Encyclopédie moderne/ou Bibliothèque, 2e éd., 1841/Académie (philosophie ancienne)

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ACADÉMIE. (Philosophie ancienne.) On distingue trois académies : la première ott l’ancienne , fondée par lé philosophe tlaton ; la seconde ou la tnoyenne, par Areésilas ; et Ill trol- •ième ou la nouvelle, par Carnéades : télle est la divlsioil généralement adoptée. QUelqUt1t- uns ajoutent une quafrièml !

et une cinquième académiellux 

trois que nous venons d’indiquer ; l’une instituée pàr thilon, et l’autre par Ailtioehus. · Première àcadêmie. ta prèmière atadéttiié eut pour fondateur Platon , dont l’école eut beaucollp de célébrité de sou vivant, et jeta un ~ànd éclat Apt~ si blort par le nombre et le mérite de ses disciples. Yoye% Pi.AToïm : iENS. Sèconde àcadémîe. Arcésilas , aulèur de la seconde académie, s’écarta étl quetqnlis points de la doctrine de Platon : Je fond de son système était de Hti den atfir :uier , de do11ter de tout , de eontredire dans la dispute tout ce qu’on avançait, soutenant ce qui paralssait le plus probable ou vraisembiabfe. Il ne voulut pas même admettre cette proposition de Socrate : Je ne sais autre chose sinon que je ne sais rien, observant qu’on pouvait faire contte cette maxime l’objection sui- "ante : L’homme peut donc savoir quelque chose, s’il sait seulem.ent qu’il ne sail rien. Arcésilas prétendait que nous ne savons pas même si nous ne savons rien ; qu’il n’y a rien de certain ; que la nature ne nous a donné aucune règle de vérité ; que les sens et l’entendement humain ne peuvent rien saisir de vrai ; qu’en to~tes choses il se trouvait des raisons opposées d’une torce égale ; qu’aucune chose n’était plus vraie ni même pius vraisemblable qu’une autre ; que tout étai6 environné de ténèbres ; et qu’en eonséquence on ne devait rien approuver, ni rien affirmer’ et qu’il fallait toujours suspendre son jugement. Ainsi, jamais il n’exposait son propre sentiment, ne ’oulant pas même qu’oa en eût : et si quelqu’un voulait déclarer le sien, il fe combattait avec beaucoup d’adresse et de subtilité. Quoique Arcésilas ne rt>jetât pas le titre d’académicien, c’était réellement , à quelques nuances près, un véritable sceptique. Toutefois on peut dire qu’il rétablit le doute Socratique, et c ;est ce qui lui mérita le titre de réformateur de la première académie .. Areesilas , qui , lorsqu’il s’agissait de philosopher , ne convenait pas qu’une chose fût plus véritable qu’une autre, suivait ce qui lui paraissait avoir le plus de probabilité lorsqu’il était question de la conduite de la vie. Comme il fallait adopter, à cet égard , des règles.qui ne peuvent être établies sans un criterium, ou marque du vrai ACA et du faux , propre à indiquer le bonheur qui est le but de la vie humaine , il prétendait que c’est à la probabilité de ’diriger Je choix de ce que nous devons rechercher ou éviter ; ainsi le bonheur est Je fruit de la prudence, qui consiste à se conduire avec droiture , c’est-à-dire de manière que nos actions puissent être justifiées par un motif probable. Troilième académie. Carnéades , fondateur de la troisième académie, fut, comme Arcésilas, zélé partisan de la su5pension du jugement : cependant il lui donna moins d’étendue et en restreignit l’usage, conve~ant quïl y avait des vérités, mais soutenant qu’on ne pouvait en avoir la certitude, et qu’il fallait suspendre son jugement. Cepen• dant, comme en plusieurs circonstances on est obligé de se déterminer et d’agir, n croyait qu’alors la probabilité devait suffire. Il permettait donc au sage d’opiner, c’est-à-dire d’affirmer ses sentiments d’après des motifs de probabilité, les seuls qu’il fût en son pouvoir d’acquérir. Mais quant à la certitude, il prétendait qu’elle ne pouvait être le partage d’un être aussi faible, aussi borné que l’homme. Ainsi, selon Carnéades, tout est incertain ; la vérité n’a point un caractère immuable qui serve à la faire conuaitre ; les perceptions, pour ce qui regarde les objets qui les produisent et qu’elles représentent, sont vraies ou fausses ; elles annoncent la vérité ou elles trompent. Mais la vérité, reste dans les choses mêmes qui n’entrent point dans notre esprit ; nous· n’en avons qu’une image ou ressemblance, qui d’ordinaire est trompeuse ; nous ne connaissons aucune marque qui nous ~~de à distinguer les perceptions vraies des fausses ; nous ne pouvons en saisir ni tenir aucune pour vraie. U en est cependant qui peuvent paraltrc vraies et être jugées probables, parce que l’apparence de la probabilité existe ; mais nous n’a.ons aucune marque de la certitude, c’est-à -dire que les perceptions vraies, en entrant dans notre esprit , ne sont distinguées par aucune marque si particulière et si sàre qu’en la saisissant nous puissions dire, cette perception est vraie ; cependant quelques-unes nous touchent et nous affectent tellement que nous les tenons pour probables et les jugeons plus vraies que d’autres. Dans Je cours de la vie , pour ne pas rester dans l’inaction , il faudra faire usage de ces perceptions probables, à défaut de la certitude. De même, par rapport aux notions, aux dogmes et à tout ce que nous concevons ou énonçons , on doit penser qu’il n’y a rien qui soit certain ou plus que propable. Tel est Je sommaire de la doctrine de Carnéades. Carnéades ne penchait pas pour Je système du fatalisme adopté par les stoïciens ; il professait an contraire la doctrine de la tiberté autant qu’un académ !cien pouvait l’admettre. • Ce philosophe, dit Cicéron(~), faisait consister cette liberté dans un mouvement volontaire de l’âme, dont elle est la cause. » Mais ce mouvement est-il spontané ou réfiéchi ? c’est sur quoi Cicéron garde le silence. Par une conséquence de ses principes, Carnéades ne considérait pas la loi naturelle comme une règle fixe et immuable : il n’y trouvait .pas plus de certitude que dans les o~jets purement spéculaLifs ; à l’entendre, il n’y a point (t) De falo, tt.

de justice. S’il y en avait, disait-il, eUe serait fondée ou sur le droit positif ou sur le droit naturel. Or, selon sa doctrine, elle n’est fondée ni sur le droit positif, qui - ;arie selon les temps et les lieux, et que chaque peuple accommode à son avantage ; ni sur le droit naturel, qui n’est autre chose qu’un penchaut que la nature a donné à tous les êtres animés vers ce qui leur est utile ; et l’homme ne peut se régler selon ce penchant sans commettre mille injustices ; d’où il résulte que le droit naturel ne peut être le fondement de la justice. Par exemple, d’après Carnéa- . des, nuire à son semblable, être cause de sa mort, c’est agir contre la justice. Que fera l’homme juste dans un naufrage ?

Si un plus faible que lui s’empare 

d’une planche pour se sauver, ne la lui arrachera-t -il pas pour se sauver lui-même ? Ce sera prudence de sa part, autrement sa perte est assurée ; au contraire, s’il aime mieux périr que de causer la perte de son compagnon , c’est un fou, un insensé. De là Carnéades concluait qu’il n’y a point de justice : car une vertu qui agit contre la prudence et contre la raison ne peut passer pour juste. L’école académique ayant pris une nouvelle direction sous Philon et Antiochos , ce changement les fit regarder comme auteurs d’une quatrième et d’une cinquième académie. Ils adoptèrent successivement un langage plus hypothétique, et se montrèrent médiateurs entre les stoïciens et les sceptiques. Quant à Philon , en continuant à soutenir que les objets réels ne peuvent être connus par cette perception compréhensive que les stoïciens ont érigée en criterium, il admit que de leur nature ils sont susceptibles d’~e connus. Ce philosophe avait remarqué qu’une conséquence peut être vraie , quoiqu’die se rattache à une supposition fausse. Il distinguait trois sortes de vérités : ~ o celles qui sont déduites d’une proposition vraie elle-même dans le fait ; comme, s’il fait jour, on jouit de la lumière ; 2" celles qui sont déduites d’une proposition fausse, mais comme conditionnelle seulement ; par exemple, si la terre vole, la terre elt ailée ; 5° celles enfin dans lesqueUes la conclusion présente non-seulement une vérité hypothétique, mals une vérité réelle , malgré le vice de la supposition ; comme, si la terre vole, elle existe. Philon aurait donc distingué les vérités hypothétiques des vérités de fait , et admis à la fois les unes et les autres. Antiochos, disciple de Philon , se montrant d’abord académicien très-zélé , soutint la doctrine de Carnéades ; mais depuis il changea de sentiment : après avoir établi le doute , il se déclara pour la réalité des connaissances humaines. Antiochos .fit passer dans l’académie quelques dogmes des stoïciens qu’il attribuait à Platon , soutenant que la doctrine de ces philosophes, loin d’être nouvelle, n’était qu’une réforme de l’ancienne académie. Il publia en outre un ouvrage contre Philon son maitre, ou plutôt contre lui-même , puisque cette doctrinequ’il combattait, il l’avait longtemps enseignée et défendue par de savants écrits. En cela il montrait combien les hommes sont éloignés de pouvoir jamais être assurés s’ils peuvent savoir ou non quelque chose de certain. o ; 9 ;tized by De plus , oomme use dklara co~tt~ le scepticisme avec beaucoup d’énergie, Cicéron , sans doute pour cette raison, le dit plus stoicien qu’académicien. Toutefois, ll bien saisir l’esprit de la doctrine d’Antiochos, on y trouvera plutôt un véritable éclectique , faisant consister la réalité des connaissances dans te témoignage des sens, dans telui de la conscience et dans la véra• eité des facultés dè l’entendement. Ainsi cette cinquième académie , dont Utut, dit-on, te fondateur, n’en mé.. rite pas le nom, puisqu’on ne peut la fegarder comme ayant maintenu et enseigné les principes fondamentaux des académiciens ; on n’y retrouve en aucolle manière l’esprit de ces philosophes célèbres, mais bien plutôt celui des dogmatistes. En un mot, ce n1es’ qu’un mélang~ de la doctrine des stoïciens, altérée en plusieurs points, et de celle de l’ancienne académie, à peu près égalemetlt mutilée ou réformée ; ce qui établit entre ces deux doctrines un rapport , une analoglè assez difficile h saisir et plus apJ,jarente que réelle. D’après l’examen du caractère et de l’esprit particulier des différentes tcadémies , on peut conclure contre . . . ’ ceux qu1 en admettent cinq, qu’il n’y en a eu que quatre, plus on moins distinctes. Mu.LoN. Pour plUJ amples éclaircissements sur la doctrine des académiciens, on peut conllllter Diogène Laerce ; SedUJ Empiricus ; Cftl !ton, dans ses Académiq11e1 : saint Augnstio , dans SOD Traitê contre les academt- ~ ; et le P. Valence, dans l’ouvrage qu’il a donué sous le titre d’Academica.