suite des procédés que je viens d’annoncer, nous en fourniroit les moyens à l’un & à l’autre.

L’art de la teinture est tellement dans l’enfance, que, faute de connoître les propriétés des matières à teindre d’aucun règne, non plus que celles des matières colorantes, ni celles des agens intermédiaires, qui disposent les unes à recevoir & retenir les autres ; ce ne fut jamais qu’en tâtonnant qu’on usa de telle ou telle préparation, de tel ou tel ingrédient, sur telle ou telle matière ; & toute notre pratique, tous nos procédés ne sont encore aujourd’hui que le résultat de ces tâtonnemens. Il s’en suit que tous ces procédés sont décousus, isolés ; qu’on ne fait telle chose, & qu’on n’emploie tel ingrédient sur telle matière, que parce que, de tous les essais qu’on a faits, celui que l’on continue de pratiquer, est celui qui a le mieux réussi. Le pourquoi de chacun de ces procédés reliant toujours à fixer, on ne sauroit établir une doctrine ; il n’y a point de science, & nous sommes réduits, comme les Auteurs que nous avons cités, à dire ce qu’on fait, & comment on le fait.

Aux mots Teindre, Teinture, Teinturerie, Teinturier, à la suite des Dictionnaires des manufactures, Arts & Métiers d’étoffes, & de peaux & cuirs ; après avoir ouvert la carrière par un précis historique sur l’usage des étoffes teintes & les progrès de la teinture, nous diviserons le travail des procédés qui en font l’objet, en quatre parties principales, déterminées par la nature des matières.

  1. En teinture des matières végétales, pour étoffes ou en étoffes.
  2. En teinture des matières animales, pour étoffes ou en étoffes.
  3. En teinture des matières mixtes, pour étoffes ou en étoffes.
  4. En teinture des peaux & cuirs, avec le poil ou sans poil.

Chacune de ces divisions exigera des soudivisions, déterminées par la nature des couleurs primitives ; d’où résultera la série du blanc ou noir, de toutes les couleurs, ou pour mieux dire, de toutes les nuances. des diverses couleurs. En parcourant un pays si désert, des champs si incultes, nous jetterons le plus de vues qu’il nous sera possible sur un objet si vaste ; nous tâcherons de simplifier les procédés, & rendre la pratique de l’art plus facile & plus certaine. La ressource des livres & de leurs auteurs, en matière de teinture, étant à-peu-près nulle, nous nous tournerons du côté des atteliers, nous nous aiderons principalement de la pratique journalière des artistes, de leurs lumières & de leurs conseils ; & notre premier soin envers ceux qui voudront bien concourir avec nous à ce grand œuvre, sera de leur rendre publiquement l’hommage qui leur sera du.

e  Traité.
Huiles & Savons.

L’antique usage des huiles & des savons, le rôle qu’ils ont de tous les temps joués dans le commerce, donneront lieu à une digression qui précédera l’art d’extraire les premiers, & celui de composer les seconds.

Ce troisième traité est d’une étendue beaucoup plus grande que le titre ne semble l’annoncer ; cependant les parties s’en rapprochent si considérablement, qu’il n’est susceptible dans l’ordre du Dictionnaire, que de deux grandes divisions, déterminées par les expressions même de ce titre.

Mais ces divisions, quoique sous le même mot, sont susceptibles de plusieurs soudivisions : par exemple, nous séparerons la fabrication des huiles végétales, de celles des huiles animales ; puisqu’aucune opération n’est commune entr’elles ; nous diviserons encore la fabrication des huiles d’olives, de celle des huiles de graine, quoiqu’elles appartiennent également au règne végétal, & que souvent les unes & les autres soient employées aux mêmes usages ; mais les premières, à beaucoup d’égards, méritent la préférence par leur prix & par les soins particuliers qu’on prend pour les obtenir & les conserver.

Nous diviserons également en deux parties la fabrication des savons, en savon dur, blanc ou marbré, & en savon mou, de quelqu’espèce qu’il soit. On auroit pu placer ces mots avec les traités qui en sont la suite, dans l’ordre alphabétique, au Dictionnaire des manufactures d’étoffes ; mais l’usage indispensable, l’application fréquente des huiles dans la préparation des peaux, leur état gras & visqueux, semblent rapprocher davantage ces deux parties, que, par cette raison, nous réunirons dans le même Dictionnaire.

Les quatre grandes parties dont nous venons d’indiquer le plan, seront complettées par les détails annoncés au prospectus, sur les délégués de l’administration, chargés de surveiller les manufactures & de travailler à leurs progrès, & par ceux relatifs à la jurisprudence qui leur est propre. (Voyez les mots Manufacture, Réglement des manufactures, Inspecteur des Manufactures.)

Nous ne placerons dans le corps de ces deux Dictionnaires, que la suite des mots qui donnent lieu à un traité : à l’égard des termes d’Art, qu’ils indiquent une opération, ou qu’ils donnent Amplement l’idée d’un instrument, d’un ustensile, du lieu, de la circonstance, de la manière de s’en servir ou de l’employer, dès qu’il n’est question que de les définir, de les distinguer & de les expliquer, nous les rejetterons au Vocabulaire des Arts que nous publions, & par lequel nous terminerons chacune des deux grandes parties que nous venons d’exposer. Ce Vocabulaire sera proprement une table raisonnée, dont nous ne saurions donner l’idée que par un exemple : on le trouvera au mot Attelier, où, donnant la Signification propre de ce terme, celle de plusieurs autres mots par lesquels on confond communément les choses, se trouve naturellement amenée.

Peu de mots seront traités avec une pareille étendue, parce qu’il en est peu qui offrent un abus aussi fréquent des termes, & qui donnent des choses, des idées aussi fausses : c’est d’ailleurs au Vocabulaire universel que doivent particulièrement se trouver tous les termes, & où l’on fera sentir les nuances de tous les synonymes.

Le desir de présenter à l’esprit la gradation d’idées qui se tiennent, & de faire un ensemble d’objets qui ont un grand rapport, bien plus que la briéveté du temps par la vaste carrière que je parcours, m’a engagé de serrer cette suite de traité, & d’en détacher beaucoup moins de parties que la forme d’un Dictionnaire ne semble le comporter. Il a pu être plus facile à d’autres d’éparpiller leurs matières : celles que je traite ne m’ont pas paru également susceptibles d’une dispersion dont l’idée séduit quelquefois l’Etre qui veut s’amuser, & dont l’aspect rebute toujours celui qui cherche à s’instruire.

Au reste, nous ne pouvons nous dissimuler, & la réflexion est applicable à tout ouvrage sur les Arts, que, quelque effort que nous ayons fait pour être au courant de toutes les parties il en est sans doute qui auront fait de nouveaux progrès au moment où leurs descriptions seront mises au jour ; mais celles que nous donnons auront du moins le mérite d’indiquer exactement l’état des Arts à l’instant où elles ont été faites, & peut-être de répandre quelques idées neuves sur plusieurs d’entr’eux.

Après avoir exposé le plan de mon travail, qu’il me soit permis de dire un mot des moyens que j’ai imaginés, des ressources que j’ai eues, des obstacles que j’ai rencontrés, des raisons qui m’ont soutenu ; je crois cet exposé succin et nécessaire pour la justification d’une entreprise aussi vaste, pour l’hommage à rendre à ceux qui m’ont aidé, & peut être encore pour l’encouragement de ceux qui, dans pareille circonstance, auroient à vaincre autant de difficultés.

Trente années de recherches suivies, de travaux opiniâtres, d’expériences répétées, de voyages dans tous les lieux où j’ai cru trouver l’instruction, de comparaison en toutes choses relatives à ma partie de dépenses qui m’obligeaient à sacrifier tout ce qui lui étoit étranger, ne m’ont pas donné la confiance de remplir une carrière qu’on pourroit sans doute parcourir avec plus de savoir, mais que personne au monde, que je sache, ne se fût ouverte avec autant de zèle & d’ardeur.

J’ai cherché à connoître tous les artistes à qui j’ai présumé du talent, je les ai cultivés, j’ai été jusqu’à exercer leur art sous leur direction, & l’on trouvera le nom du petit nombre de ceux qui se sont prêtés à me donner quelques renseignemens aux articles où j’ai fait usage de ce qu’ils m’ont communiqué. Je me suis rappelé mes connoissances en France & à l’étranger, j’ai par-tout cherché à en augmenter le nombre ; j’ai renouvellé mes correspondances, je les ai étendues, multipliées ; j’ai par-tout & à tout le monde demandé des instructions sur tous les objets que j’avois à traiter. Aux uns, j’ai envoyé des listes très-détaillées de questions ; aux autres, j’ai adressé des mémoires faits, des traités rédigés, avec prière de m’indiquer les corrections, les augmentations à faire ; à la plupart, j’ai demandé & redemandé de nouveaux éclaircissemens. Ici, je n’ai eu que des réponses vagues ; là, sur dix questions, à peine a-t-on satisfait à une ; ce que j’avois demandé à Berlin, il m’a fallu le demander à Londres, & faire passer à Rome les questions que j’avois faites à Paris.

Je me suis adressé fur-tout à beaucoup de mes confrères ; tous ne m’ont pas également secondés ; définitivement, j’ai obtenu un mémoire abrégé sur la fabrication du Point, mais dont l’envoi a été très-honnête & l’on ne sauroit plus obligeant de la part de M. Brunet d’Alençon ; beaucoup de choses relatives au blanchiment des toiles, à la fabrication des Dentelles, des Points, des Linons, &c. de la part d’une personne qu’il me coûte singulièrement de ne pas nommer, mais qui exige de moi cette réserve, dont je me dédommage par l’aveu reconnoissant de ce que je lui dois ; des détails intéressans sur la Draperie, dont je ferai à cet article un hommage plus particulier à M. de Lo, de Sedan ; un mémoire sur les Tapisseries, qui m’a été communiqué par M. de Chateau Favier d’Aubusson, avec l’empressement de la confraternité ; enfin des notices sur les manufactures de la Champagne, par M. Taillardat de Sainte-Gemme.

L’Encyclopédie, colosse sans proportion, compilation indigeste, où les Arts mécaniques sont traités avec une inexpérience dont aucun autre ouvrage ne donne l’idée ; l’Encyclopédie m’a occasionné un travail prodigieux, toujours sec, aride, dégoûtant & toujours sans fruit ; si quelquefois je me suis laissé aller à copier quelques-unes de ses phrases, c’est que je croyois abréger ; mais la nécessité de les éclaircir, sans pouvoir toujours leur ôter la sécheresse & la dureté, a constamment augmenté mon travail & l’a rendu plus pénible.

Un ministre qui réunit aux grandes vues, aux talens de l’homme d’Etat, ce goût sage, cette appréciation juste qui font chérir les connoissances, distinguer & protéger ceux qui les cultivent pour le bien que les unes & les autres peuvent faire à l’humanité, & parce que les connoissances ajoutent au mérite d’un grand homme, & que les Savans sont utiles à sa gloire, M. de Vergennes avoit manifesté l’intention de favoriser les coopérateurs de la nouvelle Encyclopédie ; il offrait tous les secours qui étoient en sa puissance, jusqu’à faire ouvrir le dépôt des affaires étrangères à ceux qui espéreroient y puiser quelques instructions ; malheureusement je n’y pouvois rien trouver pour la partie dont je m’étois chargé : mais je dois, à M. de Montaran, Intendant du Commerce, des mémoires sur les toiles & toileries de plusieurs provinces du royaume ; dont j’ai profité pour le travail que j’offre aujourd’hui au public.

C’est par ces secours que je suis parvenu à mettre fin à mon entreprise ; & au moyen de la lecture, de la traduction, de la comparaison, de l’extrait de tous les ouvrages que j’ai pu me procurer ; au moyen des recherches multipliées dont j’ai donné l’idée, & d’une foule de matériaux ramassés de longue main, revus, corrigés, mis en ordre par un travail opiniâtre.

  1. Car j’avoue que la conclusion de M. Opoix est pour moi chose occulte. (Journal de Physique 1776.)