Encyclopédie méthodique/Physique/ARBRE DE DIANE

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ARBRE DE DIANE : c’eſt le nom que l’on donne à une eſpèce de criſtallisation en forme de végétation, qui réſulte du mélange du mercure & d’une diſſolution d’argent par l’acide nitreux étendu dans l’eau. On a donné à cette criſtallisation le nom d’arbre, parce qu’on la voit naître & augmenter ſucceſſivement par un arrangement des parties en forme d’arbriſſeaux plus ou moins rameux. L’argent ayant été appelé par les anciens lune ou diane, on a nommé arbre de diane cette eſpèce de végétation métallique. Il y a pluſieurs eſpèces d’arbres de diane, voici les principales.

I. M. Lémeri à qui on doit ce premier procédé, preſcrit de prendre une once d’argent fin, de le faire diſſoudre dans une ſuffiſante quantité d’eſprit de nitre, bien pur & médiocrement fort ; de mêler enſuite cette diſſolution d’argent dans un matras ou dans un bocal, avec environ vingt onces d’eau diſtillée ; d’y ajouter deux onces de mercure, & de laiſſer enfin le tout en repos. Au bout de quarante jours, on trouvera ſur le mercure une eſpèce d’arbre d’argent qui ſe ſera formé ſucceſſivement ; on y remarquera des branches qui imiteront une végétation naturelle par leurs différentes ramifications, terminées par des boules qui préſentent l’apparence de fruit. Cette méthode eſt bonne, mais elle eſt fort longue. Voyez la figure 59.

II. M. Homberg a trouvé un procédé bien plus court que le précédent ; car la formation de l’arbre n’exige que l’eſpace de quelques minutes, quand la diſſolution a été préalablement faite. Elle conſiſte à faire une amalgame à froid de quatre gros d’argent fin en limaille, ou mieux encore en feuilles avec deux gros de mercure ; à diſſoudre cette amalgame dans quatre onces d’eſprit de nître pur & médiocrement fort ; & à étendre enſuite cette diſſolution dans environ une livre & demie d’eau diſtillée. Après cela on agitera le mélange, qu’on conſervera au beſoin dans un flacon de criſtal bouché.

Quand on veut ſe ſervir de ce mélange pour avoir un arbre de diane, on en verſe environ une once dans un gobelet de verre à pied, ou dans une petite bouteille ; on y ajoute gros comme un pois d’une amalgame d’or ou d’argent qui ait la conſiſtance du beurre : au bout de deux ou trois minutes, on commencera à voir de petites flammes fixées à la boule d’amalgame qui eſt au fond du verre, qui augmenteront à vue d’œil, en jetant des branches de côté & d’autre en forme de petits arbriſſeaux ; mais on n’y appercevra point de petites boules ſemblables à des eſpèces de fruits, comme dans le précédent. La figure de cet arbre de diane extemporanée eſt repréſenté à la figure 60.

L’explication des phénomènes que préſentent les différentes eſpèces d’arbres de diane, eſt fondée ſur l’affinité, & ſur la précipitation chymiques. Voyez ces mots. Le mercure ayant plus d’affinité que l’argent avec l’acide nitreux, contraint ce métal à ſe ſéparer de cet acide & à tomber en précipité. Mais les parties de l’argent doivent prendre, à meſure qu’elles ſe précipitent, un arrangement qui préſente par l’acceſſion de nouvelles parties qui ſe ſuccèdent, une apparence de végétation. Car les premières particules d’argent qui ſe précipitent par l’affinité qu’elles ont avec le mercure, ſe portent plutôt vers la petite portion d’amalgame qu’on a miſe au fond du vaſe où doit s’élever l’arbre, que de tout autre côté ; & c’eſt encore par un effet de cette affinité ou attraction, que les nouvelles particules d’argent qui continuent à ſe précipiter, viennent ſe joindre ſucceſſivemement aux premières déjà adhérentes à l’amalgame, plutôt que de ſe porter vers tout autre endroit du vaſe ou de la liqueur dans lequel l’attraction eſt moins forte ; de ſorte que la criſtallisation ou végétation métallique, appelée arbre de diane, dépend de la précipitation chimique, & de l’affinité qu’ont entr’elles les parties intégrantes d’une même ſubſtance ou de deux ſubſtances analogues.

Le procédé de M. Baumé conſiſte à mêler ſix gros de diſſolution d’argent, & quatre gros de diſſolution de mercure par l’acide nitrique, & toutes deux bien ſaturées, d’ajouter à ces liqueurs cinq onces d’eau diſtillée, & de les verſer dans un vaſe de terre ſur ſix gros d’une amalgame faite avec ſept parties de mercure & une partie d’argent, cette méthode & celle de Homberg réuſſiſſent avec plus de promptitude que celle de Lémeri, par l’action réciproque & le rapport qui exiſte entre les matières métalliques. En effet, le mercure contenu dans la diſſolution, attire celui de l’amalgame ; l’argent contenu dans cette dernière, dit M. de Fourcroy, agit auſſi ſur celui qui eſt tenu en diſſolution, & il réſulte de ces attractions, une précipitation plus prompte de l’argent. Le mercure qui fait partie de l’amalgame étant plus abondant qu’il ne ſeroit néceſſaire pour précipiter l’argent de la diſſolution, produit encore un troiſième effet, celui d’attirer l’argent par l’affinité, & la tendance qu’il a à ſe combiner avec ce métal ; il s’y combine effectivement, puiſque les végétations de l’arbre de diane ne ſont qu’une véritable amalgame caſſante & criſtalliſée.

L’argent, l’acide nitreux & l’eau, employés dans cette expérience, doivent être très-purs, parce que ſans cette condition, les ſubſtances hétérogènes qui y ſeroient contenues, pourroient précipiter l’argent qui ne doit l’être que par l’intermède du mercure pour le ſuccès de l’expérience.

On a ſoin d’étendre la diſſolution d’argent dans une grande quantité d’eau, en compoſant le mélange, 1o. afin, dit Maquer, d’éviter la formation des cristaux de lune, qui pourroit avoir lieu ſi la diſſolution étoit trop concentrée ; car ces cristaux ſont une criſtalliſation d’argent dans l’état ſalin, bien différente de l’arbre de diane qu’on cherche à obtenir ; 2o. parce que si la diſſolution d’argent étoit concentrée, les parties intégrantes de l’argent ſeroient précipitées en trop grande quantité & trop vîte : ce qui leur ôteroit la liberté de s’appliquer régulièrement les unes aux autres, & les forceroit à tomber confuſément comme un précipité informe. 3o. L’acide nitreux doit être ſaturé d’argent avant de l’étendre dans l’eau ; ſans quoi il faudroit que la partie libre de l’acide commençât à ſe ſaturer d’argent ou de mercure, avant que la précipitation pût avoir lieu, ce qui allongeroit d’autant plus l’expérience, que la diſſolution auroit plus d’excès d’acide.

Nous remarquerons encore avec le chimiſte que nous venons de citer, que dans les précipitations de l’argent, dans les deux expériences précédentes, ce métal reparoît avec toute ſa forme naturelle & tout ſon brillant métallique, parce qu’il eſt précipité de l’acide qui le tenoit en diſſolution par l’intermède d’un autre métal, effet général qui a lieu pour tous les métaux dans les mêmes circonſtances ; tandis qu’au contraire les métaux paroiſſent toujours ſous la forme de chaux ou d’un précipité terreux ou ſalin, qui n’a aucune apparence métallique, lorſqu’ils ſont précipités par un autre intermède que par un métal. C’eſt ce qu’on obſerve dans l’expérience ſuivante.

III. Faites diſſoudre une once d’argent de coupelle, avec trois onces d’eau forte dans une phiole, ou un petit matras qu’on mettra ſur le ſable & à un feu modéré, juſqu’à réduction de moitié ; après avoir ajouté trois onces de bon vinaigre diſtillé un peu chauffé & remué le mélange, on le laiſſera repoſer pendant un mois environ ; & on y verra une criſtalliſation qui repréſentera un ſapin, dont le haut ira jusqu’à la ſurface de la liqueur. Ce procédé qui eſt encore de M. Lémeri, exige un mois pour ſon effet complet.

IV. Voici une autre manière de faire un arbre de diane qu’on doit à M. Homberg. Prenez, dit ce ſavant académicien, quatre onces de petits cailloux tranſparens, tels qu’on en trouve ordinairement dans le ſable ſur le bord des rivières. Après les avoir fait rougir dans un creuſet, & les avoir éteints dans l’eau froide deux ou trois fois, pilez-les fort menu, & les mêlez exactement avec douze onces de ſel de tartre : fondez-les à grand feu, & les laiſſez refroidir, & il en réſultera une maſſe vitrifiée, qui, pilée & miſe à la cave ſur une table de marbre un peu inclinée, s’y diſſoudra en huile par défaillance, qu’on conſervera pour l’uſage, dans une phiole.

D’un autre côté, faites diſſoudre un métal quelconque dans de l’acide nitreux, vulgairement connu ſous le nom d’eau forte, ou dans l’eau régale ; & évaporez le diſſolvant juſqu’à ſiccité ; & vous obtiendrez une maſſe griſe, verte ou brune, suivant l’eſpèce de métal.

Pour avoir ce nouvel arbre de diane, on prendra de cette maſſe métallique, un petit morceau gros comme un petit pois, & on le mettra dans l’eſpèce d’huile de tartre par défaillance. Environ trois ou quatre minutes après on verra ſortir du petit morceau métallique, une corne de la groſſeur d’un petit brin de paille, laquelle s’élèvera peu à peu, ſans groſſir davantage, & jetera de côté une ou deux branches qui ſeront terminées, auſſi bien que le tout, par une petite huile d’air, comme dans la figure 61.

V. Faites un amalgame à froid d’une partie d’or ou d’argent fin, & de trois ou quatre parties de mercure purifié par cinq ou ſix ſublimations différentes ; mettez-le dans un matras que vous ſcellerez enſuite hermétiquement, en une digestion un peu forte, pendant quinze jours. L’amalgame ſe durcira, & ſur toute ſa ſurface, il s’élèvera des ramifications de la hauteur de 6 à douze lignes, ſelon la quantité de l’amalgame, & ſelon les degrés de feu qu’on lui donnera. Pour le ſuccès de cette expérience, il faut qu’il n’y ait ni trop, ni trop peu de chaleur, ou de mercure dans l’amalgame, & que le métal ſoit fermé hermétiquement. Cet arbre eſt encore dû à M. Homberg. Tome X des mem. de l’acad. pag. 172, &c.