Endehors/***
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— Du courage, Monsieur. Voilà une cigarette, un verre de rhum. Désirez-vous autre chose ?
— Du feu, s’il vous plaît.
— Oui, c’est cela ; fumez, buvez : on va vous couper les cheveux.
— Rafraîchir seulement, j’aimerais mieux.
— Soit, courts derrière, et, sur le front, mèches au vent. Compris. Et maintenant permettez-moi la suprême recommandation : vous allez mourir pour vos écrits, vos opinions, vos actes de révolté, eh bien ! à l’instant fatal, ne résistez pas, laissez-vous faire. D’ailleurs on ne vous bâillonne point, nul ne songe à vous empêcher de confesser votre foi en un vivat protestataire… Vous crierez « Vive… ce que vous voudrez ».
Si le directeur de la Roquette me tenait semblable discours, après telle mésaventure soupçonnable par les temps qui stagnent, peut-être bien en profiterais-je pour lui demander l’âge qu’il a — en tous cas, je ne crierais rien. Non, devant le peuple accouru pour voir si je meurs avec à propos, je n’aurais pas de mots définitifs. Je ne connais point de formule où se peut réfugier l’enthousiasme. Vive la Révolution ! Vive Dieu ! Vive le Roy ! Vive l’Anarchie ! Pourquoi ? Car, en somme, je ne suis sûr de rien, si ce n’est qu’il faut vivre soi-même : vivre en joie, vivre en bataille, se donner si bien au présent que le futur n’importe plus, vivre aux heures belles ou mauvaises… Je vivrais encore une minute à souffler, aux babouines des foules, ma dernière bouffée de cigarette.
Donc, je l’avoue, très candide, la fâcheuse occasion venant, je n’aurais point d’ultimes paroles clamant un espoir tenace. À présent on ne sera plus surpris qu’à la bonne occasion de ce livre je n’aie pas de préface-programme.
— De quoi s’agit-il ?
— Vous verrez bien. C’est la vie qui se déroule, brutale : coups de poing, coups de plume, explosions, coups d’ongle. Faits divers : ce dont on cause, ce dont on rage ou l’on sourit… Tournez les pages.