Encyclopédie méthodique/Physique/ALLIAGE

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ALLIAGE des métaux, c’eſt le mélange & la combinaiſon avec un ou pluſieurs autres métaux ou avec des demi-métaux. L’alliage peut être ſimple ou compoſé ; ſimple, ſi on mêle un métal avec un autre, un métal avec un demi-métal, ou deux demi-métaux enſemble ; compoſé, lorſqu’on mêlera trois ou quatre, ou cinq, &c. métaux ou demi-métaux ſoit entr’eux, ſoit les uns avec les autres ; en général, lorſqu’on combinera plus de deux ſubſtances métalliques. Sous ce rapport, on voit combien cette partie de la ſcience peut devenir étendue & intéreſſante, & combien de nouvelles propriétés on découvrirait ſi on avoit exécuté ee plan ; car, par l’alliage, les matières métalliques perdent certaines propriétés & en acquièrent de nouvelles dont pluſieurs peuvent être très-utiles pour les arts. Non-ſeulement on peut former différens alliages de la manière qu’on vient d’expoſer, en mêlant entre elles diverses ſubſtances, mais encore en les combinant ſelon diverſes proportions ; ainſi un mélange d’or & d’argent, par exemple, peut être fait par parties égales, une partie d’or & une d’argent ; mais encore 20 parties d’or avec 19 parties d’argent, ou avec 18, 17, 16 & ainſi de ſuite en diminuant ; ou bien on peut employer 20 parties d’argent & les combiner avec la ſuite décroiſſante des nombres 18, 17, 16, 15, &c. ou bien 21 parties d’or avec 19 parties d’argent, & réciproquement ; 22 parties contre 18, 23 avee 17, 24 avec 16, & ainſi proportionnellement pour les autres nombres. On auroit alors de nouveaux réſultats ou au moins de nouveaux degrés, de nouvelles nuances des propriétés trouvées par la première méthode.

L’alliage des métaux eſt très-uſité dans les arts ; il y a de l’alliage dans l’or & dans l’argent qu’on emploie dans les monnoies, dans l’orfévrerie afin de donner plus de dureté aux ouvrages de ces ſortes de genres ; ces métaux ainſi alliés, acquièrent encore plus de ductilité. Il en eſt de même des alliages uſités dans les autres arts.

L’alliage des métaux en général leur communique les propriétés ſuivantes ;

1o. La dureté. Si les monnoies d’or, d’argent ou de cuivre ne contenoient pas un peu d’alliage, elles réſiſteraient moins au frottement, & auraient trop de molleſſe. Les vaſes qui compoſent les vaiſſelles d’or ou d’argent, les ouvrages qui ſont du reſſort de l’orfévrerie, ceux qui ſont gravés ou ciſelés, ne conſerveraient pas long-temps leurs formes, & leurs ornemens, si l’alliage ne leur donnoit un certain degré de dureté. Les ouvrages où entrent les autres métaux, & demi-métaux deviennent auſſi en général plus durs par l’alliage, plus ſuſceptibles d’être travaillés, & conſéquemment on leur donne un plus beau poli. Le cuivre, par exemple, rend l’or & l’argent plus durs & plus élaſtiques. Le cuivre jaune allié avec l’étain, avec le zinc, forme un compoſé plus dur que le fer, & très-élastique.

2o. L’élaſticité. L’expérience prouve que l’alliage augmente l’élaſticité des métaux. Une ſonnette d’argent a bien plus de reſſort & donne plus de ſon, lorſqu’on a fait entrer de l’alliage dans ſa compoſition. Il en eſt de même des groſſes cloches, & en général de tous les inſtrumens de muſique qui ſont faits avec des ſubſtances métalliques. La dureté de l’alliage donne, augmente le reſſort des parties, & rend faciles & plus régulières leurs vibrations, & conſéquemment le corps métallique devient plus ſonore. (Voyez Son). L’étain, par exemple, qui eſt très-mou & fort peu ſonore, mêlé avec le cuivre en proportion convenable, rend ce dernier métal plus dur & plus ſonore.

3o. Une plus grande fuſibilité. Des métaux mélangés deviennent plus fuſibles ; l’alliage fait qu’ils fondent à un degré de feu moins grand que celui qu’exige un des deux métaux alliés, & même quelquefois que chacun des métaux ſimples, ce qui eſt un grand avantage. Une des preuves les plus convaincantes qu’on puiſſe apporter de cette vérité eſt l’expérience ſuivante qu’on doit à M. Darce. Si on fait un mélange de huit parties de Biſmuth, de cinq parties de plomb & de trois parties d’étain, & qu’on plonge cet alliage non-ſeulement dans l’eau bouillante, mais même au bain-marie, on le voit se fondre & devenir coulant comme du mercure.

Le zinc, par exemple, qui s’allie avec toutes les matières métalliques, excepté le biſmuth, rend plus fuſibles toutes celles qui éprouvent plus de difficultés à ſe fondre que lui. Le biſmuth qui s’unit avec tous les métaux & demi-métaux, excepté avec le zinc & l’arſenic, facilite également la fuſion des ſubſtances métalliques auxquelles on l’allie. Une plus grande dureté n’eſt donc pas incompatible avec une plus grande fuſibilité. Voyez Soudure.

4o. Une ductilité moins grande. Par l’alliage, les métaux ſont rendus plus durs & plus ſonores ; ils ſont donc moins mous & conſéquemment moins ductiles : auſſi dans l’art du tireur & du batteur d’or, choiſi-t-on l’or & l’argent les plus purs, où il y ait le moins d’alliage ou de parties hétérogènes poſſibles, afin que la ductilité ſoit la plus grande.

Il y a cependant des exceptions à cette règle, car ſi on allie de la calamine avec le cuivre rouge, on a un métal mixte qu’on nomme cuivre jaune & qui esſ plus ductile que le cuivre rouge. Il y en a qui prétendent qu’un peu d’alliage rend l’or & l’argent plus ductiles, mais qu’il les rend moins ductiles ſi on n’obſerve les plus grands ménagemens.

5o. Une peſanteur ſpécifique plus ou moins grande. La pénétration réciproque des parties étant plus ou moins grande, la combinaiſon mutuelle étant plus ou moins grande ; les affinités, les attractions, les points de contact étant divers ſelon les circonſtances. Les exemples ſuivans démontrent cette vérité.

Le cuivre allié à l’étain a la peſanteur ſpécifique plus grande que celle qui devroit réſulter de leurs peſanteurs particulières : il en eſt de même de l’alliage de l’argent, du cuivre & de l’étain ; de celui de l’or, de l’argent & du plomb ; de celui de l’or, de l’argent, du cuivre, du plomb & du zinc ; de celui de l’or, de l’argent, du plomb, du régule d’antimoine & du biſmuth.

L’alliage de l’or & de l’étain a une peſanteur ſpécifique moindre que la proportion du mélange ne ſembleroit l’annoncer. On doit en dire autant de celui du fer avec le biſmuth ; de celui du cuivre ou de l’étain avec le plomb ; de celui du zinc & de l’étain, du fer & du régule d’antimoine.

Mais il arrive auſſi que dans pluſieurs circonſtances les métaux alliés enſemble ont une peſanteur ſpécifique moyenne entre elles des peſanteurs ſpécifiques particulières : tel eſt, par exemple, l’alliage du cuivre & du biſmuth. Voyez Pesanteur spécifique & Hydrostatique.

Afin qu’on aie des notions plus préciſes des peſanteurs ſpécifiques, nous allons donner quelques réſultats particuliers ſur cet objet. Il ſera auparavant à propos de jeter un coup-d’œil ſur l’article Cohérence, dans lequel on trouvera une table ſur la peſanteur ſpécifique des métaux & demi-métaux ; celle qui ſuit en eſt une ſuite : nous l’avons formée d’après quelques autres de Muſſchenbroeck, pour faire connoître la peſanteur ſpécifique de quelques alliages. On verra que les peſanteurs ſpécifiques des mixtes ſont bien éloignées d’être ce que la proportion des mélanges ſembleroit exiger.

Cuivre de Suède. Or. Gravités spécifiques.
1 partie 
1 partie 11,48077
2 13,920
3 13,950
4 14,2857
5 15,84615
10 17,01754
20 18,760
Cuivre du Japon. Argent. Gravités spécifiques.
1 9,2000
1 9,5652
2 9,4305
2 9,6716
3 9,8281
4 10,0000
5 9,9538
10 9,8605
Argent
Argent. Zinc. Gravités spécifiques.
1 8,8000
1 9,6666
10 
1 9,8780
Argent. Bismuth. Gravités spécifiques.
1 10,7097
1 10,5200
Argent. Plomb. Gravités spécifiques.
1 10,4801
1 11,032
1 10,8317
10 
1 10,4333
Étain de Banca. Antimoine. Gravités spécifiqu.
1 7,0606
1 7,1057
1 7,5346
10 
1 7,3592